Édouard Bruce

Édouard Bruce
Fonction
Comte de Carrick
Titre de noblesse
Ard rí Érenn
Biographie
Naissance
Décès
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Faughart (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Chef militaireVoir et modifier les données sur Wikidata
Famille
Père
Mère
Fratrie
Conjoints
Eleanor de Ross (d) (après )
Isabella of Strathbogie (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Alexandre Bruce
Thomas de Bruce (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Conflit
Vue de la sépulture.

Édouard Bruce ou Edubard a Briuis en gaélique (vers 1280), comte de Carrick à partir de 1314 (4e création), fut couronné roi suprême d'Irlande en 1315.

Origine et famille

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Édouard Bruce, est le troisième, ou peut être quatrième fils de Robert VI de Bruce (mort en 1304), fils de Robert V de Bruce le Compétiteur (mort en 1295) et de Margaret, comtesse de Carrick. Il a deux frères aînés, Robert, et Neil (mort en 1306), et il est sans doute plus vieux qu'Alexandre (mort en 1307) et Thomas (mort en 1307); il a également quatre sœurs, la plus âgée, Isabelle, est la seconde épouse du roi Erik II de Norvège[1]. Rien n'est connu de l'enfance d'Édouard Bruce sauf qu'il fut un temps élevé en fosterage par une famille irlandaise[2]. En 1304, il est armé chevalier et fait partie de la maison d'Édouard prince de Galles en Écosse. Après le meurtre de John III Comyn en par son frère et le couronnement de ce dernier comme roi d'Écosse sous le nom de Robert Ier, il est entraîné dans la lutte de sa famille pour faire valoir ses droits au trône[3].

Guerre d'indépendance

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En , après les exécutions par les Anglais de Neil, Alexandre et Thomas, il demeure le dernier frère vivant de Robert Bruce. Il l'accompagne lorsqu'il entreprend sa campagne de conquête du nord de l'Écosse, prend le château d'Inverlochy et par le Great Glen s'assure les places fortes d'Urquhart, Inverness et Nairn et en fait ses bases dans la région. Après avoir conclu une trêve avec William (II) Ross, comte de Ross, Robert Bruce tombe malade et le comte de Buchan John Comyn et celui d'Atholl David II Strathbogie marchent contre lui mais ils sont vaincus par Édouard les 25- à Slioch près d'Huntly[4]. Un mois après la victoire d'Inverurie ()[5] pendant que Robert reste dans le nord, Édouard Bruce commande l'expédition au Galloway vers le . Il joue le rôle de lieutenant de son frère dans le sud-ouest, c'est alors que James le fils de William Douglas se rallie à lui[6]. La campagne est un plein succès, et Édouard complète la conquête du Galloway en prenant Dumfries en [7]. Les forces anglaises et les opposants du Galloway sont rejetées de l'ouest et Buittle reste le dernier point d'appui anglais de 1308 à 1312 quand Édouard Bruce se retire vers le nord et prend Rutherglen en [8].

Au parlement de St Andrews du - Édouard Bruce est présente comme seigneur de Galloway, mais il ne joue pas un rôle essentiel dans la poursuite des opérations pendant les années suivantes. C'est Thomas Randolph, leur neveu que le roi nomme « Lieutenant Royal » et en 1312 Thomas Randolph reçoit le titre de comte de Moray avec un vaste domaine constitué dans les fiefs pris à la Famille Comyn alors qu'Édouard Bruce n'obtient que le comté familial de Carrick en [9].

Le - James Douglas conduit une armée dans le Teviodale et prend le château de Roxburgh. Thomas Randolph encouragé par ce succès s'empare d'Édimbourg le , Édouard Bruce quant à lui ne parvient pas en mars à surprendre la forteresse de Stirling et doit négocier avec les assiégés une trêve prévoyant que la garnison se rendrait si elle n'est pas secourue avant la mi-été[10]. Édouard comte de Carrick ne peut être avec eux car le avec son armée il envahit le Cumberland, brûlant les villes, tuant les gens, et enlevant le bétail[3].

En , Édouard II arrive avec une forte armée à la rescousse de la forteresse qui menace de se rendre, ce qui entraîne la fameuse bataille de Bannockburn (23-). Le roi confie à son frère le commandement d'une des trois divisions écossaise, et quand la bataille de Bannockburn commence, c'est par un assaut des Anglais contre les forces du comte de Carrick qui réussit à maintenir ses positions contre l'avant-garde ennemie [11]. Les Anglais et leurs alliés trois à quatre fois supérieurs en nombre sont écrasés par les schiltrons qui font un carnage parmi la cavalerie anglaise. Édouard II ne réussit à s'échapper qu'à grand peine après avoir perdu son bouclier et son sceau privé[12]. En Édouard Bruce, James Douglas et John de Soules, petit-neveu du Gardien, franchissent la Tees et entrent dans le Yorkshire qu'ils pillent jusqu'à Durham avant de faire un raid dans le Richmondshire et de revenir par le Swaledale avec un butin énorme et après avoir incendié Brough, Appleby et Kirkoswald[13],[14].

La libération de Marjory, la fille du roi et l'organisation de son mariage devait mette un terme à la question récurrente de la succession royale. Lors d'une assemblée tenue à Ayr le , la princesse cède sa position d'héritière du trône au comte de Carrick, connu comme « un homme vigoureux, hautement qualifié dans la guerre et pour la défense de la liberté du royaume et à ses potentiels héritiers mâles » qui doivent succéder au roi à moins que ce dernier n'ait un fils[15] mais en ce cas à la mort du roi la régence de ce futur héritier serait exercée non pas par le comte de Carrick mais par Thomas Randolph comte de Moray[16]. Le roi Robert Ier d'Écosse et son frère décident alors d’attaquer les intérêts anglais en Irlande.

Roi d'Irlande

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Le roi Robert Ier et Édouard comte de Carrick ont toujours apprécié la puissance des « Gallowglasses » établis sur la côte ouest de Grande-Bretagne et ils ont recherché chez eux des alliés et des troupes dans les moments difficiles. Maintenant, à la tête des forces des Lowlands et de l'Écosse gaélique ils envisagent d'établir pour la Maison de Bruce un royaume permanent en Irlande[3]. Pour ce faire, ils doivent réconcilier les chefs « indigènes » irlandais et remplacer leurs rivalités ancestrales par une autorité royale suffisamment forte pour pouvoir conquérir Dublin et les autres centres urbains où siège de la puissance des seigneurs anglo-normands vassaux du roi d'Angleterre. Toutefois ni Édouard de Carrick ni Robert Ier n'ont envisagé la moindre stratégie à mettre en œuvre pour atteindre leur objectif[3].

Édouard Bruce débarque près de Carrickfergus le , avec une armée[17]>,[18]. Au début de et non pas en comme on le pense généralement[5], il est reconnu comme roi d'Irlande à Dundalk et après avoir perdu en vain un mois au siège de Carrickfergus il traverse le royaume d'Airgíalla. Dans le même temps, il se fait céder ses droits par le « roi héréditaire d’Irlande », Domnall mac Brian Ó Néill, roi de Tir Éogain (1283-1325 avec des interruptions) et fils de Brian Catha Duinn Uí Néill, le dernier Ard Ri Érenn reconnu.

En dehors de l'Ulster, il ravage et brûle le pays puis se dirige vers le sud dans le comté de Louth, avant de revenir à Coleraine et Connor, où il remporte un succès encourageant en battant le comte d'Ulster à la bataille de Connor près de Ballymena (Comté d'Antrim) le [19]. En Thomas Randolph 1er comte de Moray le rejoint avec des renforts et ils progressent ensemble vers le sud et le Leinster. Sauf en Ulster où quelques familles comme les Mandeville, Bisset et Logan combattent un temps aux côtés des Écossais les Anglo-normands s'opposent à eux à part quelques dissidents isolés comme les Lacy de Meath et Gilbert de la Roche qui rejoignent Bruce dans le contexte de querelles personnelles[20]. Édouard Bruce évite Dublin et marche vers Wicklow, près de Carlow, et défait complètement les forces gouvernementales anglaises à Arscoll (ou Skerries) avant de revenir en Ulster en .

Le son principal partisan irlandais, Felim mac Aeda Ua Conchobair roi de Connacht et ses alliés sont tués par William Liath de Burgh et des forces anglo-normandes et irlandaises lors de la seconde bataille d'Athenry. Vers la fin du mois d' Édouard Bruce obtient enfin la reddition du Château de Carrickfergus, probablement avec l'aide de Robert Ier puis tous deux retournent en Écosse pour assister une assemblée tenue à Cupar dans le Fife, le , où Édouard et les principaux magnats écossais apposent leur sceau sur une charte royale inhabituelle qui confirme les possessions de Thomas Randolph[3].

À la fin de 1316 Édouard est de retour en Irlande, confiant dans la capacité de ses corsaires à contrôler la mer d'Irlande, il adresse une lettre « À ceux du pays de Galles qui veulent la liberté ». Édouard Bruce évoque la communauté d'origine de coutumes et de royaumes des Gallois et Scots au début de leur histoire et constate qu'ils subissent tous maintenant l'oppression des « Anglais »[3]. Il se présente donc comme leur libérateur. Vers la même époque les dynastes Uí Néill d'Ulster rédigent la « Remonstrance » contre les Anglo-normands qu'ils adressent au pape Jean XXII. Dans ce document la royauté d'Édouard Bruce est bien évoquée mais seulement dans le contexte de la protection de la liberté de l'église d'Irlande. Le « royaume » d'Édouard Bruce n'obtient aucun soutien du Pays de Galles et très peu des rois irlandais[3].

Néanmoins, en le roi Robert Ier et Thomas Randolph de Moray, débarquent en Irlande[21],[20] et avec Édouard entreprennent une campagne dans le sud. Au fur et à mesure qu'ils s'approchent de Dublin la panique s'empare des habitants anglo-normands, mais peut-être parce que les troupes Écossaises n'avaient pas constitué des approvisionnements suffisants dans un pays ruiné. Ils ne font aucune tentative pour prendre la ville ni même l'assiéger. Ils continuent à faire des ravages dans le sud et l'ouest de l'Irlande aussi loin que Tipperary et Limerick où ils se heurtent à l'hostilité de Muircheartach mac Toirdhelbaich Ó Briain roi de Thomond, puis ils remontent vers l'Ulster, décimés par la maladie sans avoir rien obtenu de décisif[20].

Probablement motivé par la promesse de renforts venus d'Écosse, Édouard Bruce marche de nouveau vers le sud et aux environs de Dundalk, à Faughart, il rencontre une force anglaise sous les ordres de John Bermingham qui lui barre la route. Ses partisans l'invitent à attendre les renforts conduits par Robert Ier, qui viennent d'arriver à Carrickfergus, mais Édouard refuse, et sans le soutien des dynastes irlandais, dont la plupart s'étaient détachés de lui, il attaque un ennemi d'une force supérieure le [22]. Il est tué dans le combat et décapité, sa tête est envoyée par Bermingham à Édouard II. Le roi Robert Ier doit rentrer en Écosse pour régler une nouvelle fois le problème de sa succession[23].

L’entreprise d’Édouard Bruce laisse finalement un mauvais souvenir aux populations irlandaises dont le pays a été ravagé par les troupes de « Gallowglasses » menées par ses deux alliés Ruaidhrí Mac Ruaidhrí, du Clan MacRuari, roi des Insi-Gall (Hébrides), et Aonghas Óg « Mac Domnail », roi d’Argyll[24] qui périssent d’ailleurs tous deux également pendant la campagne[25].

Union et postérité

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La vie conjugale d'Édouard Bruce a été particulièrement troublée. Il semble avoir été fiancé avec Isabelle la fille de John Strathbogie, comte d'Atholl (exécuté par les Anglais en 1306), probablement dans le contexte de l'appui donné par le comte d'Atholl à la Maison de Bruce au cours des évènements de l'été 1306. Il a avec elle un fils Alexandre, considéré comme illégitime, car l'on ne sait pas si Édouard et Isabelle ont été effectivement mariés et si leur union a été annulée pour qu'il puisse épouser une autre Isabelle, fille de William (mort en 1323), comte de Ross.

En 1306 le comte de Ross William avait capturé et livré aux Anglais la reine Elizabeth et la famille de Robert Ier et il est sans doute aussi responsable de la capture du comte d'Atholl. Selon une dispense papale de 1317, l'union d'Édouard Bruce avec Isabelle de Ross était sans doute destinée à mettre fin au conflit entre le comte de Ross et la Maison de Bruce, car on peut dater la soumission du comte au roi Robert Ier d'. Aucun enfant n'est né de ce mariage qui aura toutefois une conséquence funeste. Le comte d'Atholl David II Strathbogie, frère d'Isabelle d'Atholl, accuse Édouard Bruce d'avoir traité sa sœur comme une concubine et il déserte la cause des Bruce la veille de la Bataille de Bannockburn lorsqu'il passe du côté des Anglais[26].

Son fils, Alexandre Bruce, devenu comte de Carrick vers 1330[27], est tué lors de la bataille de Halidon Hill le .

Notes et références

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  1. Brown 2004, Table 10.1 « The Bruce Dynasty 1303-1371 », p. 215.
  2. Barrow 2005, note 33, p. 431 probablement avec Domhnall Ua Neill de Tir Eogan
  3. a b c d e f et g (en) A. A. M. Duncan, « Bruce, Edward, earl of Carrick (c.1280–1318), » Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
  4. Brown 2004, p. 204.
  5. a et b Barrow 2005, p. 502.
  6. Brown 2004, p. 205-206.
  7. Brown 2004, p. 207.
  8. Barrow 2005, p. 250.
  9. Barrow 2005, p. 359.
  10. Brown 2004, p. 208.
  11. Barrow 2005, p. 296.
  12. Barrow 2005, p. 300.
  13. Brown 2004, p. 211.
  14. Barrow 2005, p. 309.
  15. (en) Gordon Donaldson, Scottish historical documents Scottish Academic Press (Edinburgh & Londres 1974) (ISBN 0701116048) « 1315 Settlement of succession » p. 51-53
  16. Barrow 2005, p. 381.
  17. Brown 2004, p. 349.
  18. Barrow 2005, p. 409.
  19. Annales de Connacht : AC 1315.2 et AC 1315.3
  20. a b et c Barrow 2005, p. 410.
  21. Annales des quatre maîtres: AM 1317.4 .
  22. Annales de Connacht AC: 1318.8
  23. Barrow 2005, p. 411.
  24. Brown 2004, p. 265.
  25. Annales d'Ulster: AU 1315.5 (recte 1318)
  26. Barrow 2005, p. 355.
  27. Barrow 2005, p. 360.

Bibliographie

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  • (en) G.W.S. Barrow, Robert Bruce and the Community of the Realm of Scotland, Edinburgh, E.U.P 4e édition, , 531 p. (ISBN 9-780748-620227).
  • (en) Michael Brown, The Wars of Scotland 1214~1371, Edinburgh, Edinburgh University Press, coll. « The New Edinburgh History of Scotland » (no 4), , 379 p. (ISBN 0748612386).
  • (en) Art Cosgrove (sous la direction de), A New History of Irland, vol. II : Medieval Ireland 1169-1534, Oxford, Oxford University Press, , 1066 p. (ISBN 978-0-19-953970-3)
  • (en) Clare Downham, Medieval Ireland, Cambridge, Cambridge University Press, , 338 p. (ISBN 978-1-906716-06-6), p. 249,259,262,264,289
  • (en) A. A. M. Duncan, « Bruce, Edward, earl of Carrick (c.1280–1318), » Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
  • (en) Richard Killen, A Timeline of Irish History, Dublin, Gill & Macmillan, , 112 p. (ISBN 07171-3484-9).
  • (en) Goddard Henry Orpen, Ireland under the Normans, vol. IV (1216-1333), Oxford, The Clarendon Press, , p. 160-206, chapitre XXXVII « The Invasion of Edward Bruce ».
  • (en) John L. Roberts, Lost Kingdoms Celtic scotland and the Middle Ages, Edinburgh, Edinburgh University Press, , 230 p. (ISBN 0748609105), p. 127,141,143,144,145,147,149.