Victor Cherbuliez, né le à Genève et mort le à Combs-la-Ville[1], est un romancier, dramaturge, essayiste et critique littéraire français d’origine suisse.
Né dans une famille française émigrée en Suisse à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, il avait pour père le savant hébraïsant, helléniste et latiniste André Cherbuliez (1795–1874), qui professait les littératures anciennes à l’Académie de Genève et n’a presque rien publié, mais qui avait voulu que son fils fût une œuvre de choix, de dilection et de perfection[2].
Ayant achevé à Paris ses études entamées à Genève, Cherbuliez les a complétées par des cours de philosophie dans les universités de Bonn et de Berlin. À son retour à Genève, il s’est fait connaitre par une trentaine de romans, aujourd'hui tombés dans l’oubli, auquel le public de l’époque a fait très bon accueil[3]. Il est sinon l’inventeur du roman psychologique, du moins un des écrivains qui ont le plus contribué à le mettre à la mode[4].
En 1880, voulant se présenter à l’Académie française, il s’est souvenu d'une vieille loi de la Révolution de 1790, dite de « grande naturalisation », accordant la nationalité de plein droit aux descendants des protestants réfugiés à la suite de l'édit de Nantes[5],[6]. Ainsi, redevenu français, et définitivement installé à Paris, il est allé frapper à la porte de l’Institut. Deux fauteuils étaient précisément vacants : celui de Littré et celui de Jules Dufaure. S’étant présenté aux deux, il a échoué pour le premier devant Pasteur, mais il a obtenu le second au sixième tour, le , et reçu le [7].
Admirablement informé, prodigieusement au courant des langues et des choses de l’étranger[8], il a donné, sous le pseudonyme de « G. Valbert », nombre d’articles très appréciés des lecteurs de la Revue des deux Mondes, de critique littéraire, de chroniques politiques et d’études étrangères consacrées surtout à l’Allemagne qu’il connaissait si bien[a]. Il a, à cet égard, connaissant Strindberg, Hauptmann, Ibsen, Wagner, été un précurseur et éveillé beaucoup d’idées chez ses contemporains, qu’il a initiés aux littératures étrangères[9]. Ces articles cursifs mélangeant érudition et humour, sur un ton de causerie savante à la fois et charmante, donnaient un prix tout particulier aux essais de cet humoriste et moraliste très averti[3].
Il possédait, selon son compatriote Amiel, un certain talent oratoire :
« Je sors de la leçon d'ouverture de Victor Cherbuliez, abasourdi d'admiration. Je me suis convaincu en même temps de mon incapacité radicale à jamais rien faire de semblable, pour l'habileté, la grâce, la netteté, la fécondité, la mesure, la solidité et la finesse. Si c'est une lecture, c'est exquis ; si c'est une récitation, c'est admirable ; si c'est une improvisation, c'est prodigieux, étourdissant, écrasant pour nous autres[10]. »
Très lié avec George Sand et François Buloz, c’était un proche de l'historien belge Victor Tahon, à qui il envoie le sa photo prise par Eugène Pirou, en remerciement d'un long séjour à Couillet[b]. Le de cette année, il lui remet à Paris un livre signé de son pseudonyme et portant comme dédicace « à Monsieur Victor Tahon, souvenir affectueux de l’auteur, V. Cherbuliez ».
Augusta Coupey (compositrice) et Victor Cherbuliez (parolier), Il était là : poème tiré de L'Aventure du Ladislas Bolski, Paris, Émile Chatot, (lire en ligne).
↑Cherbuliez, qui avait beaucoup vécu chez les Allemands, connaissait bien leur esprit, et un jour qu'il dinait avec Goncourt, celui-ci se mit à parler de l’impartialité teutonne.
— Ce sont, disait l’auteur de la Faustin, des hommes fermés, inaccessibles aux sentiments d’humanité.
— Vous vous trompez, interrompit Cherbuliez, il y a, chez eux, un quart d’heure pour les concessions : c'est le quart d’heure qui s’écoule entre le dessert du diner et la dixième bouffée d’un cigare. Saint-Vallier, notre ancien ambassadeur à Berlin, m’a raconté que c’est dans ce moment, et dans ce moment seul, qu’il a pu obtenir ce qu’il a obtenu au cours de ses négociations[7].
↑Selon les Annales politiques et littéraires, « Au physique, avec sa barbiche blanche, son épaisse moustache, sa figure allongée manquant d’élégance, il ressemblait à un officier en retraite, un officier qui aurait végété dans les galons inférieurs[7]. »
↑Les cordons du poêle étaient tenus par Émile Ollivier, directeur de l’Académie française ; Brunetière, directeur de la Revue des Veux-Mondes ; Marcel Prévost, président de la Société des gens de lettres, Gaston Boissier, secrétaire perpétuel de l’Académie française. Au cimetière Montparnasse, devant le caveau de la famille Cherbuliez, des discours ont été prononcés par Émile Ollivier, F. Brunetière et Marcel Prévost[14].
↑ ab et cAdolphe Brisson, « Les Échos de Paris », Les Annales politiques et littéraires, Paris, [s.n.], 17e série, t. 33, no 837, , p. 21 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑Benjamin Couve, « Victor Cherbuliez », Foi et vie, Paris, [s.n.], 2e série, no 14, , p. 240 (lire en ligne sur Gallica)
↑Gaston Deschamps, « Le Style de Victor Cherbuliez », Les Annales politiques et littéraires, Paris, [s.n.], 17e série, t. 33, no 837, , p. 28 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑Almanach national : annuaire officiel de la République française, Paris, Berger-Levrault, 1883, 185e année, 1600 p., in-8º (lire en ligne), p. 1168.
↑Jules Martin, Nos académiciens : Académie française, portraits et biographies, Paris, Librairie des contemporaines, coll. « Collection contemporaine illustrée », 1895, 185e année, 163 p., in-8º (lire en ligne), p. 91.
↑« M. Victor Cherbuliez est mort… », Le Temps, Paris, [s.n.], no 13906, , p. 1 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑« M. Victor Cherbuliez est mort… », Le Télégramme, Toulouse, [s.n.], 5e série, no 4601, , p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑Michael Rosenfeld, « Écrire et escamoter l’amour entre hommes sous le Second Empire : Monsieur Auguste et Le Comte Kostia », Littératures, no 81, , p. 119–129 (ISSN0563-9751, DOI10.4000/litteratures.2452, lire en ligne, consulté le )
Marie-Anne Istrati, Victor Cherbuliez et le cosmopolitisme, Paris, , 288 p., portr. ; gr. in-8º (lire en ligne sur Gallica)
Michael Rosenfeld, « Écrire et escamoter l’amour entre hommes sous le Second Empire : Monsieur Auguste et Le Comte Kostia », Littératures, no 81, 2019, p. 119-129, lire en ligne.