Thierry Michel, né le à Charleroi, est un réalisateur belge de cinéma. Il est essentiellement un cinéaste de documentaires politiques et sociaux. Son bureau, Les Films de la passerelle, est localisé à Liège, où il travaille en collaboration avec Christine Pireaux, son épouse et productrice.
Thierry Michel est né à Charleroi en Belgique. À 16 ans, il engage des études de cinéma à l'Institut des arts de diffusion, à Bruxelles. Il y vit les derniers bruissements de mai 68, prélude à un engagement politique.
Au bassin minier et sidérurgique de son enfance, il réalise ses premiers films documentairesPays Noir, Pays Rouge (qui montre les dernières fêtes de quartier de Charleroi, sa ville natale) et Chronique des saisons d'acier, où les victimes de la crise de la sidérurgie liégeoise s'interrogent sur la récession et le chômage, les restructurations d'usines et le désarroi des travailleurs aux rêves bafoués.
Peu après, alternant documentaires et fictions, il entre une caméra dans les murs d'une prison pour son film Hôtel Particulier en 1985. Des détenus y sont interpellés par une caméra-scalpel, qu'ils cherchent sans cesse à amadouer.
Ensuite, après ces années d'une quête d'identité et d'enracinement régional et politique, Thierry Michel part vers d'autres continents.
Au Maroc il réalise son deuxième long métrage de fiction Issue de Secours, une œuvre située au cœur du désert[1].
À la fin des années 1980, au Brésil, Gosses de Rio et À Fleur de Terre révèlent le quotidien des gosses de rue et des favelas (bidonvilles). Il y découvre la culture noire[Quoi ?], qu'il va approfondir au Zaïre avec Zaïre, le cycle du serpent, un portrait de la nomenclature et des laissés pour compte de la société zaïroise[1]..
Bref retour au pays, il filme un ministre déchu au cœur d'un scandale politico-policier qui ébranle la Belgique (La Grâce perdue d'Alain Van der Biest) puis retourne en Afrique avec le film Somalie, l'Humanitaire s'en va-t-en guerre[3].
Quelques mois plus tard[Quand ?], il repart au Zaïre pour y réaliser le film Les Derniers Colons traitant de l'héritage colonial et la présence blanche dans ce pays après 35 ans d'indépendance[1],[4].
Il tourne Nostalgie post-coloniale, un documentaire sur le rapport historique entre Zaïrois et colons blancs durant les 35 années d'indépendance du Congo/Zaïre suivi de Donka, radioscopie d'un hôpital africain, portrait de l'hôpital de Conakry en Guinée distingué en Europe et aux États-Unis[1].
Après la chute du dictateur zaïrois, Thierry Michel réalise un documentaire historique Mobutu roi du Zaïre.
Après 10 années et sept films réalisés en Afrique[5], Thierry Michel part en République Islamique d'Iran réalisant Iran[3], sous le voile des apparences portrait d'une société fracturée[1].
Thierry Michel remonte ensuite le fleuve Congo[6] puis continue avec Congo River peignant les profondeurs de la forêt équatoriale et du fleuve. La longue remontée du puissant Congo devenant le fil conducteur d’une réflexion sur l’Afrique au plus profond de sa culture et de ses traditions. Une odyssée aventureuse sur une barge itinérante trimbalant gens et animaux, au gré des escales et des imprévus. Seuls les paysages luxuriants, la majesté du fleuve et, surtout, l’énergie vitale du peuple congolais apportent un peu de lumière et de confiance, au-delà des ténèbres.
« Les clés sont les mêmes, ici ou là-bas. Les distances avec l'autre s'abolissent. L'homme est le même partout, les pulsions de vie et de mort s'affrontent de façon identique. Et je n'ai pas fini de chercher. »
En 2009, avec Katanga Business, il raconte le dépeçage de cet Eldorado rongé par la corruption et les magouilles, avec la spoliation économique des colossales richesses minières en cuivre et en cobalt la région, sous le signe de la haute finance et de la mondialisation et l’exploitation des habitants et des creuseurs artisanaux. La caméra dérangeante de Thierry Michel enregistre ce thriller néocolonial et tente de débroussailler ce vaste réseau d’intérêts contradictoires[8].
Parenthèse belge en marge de la longue saga africaine, Métamorphose d’une Gare est le récit, filmé progressivement tout au long d’une décennie, de la construction de la nouvelle gare de Liège-Guillemins, à Liège : un chantier d’une rare envergure, mis en œuvre par l’architecte Santiago Calatrava. Au-delà d’une simple chronique des travaux en cours, Thierry Michel décrypte au jour le jour les écueils et les enthousiasmes d’une telle aventure : les projets visionnaires de Calatrava face au pragmatisme des entreprises, les tensions officielles face à des choix trop innovants, l’artisanat méticuleux des ouvriers face au stress des exigences, le désarroi des riverains face à une gare pharaonique aux alentours encore inachevés.
En 2011, quand le militant congolais des droits de l’Homme Floribert Chebeya est assassiné par la police, Thierry Michel, qui le connait depuis des années, prend sa caméra pour filmer ses funérailles. C’est ensuite le procès militaire qu’il suit pendant de longs mois, seul blanc accrédité à filmer à l’intérieur du tribunal, il en tire le film L’affaire Chebeya, un crime d’État ?[9].
En 2013, il réalise L’irrésistible ascension de MoÏse Katumbi, un portrait dans lequel divers intervenants, entre autres des militants de la société civile, donnent du gouverneur un portrait ambigu. C’est à nouveau, comme du temps de Mobutu roi du Zaïre, le moment de s’interroger sur le pouvoir en Afrique et plus particulièrement au Congo[10].
La même année, le cinéaste José-Luis Peñafuerte retrace le parcours du réalisateur dans son film L'homme de sable, le cinéma de Thierry Michel[11].
En 2015, il se consacre avec la journaliste Colette Braeckman au film L’homme qui répare les femmes » où les héros se côtoient : femmes victimes qui se sont redressées et ont repris le combat pour la vie, foules acclamant le Docteur Mukwege comme un nouveau Messie, et aussi paysages magnifiques, confondants de beauté, qui rappellent que l’enfer peut aussi prendre les contours du paradis. Mais évidemment le véritable héros du film, c’est le Docteur Mukwege lui-même. Un film de combat aussi car il a permis, au niveau international, de rendre intolérable la souffrance infligée aux femmes du Kivu et d’initier d’innombrables actions de solidarité, une extraordinaire mobilisation autour de la personne du Docteur Mukwege, devenu prix Nobel de la paix en 2018. Le film vaudra à ses auteurs le Magritte du meilleur film documentaire 2016[13].
En 2017, dans Enfants du Hasard, Thierry Michel revient à ses sources, une petite école dans la banlieue liégeoise, pour y partager, avec Pascal Colson, le quotidien d’une classe de sixième primaire. Ils se mettent à l’écoute d’une institutrice et de ses élèves, issus pour la plupart de l’immigration turque et musulman à une très large majorité, car ils sont petits enfants de mineurs. Tissant le lien entre passé et futur, le film célèbre lumineusement l’école comme lieu de transmission[14].
Son film suivant L'école de l'impossible s'articule lui aussi autour de la vie scolaire. Thierry Michel y suit avec sa productrice Christine Pireaux des adolescents en crise, au parcours de vie compliqué. Au cœur du collège Saint-Martin, ils croisent la route d'un directeur hors norme et d'enseignants investis qui vont leur donner un nouveau souffle. Le film initialement programmé pour avril 2020 voit sa sortie décalée au 15 septembre 2021 en raison de la crise sanitaire du Covid19[15].
Le jeudi 15 juillet 2021 à Angleur, la maison qui abrite sa société de production subit une inondation. Sont définitivement perdus les masters de ses œuvres de jeunesse tournées entre Liège et Charleroi,
lorsque, barbu et chevelu, Thierry Michel faisait partie de la coopérative « Le film
maigre », ainsi nommée en hommage à
Paul Meyer. Christine, son épouse et productrice, qui travaillait au premier étage, a soudain découvert que l’eau de la Meuse avait déjà envahi le rez-de-chaussée et la cave de la maison qui abrite les Films de la Passerelle. De justesse, elle a eu le temps de prendre sa voiture pour rejoindre, après plusieurs heures de route, leur domicile de l’autre côté du
pont de Fragnée, à deux kilomètres.
En 2022, Thierry Michel sort un nouveau film consacré à la République démocratique du Congo. L'Empire du silence revient sur la guerre qui déchire le pays depuis 25 ans. Relayant le plaidoyer du Docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix, il retrace les enchaînements de cette violence qui ravage et ruine le Congo depuis un quart de siècle[18].
Thierry Michel travaille depuis de nombreuses années à un projet consacré à la sidérurgie liégeoise qui sortira sous le nom de L'acier a coulé dans nos veines[19].
Prix Marek Nowicki décerné par la Fondation Helsinki en 2017[34].
Prix spécial du Jury du festival international du film panafricain à Cannes, le pour son documentaire « Moïse Katumbi, Foot, Business et Politique ».
Grand prix du festival international du Film des Droits de l'homme 2012 pour son long-métrage, "L'Affaire Chebeya, un crime d’État?". Ce documentaire est consacré à l'assassinat de Floribert Chebeya, militant congolais des Droits de l'homme en 2010, et au procès qui s'est ensuivi[35].
↑ Quelques jours après son arrivée, il est arrêté, incarcéré et expulsé du pays. Son matériel saisi, il termine son film grâce à ses archives personnelles et aux images tournées lors des repérages.
Patrick Leboutte, « Onze cinéastes belges pour les années 80 : Thierry Michel », Cinéma Quatre-Vingt-Cinq, N°319-320, Fédération Française des Ciné-Clubs (FFCC) Paris, juillet-, p.22, (ISSN0045-6926).