Les vecteurs de Witt sont des objets mathématiques, généralement décrits comme des suites infinies de nombres (ou plus généralement d'éléments d'un anneau). Ils ont été introduits par Ernst Witt en 1936, afin de décrire les extensions non ramifiées des corps de nombresp-adiques[1]. Ces vecteurs sont dotés d'une structure d'anneau ; on parle donc de l’anneau des vecteurs de Witt.
si k est de caractéristique p > 0, alors il y a deux possibilités :
ou bien O s'identifie encore à l'anneau des séries formelles à coefficients dans k ;
ou bien O est un anneau de caractéristique zéro, dont p engendre l'idéal maximal, qu'on appelle l’anneau des vecteurs de Witt sur k noté W[k].
Dans ce dernier cas, on peut fixer un ensemble de représentants de k et tout élément de W[k] s'écrit de manière unique comme une série
où les appartiennent à l'ensemble des représentants choisis.
En ce sens, on peut voir les vecteurs de Witt comme des séries formelles, ou des suites infinies d'éléments d'un anneau, sur lesquelles on a défini les opérations d'addition et de multiplication.
Étant donné p un nombre premier, tout nombre p-adiquex peut s'écrire de manière unique comme une somme convergente
où les coefficients sont des éléments de {0, 1, … , p – 1}, ou de manière générale de toute représentation du corps fini.
La question naturelle qui se pose est la suivante : si on ajoute ou multiplie deux nombres p-adiques en utilisant une telle écriture, quels sont les coefficients du résultat ? Il s'avère que l'addition et la multiplication de vecteurs de Witt p-adiques donne la réponse.
(Pour éviter les confusions, les objets relatifs aux gros vecteurs de Witt seront notés en gras.)
Dans les années 1960, Ernst Witt et Pierre Cartier réalisent que les polynômes de Witt définis ci-dessus, dits « p-adiques » (parfois « p-typiques »), font partie d'une famille générale et qu'on peut les utiliser pour définir un endofoncteur de la catégorie des anneaux commutatifs, dont les vecteurs de Witt p-adiques sont un quotient[2]. Le foncteur est appelé foncteur des gros vecteurs de Witt (parfois foncteur des « vecteurs de Witt généralisés »).
Les polynômes correspondant aux Gros vecteur de Witt sont définis comme il suit:
Il est clair que pour alors:
Et après réindexation on retrouve les polynômes de Witt « p-adiques ».
On définit de la même façon et .
Leur existence et unicité est assuré par l'existence et l'unicité d'une suite de polynômes à coefficients rationnels (que l'on peut noter bien qu'il n'y ait pas de notation classique pour cette famille de polynôme) telle que:
Cette suite de polynômes n'a malheureusement pas de formule explicite générale connue mais une formule de récurrence est facile à trouver:
On a alors une formule pour et :
Le polynôme étant à coefficients rationnels et en général non-entiers, les polynômes et sont a priori à coefficients rationnels. On peut cependant montrer que et sont bien à coefficients entiers.
Jean-Pierre Serre avait proposé utiliser l'anneau des vecteurs de Witt comme coefficients d'une potentielle cohomologie de Weil[3]. Cette tentative précise n'a pas fonctionné, mais a ouvert la voie à plusieurs généralisations. Si on considère un X-schéma, on utilise le caractère fonctoriel de W pour calculer , l'anneau de Witt sur les anneaux des sections de . La cohomologie de Witt est alors la cohomologie des faisceaux usuelle sur le site de Zariski sur X, à coefficients dans : .
Cette cohomologie ne possède pas de propriétés satisfaisantes : en particulier les n'ont aucune raison d'être des W[k]-modules de type fini, même si X est un schéma projectif.
Si p est un nombre premier et désigne le corps fini à p éléments, alors son anneau de Witt s'identifie à l'anneau des entiers p-adiques : . D'autre part, est l'extension d'ordre n non ramifiée de .
Si k est un corps parfait, alors W[k] est un anneau de valuation discrète sur k. L'addition permet de définir une multiplication par les entiers positifs et on a notamment , ce qui montre que . On a de plus .
↑(de) Ernst Witt, « Zyklische Körper und Algebren der Characteristik p vom Grad pn. Struktur diskret bewerteter perfekter Körper mit vollkommenem Restklassenkörper der Charakteristik p », J. Reine Angew. Math., vol. 176, , p. 126-140 (zbMATH0016.05101, lire en ligne).
↑(de) Peter Gabriel, « Universelle Eigenschaften der Wittschen Vektoren und der Einseinheitenalgebra einer Potenzreihenalgebra in einer Veränderlichen », Jahresbericht der Deutschen Mathematiker-Vereinigung, vol. 72, , p. 116-121 (lire en ligne).
↑Jean-Pierre Serre, « Sur la topologie des variétés algébriques en caractéristique p », Symposion Internacional de topología algebraica, , p. 24-53.