Antoine Joseph Santerre | ||
Portrait d'Antoine-Joseph Santerre, commandant de la garde nationale de Paris, huile sur toile anonyme, 1793. | ||
Naissance | Paris |
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Décès | (à 56 ans) Paris |
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Origine | Français | |
Allégeance | Royaume de France (1791-1792) République française (1792-1794) |
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Grade | Général de division | |
Années de service | 1791 – 1794 | |
Conflits | Guerres de la Révolution française Guerre de Vendée |
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Faits d'armes | Prise des Tuileries Bataille de Saumur Bataille de Vihiers 3e Bataille de Coron |
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Autres fonctions | Brasseur | |
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Antoine-Joseph Santerre, né le à Paris, où il est mort le , fils d'un riche brasseur parisien et lui-même brasseur, est à partir de 1789 un des principaux leaders révolutionnaires de Paris, à la tête des sans-culottes du faubourg Saint-Antoine.
Dans cette position, il s'oppose à plusieurs reprises à La Fayette, commandant en chef de la Garde nationale, notamment les 28 février et 17 juillet 1791.
L'avènement de la République en 1792 en fait un chef de la Garde nationale de Paris, puis un général de brigade. Engagé dans la guerre de Vendée en mai 1793, il est promu général de division, mais est rappelé en septembre 1793 après sa défaite à Coron.
Emprisonné pendant la Terreur, mais protégé par Barère, il est libéré le jour de l'exécution de Robespierre (28 juillet 1794). Le reste de sa vie est marqué par de graves problèmes financiers et il meurt dans la pauvreté.
Il est le fils d'Antoine Santerre, brasseur venu en 1747 du Cambrésis (Saint-Michel, en Thiérache) s’établir à Paris, où en 1748, il épouse une cousine, Marie-Claire (née Santerre), fille d'un brasseur de Cambrai. Propriétaire d'une première brasserie, dite « de la Magdeleine », située rue d’Orléans Saint-Marcel, Antoine en acquiert une deuxième rue Censier grâce à la dot de son épouse.
Antoine-Joseph naît rue du Noir (actuelle rue Gracieuse), dans un des immeubles familiaux.
Il est le troisième d'une fratrie de six : Marguerite, Baptiste, Antoine Joseph, Armand Théodore (miroitier, puis sucrier), François (lui aussi brasseur) et Claire (épouse d'Étienne-Jean Panis, avocat, député à la Convention[1]).
Il perd ses parents encore enfant, d'abord sa mère, puis son père[2]. Avec ses frères et sœur plus jeunes, il est élevé par les deux aînés, Marguerite et Baptiste, avec l'aide de Jean-Baptiste Santerre et de Marie-Marguerite Durand, leurs oncle et tante, qui appartiennent à la bourgeoisie parisienne.
Antoine-Joseph fait des études secondaires au collège des Grassins, un des neuf collèges de plein exercice de l'université de Paris. Il s'intéresse à l'histoire et à la physique[3], mais aussi à la chimie.
Il est émancipé le 27 juin 1770 à l'âge de 18 ans[4]. Étant fils de maître, il exerce à son tour la profession de brasseur, mais hors de l'entreprise familiale, dévolue à Marguerite et à Baptiste.
En 1772, il acquiert la brasserie de l'Hortensia à Reuilly[5] et épouse Marie François (née en 1756), fille d'un brasseur. Elle meurt l'année suivante à la suite d'une chute ayant occasionné une fausse couche[6].
Il réside dans le quartier de Reuilly, à proximité de l'actuelle station de métro Faidherbe-Chaligny, au début de l'actuelle rue de Reuilly[7].
Associé avec son frère François[8], il devient le principal fournisseur de bière à Paris et aux alentours.
En 1778, il épouse en secondes noces Marie Adélaïde Deleinte[9], fille du bijoutier, puis négociant, René Deleinte[10], qui enrichi, a acquis deux seigneuries (Arcueil et Cachan) et a fait entrer deux de ses filles dans la noblesse. C'est donc un mariage très honorable pour Antoine Santerre[11].
Dans les années 1780, les frères Santerre créent un laboratoire de recherche à Sèvres, pour y développer des techniques de production industrielle rapportées d’Angleterre. Antoine Joseph Santerre est un des premiers à se servir du coke pour le séchage de l’orge.
Santerre, surnommé « gros père » par ses ouvriers, a dans le village de Bercy où se situe l’essentiel de son activité industrielle[pas clair], une réputation de bon patron.
En 1789, âgé de 37 ans, il tient une brasserie au 176 boulevard Saint-Antoine (actuel boulevard Beaumarchais, de la place de la Bastille à la place de la République). Il est surnommé « le père du Faubourg ».
En mai s'ouvrent les États généraux convoqués en 1788 par Louis XVI[12], dont les députés ont été élus de janvier à avril 1789 : pour chaque bailliage du royaume, un député du clergé, un de la noblesse et deux du Tiers état[13].
La séance d'ouverture a lieu le 5 mai avec un discours du roi aux trois ordres rassemblés. Les députés sont ensuite supposés partir pour discuter séparément, chaque ordre dans une salle, sans se contacter, et voter ensuite par ordre (chaque ordre disposant d'une voix). Les députés du Tiers état refusent alors de quitter la salle (Mirabeau : « Nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes »), exigeant que les délibérations aient lieu en séance plénière et en votant par tête (une voix par député). Le roi ignore cette demande, mais ne fait pas expulser les députés du Tiers état par la troupe.
Au bout d'un mois et demi d'attente et de discussions[14], les députés du Tiers, soutenus par quelques députés nobles et clercs, se proclament « Assemblée nationale » le 17 juin, puis font le serment de « donner une constitution à la France » le 20 juin. Le 9 juillet, sous la pression du ministre des Finances Jacques Necker et des nobles libéraux, et sous la menace d'un soulèvement de Paris, le roi reconnaît cette assemblée de rebelles comme « Assemblée nationale constituante » : c'est la fin de la monarchie absolue et de l'Ancien Régime.
Toutefois, une dernière épreuve a lieu quelques jours plus tard, à la suite du renvoi de Necker le 11 juillet, auquel s'ajoute la croyance des Parisiens à l'encerclement de la capitale et de Versailles par des troupes de ligne. À l'instigation de Danton et de Desmoulins, ils décident de s'armer en s'emparant notamment de la forteresse de la Bastille, située à la limite du faubourg Saint-Antoine.
Santerre prend part à la journée du 14 juillet 1789. Le lendemain, il indique[pas clair] qu'il a été nommé par le peuple commandant général du faubourg Saint-Antoine et qu’à la tête de quatre cents hommes, il a participé au siège et à la prise de la Bastille.
Il prétend aussi que s’il l’avait fallu, il « l’aurait incendiée avec de l’huile d’œillet et d’aspic, enflammé avec du phosphore, injecté au moyen de pompes à incendie qui étaient prêtes. Il a réussi non sans risque pour lui à sauver la vie à un invalide que la multitude voulait pendre. Le comité permanent a applaudi au zèle et à l’humanité de M. Santerre. Il a confirmé les pouvoirs à lui donnés par le peuple et l’a invité à redoubler ses soins, s’il était possible, pour ramener l’ordre et le calme dans le faubourg Saint-Antoine dont la tranquillité a tant d’influence sur la tranquillité de toute la ville »[15].
La journée du 14 juillet, suivie de la visite du roi à Paris le 17, a des conséquences importantes, en plus de la sécurisation de l'Assemblée constituante : l'adoption de la cocarde bleu-blanc-rouge comme symbole du nouveau régime ; la création de la Garde nationale à Paris, puis dans toutes les villes du royaume ; la propulsion au premier rang du marquis de La Fayette, député de la noblesse, nommé commandant en chef de cette Garde nationale.
L'Assemblée se lance ensuite[16] dans le travail qui lui incombe, faire une constitution, en votant très vite des lois essentielles : l'abolition des privilèges[17] existant dans le royaume (4 août 1789) ; le préambule de la constitution (la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) ; la création des communes et des départements (décembre) ; la constitution civile du clergé.
Deux sources de conflit avec les sans-culottes apparaissent très vite : le refus du suffrage universel (masculin) ; le maintien de pouvoirs royaux étendus, notamment le droit de veto. Une autre décision concerne Santerre en tant que chef d'entreprise ainsi que ses ouvriers : la loi Le Chapelier du 14 juin 1791, qui abolit les corporations et interdit toute association professionnelle, aussi bien des patrons que des ouvriers.
C'est dans ce cadre que Santerre devient un homme politique, tout en continuant de diriger ses entreprises.
Le , Santerre participe à une émeute à Vincennes, où les sans-culottes cherchent à s'emparer du château afin d'empêcher qu'il devienne le point de départ d'une fuite suspectée du roi.
La Fayette, commandant en chef de la Garde nationale, s’y rend avec des troupes. Il est hué par les émeutiers, mais lance tout de même ses troupes pour chasser les émeutiers. Dans la confusion, Santerre tire en direction de La Fayette, atteignant son second, Desmottes[18][réf. nécessaire]. Les émeutiers sont contraints de se replier sur le Faubourg Saint-Antoine, où les troupes de La Fayette finissent par les disperser.
Pendant ces événements de Vincennes, une centaine de gentilshommes armés (appelés par la suite les « chevaliers du poignard »), viennent au palais des Tuileries pour apporter leur aide au roi au cas où les émeutiers y viendraient (et peut-être pour l'enlever et l'emmener ailleurs[réf. nécessaire]). Mais des gardes nationaux sont toujours présents aux Tuileries et Louis XVI demande aux gentilshommes de déposer les armes.
En juin 1791, un procès a lieu contre Santerre, en raison de l'affaire de Vincennes.
Mais c'est aussi alors que le roi fait sa tentative d'évasion qui échoue à Varennes. Arrêté, il est ramené à Paris, totalement déconsidéré dans le milieu des patriotes parisiens. Pourtant, l'Assemblée décide de le maintenir sur le trône.
Le , des patriotes et sans-culottes parisiens se rassemblent au Champ de Mars, devant un « autel de la patrie », afin de signer une pétition réclamant la déchéance du roi et le passage à un régime républicain.
Au cours de la matinée, l’Assemblée demande à Bailly, maire de Paris, et à La Fayette, commandant de la Garde nationale, de se rendre sur place avec des troupes et de mettre fin à la manifestation. Au terme des sommations d'usage, les gardes nationaux tirent sur les manifestants. L'Assemblée lance des mandats d'arrêt contre les principaux participants, notamment Robespierre et Marat, qui sont obligés de se cacher.
Santerre, malgré ses dénégations, est accusé d’avoir sciemment tiré sur la foule[pas clair] et est décrété de prise de corps. Il se cache puis réussit à se faire amnistier.
Au Palais-Royal où il reparaît, Santerre fréquente le « 129 » un établissement de jeu que dirige son beau-frère Jacques-Bon Pelletier Descarrières[19], un ancien officier de la maison du roi.
Le , avec les habitants du faubourg Saint-Antoine, Santerre qui occupe à nouveau sans en avoir le titre le commandement général de la garde nationale, laisse envahir le château des Tuileries, opération destinée à faire pression sur Louis XVI nommé « monsieur Veto ». D’après Jean-Louis Carra, les « directeurs secrets de la révolte » qui devaient conduire à la chute de la monarchie « sont choisis par le comité central des Fédérés établi dans la salle de correspondance aux Jacobins-Saint-Honoré » : « Je fus, dit-il, adjoint à ces cinq membres, à l’instant même de la formation du directoire, et quelques jours après, on y invita Fournier l’Américain, Westermann, Kieulin de Strasbourg, Santerre, Alexandre, etc.[20] ».
Dès le , avec Charles-Alexis Alexandre, Claude François Lazowski, François-Joseph Westermann, Claude Fournier l'Américain, Santerre participe à plusieurs réunions du comité insurrecteur qui prépare la prise d’assaut du château des Tuileries, qui a lieu le .
À la tête de son détachement de la Garde nationale, Santerre ne remplit pas la mission d’interposition qui lui est dévolue[21]. Au contraire, il favorise le mouvement insurrectionnel qui aboutit à la prise du château des Tuileries et au vote par l’Assemblée d’un décret de déchéance du roi Louis XVI.
Il devient alors commandant de la garde nationale[22].
Après la prise du château et l’évacuation de la famille royale à l'Assemblée, il assure son transfert à la prison du Temple.
L'Assemblée législative est dissoute et des élections au suffrage universel sont organisées. Il en sort une nouvelle assemblée constituante, la Convention, dont la quasi-totalité des membres sont républicains. La République est proclamée le 22 septembre 1792, le lendemain de la victoire de Valmy sur l'armée prussienne.
Plusieurs lettres dont celles du maire de Paris Jérôme Pétion, indiquent qu’ordre a été donné au commandant de la garde nationale Santerre de s’interposer entre les massacreurs et les prisonniers désarmés, tant à l’Abbaye, à la Force, au Châtelet, à la Salpêtrière qu’aux Carmes et dans les maisons de détention visées. Alors même que le maire Pétion lui a déjà écrit une première fois pour qu’il fasse cesser les massacres, il affecte une nouvelle fois d’attendre des ordres que le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Roland lui a transmis également. Pétion lui écrit à nouveau : « Je vous écris, M. le Commissaire général, relativement à la prison de la Force. Je vous ai prié d’y établir un nombre d’hommes si imposant qu’on ne fût pas tenté de continuer les excès que nous venons de déplorer. Vous ne m’avez pas répondu. J’ignore si vous avez satisfait à ma réquisition, mais je vous la réitère ce matin. Comme j’en ai rendu compte à l’assemblée nationale, j’ignore ce que je pourrai lui dire sur l’état de cette prison... »
Il est promu maréchal de camp le .
Il est présent à l’exécution de Louis XVI le . Il est surnommé le « général roulement », allusion au roulement de tambour qu’il aurait ordonné pour couvrir la voix de Louis XVI sur la guillotine (d'autres versions attribuant cette initiative au général Berruyer).
Santerre renonce à son poste de commandant de la Garde le , au début du conflit entre les Girondins et la Commune de Paris qui l'emporte en juin et impose à la Convention de voter la proscription de 29 députés girondins (dont Vergnaud, Condorcet, etc.) dont la plupart seront guillotinés.
Par prudence, il s'engage dans l'armée pour la Vendée où Bouchotte lui donne un commandement. Santerre sert à Saumur le . Il est battu à Vihiers le 18 juillet.
Il est cependant promu général de division le , faisant fonction de général en chef de l'armée des côtes de La Rochelle du au .
Il est vainqueur à Doué-la-Fontaine le , est battu à Coron le 19.
Il est alors rappelé à Paris.
Santerre est menacé par Robespierre mais est protégé par Barère et par Collot d'Herbois qui, pour le soustraire à des dangers certains, le font incarcérer.
Ses papiers ont officiellement été mis sous séquestre, mais ils se volatilisent aussitôt, et le dossier de Santerre est retrouvé vide.[pas clair]
Santerre est emprisonné à la prison des Carmes, attendant sa libération pendant que des centaines de gens sont condamnés à mort par le Tribunal révolutionnaires et guillotinés, des royalistes, mais aussi les hébertistes (mars 1794) et les dantonistes (avril 1794). Sur le plan militaire, la Vendée est vaincue dès décembre 1793 (bataille de Savenay) et les armées étrangères reculent à partir de juin 1794 (bataille de Fleurus) : la République n'est plus en danger.
Le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), la Convention, menée par Tallien, se dresse contre Robespierre, Saint-Just et leurs proches, qui sont décrétés d'arrestation, puis arrêtés et guillotinés le 28. Santerre est libéré dès le .
le 29, il se démet de son grade de général de division (réintégré, il sera admis au traitement de réforme le ).
À sa sortie de prison, sa situation n'est pas brillante : il est ruiné et abandonné par son épouse.
Il vit petitement du commerce des chevaux pour l’armée : à la suite de son marché passé en 1792 avec l’État[pas clair], il est contraint de rembourser 672 500 livres pour non livraison de matériel, c’est-à-dire 6 000 chevaux[23].
Il continue de spéculer sur les biens nationaux.
Ami du directeur Jean-François Moulin, il est arrêté après le 18 brumaire (novembre 1799) puis relâché grâce à l'intervention de Fouché.
Il meurt ruiné.[réf. nécessaire]
Louis Marie Turreau : « Il serait un bon capitaine de hussards. Il se bat bien, boit encore mieux et est parvenu à signer son nom »[24].
Michelet écrit à son sujet : « ...C’était une espèce de Goliath, sans esprit, sans talent, ayant les apparences du courage, du bon cœur et de la bonhomie. »
Dans Quatrevingt-treize, Victor Hugo lui attribue la création du système de la demi-brigade, destiné à opérer l'amalgame entre les troupes de ligne et les bataillons de volontaires.
Antoine Joseph Santerre apparaît à de nombreuses reprises dans le Chevalier de Maison-Rouge d’Alexandre Dumas. Antoine-Étienne Carro, parent du général, signale une erreur[réf. nécessaire] dans l’un de ces épisodes où, selon lui, Dumas lui fait jouer un « rôle grossier et ridicule ».
Santerre apparaît dans les premières pages du Comte de Chanteleine, roman historique de Jules Verne : « La Convention, effrayée, ordonna de détruire le sol de la Vendée et d’en chasser les « populations ». Le général Santerre demanda des mines pour faire sauter le pays, et des fumées soporifiques pour l’étouffer ; il voulait procéder par l’asphyxie générale. Les Mayençais furent chargés de « créer le désert » décrété par le Comité de salut public. »
Santerre figure aussi dans le roman Quatrevingt-treize de Victor Hugo.
Dans La Solitude, vingt-troisième poème du Spleen de Paris (1869), Charles Baudelaire fait référence aux « tambours de Santerre ».
Dans le cinquième tableau de Vendée ! épisodes lyriques (poème et musique de Georges Fragerolle, ombres d'Eugène Courboin), il est fait état de la défaite de Santerre en Vendée[25].