Castorocauda lutrasimilis
Règne | Animalia |
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Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Classe | Synapsida |
Clade | Therapsida |
Clade | Cynodontia |
Clade | Mammaliaformes |
Ordre | † Docodonta |
Famille | † Docodontidae |
Castorocauda (littéralement « queue de castor ») est un genre fossile de mammaliaformes semi-aquatiques, appartenant à l'ordre également fossile des docodontes. Il a vécu durant le Jurassique moyen (Callovien) dans ce qui est actuellement la Chine. Une seule espèce est connue, Castorocauda lutrasimilis, décrite en 2006 à partir d'un squelette relativement complet découvert dans la formation de Tiaojishan, située en Mongolie-Intérieure. Le taxon illustre une radiation évolutive des mammaliaformes qui ont occupé divers habitats et niches écologiques au cours du Jurassique. Sa découverte, ainsi que celle d'autres groupes de mammaliaformes, réfute l'ancienne hypothèse selon laquelle ce groupe aurait peu évolué avant l'avènement des mammifères.
Pesant de 500 à 800 grammes, Castorocauda figure parmi les plus grands mammaliaformes connus du Jurassique. C'est également le plus ancien genre connu à posséder des adaptations aquatiques ainsi que de la fourrure sur la peau. L'animal est adapté pour creuser et ses dents sont très similaires à celles des phoques et des archéocètes de l'Éocène, suggérant qu'il se comporterait de la même manière que les ornithorynques ou les loutres de rivières, qui se nourrissent principalement de poissons. Castorocauda aurait vécu dans un environnement tempéré, humide, saisonnier et frais – avec une température moyenne ne dépassant pas les 15 °C – aux côtés des urodèles, ptérosaures, dinosaures et même d'autres mammaliaformes.
Le spécimen holotype, catalogué JZMP 04117, est découvert dans les lits de Daohugou, au sein de la formation de Tiaojishan, un lieu situé dans la Mongolie-Intérieure, en Chine. Ce site fossilifère, très réputé pour la qualité de préservation de ces fossiles, est daté du Jurassique moyen à supérieur, entre 164 et 159 millions d'années[1],[2]. Cette découverte, publiée en 2006 dans la revue scientifique Science, concerne un squelette partiel comprenant un crâne incomplet mais avec une mandibule bien conservée, la plupart des côtes, les membres (à l'exception de la patte arrière droite), le bassin et la queue. Les restes incluent des parties molles exceptionnellement bien conservées, comme des éléments internes et de la fourrure[1].
Le nom générique Castorocauda dérive du latin castor « castor » et cauda « queue », en référence à la queue semblable à celle des castors actuels. L'épithète spécifique lutrasimilis vient de lutra « loutre » et similis « similaire », car les dents et les vertèbres partagent de nombreux points communs avec celles des loutres modernes[1].
Castorocauda est le plus grand des représentants connus des docodontes[3]. La longueur du spécimen holotype est de 42,5 centimètres de la tête à la queue, mais il semble manquer quelques éléments sur le fossile, ce qui pourrait donner un animal légèrement plus grand. Sur la base des dimensions de l'ornithorynque, son poids est estimé entre 500 et 800 grammes, ce qui en fait le plus grand mammaliaforme connu de tout le Jurassique[1].
Les dents recourbées de Castorocauda ressemblent davantage à celles des mésonychiens, des archéocètes de l'Éocène et des phoques qu'à ceux des autres docodontes. Cette même dentition lui aurait permis à retenir les poissons glissants[5]. Les deux premières molaires ont des cuspides alignées et imbriquées lorsque la mâchoire est fermée. Cette caractéristique est similaire à la condition ancestrale chez les mammaliaformes (comme chez les triconodontes), mais est un caractère dérivé chez Castorocauda[1],[4]. La mandibule contient de chaque côté quatre incisives, une canine, cinq prémolaires et six molaires[1].
Les membres antérieurs de Castorocauda ressemblent beaucoup à ceux des ornithorynques : l'humérus s'élargit vers le coude, les os de l'avant-bras ont des épicondyles hypertrophiés (où le joint s'attache), les articulations radiales et ulnales sont largement séparées, le cubitus a un olécrâne massif (où il s'attache au coude), les os du poignet ressemblent à des blocs et les os des doigts sont robustes. Les docodontes auraient été probablement des fouisseurs qui auraient eu une démarche rampante, et Castorocauda peut aussi avoir utilisé ses bras pour pagayer, comme les ornithorynques actuels. La présence de tissus mous entre les orteils suggère que les pattes postérieures auraient été palmées[1]. Castorocauda avait probablement des griffes[6], l'holotype montrant un éperon sur la cheville postérieure, qui, chez les ornithorynques mâles, est venimeux[1].
Castorocauda possède quatorze vertèbres thoraciques, sept vertèbres lombaires, trois vertèbres sacrées et vingt-cinq vertèbres caudales. Comme certains mammifères, l'animal a des côtes resserrées et ces derniers s'étendent dans les vertèbres lombaires. Le placage se produit sur les marges proximales, la partie de la côte la plus proche de la vertèbre, et chez Castorocauda, elles peuvent avoir servi à augmenter la zone d'insertion (la partie d'un muscle qui bouge en se contractant) du muscle ilio-costal sur le dos, ce qui emboîterait les côtes voisines et soutiendrait mieux le torse de l'animal[1]. Les côtes plaquées sont présentes chez les xénarthres arboricoles et fouisseurs. Les vertèbres caudales sont aplaties dorso-ventralement, raccourcies verticalement et élargies plus horizontalement, et chaque centrum a deux paires de processus transverses (qui font saillie en diagonale du centrum), du côté de la tête et une autre du côté arrière, ce qui fait que le centrum ressemble un peu à la lettre « H » vue de dessus et en regardant vers le bas. L'anatomie de la queue est similaire à celle des castors et des loutres, qui utilisent celle-ci pour pagayer et se propulser[1],[4].
La fourrure présente sur l'holotype est la plus ancienne conservé à ce jour[3],[7]. Cela montre que la fourrure, avec ses nombreuses utilisations, y compris la thermorégulation et le sens tactile, est un caractère ancestral antérieur aux mammifères[7]. Les mammifères de la formation d'Yixian conservés avec de la fourrure présentent peu de poils sur la queue, alors que le contour de la fourrure conservé sur la queue de Castorocauda est 50 % plus large que le bassin. Le premier quart est couvert de poils de garde, la moitié médiane d'écailles et d'une petite couverture de poils et le dernier quart d'écailles avec quelques poils de garde supplémentaires. Ces caractéristiques sont très similaires à ce qu'on trouve chez les castors[1]. Les traces de fourrure, avec les sens tactiles associés, laissent présumer un néocortex développé, une partie du cerveau spécifique aux mammifères qui contrôle la perception sensorielle[7].
Castorocauda fait partie des Docodonta, un ordre éteint de mammaliaformes. Les mammaliaformes comprennent les mammifères et le groupe-souche des formes basales les plus proches, parmi lesquelles figurent les docodontes. Lorsque Castorocauda fut décrit en 2006, les chercheurs pensaient qu'il était lié aux genres européens Krusatodon et Simpsonodon[1]. Dans une synthèse publiée en 2010 sur les docodontes, le taxon Docodonta est divisé en trois familles : Docodontidae, Simpsonodontidae et Tegotheriidae, avec Castorocauda considéré comme un incertae sedis, ce dernier possédant des affinités indéterminées[8]. Simpsonodontidae est maintenant considéré comme paraphylétique et donc invalide, et Castorocauda semble être plus étroitement lié à Dsungarodon[9],[6], un petit omnivore provenant du bassin de Junggar (en) (Chine)[10].
Castorocauda fait partie d'une radiation évolutive des mammaliaformes au Jurassique, au cours duquel ces derniers occupent un large éventail de niches écologiques et développent plusieurs traits modernes, tels que des dents « mammaliennes » et une oreille interne plus avancée[11]. Il fut auparavant admis que les mammifères étaient de petite taille et vivaient sur la terre ferme jusqu'à l'extinction des dinosaures. La diversification des mammaliaformes au Jurassique, puis des mammifères au Crétacé, notamment eutriconodontes, multituberculés, australosphénidés, métathériens et euthériens, a réfuté cette notion[4]. La dislocation de la Pangée, qui commence au Jurassique inférieur, a produit des habitats diversifiés pour toutes les formes animales[11].
Ci-dessous, un cladogramme détaillé montrant le placement de Castorocauda parmi les mammaliaformes, d'après Close et al. (2015)[11] :
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Castorocauda est le plus ancien mammaliaforme semi-aquatique connu, repoussant la date d'apparition des premières adaptations aquatiques de plus de 100 millions d'années lors de sa découverte[12]. Les dents s'emboîtent lorsque la mâchoire est fermée, suggérant qu'elles auraient été utilisées pour saisir des proies, les molaires recourbées pouvant retenir des proies glissantes comme les poissons. Il s'agirait d'une convergence évolutive avec les phoques et les cétacés anciens de l'Éocène, suggérant une position écologique similaire. Avec ses adaptations à la nage, au creusement, ainsi que par sa taille, Castorocauda peut être rapproché des ornithorynques, des loutres de rivière et autres mammifères semi-aquatiques similaires en écologie et se nourrissant principalement de poisson[1].
Les lits de Daohugou, endroit d'où Castorocauda est connu, comprennent également plusieurs fossiles de salamandres, de ptérosaures (dont beaucoup auraient été probablement piscivores), d'insectes, la crevette palourde du genre Euestheria et quelques dinosaures non aviens[1],[2]. Aucun poisson n'est connu dans cette zone, mais la localité associée de Linglongta contient des ptycholépiformes (en) indéterminés. Le groupe des mammifères primitifs comprend le planeur Volaticotherium, le fouisseur Pseudotribos ainsi que Juramaia, qui n'est autre que le plus ancien euthérien connu à ce jour[2]. Parmi les mammaliaformes non mammifères, on peut citer le planeur Arboroharamiya et Megaconus[13],[14].
La végétation de la formation de Tiaojishan est dominée par les cycadeoïdes (principalement représentés par les genres Nilssonia (en) et Ctenis (en)), les fougères leptosporangiées ainsi que des ginkgophytes ; s'y trouvent aussi des restes de pollens provenant principalement de ptéridophytes et de gymnospermes, qui indiquent que la formation aurait eu un climat tempéré frais, avec des saisons humide et sèche distinctes, éventuellement avec une température annuelle inférieure à 15 °C[15],[16].