Simon Marmion, né en 1425 près d'Amiens et mort le 24 ou à Valenciennes, est un peintre et enlumineur français. Il vécut et travailla dans les Pays-Bas bourguignons, essentiellement à Valenciennes (où il se fixa à partir de 1458), Amiens et Tournai. Son œuvre poursuit et conclut l’art des primitifs flamands.
Comme beaucoup de peintres de son temps, Simon Marmion appartient à une famille d'artistes. Son père, Jean, est cité comme peintre dans les archives d’Amiens en 1426, 1427, 1444 et 1449. Son frère, Mille, peint des ystoires à l’hôtel-de-ville d’Amiens en 1465 et est reçu maître à la guilde des peintres de Tournai en 1469. Selon Jean Lemaire de Belges[1], l'une de ses filles, Marie, est enlumineresse.
Simon Marmion est mentionné à Amiens de 1449 à 1454. Il y exécute divers travaux de décoration et peint, en 1454, un Retable du Calvaire pour la salle de justice de l’hôtel-de-ville. Il fait partie des 34 peintres employés par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, en 1454, pour travailler à Lille aux décors du célèbre Banquet du Faisan.
En 1458, il s'installe à Valenciennes. Jusqu’à sa mort survenue le 24 ou , il est régulièrement cité dans les archives de cette ville.
Il travaille aussi pour la cathédrale de Cambrai. En 1468, il est inscrit comme maître à la guilde des peintres de Tournai (guilde de Saint-Luc). Il est patronné par plusieurs membres de la famille ducale, notamment Charles le Téméraire et Marguerite d'York.
Trois ans après sa mort, sa veuve Jeanne de Quaroube épouse son élève, le peintre Jan Provoost, qui a hérité de l’atelier de son maître.
Simon Marmion est l'un des plus illustres peintres et miniaturistes du nord de la France, et l’un des rares dont le nom ait été célébré puis transmis par ses contemporains. En 1489, Jean Molinet fait son éloge dans une épitaphe en vers écrite au moment de sa mort[2]. En 1506, Jean Lemaire de Belges le qualifie de prince d’enluminure dans son poème La Couronne margaritique. Son nom est abondamment cité dans les sources d’archives, mais la plupart du temps pour des questions matérielles de succession ou de propriété ; aucune des œuvres qui lui est attribuée n’est signée ni documentée.
Entre la fin du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, les historiens d'art ont constitué un ample corpus Marmion sur des bases stylistiques. Un retournement s’opère à partir de 1969, où plusieurs attributions sont contestées - notamment celle du Retable de saint Bertin ; la question d’un atelier est alors posée[3]. En 1990, un colloque organisé par le Getty Museum permet d'éclaircir les nombreux problèmes posés les trente années précédentes, et d'attribuer définitivement à Simon Marmion l'ensemble de ses œuvres, groupées autour du Retable de saint Bertin[4].
L’œuvre peinte la plus importante attribuée à Simon Marmion est le retable commandé en 1455-1459, pour le maître-autel de l’abbaye de saint Bertin à Saint-Omer, par son abbé Guillaume Fillâtre, évêque de Toul puis de Tournai, conseiller de Philippe le Bon. Seuls les deux volets du retable subsistent aujourd'hui ; ils sont dispersés entre la Gemäldegalerie de Berlin (deux panneaux en longueur illustrant des scènes de la vie de saint Bertin) et la National Gallery de Londres (deux panneaux représentant des Anges). La partie centrale, en orfèvrerie, a disparu.
En 1475, Simon Marmion illustre pour la duchesse de Bourgogne Marguerite d'YorkLes Visions du chevalier Tondal (Los Angeles, Getty Museum, Ms. 30) : ce manuscrit, issu d'un texte du XIIe siècle, relate des visions de l’au-delà, ce qui donne l’occasion de scènes spectaculaires autant qu'inédites. Ainsi que les Visions de l'âme de Guy de Thurno (Getty, Ms.31).
Simon Marmion a également peint de nombreux livres d’heures, parmi lesquels :
La Flora (Naples, Biblioteca nazionale Vittorio Emanuele, Ms. I.B.51), qui appartint au roi de France Charles VIII, orné de 22 remarquables miniatures à pleine page[9] ;
un livre conservé à Londres (Victoria and Albert Museum, Ms. XXX), de très petit format mais au décor somptueux. Curieusement, ce manuscrit ne semble pas avoir été destiné à un propriétaire précis : il ne comporte aucune armoiries et les fêtes des saints, inscrites au calendrier, concernent Bruges et tout le nord de la France (à cette époque, un livre d'heures pouvait être acheté tout fait mais il était alors de qualité ordinaire). Une miniature à pleine page (la seule sans bordure) présente une iconographie inhabituelle, d'inspiration visionnaire : le Ciel et l’Enfer sur la page de gauche et le Jugement Dernier sur celle de droite qui lui fait face. Les deux tiers inférieurs montrent un paysage infernal en feu, tandis qu'au-dessus des silhouettes frêles et nues traversent un lac par un pont étroit, alors que dans l'eau des démons essaient de les saisir.
Quatre feuillets isolés d'un livre d'heures, British Libraru, Add.71117 (feuillets A, B, C, J)
ancien bréviaire de Charles le Téméraire, vers 1467-1470, aujourd'hui disparu, seulement deux feuillets subsistant, « Scènes de la vie de saint Denis », Metropolitan Museum of Art (1975.1.2477) et « La Vierge entrant au paradis », collection particulière.
Heures Emerson-White, en collaboration avec le Maître du Livre de prières de Dresde, le Maître des Miniatures de Houghton, les Associés de Gand et d'autres artistes anonymes, avant 1482, Bibliothèque Houghton, Typ.443[10]
L'art de Simon Marmion se caractérise par certains coloris rares autant que délicats (des roses saumon, des verts amande, des bleus ardoise...).
Une attention particulière est apportée aux jeux de lumière, trait typiquement flamand.
Simon Marmion affectionne le cadrage des personnages à mi-corps, utilisé entre autres dans La Flora. L'historien d'art Sixten Ringbom a nommé cette technique le dramatic close-up[11] : une mise en page destinée à rapprocher affectivement la représentation peinte de celui qui la contemple, et à favoriser sa méditation.
(en) Edith Warren Hoffman, « Simon Marmion re-considered », Scriptorium, t. 23, no 2, , p. 243-271 (lire en ligne)
(en) Sandra Hindman, « The Case of Simon Marmion: Attributions & Documents », Zeitschrift Für Kunstgeschichte, vol. 40, nos 3/4, , p. 185–204 (DOI10.2307/1481998)
François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris : Flammarion ; Bibliothèque nationale, 1993, p. 80-89.
Albert Châtelet et Dominique Vanwijnsberghe, « Simon Marmion », dans Valenciennes aux XIVe et XVe siècles. Art et Histoire, Valenciennes : Presses universitaires de Valenciennes, 1996, pp. 151-179 ;
Marc Gil, « Un livre d'heures inédit de l'atelier de Simon Marmion à Valenciennes », dans Revue de l'Art, 1998, no 1, pp. 43-48 ;
(en) James Thorpe, Book of Hours : Illuminations by Simon Marmion, Huntington Library Press, 2000 ;
(en) Scot McKendrick et Thomas Kren, Illuminating the Renaissance : The Triumph of Flemish Manuscript Painting in Europe, Los Angeles, Getty Publications, , 591 p. (ISBN978-0-89236-704-7, lire en ligne), p. 98-116
Bernard Bousmanne et Thierry Delcourt (dir.), Miniatures flamandes : 1404-1482, Bibliothèque nationale de France/Bibliothèque royale de Belgique, , 464 p. (ISBN9782717724998), p. 394-403 (notice de Thomas Kren)
↑Travaux d’Antoine De Schryver, notamment ; ainsi que Sandra Hindman, The Case of Simon Marmion : Attributions & Documents, dans Zeitschrift für Kunstgeschichte, vol. 40, 1977, p. 185-204.
↑(en) Thomas Kren éd., Margaret of York, Simon Marmion and «The Vision of Tondal», Malibu, 1992.
↑(en) T. et S. Kren McKendrick, Illuminating the Renaissance…, p. 98-116.
↑Jacques Guignard, « Un livre d’heures inédit de Charles VIII à la bibliothèque de Naples », dans Bibliothèque de l’École des Chartes, vol. 102, 1941, p. 102-114.