Vìctor Manuel Fernàndez | ||||||||
Biographie | ||||||||
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Naissance | Alcira Gigena (province de Córdoba, Argentine) |
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Ordination sacerdotale | ||||||||
Cardinal de l'Église catholique | ||||||||
Créé cardinal |
par le Pape François | |||||||
Titre cardinalice | Cardinal-diacre des Santi Urbano e Lorenzo a Prima Porta | |||||||
Évêque de l'Église catholique | ||||||||
Ordination épiscopale | par l'archevêque de Santa Fe Mario Poli | |||||||
Dernier titre ou fonction | Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi | |||||||
Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi | ||||||||
Depuis le | ||||||||
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Archevêque de La Plata | ||||||||
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Archevêque titulaire de Tiburnia (de) | ||||||||
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Autres fonctions | ||||||||
Fonction laïque | ||||||||
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En medio de tu pueblo | ||||||||
(it) Notice sur www.vatican.va | ||||||||
(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org | ||||||||
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Víctor Manuel Fernández, né le 18 juillet 1962 à Alcira Gigena, dans la province de Córdoba, est un cardinal et théologien catholique argentin.
Recteur de l'Université catholique argentine de décembre 2009 à avril 2018, archevêque titulaire de Tiburnia (de) en 2013 puis archevêque de La Plata en 2018, il est nommé à la tête du dicastère pour la Doctrine de la foi en juillet 2023 par le pape François dont il est un très proche collaborateur, et est créé cardinal lors du consistoire du 30 septembre 2023 et reçoit le titre de cardinal-diacre des Santi Urbano e Lorenzo a Prima Porta.
Il est surnommé familièrement « Tucho » par ses proches[1].
Víctor Manuel Fernández est né dans une famille de commerçants le 18 juillet 1962 à Alcira Gigena, une petite ville de 5 000 habitants située à une quarantaine de kilomètres de Río Cuarto dans la province de Córdoba[2]. Son père Emilio, décédé en 1978, est un fervent partisan du leader radical Raúl Alfonsín. La même année Víctor Manuel Fernández entre au séminaire archidiocésain de Córdoba[2].
Il s'installe à Buenos Aires pour compléter ses études à la Faculté de Théologie de l'Université catholique argentine (UCA) et est ordonné prêtre en 1986. À l'instigation de l'évêque de Río Cuarto Adolfo Aranase, il part pour Rome afin de se spécialiser en études bibliques à l'Université pontificale grégorienne[2]. Tant à Rome qu'à Cordoue ou Buenos Aires, il consacre ses week-ends à travailler dans des paroisses populaires de la périphérie et rencontre le prêtre jésuite Pablo Tissera qui devient son directeur spirituel[2].
Fernández travaille comme éducateur au séminaire de Río Cuarto jusqu'en 1993 puis à nouveau à partir de 2000, après avoir reçu entre temps la charge de la paroisse de Santa Teresita[3]. Il enseigne dans le même temps deux jours par semaine au séminaire métropolitain du quartier de Villa Devoto à Buenos Aires et est sollicité par l'épiscopat argentin pour présenter les défis pastoraux que soulève la culture actuelle dans la formation des prêtres et des agents pastoraux[2]. Il fonde et dirige au milieu des années 1990 un centre de formation pour les laïcs et les enseignants[4], l'institut Jesús Buen Pastor[3].
En 1995, il publie un livre : Guéris-moi avec ta bouche, L'art d'embrasser (Saname con tu boca, El arte de besar)[5], qui lui vaut depuis les surnoms d' « El Tucho besame mucho (El Tucho m'embrasse beaucoup) » ou d' « Expert du baiser »[6].
Remarqué par le cardinal Jorge Bergoglio pour ses qualités d'écriture, Víctor Manuel Fernández est invité en tant qu'expert à la cinquième Conférence générale des évêques latino-américains, qui se tient en 2007 au sanctuaire marial d'Aparecida[7]. Il y aurait été remarqué pour sa capacité à inclure dans les textes des positions considérées comme étant « complètement opposées »[5]. Fernandez est considéré un « modèle du théologien pastoral » et s'inscrit dans le courant de la « théologie du peuple »[8] à la suite de Lucio Gera, Carlos Galli et Juan Carlos Scannone (es)[9].
À partir de la rencontre d'Aparecida de 2007, Fernández et le cardinal Bergoglio entretiennent une étroite collaboration. Ainsi, Fernández devient doyen de la faculté de théologie de l'UCA de 2008 à 2009, mais sa nomination par le cardinal Bergoglio comme recteur de l'université se heurte à une forte opposition de la part de la Curie romaine. Fernández ne prend sa charge qu'en 2011, après avoir répondu aux préoccupations de la Congrégation pour la Doctrine de la foi concernant l'orthodoxie de certains éléments de son enseignement[10], et après que le cardinal Bergolio ait dû se rendre lui-même à Rome pour débloquer la situation[11],[12].
Lorsque François devient pape en 2013[13], il nomme immédiatement Fernández archevêque titulaire de Tiburnia (de)[7]. Selon Catholic News Agency, Fernández a été « moins que gracieux » dans quelques articles en présentant cette nomination comme une victoire et en dénigrant ses critiques avec des « mots très méchants »[5]. La croix pectorale de Fernández est la copie conforme de celle du pape François, signe d'un lien très étroit[14],[15].
Toujours en 2013, le nouveau pape lui confie la rédaction de sa première exhortation apostolique, Evangelii gaudium, où Fernández insère une référence à un de ses propres textes (note 207[16]) sur un aspect mineur au milieu de textes magistériels[17].
En 2014, le pape le nomme vice-président de la commission pour le message du Synode extraordinaire des évêques sur la famille, puis membre de la liste pontificale de la XIVe assemblée générale ordinaire du synode des évêques[10].
Considéré comme la plume de François[4],[12] et le « meilleur interprète de la pensée » du pape[18], il est aussi le principal rédacteur de la version finale de textes importants[Lesquels ?] dont l'encyclique Laudato si' et l'exhortation apostolique Amoris lætitia[9],[12]. Le journal américain Crux (en) et le journaliste italien Sandro Magister font remarquer que plusieurs paragraphes-clés d'Amoris laetitia sont presque directement tirés de textes de Fernández[17],[19].
En 2015, son livre Théologie spirituelle incarnée (Theología espiritual encarnada) apparait dans la série argentine Esperanza mía, entre les mains de la religieuse ayant une relation amoureuse avec un prêtre[20].
En 2016, une déclaration de Fernández au Corriere della Sera (du 10 mai 2015) sur la curie romaine et le rôle du pape est qualifiée d'« hérétique » par le cardinal Müller, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la Foi[21],[22],[23],[24].
En 2017, Víctor Manuel Fernández préside la Commission épiscopale pour la foi et la culture au sein de la Conférence épiscopale argentine[25].
Bien qu'il soit considéré comme une figure controversée de l'épiscopat argentin[5], le pape pape François le nomme en juin 2018 à la tête du second plus important siège épiscopal du pays : l'archidiocèse de La Plata[25]. Il y remplace Héctor Rubén Aguer (en), archevêque dans la ligne de Jean-Paul II et Benoît XVI, dont le séminaire et l'université étaient considérées comme étant les plus orthodoxes du pays[5].
Sa mauvaise gestion de cas d'abus sexuels est critiquée dans la presse[26],[27],[28].
Le , bien qu'il n'ait jamais été cité dans la presse parmi les favoris à la fonction[13] (la plaisanterie « il serait capable de nommer Tucho » aurait cependant été assez répandue au Vatican[29]), Víctor Manuel Fernández est nommé par le pape François à la tête du dicastère pour la Doctrine de la foi[4]. Considéré comme étant sur la même ligne que le pape tant sur le plan pastoral que théologique (Fernández affirmant pourtant être, « sur de nombreux aspects », « plus progressiste que le pape »[5]), c'est le premier compatriote que François nomme à un poste d'importance à la Curie[13]. Le choix par François d'une personnalité décrite comme un « profil de rupture »[4], est interprétée par le vaticaniste Gerard O'Connell comme « l'indication la plus claire à ce jour de la détermination du pape à poursuivre sur la voie du renouveau théologique et pastoral de l'Église catholique dans la mise en œuvre des enseignements du concile Vatican II »[13]. Fernández aurait refusé cette nomination une première fois[12].
Dans la lettre « très inhabituelle »[30] du pape François qui accompagne l'annonce de cette nomination, le souverain pontife incite le nouveau préfet à « veiller sur l’enseignement » de l’Église « mais pas comme des ennemis qui montrent du doigt et condamnent ». Il entend que le nouveau préfet rompe avec « d’autres époques où des méthodes immorales ont été utilisées (...) [des] époques où, au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on poursuivait d’éventuelles erreurs doctrinales »[4]. L'évêque de Rome préconise au contraire que « [la] tâche [du nouveau préfet] est exprime que l’Église encourage le charisme des théologiens et leur effort de recherche théologique à condition qu’ils ne se contentent pas d’une théologie de bureau, d’une logique froide et dure qui cherche à tout dominer », insistant sur son attachement à développer « une pensée capable de présenter de manière convaincante un Dieu qui aime, qui pardonne et qui sauve »[4].
Selon le rédacteur en chef du quotidien milanais Il Foglio, Victor Manuel Fernández a donné en une semaine (à la suite de sa nomination en tant que préfet du dicastère pour la doctrine de la Foi) plus d'interviews que Benoît XVI pendant les 24 années qu'il a passées au même poste. Ses multiples interviews auraient pour but de se défendre contre les diverses attaques concernant ses positions sur l'homosexualité, ses compétences théologiques, et de justifier ses critiques des "anciennes méthodes" du dicastère pour la doctrine de la Foi[31].
Le , un journal argentin d'extrême-gauche, La Izquierda Diario (en), qualifie Fernández de « dissimulateur de pédophiles » et affirme qu'il aurait clairement joué un rôle de dissimulation pour 11 cas d'abus par des prêtres[26],[27].
Le , le National Catholic Reporter relaie le communiqué du site BishopAccountability, une base de données en ligne nord-américaine qui documente depuis 2003 les abus sexuels de la part de membres du clergé. L'association dénonce la gestion en 2019 par Víctor Manuel Fernández des plaintes contre un prêtre de l'archidiocèse de La Plata accusé en 2008 d'abus sexuels sur de jeunes garçons. Il aurait fermement soutenu le prêtre et refusé de croire les victimes. Le prêtre s'était donné la mort en 2019 quelques heures après qu'un juge avait émis un mandat d'arrêt à son encontre, selon l'association qui juge « troublante et déconcertante » la nomination par le pape François de Fernández[28].
Son livre de 1995 Guéris-moi avec ta bouche : l’art d’embrasser refait surface en septembre 2023 lors de sa nomination à la tête du Dicastère pour la doctrine de la foi : il fait l’objet de critiques en raison de ses connotations érotiques[32],[33]
Dans le contexte de la publication de Fiducia supplicans, c'est un autre livre de 1999, Passion mystique : spiritualité et sensualité, qui fait également polémique en janvier 2024. Son contenu est révélé sur différents blogs conservateurs et traditionalistes. Fernández y évoque des figures de saintes dont il souligne le caractère sexuel de leurs expériences mystiques. Dans l'un des chapitres, l'auteur imagine une scène sensuelle entre Jésus et une adolescente de 16 ans. Dans un autre, il « décrit, avec force détails, les caractéristiques de l’orgasme féminin et masculin, s’appuyant notamment sur la description des organes génitaux de l’homme et de la femme, et mettant en lien le plaisir sexuel avec cet « orgasme mystique », qu’il a décrit auparavant. »[33],[32],[34].
Dans une interview donnée en juillet 2023 au site InfoVaticana (en), Fernández se dit ouvert à la bénédiction de couples homosexuels, à condition d'éviter « les rituels ou les bénédictions qui pourraient alimenter une confusion » avec le mariage d'un homme et d'une femme[35]. Il affirme le même mois dans une interview à l'hebdomadaire The Catholic Herald que « la doctrine de l'Évangile ne change pas, mais [que sa] compréhension change, et change beaucoup »[36].
Fin décembre 2023, il signe la déclaration Fiducia Supplicans (précédemment approuvée par le pape), permettant de bénir les couples en situation irrégulière dont les couples de même sexe. Ce texte suscite une polémique ainsi qu'une vague de rejet au sein de l'Eglise catholique, en particulier parmi les évêques Africains[37],[38],[39].
En 2015, en réaction à la déclaration du cardinal Gerhard Müller qui affirme que « [le] préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi [a] la responsabilité de l’unité dans la foi » et qu'il a « une mission de structuration théologique d’un pontificat »[40], Fernandez développe sa conception personnelle du rôle du dicastère :
« (...) certains disent que la curie romaine est une partie essentielle de la mission de l’Église, ou qu’un préfet du Vatican est la boussole assurée qui prévient l’Église de tomber dans une pensée superficielle ; ou que ce préfet assure l’unité de la foi et garantit le sérieux de la théologie du pape. Mais les catholiques, qui lisent l’Évangile, savent que le Christ a assuré une assistance spéciale et une lumière pour le pape et pour les évêques tous ensemble, mais non pour un préfet ou une autre structure. En entendant de telles choses il semble que le pape n’est que leur représentant, ou quelqu’un qui cause du trouble et qui a besoin d’être contrôlé. »[41]
Le , il déclare que les évêques (tant « progressistes » que ceux issus de « groupes traditionalistes ») qui pensent avoir un « don spécial du Saint-Esprit pour juger la doctrine de la foi du Saint-Père » sont sur la voie de « l’hérésie » et du « schisme »[42]. Le , le cardinal Mûller (à la tête du même dicastère entre 2012 et 2017) qualifie, lui, d'« hérétique » et de « carriériste » la position selon laquelle Dieu ne se révélerait qu'au pape François à travers le Saint-Esprit et que les évêques n'auraient qu'à « répéter aveuglément ces illuminations célestes »[43].
Víctor Manuel Fernández est l'auteur de plus de 300 publications, dont en 2014 Ce que nous dit François, un livre d'entretien avec le journaliste Paolo Rodari, ouvrage qui a un impact important dans les milieux catholiques européens[44]. Le dialogue entre la théologie et la culture contemporaine constituent le fil conducteur de ses publications, avec une importance accordée aux questions sociales[4].