Son implication dans la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale lui vaut d'être condamné
après la Libération à la dégradation nationale et à dix ans de travaux forcés. Bénéficiant d'une libération conditionnelle après trois ans de travail dans un camp, il passe en Espagne puis s'exile en Argentine. Il y meurt dans le dénuement.
Refusant de prendre la relève de son père, il s'intéresse très tôt à l'art dramatique. Il est reçu au concours d'entrée au Conservatoire de Paris. Second prix de comédie en première année, il quitte le Conservatoire en apprenant qu'il ne pourrait jamais obtenir le premier prix du fait de son engagement militaire[pas clair]. Le music-hall est le seul refuge pour obtenir quelques emplois honorables et subsister, il se retrouve employé dans des petits rôles qui lui permettent de faire ses classes. Il rencontre Marcel Dalio avec qui il court le cachet. Il interprète Molière et Regnard en Belgique.
Il effectue son service en fantassin au 167e régiment d'infanterie situé à Wiesbaden en zone française. Libéré de ses obligations militaires, il reprend quelques tournées en province, interprétant Molière et George Bernard Shaw dans les troupes de Gaston Baty et Louis Jouvet. En 1927, il tourne avec Arletty dans des sketches.
En 1939, durant la « drôle de guerre », il est mobilisé comme conducteur dans une unité de transmissions, il profite de quelques permissions pour retrouver ses amis comédiens à Nice.
Le Vigan fait un détour par Oran pour y rejoindre sa femme avec laquelle il partage dix ans de relation commune. Sans emploi, il regagne Marseille, ville d'où le comédienAlbert Préjean l'avait fait partir pour l'Algérie.
L'armistice signé, il remonte à Paris. Durant l'Occupation, il participe sur Radio-Paris — contrôlée par les Allemands — à une émission-revue : Au rythme du temps, dirigée par le collaborationniste Georges Oltramare, dit « Charles Dieudonné », dans laquelle Le Vigan, avec des comédiens comme Maurice Rémy et des journalistes, joue des saynètes basées sur les actualités[2]. Cette émission lui donne l'occasion de manifester avec bruit sa fougue antisémite, ce qui lui vaut par la suite d'être en tête de la liste noire des comités d'épuration.
Collaborateur notoire, il envoie des lettres de délation à la Gestapo concernant le milieu artistique. Il tourne L'Assassinat du père Noël (1941), film de Christian-Jaque, et rédige une lettre dans laquelle il mentionne sa grande joie d'avoir collaboré à cette réalisation, produite par Alfred Greven pour la Continental (compagnie à capitaux allemands), ce qui lui sera reproché lors de son procès. Il tourne aussi dans Romance de Paris et interprète « Goupi Tonkin » dans Goupi Mains Rouges.
Durant l'Occupation, on retrouve Le Vigan parmi les vedettes régulièrement invitées à l'antenne de la chaîne de télévision allemande Fernsehsender Paris[3].
À son retour en France, l'acteur est incarcéré à la prison de Fresnes et condamné par la Cour de justice de la Seine, en , à la dégradation nationale et à dix ans de travaux forcés, pour faits de collaboration. Lors de son procès, le réalisateur Julien Duvivier, ainsi que les acteurs Louis Jouvet, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault tentent de le sauver en le décrivant irresponsable. Duvivier déclare ainsi : « Je ne puis dire que je le considère comme un homme parfaitement normal. Il est susceptible de subir des entraînements que rien de sensé ne peut justifier ». C'est ce que plaide aussi son avocat, Me Pierre Charpentier, s'appuyant sur le rapport d'un médecin aliéniste[5],[6],[7].
Libéré sous condition en 1948, il choisit l'exil. Il gagne l'Espagne, puis l'Argentine où il tourne encore dans quelques films, en 1951 et 1952. Il s'y remarie le avec Olympe Bellemer.
Il vit ensuite dans la misère. Il meurt en Argentine le 12 octobre 1972, à 72 ans. Il avait renoncé à tout retour en France, au point que François Truffaut, le contactant à la fin des années 1960 pour le réhabiliter comme comédien, n'avait pu le soustraire à sa retraite. Le Vigan bénéficiait pourtant d'une amnistie, depuis 1958, mais il ne voulait pas rentrer en France, car il redoutait des représailles, mais surtout que le « métier », c'est-à-dire les cinéastes, metteurs en scènes, etc. ne veuille plus de lui, et il pensait qu'il ne retrouverait pas de rôles importants.
À propos de Robert Le Vigan, Jean Tulard a écrit « qu'il ne s'était jamais remis d'avoir incarné Jésus dans le film Golgotha de Duvivier »[8] et aussi : « On s'accorde, les passions apaisées, à reconnaître l'immensité de son talent »[9].
↑ ab et cActe n°152 (vue 5/31), registre des naissances du 18e arrondissement pour l'année 1900, Paris-Archives (avec mentions marginales des unions).
↑Pascal Ory, Les Collaborateurs, Paris, éd. du Seuil, coll. « Points/Histoire », 1976 (ISBN2-02-005427-2), p. 80.
↑Emmanuel Lemieux, « On l'appelait Télé-Paris », L'Histoire secrète des débuts de la télévision française (1936-1946), éditions L'Archipel, Paris, 2013, p. 153 (ISBN2809811296).
↑« L'acteur Le Vigan comparaît demain en cour de justice », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Le Vigan devant ses juges », Le Monde, (lire en ligne).
↑« Le procès de Le Vigan ou le paradoxe de l'accusé », Le Monde, (lire en ligne).
↑Jean Tulard, Guide des films (F-O), éditions Bouquins - Robert Laffont, 2002, p. 1312 : « Le Vigan ne se remit pas d'avoir tenu ce rôle. »
↑Jean Tulard, Dictionnaire du cinéma : Les acteurs, 2001, éditions Robert Laffont, p. 647 : « À l'écran, il était capable d'être le Christ (Golgotha) ou Mazarin (Jérôme Perreau), un marin contestataire (Les Mutinés de l'Elseneur) ou un dictateur sud-américain (Ernest le rebelle). […] On s'accorde, les passions apaisées, à reconnaître l'immensité de son talent. »
↑Il tourna une scène du film avant que son rôle ne soit repris par Pierre Renoir.
Robert Le Vigan, la cavale d'un maudit de Bertrand Tessier, produit par California Prod, Canal + et TV5 Monde, 2021 - Sélection officielle Festival international du film d'histoire de Pessac.