Youenn Gwernig

Youenn Gwernig
Youenn Gwernig à Plouvorn (Finistère) en 1982.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Yves Guernic
Nationalité
Activités
Langue d'écriture
breton
Enfant
Gwenola Gwernig (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Genre artistique
Distinction
Prix Xavier-de-Langlais (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Youenn Gwernig, né Yves Guernic le à Scaër (Finistère) et mort le à Douarnenez, est un écrivain et poète franco-américain de culture bretonne. Il est également sculpteur, musicien et chanteur, bien qu'il se soit révélé tardivement dans la chanson. Il fut aussi sonneur, peintre et producteur de télévision pour France 3 Bretagne.

Il émigre aux États-Unis, pays dont il prend la nationalité, à la fin des années 1950 et ne revient en Bretagne qu'à la fin des années 1960. Avec des valeurs humanistes et universelles, il rédige ses écrits indifféremment en breton, français ou anglais.

Youenn Gwernig naît en 1925 à Scaër, dans le sud Finistère. Il s'initie à la sculpture auprès du père Le Coz, artisan ébéniste à Scaër[1]. Il apprend la bombarde puis le biniou kozh à partir de ses treize ans, avant d'acquérir à treize ans une grande cornemuse écossaise, et d'animer des bals et des mariages avec celle-ci. Il rencontre Polig Monjarret à la fin des années 1940 avec qui il commence à sonner en couple, et en 1950 ils intègrent tous deux le Bagad Kemper[2]. Dans les années 1950, Youenn, qui exerce alors la profession de sculpteur sur bois au Huelgoat, rencontre un certain Milig Le Scanff, connu plus tard sous le nom de Glenmor. Ce dernier l’entraîne alors dans sa petite troupe « Breizh a Gan », premier groupe de spectacle en breton depuis l'après-guerre[3], avec qui il monte une opérette en breton, Genovefa.

Mais l’époque est difficile pour l’identité bretonne, le souvenir de la guerre est encore chaud et l'héritage de certains nationalistes bretons dur à porter. En 1957, Youenn se dit : Tap da sac'h ta, breur koz… (« Choppe donc ton sac, vieux frère », qui sera le titre d'une de ses premières chansons) et fait son baluchon vers les États-Unis. Durant près de quatre ans, il collectionne les métiers, notamment dans la restauration et l'ébénisterie. En 1961, il fréquentait assidûment le quartier intellectuel West-Side et la « Beat Generation ». En découvrant le livre Satori in Paris il voit que Jack Kerouac cherche ses origines bretonnes. Quand il rencontra le poète beatnik, tous deux se lièrent d'amitié jusqu'à la mort de « Ti Jean » en 1969. Restant une douzaine d'années dans le Bronx, Youenn se fit naturaliser Américain et rapporta l'influence de New York dans quelques poèmes. Il a écrit certains de ses poèmes simultanément dans les trois langues français, breton, anglais. Il envoyait des poèmes et des nouvelles en breton à la revue littéraire Al Liamm de Brest.

Nostalgique de son pays natal, il décide de le retrouver après la mort de son ami Jack Kerouac, avec sa femme (Suzig) et ses filles (Annaïg, Gwenola et Mari-Loeiza)[4]. En 1969 il s'installe à Locmaria-Berrien. En ce début des années 1970, le « Grand Youenn » arrive dans le renouveau culturel, où les mouvements sociaux et les mutations économiques laissaient présager de plus larges changements. Au théâtre, il coopère avec Gérard Auffret pour sa pièce Bretagne…point zéro en tant que traducteur (français-breton) et comédien. Avec ses folk songs, son sens des mélodies rythmées et son physique de bûcheron, il écrit des chansons. Il rencontre Patrick Ewen et Gérard Delahaye, qui sont séduits par son charisme et par ses ballades proches du folk américain. Très vite, ils se mettent à l'accompagner à la guitare et au banjo, apportent des harmonies vocales. Ils l'encouragent à monter sur scène et l'accompagnent lors de petits concerts dans des cafés cabarets. Ils l'accompagnent aussi, instruments et voix, dans son premier vinyle 45 t 17 cm, enregistré en 1971 chez Arfolk. Quatre titres : Ni hon unan, Tap da sac'h, Morgat et Gwerz an harluad . En 1974, il réussit à enregistrer un premier album, Distro Ar Gelted (Le retour des Celtes), complétant de sa forte personnalité la grande vague bretonne, auparavant initiée par ses compatriotes Glenmor et Alan Stivell. Mais il est dans la recherche d'une nouvelle identité bretonne complètement ouverte au monde[3]. Dans son deuxième album E-kreiz an noz (« Au cœur de la nuit »), il met notamment en musique son poème Identity, qui sera repris par son ami Graeme Allwright sur l'album Questions. Cette chanson lui donne un peu plus de notoriété hors de Bretagne, bien qu'il ne la recherche pas[5].

À son retour en Bretagne, il crée l’association Radio télé Brezhoneg pour défendre la place du breton dans les médias. Dans ces années 1970, il refuse de s’acquitter de la redevance audiovisuelle afin de protester contre le traitement que subit la langue bretonne à la télé « régionale d'État ». Cette protestation non-violente l'amène devant la justice et il est même menacé de saisie[1]. Cependant, une fois des émissions enfin créées, il est responsable de 1983 à 1989 des programmes en langue bretonne sur FR3 Bretagne à Rennes.

Il a également écrit un roman autobiographique, La Grande Tribu, paru en 1982 chez Grasset, dans lequel il raconte son expérience américaine. Il a aussi publié plusieurs recueils de poésie : An Toull en nor (Le trou dans la porte) en 1972, An Diri dir (Les escaliers d'acier) en 1976. Ses écrits en langue bretonne ont été principalement édités chez Al Liamm. Il a reçu le Prix Xavier de Langlais en 1996 pour l'ensemble de sa production poétique.

En 1990 il sort l'album Emañ ar bed va iliz. L'arrangement musical diffère des autres productions par la présence marquée d'instruments électriques (guitares, claviers, programmations de boîtes à rythme), étant accompagné entre autres de deux membres de Penfleps, Jean-Pierre Riou, à la guitare, et son gendre Jean-Jaques Baillard, à la batterie, avec qui il donne quelques concerts[6]. Depuis, Jean-Pierre Riou chante régulièrement E-kreiz an noz sur scène avec son groupe Red Cardell, comme lors du concert à Kemper le , en soutien à Deomp de'i lors de la manifestation, suivie par 10 000 personnes, en faveur la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Au milieu des années 1990, l'homme revient à ses premières amours, la sculpture. Il sort néanmoins un dernier album, Foeter bro, au parfum très folk, entouré de ses amis musiciens : Olga Bystram, Kévin Wright, Georges Jouin, Jean-Luc Roudaut, les frères Pol et Hervé Quefféléant, Arnaud Maisonneuve, Jacky Thomas, Yvon Étienne, Annie Ebrel, Patrik Ewen, Bernard Quilien ou Gilles Servat. En 2002, il donne une suite à La grande tribu appelée Appelez-moi Ange (éditions Blanc Silex).

Youenn Gwernig s'est éteint le à l'âge de 80 ans[3].

Reprises et hommages

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Certaines de ses chansons ont été reprises ou adaptées par Graeme Allwright, Alan Stivell, Red Cardell, Penfleps, Pascal Lamour, Gilles Servat, Dan Ar Braz, Nolwenn Korbell, les frères Quefféléant, le trio Ewen / Delahaye / Favennec (Kan Tri), Jean-Luc Roudaut, Andrea Ar Gouilh, Cristine Mériennes, Christian Desbordes, Louis Bertholom et l'Ensemble Choral du Bout Du Monde, Clarisse Lavanant (E kreiz an noz dans l'album De Kerouze à Ouessant)…

Le Festival des Vieilles Charrues a donné le nom de Youenn Gwernig à la scène accueillant les concerts de musique bretonne et les groupes du fest-noz.

La ville de Scaër lui a rendu plusieurs fois hommage et a donné son nom à son espace culturel (inauguré en 1997), et à une venelle (inaugurée en 2008)[7]. La MJC de Scaër, en partenariat avec l'office de tourisme et la bibliothèque de Scaër, lui ont rendu hommage en , avec notamment une soirée à l'espace Youenn-Gwernig avec l'ensemble choral du Bout du Monde et le par un salon des écrivains qui réunit ses auteurs préférés et ses copains, comme Hervé Bellec ou Louis Bertholom, avec la diffusion le soir des deux documentaires de France 3, poursuivit par un concert du Trio EDF. Le lendemain, Jean-Luc Roudaut a donné un spectacle réalisé avec les jeunes des classes bilingues, des centres de loisirs et des ateliers de la MJC[8].

La ville de Pont-de-Buis a nommé en 2012 sa médiathèque « médiathèque Youenn-Gwernig »[9].

Un album sort en en hommage à Youenn Gwernig. Intitulé Pedadenn (Invitation), il comporte 12 titres enregistrés par ses amis musiciens et des membres de sa famille, réunis sous l'association La Grande Tribu[10]. Une chanson en anglais, For You, est écrite par sa fille Annaïg.

Discographie

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Youenn Gwernig au chant, s'accompagnant à la guitare.

Albums studio

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Compilation

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Publications

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  • An toull en nor (bilingue breton-français, litt. Le Trou dans la porte), Ar Majenn éditions, 1972.
  • An diri dir / Les escaliers d’acier / Stairs of steel (trilingue breton-français-anglais), Ar Majenn éditions, 1976.
  • Youenn Gwernig, La grande tribu : roman, français, Paris, B. Grasset, , 302 p. (ISBN 2-246-24841-8).
  • (br) Youenn Gwernig, Un dornad plu : A handful of feathers : brezhoneg ha saozneg (breton et anglais), S.l, Al Liamm, , 208 p., bilingue breton-anglais (ISBN 2-7368-0050-8).
  • Appelez-moi Ange (roman, français, suite de La grande tribu), Blanc Silex, 2002, (ISBN 2-913969-59-3).Youenn Gwernig, Appelez-moi ange : Suite de la grande tribu, Moëlan-sur-Mer, Blanc silex, , 222 p. (ISBN 2-913969-59-3).
  • Kerouac city blues avec Jacques Josse, Daniel Biga, Alain Jégou…

Pour approfondir

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Bibliographie

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  • Daniel Morvan (photogr. Bernard Galéron), Bretagne, Terre de musiques, e-Novation, , 144 p. (ISBN 978-2-9516936-0-9), « En(chanter) - kanañ ha dudiañ : Les nouveaux bardes. Youenn Gwernig, dans le ruisseau, il y a une chanson qui coule », p. 98-99
  • Ronan Gorgiard, L'étonnante scène musicale bretonne, Plomelin, Palantines, coll. « Culture et patrimoine », , 255 p. (ISBN 978-2-911434-98-3)
  • « Tout reste encore à être dit », Armor Magazine, no 69, octobre 1975, p. 47-48
  • Erwan Chartier-Le Floch, « Youenn Gwernig, armorican dream », ArMen, n°127, Mars-Avril 2002, p. 26-31
  • Erwan Chartier, La construction de l'interceltisme en Bretagne, des origines à nos jours : mise en perspective historique et idéologique, Rennes, thèse de l'université Rennes 2, , 722 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Les ironies du destin, Coop Breizh, 2012 : Yann Le Meur consacre dans son livre-récit un important chapitre à Youenn Gwernig
  • La Littérature en langue bretonne des origines à nos jours, collectif, dir. Cédric Choplin et alii, Gourin, éd. Les Montagnes noires, 2024, p. 241-244, 263-265, 271, 275 et passim.

Films documentaires

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  • 2010 : Gant Youenn Vras… (Avec le Grand Youenn…) et …En-dro da Youenn (…Autour de Youenn), deux documentaires de 26 min. écrits et réalisés par Jean-Charles Huitorel, en breton sous-titrés en français (Aligal Production / France Télévisions)

Liens externes

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Notes et références

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  1. a et b Institut culturel de Bretagne
  2. Chartier 2010, p. 637
  3. a b et c GWERNIG. Chanteur culte des années 70, Le Télégramme, 31 août 2006
  4. L'étonnante scène musicale bretonne, p. 48
  5. Jacques Vassal, La Chanson bretonne, Albin Michel, 1980, p. 101
  6. Youenn Gwernig (Emañ ar bed va iliz) et discographie, Musique bretonne, no 111, mai 1991, p. 13
  7. Inauguration. Une venelle Youenn-Gwernig, Le Télégramme, 30 janvier 2008
  8. Youenn Gwernig. Hommage à un «touche-à-tout artistique», Le Télégramme, 2 mars 2010
  9. Conseil municipal. Hommage à Youenn-Gwernig, Le Télégramme, 7 juillet 2012
  10. Marie-Line Quéau, Youenn Gwernig. L'hommage de sa tribu, Le Télégramme, 12 mars 2014,