Spécialité | Gériatrie |
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CIM-10 | M62.5 |
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CIM-9 | 728.2 |
MeSH | D055948 |
La sarcopénie est un syndrome gériatrique se caractérisant dans un premier temps par une diminution des capacités musculaires due à l'âge et qui en s’aggravant sera à l’origine d’une détérioration de la force musculaire et des performances physiques[1]. La sarcopénie observée chez la personne âgée est imputable au processus de vieillissement mais peut être accélérée par des facteurs pathologiques et comportementaux tels que la dénutrition et la sédentarité[2].
L’avancée en âge s’accompagne d’une modification de la composition corporelle. On constate une augmentation de masse grasse et une diminution de masse maigre (masse osseuse, organes, tissu musculaire). Le terme « sarcopénie » a initialement été défini par Irwin Rosenberg en 1989 pour désigner la diminution de la masse musculaire squelettique au cours du vieillissement. Ce mot provient du grec sarx pour « chair » et penia pour « manque ». Depuis 1989 la définition purement quantitative a évolué pour intégrer les notions de force et de qualité musculaire. En 2010, un groupe de travail européen sur la sarcopénie des populations âgées (European Working Group on Sarcopenia in Older People) a travaillé sur l’établissement d’une définition consensuelle de la sarcopénie. Il a insisté sur la nécessité de prendre en compte à la fois la perte de masse et la perte de fonction musculaire : ainsi la sarcopénie se définit maintenant comme la diminution de la masse et de la force musculaire, associées à une baisse des performances physiques[1].
Ce groupe suggère d’utiliser trois degrés conceptuels :
En 2019, le même groupe a actualisé son schéma de diagnostic de la sarcopénie (voir paragraphe diagnostic) [3].
La sarcopénie est à l’origine d’une détérioration générale de l’état physique se traduisant par une augmentation du risque de chutes, une incapacité progressive à effectuer des gestes du quotidien, une perte d’autonomie et conduit fatalement à une augmentation du taux de morbidité et de la mortalité[4],[5]. À ce titre, la sarcopénie est maintenant reconnue comme étant un facteur central dans la physiopathologie du syndrome de fragilité chez la personne âgée[6] et favorise l’entrée dans la dépendance. La sarcopénie est majorée par la dénutrition, fréquente chez les personnes âgées hospitalisées. Il s’ensuit des altérations de la marche, une augmentation du risque de chutes et d’invalidité[7], une vulnérabilité aux traumatismes, des altérations métaboliques (diabète de type 2)[8] etc..., d’où une dégradation de la qualité de vie et une augmentation des dépenses de santé[9],[10],[11].
Pour ce qui est des conséquences économiques, il est maintenant bien documenté que la sarcopénie augmente les complications infectieuses, la durée moyenne de séjour à l’hôpital de 4 jours, le pourcentage de réadmission de 20 % et les besoins de soins de réadaptation[12]. En France, le coût direct lié à la fragilité, dont la sarcopénie est la composante majeure, a été estimé à 1200 € par personne fragile et par an[9], soit un coût total estimé à plus de 2,4 milliards d’euros. En Europe, il a été estimé que l’existence d’une sarcopénie augmente les coûts d’une hospitalisation de plus de 50 %[10]. Aux Etats-Unis, la sarcopénie affecte environ 18 millions de personnes à un degré plus ou moins avancé avec un coût moyen de 18,5 milliards de $US en 2000[11] soit 1,5 % des dépenses de santé (lié à un nombre de visites médicales plus important, une augmentation et complexification des traitements médicamenteux, de nombreuses comorbidités comme l’ostéoporose, etc. soit plus de 1000 $US par individu atteint et par an[13].
La sarcopénie affecte toutes les personnes âgées y compris celles considérées en bonne santé[14] et les individus ayant gardé une activité sportive[15]. Différentes études estiment que 25 % des personnes de plus de 70 ans et 40 % des plus de 80 ans seraient sarcopéniques[16],[17]. Par ailleurs, la sarcopénie est un facteur de risque post opératoire en général et en particulier dans la prise en charge en chirurgie oncologique. De multiples études ont montré, d'une part, une augmentation de la morbi-mortalité post opératoire dans la plupart des cancers d'origine digestive, urologique et gynécologiques[18],[19],[20],[21]. La plupart des études, faites de façon rétrospective, ne prennent pas en compte les données sur la force musculaire et les performances physiques, ce qui peut diminuer l'impact de la sarcopénie dans les résultats en incluant des patients avec une faible masse musculaire mais sans retentissement musculaire. En effet Simonsen et al. (2018)[22] a montré une augmentation du risque relatif de 1,4 à 2,7 selon qu'on ne considère que la masse musculaire (calculé grâce au scanner) ou si l'on inclut l'étude de la force musculaire et des performances physiques.
Dès 30 ans, on observe une dégénérescence musculaire de 3 à 8 % par décennie. Le tissu musculaire est remplacé par la masse grasse et cette perte s’accélère à partir de 50 ans[23]. En effet, la masse musculaire décline approximativement de 1 à 2 % par an passé l’âge de 50 ans tandis que la force décline en moyenne de 1,5 % par an entre 50 et 60 ans (-15 %), puis au rythme de 3 % par an, soit une perte de 30 % par décennie après 60 ans[24].
La diminution de la masse musculaire avec l’avancée en âge s’explique essentiellement par la perte de fibres musculaires qui touche à la fois les fibres de type I et II. Alors qu’une diminution de 5 % du nombre de fibres est observée entre 24 et 50 ans, une réduction de 30 à 40 % est rapportée entre 50 et 80 ans[25]. Néanmoins, l’atrophie des fibres musculaires, c’est-à-dire la diminution de leur diamètre, est également incriminée pour expliquer la diminution de la masse musculaire liée à l’âge[26]. Cette atrophie n’affecte pas de manière similaire tous les types de fibres musculaires. Ce sont les fibres de type II, dites « de contraction rapide », qui sont les plus affectées par l’avancée en âge[27].
L’une des principales explications à l’atrophie des fibres musculaires des populations âgées est l’altération de la synthèse des protéines musculaires avec l’âge[28].
La sarcopénie est un phénomène multifactoriel complexe. L’atrophie musculaire liée à l’âge résulte d’une part de la perte de cellules musculaires (myocyte) et d’autre part de la perte de protéines myofibrillaires. La taille du muscle dépend de la quantité de protéines totales du muscle et résulte donc d’un équilibre entre les vitesse et quantité de protéines synthétisées et les vitesses et quantité de protéines dégradées. Or chez la personne âgée, cet équilibre est rompu par une altération du renouvellement protéique. La masse musculaire dépend également de l’équilibre entre les processus d’apoptose et de régénération cellulaire. Certaines données suggèrent d’ailleurs qu’une augmentation de l’apoptose cellulaire pourrait jouer un rôle majeur durant le vieillissement musculaire [29],[30].
De multiples facteurs, interdépendants, participent au développement et à la progression de la sarcopénie. Ces facteurs contribuent, à des degrés variés, à la perte de masse et de force musculaires :
Une étude de 2019, dirigée par France Piétri-Rouxel et Sestina Falcone, identifie la protéine CaVβ1E, normalement exprimée dans le muscle embryonnaire et réexprimée en cas d'atteinte du nerf périphérique. Elle active le facteur de croissance ou de différenciation cellulaire GDF5 (en) qui prévient alors l’atrophie du muscle. Ce mécanisme réparateur perd de son efficacité avec le vieillissement. Une surexpression de cette protéine permet, sur modèle murin, de récupérer plus de masse musculaire et de force, ce qui laisse présager des perspectives thérapeutiques face à la sarcopénie[40],[41].
En 2010, le groupe de travail européen sur la sarcopénie des populations âgées (European Working Group on Sarcopenia in Older People) a donné une première définition et un schéma de diagnostic de la sarcopénie. Depuis 2019, il propose une adaptation de ce schéma (figure 1), basée sur les caractéristiques cliniques associées à la sarcopénie.
C’est une méthode de diagnostic simple, ne nécessitant pas de gros appareillages. Ce diagnostic repose sur un arbre décisionnel en 4 étapes :
La première étape de ce diagnostic consiste à identifier les patients pour lesquels une sarcopénie est suspectée, soit par un examen clinique, basée sur l’expérience clinique du médecin, soit par le questionnaire SARC-F, un questionnaire en 5 questions. L’utilisation d’instruments de mesure n’étant pas toujours possible, surtout en cabinet de ville, le questionnaire SARC-F a été mis en place pour permettre un diagnostic rapide et facile de la sarcopénie. Un score supérieur ou égal à 4 doit faire supposer la présence d’une sarcopénie (ou dystrophie musculaire liée à l’âge) et doit donc entraîner un diagnostic plus approfondi. A contrario, si le score est inférieur ou égal à 3, le patient est diagnostiqué « non sarcopénique » mais des tests seront à refaire régulièrement.
Il s’agit d’une évaluation de la force musculaire faite par le biais de plusieurs indicateurs : soit la mesure de la force de préhension à l’aide d’un dynamomètre (mesure reproductible et fiable), soit un test de levée de chaise (se lever 5 fois de sa chaise en un temps chronométré). La force musculaire est faible lorsque la force de préhension est inférieure à 27 kg chez l’homme ou à 16 kg chez la femme ou bien lorsque 5 levés de chaise sont effectués en plus de 15 secondes.
À l’issue de cette évaluation, 2 solutions sont possibles : si la force musculaire est diagnostiquée comme faible alors l’individu est un « sarcopénique probable », et cela suffit pour mettre en place un traitement et pour chercher les causes de cette sarcopénie. En cas de force musculaire normale, l’individu n’est pas sarcopénique mais devra être régulièrement contrôlé.
Chez les patients probablement sarcopéniques, l’évaluation de la qualité et de la quantité musculaire par des mesures de composition corporelle ou des techniques d’imageries médicales permettront de confirmer la présence de la sarcopénie. La composition corporelle peut être évaluée par absorptiométrie biphotonique (DEXA) ou par impédancemétrie. Il s’agit de mesurer la masse squelettique appendiculaire (MSA), c’est-à-dire la masse musculaire des membres supérieurs et inférieurs, ou l’indice de MSA (IMSA = MSA/taille2). La sarcopénie est confirmée lorsque la MSA est inférieure à 20 kg chez l’homme et 15 kg chez la femme ou lorsque l’IMSA est inférieur à 7 kg/m2 chez l’homme et 5,5 kg/m2 chez la femme. Si la sarcopénie n’est pas confirmée, les causes de sa force musculaire altérée seront étudiées et le patient sera suivi.
Chez les patients pour lesquels une sarcopénie est confirmée, cette quatrième étape permet d’évaluer la gravité de la sarcopénie par des tests de fonctionnalité musculaire :
Distance (4 mètres) / le temps de parcours (secondes).
La circonférence et l’épaisseur du pli cutané de la partie médiane du bras sont utilisées pour estimer la masse musculaire dans le cadre ambulatoire. Il n’y a pas de valeurs seuils définies en raison d’une trop grande variabilité individuelle. L’évolution des valeurs mesurées peut toutefois être un indicateur de sarcopénie.
La circonférence du mollet est positivement corrélée avec la masse musculaire. Lorsque cette circonférence est inférieure à 31 cm, elle est un indicateur de sarcopénie[42].
Cependant, ces mesures ne permettent pas de diagnostiquer la sarcopénie grâce à des valeurs seuils en raison des importantes variabilités individuelles. Elles peuvent toutefois permettre d’observer une évolution de la masse musculaire chez un patient. Finalement, peu d’études considèrent les mesures anthropométriques comme pertinentes chez les personnes âgées[43].
La bioimpédancemétrie (BIA) permet d’estimer le rapport entre masse grasse et masse maigre. Cette technique est peu coûteuse, facile d’usage et appropriée à la fois pour les patients ambulatoires et alités. Des valeurs de référence ont été établies pour des populations d’hommes et de femmes. Janssen a utilisé un indice de masse musculaire correspondant à la masse musculaire mesurée par BIA (kg) divisé par la masse (kg) multiplié par cent. L’indice était ensuite ajusté à la taille et au tissu non squelettique (graisse-organe-os)[8]. Janssen établit des valeurs seuils de sarcopénie modérée avec la méthode BIA à 5,76 pour les femmes et à 8,51 pour les hommes[44].
L’ostéodensitométrie (DEXA en anglais) est une technique d’imagerie médicale permettant notamment d’analyser la composition corporelle. En 1998, Baumgartner définit la sarcopénie comme étant une diminution de deux écarts-type de la masse musculaire squelettique des membres, telle que mesurée par DEXA, divisée par la taille au carré chez des sujets âgés par rapport à la moyenne de ce rapport chez des personnes de moins de 30 ans en bonne santé participant à l’étude qu’il a menée[45]. Baumgartner[16] et Melton[46] ont publié des valeurs seuils pour le diagnostic de la sarcopénie par DEXA : 5,45 kg·m-2 pour les femmes et 7,26 kg·m-2 pour les hommes. Cette méthode est assez coûteuse et est trop complexe à mettre en œuvre pour effectuer des tests de routine.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de mesurer la masse musculaire ainsi que d’évaluer la qualité musculaire en calculant l’infiltration de la graisse dans le muscle. Cependant l’IRM est une méthode coûteuse non indiquée de façon systématique pour étudier la masse musculaire. Cette méthode est utilisée en recherche clinique.
La tomographie par ordinateur (en anglais : CT scan) est un système très précis permettant de différencier la masse grasse des autres tissus de l’organisme. Elle est l’une des techniques de référence dans la recherche. Cependant c’est une méthode très coûteuse. En général, l'évaluation se fait par calcul de l'aire musculaire, en coupe axiale, au niveau de la troisième vertèbre lombaire, sur deux coupes successives. La densité musculaire est comprise en -29 et +150 UH (unité Hounsfield). Il existe de multiples seuils selon le genre et les ethnies. Les seuils utilisés comme référence dans la population blanche sont :
La force de préhension de la main mesurée par la méthode du Hand grip reflète la force maximale dérivée de la contraction combinée des muscles intrinsèques et extrinsèques de la main conduisant à la flexion des articulations de la main. La mesure de la force de préhension maximale mesurée avec un dynamomètre a été initialement développée pour déterminer la capacité de la main après une chirurgie[48]. En raison de sa faisabilité et de la pertinence des résultats obtenus, la mesure de la force de préhension est rapidement apparue en recherche clinique[1]. En effet, il a été démontré que la force de préhension est corrélée à la force musculaire des membres inférieurs (couple de force musculaire des extenseurs du genou, muscles du mollet)[48]. Une faible force de préhension maximale est ainsi considérée comme un marqueur clinique traduisant une faible mobilité[49]. Comme la force de préhension est corrélée avec un grand nombre d’indicateurs de la sarcopénie, sa mesure est actuellement considérée comme un moyen rapide et efficace d’estimer la condition physique d’une population âgée. Laurentani établit des valeurs seuils prédictives de sarcopénie par mesure de la force de préhension : inférieures à 20 kg pour les femmes et inférieures à 30 kg pour les hommes[49].
On la mesure généralement comme la force appliquée au niveau de la cheville chez un patient assis maintenant l’angle cuisse-mollet à 90 degrés[50].
Cette technique est adaptée en recherche clinique mais son utilisation en pratique clinique est limitée par la nécessité d’un équipement spécial et d’une formation du personnel.
Les tests de performance physique fournissent des données pratiques permettant de situer facilement l’individu dans des normes et de mettre en place un suivi longitudinal[1].
L’ensemble de ces tests permet d’évaluer l’équilibre, la marche, la force et l’endurance en examinant les capacités de l’individu à se tenir debout les pieds côte à côte, en décalé et l’un devant l’autre, à effectuer une marche sur 8 pas et à se lever et s’asseoir 5 fois d’affilée[51]. Chaque épreuve permet d’obtenir un score de performance. L’addition des scores de tous les tests permet d’obtenir un score de performance globale. Un score inférieur à 8 indique une sarcopénie[52].
Les tests de vitesse de marche sont habituellement réalisés sur 4 ou 6 m. Le seuil de détection de la sarcopénie est : une vitesse est inférieure à 1 m/s sur une distance de 6 m ou une vitesse inférieure à 0,8 m/s sur une distance de 4 m[53].
Le TUG est un test permettant de mesurer le temps nécessaire pour effectuer une série de tâches motrices basiques. Le patient doit se lever d’une chaise, marcher sur une distance de 3 mètres, faire demi-tour et revenir s’assoir. Il permet une évaluation de l’équilibre dynamique[54].
Cette méthode permet d’estimer cliniquement la puissance des membres inférieurs. Le patient doit effectuer la montée de 10 marches le plus rapidement possible. La puissance des membres inférieurs est ensuite calculée par rapport à la hauteur des marches, la vitesse de montée et normalisée avec le poids du sujet[55].
Le groupe de travail européen a établi une méthode de diagnostic de la sarcopénie (figure 2) intégrant les trois paramètres de sa définition, à savoir la masse musculaire, la force musculaire et la performance physique, dans le but de fournir un outil utilisable en pratique clinique et en routine[1].
Deux types d’activité physique sont à distinguer :
Chez des sujets âgés, des exercices en force contre résistance pratiqués à faible intensité, 40 % de la force maximale, 3 fois par semaine pendant 12 semaines, augmentent la force des muscles extenseurs du genou et l’épaisseur des muscles[56]. Une méta-analyse de 2003[57] portant sur 66 essais et près de 4 000 personnes âgées a montré que les exercices en force contre résistance avaient un effet positif sur la force musculaire. Même si les exercices en force contre résistance de faible intensité sont moins efficaces que ceux de forte intensité, ils sont souvent préférés car plus facilement adaptables aux capacités physiques des personnes âgées.
Un entrainement en endurance (20 à 40 minutes, quatre fois par semaine, pendant quatre mois) chez des hommes de plus de 60 ans favorise la synthèse protéique musculaire [58].
Pour lutter contre ou prévenir la sarcopénie, il est indispensable de pratiquer une activité physique régulière et adaptée alliant des exercices en endurance et des exercices en force : ceci permettra de ralentir le phénomène de vieillissement musculaire, d’améliorer la fatigue, l’équilibre, de prévenir les chutes et d'améliorer la qualité de vie. Cependant, l'activité physique, bien qu'indispensable, ne suffit pas. Une bonne hygiène de vie doit également être suivie : nutrition, sommeil...
En 2018, une équipe canadienne a mis en évidence chez des seniors sarcopéniques que l'association d'un entrainement physique (3 séances hebdomadaires de 30 minutes de vélo elliptique) avec la consommation de L-citrulline est plus efficace pour augmenter la force musculaire et la fonction musculaire que l’entrainement physique sans association avec la citrulline [59]. En 2019, cette même équipe a approfondi son analyse et a conclu que l'association de l'entrainement physique et la consommation de L-citrulline était plus bénéfique aux personnes qui consomment moins de 1g/kg/j de protéines que chez celles consommant plus de 1g/kg/j de protéines [60].
Différentes études ont montré que chez le sujet âgé :
La citrulline est un acide aminé n’entrant pas dans la composition des protéines, dont l’intérêt dans la sarcopénie liée à l’âge vient du fait qu’il est le seul acide aminé à ne pas être capté par le foie, ce qui lui permet d’échapper à l’extraction splanchnique. La citrulline a un pouvoir stimulant sur la voie mTOR[67]. Ainsi, un apport chronique de L-citrulline permet une augmentation de la masse maigre de l’ordre de 8 % (et en particulier une augmentation de la masse musculaire de l’ordre de 25 %), associée à une diminution de la masse grasse cutanée (-14 %) et intra-abdominale (-42 %)[68]. Chez l’Homme, la consommation de L-citrulline est très bien tolérée (jusqu’à 15 g par jour) et induit de manière dose-dépendante une augmentation du bilan azoté (+57 %)[68],[69]. Les auteurs de ces travaux préconisent la dose de 10 g en utilisation clinique, en tant qu’adjuvant des traitements de la dénutrition et de la sarcopénie par exemple. Des résultats similaires ont été obtenus chez l'adulte âgé[70]. Une étude chez le volontaire sain soumis pendant 3 jours à un régime hypoprotéique montre qu’une complémentation en citrulline induit une augmentation de 25 % de la vitesse de la synthèse protéique musculaire[32]. Pour des raisons méthodologiques, la citrullinémie de ces sujets devait être stable. Elle était comprise entre 800 et 1 000 µM. La pharmacocinétique indique que pour obtenir une telle citrullinémie, une dose de 3,5 g de citrulline doit être ingérée. Chez des personnes âgées dénutries hospitalisées, un essai clinique randomisé en double aveugle montre qu'une complémentation en citrulline de 10 g par jour pendant 21 jours permet d'augmenter de 5 à 10 % la masse musculaire [71] et d’améliorer les performances physiques (Amélioration des performances physiques en EHPAD). Dans le même sens, chez des seniors de plus de 60 ans sarcopéniques (et obèses), 10 g de L-citrulline par jour pendant 3 mois, associés à un entrainement physique, est plus efficace pour augmenter la force musculaire et la fonction musculaire que l’entrainement physique sans association avec la citrulline [72]. Et dans une population de seniors plus hétérogènes, il a aussi été démontré que cette association entrainement physique et citrulline était plus bénéfique aux personnes qui consomment moins de 1g/kg/j de protéines que chez celles consommant plus de 1g/kg/j de protéines [73]. Cependant un essai sur des adultes en bonne santé n'a pas donné d'effet positif[74].
Parmi les acides aminés, les acides aminés à chaîne ramifiée, et en particulier la leucine, jouent un rôle primordial dans la synthèse des protéines musculaires. La leucine stimule la protéosynthèse musculaire par son action sur la voie mTOR[75]. Des études réalisées chez l’animal[76] et chez l’homme[77] suggèrent qu’une complémentation en leucine au moment du repas permet d’augmenter la synthèse protéique musculaire. Chez les personnes âgées l’effet stimulant de la leucine sur la synthèse protéique musculaire est limité en raison de l’augmentation de la séquestration splanchnique. Une étude chez le rat a montré que l’extraction splanchnique de la leucine est doublée chez les rats âgés[65]. Ainsi, plusieurs études, dont des méta-analyses, montrent que chez les personnes âgées, un enrichissement en leucine sur le long terme ne permet pas d’augmenter la force ou la fonction musculaire [78] ,[79],[80]
La vitesse d’absorption des protéines peut jouer un rôle important dans le biodisponibilité postprandiale des acides aminés et donc avoir une incidence sur la stimulation de la synthèse protéique musculaire[81]. Dans ce contexte, plus l’apparition des acides aminés dans le sang est massive et rapide, plus l’aire splanchnique a des chances d’être saturée. Une étude a montré que chez le sujet âgé l’ingestion de protéines rapides (telle que les protéines du lactosérum) permet un meilleur gain protéique post-prandial que l’ingestion de protéines lentes (telle que la caséine), à l’inverse de ce qui est observé chez le sujet jeune[82]. Cependant, des études montrent qu’une complémentation en protéines rapides chez des personnes âgées augmente la synthèse protéique musculaire [83] mais il n’y a pas d’augmentation de la force ou de la fonction musculaire.
Par ailleurs, des travaux de Claire Vinel, de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, à Toulouse, permettent d'envisager l'utilisation de l'Apeline — une hormone produite par le muscle en contraction — comme outil diagnostique et comme solution thérapeutique. Des essais cliniques seront menés dès 2019 pour en évaluer l’efficacité[84].
La vitamine D n’a pas montré d’efficacité sur la sarcopénie mais sur la réduction (de 19 à 23 %) du nombre de chutes liées à la faiblesse musculaire chez les personnes de plus de 65 ans [85]. Il est conseillé chez les personnes âgées de consommer 800 à 1 000 UI de vitamine D3 par jour (soit 20 µg), en pratique, cela peut être une dose de 100 000 UI tous les 3 mois) de façon à maintenir un bon niveau de vitamine D. Ceci est important car il est maintenant connu que la concentration sanguine de vitamine D est positivement associée à la vitesse de marche [86]. Cependant, une méta-analyse regroupant 15 études indique qu’une complémentation en vitamine D ne permet pas d’augmenter la force musculaire [87].