Simon Baron-Cohen est connu pour ses travaux sur l'autisme, notamment sa première théorie que l'autisme comporte, à divers degrés, une cécité ou un retard dans le développement de la théorie de l'esprit, et sa théorie ultérieure que l'autisme est une forme extrême du « cerveau masculin », qui entraîne une re-conceptualisation des différences psychologiques entre les sexes en termes d'empathie et de systématisation. Cette théorie a été confirmée par l'auteur en via une étude portant sur un peu plus de 670 000 personnes au Royaume-Uni[1]. Il a été anobli par la Reine d'Angleterre Elisabeth II pendant les honneurs de 2021 et a reçu un titre de chevalier (Sir).
Simon Baron-Cohen a quatre frères et sœurs : Ash Baron Cohen(en), Dan Baron Cohen(en), Suzannah Baron Cohen, Aliza Baron Cohen. Il est le père de trois enfants dont l'ainé est le réalisateur de films Sam Baron[2].
Dans le cadre de la fin de ses études au University College London sous la supervision de Uta Frith, Simon Baron-Cohen est coauteur de la première étude démontrant que les enfants autistes ont des retards dans le développement de la théorie de l'esprit[4].
Ses recherches au cours des dix années suivantes ont ajouté de nombreux éléments de preuve à cette théorie, qui se traduisent dans deux ouvrages (Understanding Other Minds 1993 et 2000).
Son groupe de recherche a lié l'origine du déficit à un trouble de l'attention conjointe (Brit J. Psychol Dev, 1987) et a démontré que l'absence d'attention conjointe à l'âge de dix-huit mois est un prédicteur de l'autisme (Brit. J. Psychiatry, 1992, 1996). En se fondant sur ces constatations et d'autres, il a proposé un modèle de développement de la « cognition sociale » dans sa monographie (Mindblindness 1995), ouvrage largement cité. Baron-Cohen a également effectué des travaux d'imagerie cérébrale sur les cerveaux des autistes. Ces études ont fait ressortir des différences entre les participants typiques et les autistes dans le cortex orbito-frontal[5] et l'amygdale (Euro. J. Neuroscience, 1999), ce qui a conduit à la théorie amygdalienne de l'autisme (Neurosci. Behav. Rev. 2000).
À la fin des années 1990, Simon Baron-Cohen a formulé l'hypothèse que les différences de sexe peuvent fournir une compréhension neurobiologique et psychologique de l'autisme. La théorie propose que l'autisme est un cas extrême du cerveau masculin (J. Neurosci Cog, 1997 ; TICS, 2002). Cela a conduit à situer la théorie de l'esprit dans le domaine plus large de l'empathie et à l'élaboration d'une nouvelle construction, la notion de systémisation. La théorie du cerveau hypermasculin (extreme male brain, EMB) conçoit l'autisme comme s'inscrivant dans un continuum au sein de la population générale. Baron-Cohen propose que la cause de l'autisme au niveau biologique serait une hyper-masculinisation. Cette hypothèse postule que certaines caractéristiques de l'autisme (« obsessions », comportements répétitifs, auparavant considérées comme « sans objet ») sont téléologiques : ce sont des signes d'une hyper-systémisation — d'une autre manière de penser. Il a écrit un livre pour le public sur le sujet des différences de sexe et leur lien avec l'autisme (The Essential Difference 2003).
Simon Baron-Cohen a lancé le Cambridge Longitudinal Foetal Testosterone (FT) Project, un programme de recherche suivant des enfants de mères qui avaient subi une amniocentèse. Cette approche visait à étudier les effets des différences individuelles de testostérone dans le développement de l'enfant[6]. Cette analyse a montré que la testostérone fœtale est corrélée négativement avec le développement social et la langue et est positivement corrélée avec le souci du détail et un certain nombre de traits autistiques[7]. Son travail l'a conduit à tester l'hyper-masculinisation dans l'autisme au niveau psychométrique et dans la neurobiologie du développement (Science, 2005). Le rôle de la testostérone fœtale dans l'autisme reste encore à déterminer dans les cas cliniques, mais a reçu un certain appui de la découverte récente par le laboratoire de Baron-Cohen de gènes liés aux androgènes associés à des traits autistiques, à l'empathie et au syndrome d'Asperger[7].
Simon Baron-Cohen a développé un logiciel pour l'éducation à la théorie de l'esprit[8] et une série d'animation visant à enseigner aux enfants autistes à reconnaître et à comprendre les émotions (The transporters(en))[9] qui ont été validés scientifiquement comme favorisant l'apprentissage émotionnel et social dans l'autisme. Le travail de Baron-Cohen a été adapté à l'intervention clinique dans un ouvrage (Apprendre aux enfants autistes à comprendre la pensée des autres 1997).
Simon Baron-Cohen a travaillé sur un autre sujet : la synesthésie, un phénomène neurologique dans lequel une sensation au travers d'une modalité (par exemple, de l'ouïe) déclenche une perception via une autre modalité (par exemple, la vue). Ses collègues et lui ont été les premiers à développer le test de l'authenticité (Perception, 1987) et suggèrent que la synesthésie est le résultat d'une rupture de la modularité (Perception, 1993). D'autres travaux ont confirmé l'existence de la synesthésie en utilisant la neuro-imagerie (Brain, 1995) et ont établi qu'il s'agit d'un « état » héréditaire[10].
En est publiée une étude qu'il a co-dirigée, à propos du développement prénatal du cerveau des personnes autistes[11]. Ses résultats suggèrent que le développement cérébral des embryons autistes se distingue de celui des embryons non-autistes dès le 9e jour de la gestation, en particulier pour ce qui concerne le développement des rosettes neuronales (qui ne se développent pas, ou sont plus petites chez les embryons autistes)[12].
Simon Baron-Cohen plaide, lors de l’International Meeting for Autism Research en 2015, pour re-nommer l'entité clinique décrite comme « Trouble du spectre de l'autisme » (en anglais autism spectrum disorder) en « Condition du spectre de l'autisme » (en anglais : autism spectrum condition), de manière que le fonctionnement autistique ne soit plus pathologisé comme étant un « trouble » source de souffrances, il précise à ce propos qu'« il est peut-être temps de prendre en considération l'effet émotionnel et social du langage conventionnel utilisé pour décrire l'autisme »[13].
En , il défend le concept de neurodiversité, et déclare que « tous les types de cerveaux sont normaux », durant une interview accordée au Guardian[14]. En 2020, commentant les résultats de son étude du développement cérébral des embryons autistes, il déclare que « la recherche fondamentale sur les différences entre l'autisme et le cerveau typique au stade prénatal ne vise [pas] à prévenir, éradiquer ou guérir l'autisme […] nos valeurs sont claires : nous nous opposons à l'eugénisme et nous valorisons la neurodiversité »[11].
Simon Baron-Cohen (trad. de l'anglais par Jacqueline Nadel, François Lefebvre), La Cécité mentale : un essai sur l'autisme et la théorie de l'esprit [« Mindblindness : an essay on autism and theory of mind »], Presses universitaires de Grenoble, coll. « Sciences et technologies de la connaissance », , 171 p. (ISBN978-2-7061-0810-5).
Patricia Howlin, Simon Baron-Cohen, Julie Hadwin (trad. de l'anglais par Emmanuelle Chambres, Patrick Chambres), Apprendre aux enfants autistes à comprendre la pensée des autres [« Teaching Children with Autism to Mind-Read: A Practical Guide for Teachers and Parents »], Bruxelles, De Boeck, coll. « Questions de personne », , 316 p. (ISBN978-2-8041-3755-7).
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