Star Maker
Créateur d'étoiles | ||||||||
Auteur | Olaf Stapledon | |||||||
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Pays | Royaume-Uni | |||||||
Préface | Jacques Bergier | |||||||
Genre | science-fiction | |||||||
Version originale | ||||||||
Langue | Anglais britannique | |||||||
Titre | Star Maker | |||||||
Éditeur | Methuen Publishing Ltd | |||||||
Lieu de parution | Londres | |||||||
Date de parution | 1937 | |||||||
Nombre de pages | 339 | |||||||
ISBN | 1-85798-807-8 | |||||||
Version française | ||||||||
Traducteur | Brigitte André | |||||||
Éditeur | Planète | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1966 | |||||||
Nombre de pages | 253 | |||||||
ISBN | 978-2-9557288-1-9 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Créateur d'étoiles (titre original : Star Maker) est un roman de science-fiction britannique d'Olaf Stapledon publié en 1937 par Methuen Publishing Ltd. Le récit déroule l'histoire de l'Univers en y décrivant la vie qu'il abrite, et évoque une multitude d'autres univers.
Bien que le livre n'ait jamais conquis une large audience, il est considéré par les critiques comme un classique de la science-fiction et une œuvre majeure du genre par son ampleur et par les thèmes abordés. De plus il a inspiré un grand nombre d'auteurs majeurs, tels qu'Arthur C. Clarke ou Brian Aldiss.
Créateur d'étoiles constitue avec Les Derniers et les Premiers et Les Derniers Hommes à Londres, entre lesquels il existe des liens, une trilogie des temps futurs.
Le narrateur, sorti un soir de chez lui et méditant sur une colline, est « transporté » hors de son corps de manière inexpliquée. Il découvre qu'il est capable mentalement d'explorer l'espace intersidéral. Après avoir exploré la civilisation d'une autre planète semblable à la Terre située dans notre galaxie à plusieurs milliers d'années-lumière du système solaire, son esprit « fusionne » avec celui de l'un de ses habitants. Alors qu'ils voyagent tous deux dans l'espace, ils sont rejoints par d'autres esprits et fusionnent par effet « boule de neige ». Le groupe virtuel ainsi formé visite de multiples mondes très divers.
Ces voyageurs stellaires apprennent à coexister et à former un esprit collectif soudé par télépathie. Finalement, ils finissent par rencontrer le « Créateur d'étoiles », qui n'est autre que l'Être suprême ayant créé l'Univers. Le narrateur réalise que son univers n'est qu'un univers parmi d'autres, qu'il n'est pas le plus grand de ceux qui existent, et que chaque univers est une œuvre d'art.
À la fin du roman, le narrateur retourne sur Terre, au moment et au lieu qu'il avait quitté au début du roman.
Le contexte personnel d'écriture est d'autant plus important que le narrateur de Créateur d'étoiles, qui n'est ni nommé ni décrit, possède tous les traits d'Olaf Stapledon lui-même. Certains de ces traits apparaissaient de manière plus évidente dans les versions préliminaires du texte[1]. En 1937, Olaf Stapledon habite sur la péninsule de Wirral, à l'ouest de Liverpool dans une maison de la petite ville cossue de West Kirby, avec sa femme Agnès Miller et ses deux enfants Mary Sydney (née en 1920) et John David (né en 1923). Stapledon a rencontré sa femme alors qu'elle était très jeune, entamant une relation épistolaire avec elle, nourrie d'un certain idéal romantique. Ils se sont mariés en 1919, juste après la fin de la Première Guerre mondiale. La péninsule de Wirral est comprise entre deux estuaires, ceux de la Dee et de la Mersey. Ce contexte maritime imprègne l'œuvre, de par des références multiples aux animaux marins ou côtiers, et par l'utilisation de termes nautiques. Une espèce extra-terrestre, les Nautiloïdes, ressemble d'ailleurs à un bateau. Stapledon a grandi entre deux ports, Liverpool et Port Saïd (au nord du canal de Suez), sa famille travaille dans le fret maritime depuis trois générations et lui-même a travaillé quelques années dans les entrepôts de son père William Clibbett Stapledon.
La maison des Stapledon est proche de la colline de Caldy (Caldy Hill), qui a inspiré la colline sur laquelle se trouve le narrateur au début du récit. Cette colline, située entre West Kirby et le village de Caldy, s'élève à 80 mètres d'altitude et possède un point de vue sur l'estuaire de la rivière Dee et la mer d'Irlande. Non loin de là se trouve aujourd'hui un bois appelé Stapledon Wood (commune de Birkenhead). Cette grande étendue de bois près de sa maison sur Caldy Hill, a été léguée au public par Stapledon pour en faire un parc, en mémoire de ses parents[2]. Des hauteurs de Caldy on aperçoit le phare de Point of Ayr, qui se trouve à l'extrémité nord du pays de Galles, et qui a inspiré le phare vu par le narrateur au début du récit.
Créateur d'étoiles, publié au début de 1937, est fortement marqué par le contexte historique de l'époque, et les tensions internationales[3]. En 1937, le monde est à la veille de la Seconde Guerre Mondiale.
Le rôle (et l'impuissance ?) de la Société des Nations (dans Créateur d'étoiles apparait une « Ligue galactique » d'opposition à des « Empires "Fous" »), la Guerre civile Espagnole (1936-1939) et notamment le bombardement de la ville de Guernica (26 avril 1937) par l'aviation allemande, la montée du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne, l'agression japonaise contre la Chine (1937, et déjà en 1931), le colonialisme (notamment le mouvement pour l'indépendance de l'Inde de Gandhi contre l'Empire britannique, 1915-1947), la consolidation du communisme en Union soviétique et son extension à la Chine (1927-1950), tous ces éléments trouveront un écho plus ou moins direct dans le roman[à développer].
D'ailleurs on sait qu'Olaf Stapledon avait publié en 1929 une Théorie moderne de l'éthique, et que, dès avant mais surtout dans l'après-guerre, il s'impliquera dans les mouvements pour la paix mondiale ainsi que dans la lutte anti-apartheid. Ce qui indique que son roman, tout en préfigurant par certains aspects les futures thèses transhumanistes, s'inscrit d'abord dans un courant simplement humaniste au sens large et inclusif du terme [voir l'article consacré à l'auteur].
L'idée du livre a germé dans l'esprit de Stapledon vingt ans avant sa parution, dès 1917[1]. En effet ses lettres et ses poèmes contiennent des thèmes similaires à ceux développés dans Créateur d'étoiles.
Stapledon commence avant la première Guerre mondiale à rédiger un texte qui, comme Créateurs d'étoiles, combine plusieurs genres: la chronique, la satire et le conte philosophique. Ce livre, intitulé In a Glass Darkly est révisé pour devenir The Sleeping Beauty, puis est abandonné au début des années 1920. Le chapitre XI de ce texte, intitulé Un mythe sur Dieu et l'Esprit est clairement un précurseur de Créateur d'étoiles. De plus il contient un appendice sous forme de glossaire qui anticipe celui que Stapledon a créé pour Créateur d'étoiles[4].
En 1930, Stapledon connaît le succès avec les Derniers et les Premiers, suivi peu après par les Derniers Hommes à Londres.
En 1934, il montre à des visiteurs son « livre cosmos », la désignation de l'ouvrage à cette époque. Le récit évoque l'histoire cosmique de la première nébuleuse jusqu'à l'extinction de la vie. La première personne à lire le texte est l'écrivaine écossaise Naomi Mitchison. Celle-ci est gênée de voir un Dieu aussi masculin. Il donne aussi à lire à son ami L.H. Myers un synopsis de l'œuvre. Le manuscrit est finalement abandonné dans les tiroirs, et il porte comme mention « Manuscrit rejeté de Créateur d'étoiles ». Ce manuscrit sera redécouvert 40 ans plus tard par Harvey Satty (alors président de la Olaf Stapledon Society), qu'il publiera sous le titre Nebula Maker (non traduit) en 1976 chez l'éditeur Bran's Head Books Ltd. Le texte est très différent de celui de Créateur d'étoiles. Le changement le plus significatif est la disparition du mot « Dieu ».
En 1934-1935, Stapledon commence une toute nouvelle version. Cependant jusqu'au milieu de 1935, Stapledon est absorbé dans l'écriture de Rien qu'un surhomme (Odd John), mais néanmoins il y travaille de manière régulière pendant quatre ans.
Au début de l'année 1937, peu avant sa publication, Stapledon corrige et recorrige son manuscrit. Le livre est finalement publié le 24 juin 1937 chez Methuen, l'éditeur historique de Stapledon, au Royaume-Uni. Le livre connait un premier tirage de 2 500 copies. Aucune édition séparée n'est publiée aux États-Unis avant 1953, date à laquelle Créateur d'étoiles est publié chez Funk & Wagnalls dans la collection To the End of Time: The Best of Olaf Stapledon éditée par Basil Davenport.
Créateur d'étoiles n'est pas tout à fait un roman. Dans la préface, Stapledon écarte ce terme de roman, car « selon les normes du roman... ce n'est pas un roman du tout »[5]. D'ailleurs pour Stanislas Lem, il s'agit « plutôt d'un essai que d'un roman »[6].
Le récit appartient au genre de la science-fiction, bien que Stapledon n'ait jamais utilisé ce terme pour désigner son œuvre. Ce n'est que dans les années 40 (soit après la publication de Créateur d'étoiles) qu'il découvrit la communauté SF. Le récit invente une Histoire du Futur à une échelle probablement inégalée, et propose un récit cosmogonique, ainsi qu'une eschatologie. Si H.G. Wells et Jules Verne sont les pères de la science-fiction, alors Olaf Stapledon est celui de la deuxième génération d'écrivains de science-fiction. Bien que le récit s'apparente à de la hard science-fiction par certains aspects et par son utilisation incessante de concepts scientifiques — voire leur anticipation — c'est bien d'une (science-)fiction philosophique qu'il s'agit surtout. Le livre est classé parmi les « classiques », et même les « monuments » de la science-fiction[réf. souhaitée]. On peut aussi rattacher le récit au genre « mythopoétique », par la fabrication consciente de mythes. Le narrateur évoque ainsi le « mythe de la création » au chapitre 14. Selon Patrick McCarthy, le récit partage certains traits avec la Divine Comédie de Dante ou les Voyages de Gulliver de Swift[7].
Le récit n'utilise que peu de personnages, et très peu de discours direct ou indirect. Le seul personnage qui possède un nom, hormis le narrateur qui reste anonyme — même si son identification avec l'auteur Olaf Stapledon ne fait guère de doute —, est un extraterrestre nommé Bvalltu. Selon Claire Cornillon, le récit est construit dans une « démarche encyclopédique »[8]. En effet, le récit « organise le savoir selon des considérations non chronologiques », mais plutôt liées à l'augmentation des échelles de grandeur. Cependant pour certains critiques, la structure est bien celle d'un roman et du voyage du héros, un schéma « ancien et familier » selon Patrick McCarthy « où le voyage vers un ailleurs est une métaphore d'un voyage intérieur »[9].
Stapledon s'est souvent vu reprocher un style aride, et l'utilisation abusive d'adjectifs. Selon David Soyka, le livre est long et la langue est difficile et archaïque[10]. Selon H. Bruce Franklin, le livre « est long à lire car, toutes les deux pages, il faut s'arrêter et réfléchir un moment à ce que l'on v[ien]t de lire ». Bertrand Russell salue le « beau courage intellectuel » et déclare que son écriture possède « une sorte de beauté austère »[11]. Selon Claire Cornillon, « la syntaxe est complexe, et les phrases longues avec un travail sur l'adjectif »[12]. Selon Gérard Klein[13]
« l'écriture de Stapledon, de même, n'est pas particulièrement habile. Souvent lourde, abstraite, doctorale, s'efforçant au lyrisme avec application, sinon avec entêtement, elle a, même dans le texte original, de quoi rebuter. Mais c'est une erreur scolaire que de croire qu'un contenu important coïncide nécessairement avec une forme achevée. »
Selon J.L. Borges[14],
« Stapledon, tellement inférieur à Wells comme écrivain, dépasse celui-ci par le nombre et la complexité de ses inventions, même s'il n'en tire pas un aussi bon parti. Dans Star Maker, il a eu la bonne idée de se passer de tout artifice pathétique [...] et de raconter ses merveilles dans le style impersonnel d'un historien. Je crains que le mot « historien » ne soit trop chaleureux... »
Le voyage du narrateur à travers le cosmos utilise les connaissances scientifiques du temps de son auteur. Selon John Kinnaird, « il s'agit du premier ouvrage de science-fiction à entrer dans l'univers astronomique que nous connaissons aujourd'hui »[15]. Le récit utilise des notions de physique, de biologie, de cosmologie, et l'exobiologie à travers la description de nombreuses espèces extra-terrestres, les lois de l'évolution. Il aborde aussi la fin de l'univers (mort thermique). Les technologies évoquent l'utilisation des anneaux artificiels de planètes, ou l'utilisation de l'énergie sub-atomique. Stapledon invente en quelque sorte la réalité virtuelle car les "Autres Hommes" utilisent des appareils cérébraux qui simulent des sensations[16].
Des échelles de temps en annexe du texte, fictives, permettent de survoler les grands évènements du récit. La chronologie de l'univers se transforme en une chronologie des univers. Ces échelles de temps avaient déjà été utilisées dans le roman Les Derniers et les Premiers.
C'est aussi dans ce roman qu'apparaît la sphère de Dyson. Le physicien Freeman Dyson s'est inspiré du livre pour envisager la possibilité théorique de fabriquer une sphère entourant une étoile et captant toute son énergie. Or chez Stapledon, les derniers posthumains vivent jusqu'à la mort de l'univers et passent leurs jours à l'intérieur de telles sphères géantes, sorte de « biosphères artificielles » de captation d'énergie de dimension astronomique pour civilisation très avancée (au « stade II de développement technologique »), imaginées pour la première fois par Stapledon dans son roman presque vingt ans avant que Freeman Dyson n'en développe scientifiquement l'idée en théorie dans la revue Science en 1960, à partir de sa lecture de Créateur d'étoiles (en 1945)[17].
Certains concepts ou théories scientifiques abordés sont cependant obsolètes aujourd'hui. C'est notamment le cas de la théorie de la formation des planètes décrite par les astronomes James H. Jeans et Harold Jeffreys, où les planètes sont formées dans les filaments créés par la rencontre de deux étoiles. On sait maintenant que les planètes se forment en même temps que leur soleil par accrétion de la nébuleuse protoplanétaire. De même chez Stapledon les étoiles mourantes abritent de la vie à leur surface ou dans leurs profondeurs. On sait aujourd'hui que la densité du matériau qui compose ce type d'astres (naines blanches ou étoiles à neutrons), entraînant une gravité puissante, empêcherait toute vie biologique connue de s'y développer ou d'y forer une cavité.
À côté du socle rationnel et scientifique qui constitue l'armature du récit, le récit utilise des thèmes parapsychologiques tels que la télépathie, le voyage astral ou l'hypnose. La télépathie est utilisée pour explorer l'univers, ainsi que pour communiquer entre races extra-terrestres. Elle est le ciment de l'unité galactique, puis de l'unité du cosmos. Elle est aussi utilisée pour manipuler le temps, de la même manière que les hommes de la Cinquième Espèce manipulaient le temps[18].
Parmi les innombrables espèces extraterrestres qui peuplent le cosmos, l'auteur a décrit plusieurs espèces plus ou moins en détail. Beaucoup de races sont très semblables à l'homme, et leur évolution suit les lois de la biologie (compétition, hérédité).
Le récit est un roman philosophique, dans lequel l'auteur donne cours à des spéculations philosophiques. L'auteur se permet notamment la satire des institutions actuelles (religieuses, politiques, sociales) à travers l'observation d'extraterrestres très semblables à nous. Les civilisations ou espèces traversent une « crise spirituelle », semblable à la crise que l'espèce humaine traversait en 1937 (et qui allait aboutir à la Seconde Guerre mondiale). Cette crise est due à des contradictions socio-économiques, un individualisme prononcé conjugué au nationalisme, au développement des sciences naturelles et des technologies combinée à une crise de la culture et de la spiritualité. Elle entraîne généralement des bouleversements de grande ampleur, que ce soit des conflits mondiaux ou des catastrophes environnementales.
Le récit traite aussi de l'établissement d'une utopie par une communauté galactique soudée par la télépathie. La quête de l'utopie est spontanée et serait commune à tous les êtres de la galaxie quelle que soit leur morphologie. Il se forme d'abord une utopie mondiale, puis galactique et enfin cosmique. L'utopie met en jeu l'amélioration biologique des espèces, la création d'une communauté très large, communiquant et soudée grâce à la télépathie, et le développement de l'esprit. Cette montée lente et graduelle vers l'utopie est cependant ponctuée de retours à la barbarie. Cette vision cyclique de l'histoire est inspirée par la philosophie de Spengler[19]. Les phases de crise alternent avec les phases "d'éveil", qui sont une progression vers l'intelligence et la sensibilité, vers une conscience accrue des autres et de soi-même.
L'œuvre est traversée de questionnements sur la notion de communauté. Le narrateur évoque son couple et le caractère unique de ce lien, la communauté des explorateurs aussi bien que la communauté des galaxies. À travers son questionnement sur sa vie de couple, qu'il décrit comme un « atome de communauté », le narrateur développe ses observations sur la symbiose physique aussi bien que psychique. Cette symbiose prend corps avec la race des Symbiotiques constituée des Arachnoïdes et des Ichtyoïdes. La communauté, d'abord composée du narrateur et de Bvalltu, s'élargit à d'autres compagnons rencontrés sur d'autres mondes, pour embrasser les mondes, la galaxie, jusqu'à atteindre la taille d'un esprit de taille cosmique. Un nouveau type de conscience est ainsi atteint par le narrateur. Ce nouveau type de conscience, pas seulement la conscience de l'un, ni la conscience ressentie des autres à travers leur propre corps[C'est-à-dire ?], est appelé « troisième esprit »[20].
Le livre traite de la religion ou du fait religieux sous diverses formes. Le texte est notamment parsemé de références bibliques (une dizaine), plus ou moins visibles. Il aborde aussi les différentes religions extra-terrestres, et les cultures qui en découlent. De manière évidente, le sujet principal du livre, le fameux Créateur d'étoiles, permet à l'auteur d'aborder la notion d'un Dieu créateur. Celui-ci se révèle à la fois cruel et détaché, expérimentant et améliorant sans cesse ses créations avec le même regard sur sa création qu'un artiste ou un expérimentateur. Le Créateur d'étoiles n'est donc ni infaillible, ni parfait. Notre cosmos n'est pas un aboutissement, mais un cosmos parmi d'autres. Cela étend « la blessure narcissique de l'humanité » (liée à la révolution copernicienne) au cosmos dans son ensemble. Stanislas Lem a cependant relevé une faute logique qui déstabilise l'ensemble de l'édifice, l'auteur s'interrogeant sur une autorité supérieure qui expliquerait les agissements du Créateur d'étoiles, relançant un questionnement et laissant ouverte une conception qui semblait jusque-là close et définitive[21].
Le Times déclara que le livre « entrait automatiquement dans le petit groupe des classiques modernes »[22]. Au Daily Herald, le journaliste propose l'adjectif de chef-d'œuvre (masterpiece en anglais). La presse locale est elle aussi dithyrambique, le livre est salué par le Birkenhead News et le Liverpol Post.
Ses amis proches sont eux aussi élogieux. Quant à son compatriote philosophe Bertrand Russell, il salue le « beau courage intellectuel » de l'auteur dès la parution du roman[23].
Après avoir lu Créateur d'étoiles en juillet 1937, Virginia Woolf écrit à Stapledon[24] :
« Je ne pense pas avoir compris plus qu'une petite part [de Créateur d'étoiles] - tout de même j'en ai assez compris pour être grandement intéressée, et aussi excitée, car parfois il me semble vous saisissez les idées que j'ai essayé d'exprimer, bien plus maladroitement, en fiction. Mais vous avez été beaucoup plus loin, et je ne peux m'empêcher de vous envier - comme on le fait avec ceux qui atteignent ce que l'on a visé. »
Quant à Jorge Luis Borges, il a commenté ainsi cette œuvre après l'avoir lue en anglais, propos qui sera repris dans sa préface à la première édition en espagnol :
« Créateur d’étoiles est, outre un roman prodigieux, un système [conjectural] probable ou vraisemblable de la pluralité des mondes et de leur histoire dramatique »[25].
Malgré ces critiques favorables, le livre n'a jamais réussi à atteindre une large audience. Le premier tirage s'écoule péniblement[26], puis il est retiré à 500 copies en 1938, suivi d'un autre retirage en 1941. Du vivant de Stapledon, il ne sera écoulé qu'à 5 000 exemplaires. Cependant Stapledon le considérait comme étant son meilleur livre[réf. souhaitée].
Ce n'est qu'après la publication de Créateur d'étoiles que Stapledon rencontre Erik Frank Russel et le fandom de la science-fiction.
Bien que figurant sur la liste The NESFA Core Reading List of Fantasy and Science Fiction (« La liste "NESFA" [Association de Science-Fiction en Nouvelle-Angleterre] des lectures de base en Fantasy et Science-Fiction »)[27], le livre n'a jamais été officiellement récompensé d'un prix. Il a été nommé deux fois au prix Locus, en 1975 dans la catégorie All-Time Best Novel (« meilleur roman de tous les temps »), et en 1998 dans la catégorie All-Time Best SF Novel before 1990 (« meilleur roman de science-fiction de toutes les époques antérieures à 1990 »)[28].
L'œuvre est l'objet d'une admiration jamais démentie dans les pays anglophones. Après avoir connu une certaine désaffection dans l'Après-guerre et les vingt années suivantes, entre 1945-1965, elle connait par la suite, après sa traduction en plusieurs langues européennes, une popularité constante dans le monde entier[29]. Le livre est encore au début du XXIe siècle l'objet d'articles ou de sujets de recherche (un ou deux par an en moyenne). Celui-ci a inspiré des auteurs de fiction et de science-fiction majeurs, comme Arthur C. Clarke (2001, l'Odyssée de l'espace), Brian Aldiss (Helliconia), Stanisław Lem (Solaris), Virginia Woolf, Jorge Luis Borges, Doris Lessing[30], James Blish, Stephen Baxter, Bruce Sterling, ou le poète écossais Edwin Morgan[31]. Il a aussi inspiré des scientifiques tel que Fred Hoyle ou le physicien Freeman Dyson. Ce dernier écrit en 2004 : « Créateur d'étoiles est peut-être, comme l'univers dans lequel nous vivons, un chef-d'œuvre imparfait, mais c'est quand même un chef-d'œuvre. C'est un classique de la littérature imaginative, qui parle à notre époque moderne. Il devrait figurer sur la liste des Grands Livres que toute personne prétendant être instruite devrait lire. »[4].
Selon Arthur C. Clarke,
« aucun livre avant ou depuis n'a eu un tel impact sur mon imaginaire ; la vision stapledonienne de millions et mille millions d'années, l'essor et la chute de civilisations et de races entières d'hommes, ont changé ma conception globale de l'univers et ont influencé la plupart de mes écrits depuis lors[32]. »
Selon Brian Aldiss, il s'agit « du seul grand livre saint gris de la science-fiction »[33]. Il a aussi qualifié le livre de « vraiment effrayant », « presque insupportable », « une vision magnifique et neurasthénique »[34]. Selon Patrick Parrinder, il s'agit du « Mont Everest de ses écrits et peut-être de toute la science-fiction britannique moderne »[35]. Selon Stanisław Lem,
« le livre de Stapledon est une création totalement solitaire. Aucune autre œuvre en littérature fantastique ne démarre sur de semblables prémices. Pour cette raison, elle définit les frontières de l'imaginaire de la science-fiction[36]. »
Selon Lem, il s'agit aussi « d 'un trésor d'idées dont la science-fiction peut se nourrir pendant des années »[37]. Selon le site internet The Encyclopedia of Science-Fiction « sa portée cosmique, la fécondité de son invention, la précision et la grandeur de son langage, sa logique structurelle, et surtout sa tentative de créer un système universel de philosophie par lequel les êtres humains modernes pourraient vivre, permettent une comparaison prudente avec la Divine Comédie de Dante Alighieri »[38].
En réponse au récit de Créateur d'étoiles, C.S. Lewis a écrit le cycle de la Trilogie cosmique (en plus d'avoir été influencé par Charles Williams et J.R.R. Tolkien), car il considérait Stapledon comme un adorateur du diable[39].
Dans son roman de 1982, The Making of the Representative for Planet 8 (L'Invention du représentant de la planète 8) Doris Lessing s'inspire dans sa description de l'âge glaciaire dans lequel se trouvent plongés les habitants de la planète 8, provoquant la disparition de leur civilisation, de certains thèmes développés par Stapledon dans Créateur d'étoiles[40].
Plus récemment, au début du XXIe siècle, Créateur d'étoiles a influencé la production artistique de certains groupes russophones de musique électroacoustique ou rock[réf. nécessaire].
L'ouvrage est publié pour la première fois 1937 à Londres par la maison d'édition Methuen :
Il fait par la suite l'objet de nombreuses rééditions dans le monde anglo-saxon dont les principales sont, dans l'ordre chronologique :
En 2022, Kevin Hess publie une version illustrée du roman de plus de 700 pages, grâce à des images générées par un algorithme d'Intelligence artificielle :
Il s'agit probablement du premier roman illustré par un programme[41].
Créateur d'étoiles est publié en France pour la première fois et traduit en français par Brigitte André en 1966. Cette traduction a été très critiquée, notamment par Gérard Klein[13]. Le livre comporte un avant-propos de Jorge Luis Borges et est préfacé par Jacques Bergier[d].
Cette traduction est rééditée en 1970 aux Editions Rencontre comme le no 11 de la collection des « Chefs-d'œuvre de la science-fiction ». Cette collection de 12 romans a été dirigée par Jacques Bergier. Enfin Créateur d'étoiles est réédité en 1979 dans la collection « Série Fantastique », aux Nouvelles éditions Oswald (NéO)[43].
Il faut attendre 2021, pour qu'une nouvelle traduction voie le jour[44]. Cette nouvelle édition, annotée, réintroduit l'annexe au texte intitulée "Une note sur les ordres de grandeur" et qui présente des échelles de temps, dont les éditions précédentes avaient été expurgées. Par contre n'y figure pas le glossaire qui apparaît dans l'édition de référence anglaise[4]. Une nouvelle traduction est proposée ensuite en 2022 par Les Moutons électriques[45], expurgée de l'avant-propos de l'auteur, de l'annexe et des échelles de temps qui figuraient dans la précédente édition.
Les trois traductions publiées de Star Maker en français sont dans l’ordre chronologique de première parution :
Créateur d'étoiles a fait l'objet d'un court-métrage d'animation par le studio "Arcus Animation Studios", en 2018 au Royaume-Uni[46]. Un "court" métrage pour un récit s'étendant sur 13,8 milliards d'années (et plus...), cela représente indiscutablement un défi. Ce film a d'ailleurs obtenu le prix du Directors Award au Full Dome Festival de la ville de Jena (Iéna en français), Allemagne[47],[46].