Fratres (Frères en latin) est une œuvre du compositeur estonienArvo Pärt conçue initialement (en 1977) comme une musique à trois voix et sans instruments déterminés[1]. Cette première version a engendré à ce jour dix-sept versions pour différents effectifs instrumentaux et qui sont regroupées en deux familles : sept versions de la musique à trois voix originale et dix versions avec les variations solo[2].
Fratres est une des œuvres les plus connues et jouées du compositeur[3] ainsi qu'une pièce très fréquemment utilisée comme support musical d'œuvres audiovisuelles (film, série et documentaire).
Arvo Pärt change radicalement de style musical en 1976 avec la pièce Für Alina qui dévoile une nouvelle écriture épurée, se rapprochant du mouvement minimaliste, et qui sera plus tard qualifiée par l'auteur de style tintinnabuli. Après la mort de Benjamin Britten en 1976, Pärt qui venait de découvrir le compositeur britannique[4] est touché par sa disparition et compose d'une part le Cantus in memoriam Benjamin Britten et d'autre part Fratres (qui signifie frères en latin), en une sorte d'union musicale et spirituelle entre les deux compositeurs[5].
Fratres est structuré en neuf itérations mélodiques, du très aigu au médium. Un motif initial aux percussions sert également de transition (claves et grosse caisse ou piano) sur un bourdon des notes la et mi. La voix principale joue un accord parfait mineur la-do-mi.
Les autres voix utilisent une échelle avec une seconde augmentée et qui peut être considérée comme étant la gamme de ré mineur harmonique. Le motif mélodique est long de six mesures ; la seconde moitié est la simple transposition de la première. Il est constitué de six phrases, six boucles qui tournent autour de la note de départ avant d'y retourner, mais plus longues et semblant s'en éloigner de plus en plus (8, 10, 12, 8, 10, 12 pulsations). Ce motif mélodique est répétée neuf fois, mais transposé chaque fois d'une tierce mineure descendante (mi5, do#5, la4, fa4, ré4, si b3, sol3, mi3, do#3). Le motif rythmique d'ouverture aux percussions est entendu entre chacune des neuf itérations mélodiques. La répétition de ce motif et la permanence du bourdon jouent un rôle crucial dans l'articulation de l'activité harmonique-mélodique, et c'est le contraste entre ces deux éléments distincts (bien que les deux suggèrent la permanence chacun à sa manière) qui donne à cette œuvre, selon Paul Hillier, « son éloquence remarquable »[7].
Fratres, version pour orchestre à cordes et percussions (1983), sur l'album Collage par le Philharmonia Orchestra dirigé par Neeme Järvi, chez Chandos, 1993.
Fratres, version pour violon et piano, par Damien Pardoen et Stéphane de May, XXIst Century Performers, Fibonacci Productions, 2007.
↑Arvo Pärt vivait alors en URSS et Britten, auteur considéré comme décadent par le régime, n'était pratiquement pas accessible de l'autre côté du rideau de fer.
↑Voir les textes du livret publié avec le CD du premier enregistrement de l'œuvre chez ECM Records en 1984.