Jean-Baptiste Louvet, dit Jean-Baptiste Louvet de Couvray, né le 12 juin 1760 à Paris, mort le 8 fructidor an V (25 août 1797) dans l'ancien 10e arrondissement de la même ville[1], est un écrivain, un éditeur et un homme politique de la Révolution française.
Il est né à Paris le dans la paroisse Saint-Jacques-la-Boucherie. Il est le quatrième enfant de Louis Louvet, marchand mercier papetier, et de Marie-Louise Louvet. La famille Louvet connaît une situation économique difficile : l'année précédant sa naissance, et à la suite du surendettement de son mari, Mme Louvet a obtenu la séparation de biens (et la restitution théorique de sa dot)[2]. M. et Mme Louvet continuent cependant leur commerce[3].
Mis en nourrice à la campagne, Jean-Baptiste Louvet connaît à son retour une enfance malheureuse auprès d'un père décrit comme « dur et brutal », qui préfère son frère aîné, Pierre-Louis (celui-ci succède à son père comme marchand-papetier ; il est emprisonné quelque temps en messidoran II sous l'accusation d'avoir vendu un pamphlet, mais il renie son cadet proscrit).
Durant la traque dont il fait l'objet durant la période de la Convention nationale, Louvet épouse, à Vire, Marguerite Denuelle, qu'il surnomme « Lodoïska » en référence à l'héroïne du Chevalier de Faublas. Née en 1760 à Beaujeu (Rhône), elle est la fille de Claude Denuelle, marchand de vin, et de Marie Simone Barraud[5]. D'abord mariée à François Théodore Chollet, marchand-joailler quai des Orfèvres, elle obtient une séparation en août 1779[6].
Louvet publie en 1787une Année de la vie du chevalier de Faublas, première partie de son grand roman les Amours du chevalier de Faublas, qui connaît un grand succès. Suivent la publication en 1788 de Six semaines de la vie du chevalier de Faublas et en 1790 de la Fin des amours du chevalier de Faublas. Grâce à la petite fortune que lui rapporte les ventes de l’ouvrage, il s’installe en 1789 à Nemours, où Mme Cholet, qu’il nomme Lodoïska (en référence à l’une des héroïnes de son roman), le rejoint bientôt.
Malgré son engagement dans la Révolution, il continue à se consacrer à la littérature. En 1791, il publie un second roman, Émilie de Varmont, ou le Divorce nécessaire et les amours du curé Sévin ; et tente une carrière théâtrale avec la Grande Revue des armées blanche et noire, l’Anobli conspirateur, l’Élection et l’audience du grand Lama Sispi (c’est-à-dire le pape Pie VI). Par ailleurs, il participe au Journal des débats et des décrets. La même année, deux œuvres lyriques (Lodoïska de Cherubini, le , au théâtre Feydeau, et Lodoïska, ou les Tartares de Rodolphe Kreutzer, 1er août, salle Favart) sont tirées de son premier roman, les Amours du chevalier de Faublas.
Parallèlement, Louvet poursuit son activité littéraire. Il publie en 1791 le roman Émilie de Varmont ou Le divorce nécessaire et les Amours du Curé Sévin dans lequel il défend le droit au divorce et le mariage des prêtres.
Louvet siège sur les bancs de la Gironde. Dès le 29 octobre 1792, il prononce un long discours dans lequel il attaque Maximilien de Robespierre, qu'il accuse « d'avoir depuis longtemps calomnié les plus purs, les meilleurs patriotes » et de s'être « continuellement produit comme un objet d'idolâtrie », et dans lequel il demande également que Jean-Paul Marat soit décrété d'accusation[12]. Robespierre répond à l'accusation le 5 novembre en prononçant l'interpellation célèbre « Citoyens, vouliez-vous une Révolution sans révolution ? » aux députés qui ne cautionnent pas les insurrections conduites par la Commune insurrectionnelle de Paris[13]. Louvet répond à Robespierre par une brochure intitulée ÀMaximilien Robespierre, et à ses royalistes[14].
Lors du procès de Louis XVI, il vote « la mort, sous condition expresse de surseoir jusqu'après l'établissement de la Constitution », et se prononce en faveur de l'appel au peuple et le sursis à l'exécution de la peine[15]. En avril 1793, il se récuse lors du scrutin sur la mise en accusation de Jean-Paul Marat, alors qu'il avait précédemment appelé à une telle mesure[16]. En mai, il vote en faveur du rétablissement de la Commission des Douze[17].
En avril 1793, Louvet fait partie des vingt-deux députés girondins dénoncés par la pétition des sections de Paris, qui les accuse d'avoir « ouvertement violé la foi de leurs commettants »[18]. En mai, il est dénoncé dans le journal de Marat comme « membre de la faction des hommes d’État »[19]. À l'issue des journées du 31 mai et du 2 juin, il fait partie des vingt-deux députés girondins décrétés d'arrestation[20].
Jean-Baptiste Louvet se soustrait à la garde des gendarmes qui l'assignent à son domicile parisien et se réfugie dans le Calvados et tente de soulever le département contre la Convention. Il fait partie des neuf députés déclarés traitres à la patrie[21],[22]. Son suppléant Cosme-François Gaillard est appelé en juillet 1793[23].
Entre frimaire et pluviôse an II (entre décembre 1794 et février 1795), il se cache à Paris. Il passe ensuite en Suisse via le Jura. Il s'installe avec son épouse à Saint-Barthélémy près d'Échallens dans le canton de Vaud. Son fils Félix Louvet y naît le 22 septembre 1794 et meurt en 1845 à Presnoy (Loiret)[24].
Jean-Baptiste Louvet rentre à Paris et ouvre, aux côtés de Marie-Madeleleine Roudier, la veuve du député girondin Antoine-Joseph Gorsas, une librairie-imprimerie au Palais-Royal. Elle lui permet de publier une adresse, l'Appel des victimes du 31 mai, aux Parisiens du 9 Thermidor, dans lequel il dénonce notamment Élie Lacoste, ancien membre du Comité de Sûreté générale, et Robert Lindet, ancien membre du Comité de Salut public[25]. En frimaire an III (décembre 1794), les députés girondins qui avaient signé une protestation contre les journées du 31 mai et du 2 juin sont libérés de prison et réintégrés à leur poste. Les députés déclarés hors-la-loi dont fait partie Louvet sont quant à eux réintégrés à leur poste en ventôse an III (mars 1795)[26].
D'après l'historien Marcel Dorigny, en s'en prenant à la fois aux jacobins et aux royalistes, Louvet entend incarner un « juste milieu »[34]. D'après l'historienne Christine Le Bozec, Louvet incarne le courant républicain au sein de la Commission des Onze aux côtés de Théophile Berlier et de Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux[35].
Nommé consul à Palerme par le Directoire, il meurt de tuberculose et d’épuisement avant de rejoindre son poste, à son domicile, rue de Grenelle, le , à une heure du matin, à seulement 37 ans[36]. Son épouse tente de se suicider à l’opium. Le lendemain, Benjamin Constant publie un éloge dans la Sentinelle. Le , son ami Honoré Riouffe prononce un éloge funèbre au Cercle constitutionnel.
Lodoïska conserve le cercueil de plomb de son époux dans leur appartement. Le 29 germinalan VI (), elle le fait inhumer dans le jardin du château de Chancy, dans la commune de Presnoy, près de Montargis, où elle va s’installer[37]. Elle meurt le dans l’incendie de sa chambre et est enterrée aux côtés de son époux. En 1845, à la mort de Félix Louvet, le château est vendu, et les corps de Louvet et de sa femme sont transférés au cimetière de Montargis.
En 1795, Louvet publie, sous le titre de Quelques notices pour l’histoire et le récit de mes périls depuis le , une partie de ses Mémoires. Rédigés dans la clandestinité, dans ses diverses cachettes, ces Mémoires donnent une image vive des périls des Girondins en fuite. Ils constituent un document important pour l’étude de la psychologie sous la Révolution, Louvet décrivant dans un style enlevé son état d’esprit et ses choix politiques. La première édition complète des Mémoires de Louvet de Couvrai, préfacée et annotée par Alphonse Aulard, a été publiée à Paris en 1889.
Une année de la vie du Chevalier de Faublas, Londres et Paris, 1786, 4 vol. in-16
Une année de la vie du chevalier de Faublas. Précédé d'une épître dédicatoire, Londres, et Paris, l'auteur, 1787, 5 tomes en 2 vol. in-12 (2e édition, Tome premier; Tome deuxieme; Tome troisieme; Tome quatrieme; Tome cinquieme, Londres et Paris, Bailly ; l'auteur, 1790, 5 vol. in-12)
Vie et amours du chevalier de Faublas, seconde édition, revue, corrigée et augmentée, Londres et Paris, chez Bailly, 1790, 13 vol. in-18
Pétition individuelle des citoyens de la section des Lombards, prononcée à la barre de l'Assemblée nationale, le , par M. Jean-Baptiste Louvet ; suivie de la réponse de M. le Président : imprimé par ordre de l'Assemblée nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1791, in-8°, 8 pages
Les Amours et les galanteries du chevalier de Faublas. Par M. Louvet de Couvray, Paris, chez l'auteur, 1791, 5 vol. in-18
↑Archives Nationales, Y9067, 28 août 1759, sentence de séparation de biens Louvet-Louvet, cité dans Laurence Croq, « La vie familiale à l'épreuve de la faillite : les séparations de biens dans la bourgeoisie marchande parisienne aux XVIIe – XVIIIe siècles », Annales de démographie historique, no 118, , p. 33-52 (lire en ligne).
↑Archives nationales, Y 15101, 20 février 1789, scellés après le décès de Marie Louise Louvet épouse Louis Louvet, rue des Arcis au coin de la rue des Écrivains. Voir Laurence Croq, « La vie familiale à l'épreuve de la faillite : les séparations de biens dans la bourgeoisie marchande parisienne aux XVIIe – XVIIIe siècles », Annales de démographie historique, no 118, , p. 33-52 (lire en ligne), et Laurence Croq, « Revers de fortune : appauvrissement et déclassement dans la mercerie parisienne de la fin du XVIIIe siècle à la Révolution », dans Jean Duma, Histoires de nobles et de bourgeois : Individus, groupes, réseaux en France. XVIe – XVIIIe siècles, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, , 187 p. (ISBN9782840160939, lire en ligne), p. 117-139
↑Valérie Van Crugten-André, Les Mémoires de Jean-Baptiste Louvet ou la tentation du roman, Honoré Champion, , p. 17-18.
↑Michel Pertué, « La liste des Girondins de Jean-Paul Marat », Annales historiques de la Révolution française, vol. 245, no 1, , p. 379–389 (DOI10.3406/ahrf.1981.4254, lire en ligne, consulté le )
↑Chaumié, Jacqueline (1904-1978), « Saint-Just et le procès des Girondins », Annales historiques de la Révolution française, vol. 191, no 1, , p. 14–26 (DOI10.3406/ahrf.1968.3971, lire en ligne, consulté le )
↑Michel Biard, « Les fantômes d’une Assemblée décimée. Commémorer et réparer », Histoire de la justice, vol. 32, no 2, , p. 109–124 (ISSN1639-4399, DOI10.3917/rhj.032.0109, lire en ligne, consulté le )
↑Mona Ozouf, « Les décrets des deux-tiers ou les leçons de l'histoire », dans 1795, pour une République sans Révolution, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 193–209 p. (ISBN978-2-7535-2596-2, lire en ligne)
↑Dorigny, Marcel (1948-2021), sous la direction de Soboul, Albert (1914-1982), Louvet de Couvrai, Jean-Baptiste in Dictionnaire historique de la Convention nationale, Paris, Presses universitaires de France, 1989, réédition collection quadrige 2005, 1132 p. (ISBN9782130536055), p. 687-688
↑Christine Le Bozec, « Boissy d'Anglas et la constitution de l'an III », dans 1795, pour une République sans Révolution, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 81–90 p. (ISBN978-2-7535-2596-2, lire en ligne)
↑Voir Charles Vatel, Charlotte de Corday et les girondins, Adamant Media Corporation, 2001, 451 pages, p. 815 (ISBN0543900606). L'acte de décès indique le 9 fructidoran V.
↑Vatel, Charles Joseph, Charlotte de Corday et les Girondins, Paris, H. Plon, 1864-1872, 432 p. (lire en ligne) (Réédition Adamant Media Corporation, 2001, 451 pages, p. 815 (ISBN0543900606)).
↑Journal-affiche, imprimé sur trois colonnes, sur papier rose ou gris, publié à l'initiative de Roland, ministre de l'Intérieur, et financé par des fonds secrets du ministère des Affaires étrangères. Élu à la Convention, Louvet abandonne la rédaction après le no 60 (). D'après Claude Perroud, il est alors remplacé par Chaussard puis Lavallée. Il existe également une édition in-8°. Certains numéros ont donné lieu à plusieurs éditions. Le no 51 a été réimprimé à Metz. En , il est absorbé par le Bulletin des amis de la vérité, la Sentinelle constituant une rubrique dans neuf numéros, du au . Voir la notice de la Bibliothèque nationale de France.
↑Paru à Paris, Louvet, - ; Paris, Marcelin, - ; Paris, [s.n.], -, ce quotidien est rédigé « par J. B. Louvet (de la Haute-Vienne), représentant du peuple » du au , « J. B. Louvet » du au , « les cns. J. J. Leuliete et J. B. Louvet » du au , « J. J. Leuliete » du au , « une société de gens de lettres » du au , « J. J. Leuliete » du au ; le journal absorbe le Journal des côtes d'Angleterre et un Mercure de France non identifié le . Voir la notice de la Bibliothèque nationale de France.
Jean-Baptiste Louvet de Couvray, Michel Delon (éd.), Les Amours du chevalier de Faublas, Paris, Gallimard, coll. « Folio », , « Introduction, notice, notes et chronologie ».
Marcel Dorigny, « Louvet de Couvrai Jean Baptiste », p. 687-688 inAlbert Soboul (sous la direction de), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, réédition collection « Quadrige », 2005, 1132 p.
Claude Perroud, « Madame Louvet (Lodoïska) », La Révolution française : revue historique, Paris, Charavay frères, t. 60, , p. 216-236 (lire en ligne).
Claude Perroud, « Roland et la presse subventionnée », La Révolution française : revue historique, Paris, Charavay frères, t. 62, , p. 206-213 (lire en ligne).
Michel Vovelle, « La vérité dans le fantasme », dans Jean-Baptiste Louvet, Quelques notices pour l’histoire et le récit de mes périls depuis le 31 mai 1793, Paris, Desjonquères, (ISBN978-2-904227-25-7), p. I-XXIII.
(it) Centro studi Sorelle Clarke (Bagni di Lucca, Italie), Les amours du Chevalier de Faublas : atti, Seminari Pasquali di analisi testuale. A cura del Centro Clarke, Pise, ETS, 1995, 100 pages.
Entre libertinage et révolution : Jean-Baptiste Louvet, 1760-1797, actes du colloque du Bicentenaire de la mort de Jean-Baptiste Louvet organisé par le Centre d’étude des Lumières de l’Université de Strasbourg en 1997, textes réunis par Pierre Hartmann, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999, 276 pages (ISBN2-86820-070-2).
Patrick Furic, "La rhétorique de l'amour dans l'œuvre de Louvet de Couvray", étude du langage libertin (Louvet mais aussi Nerciat et Laclos) 1987 Paris VIII.
Claude Perroud, « Madame Louvet (Lodoïska) ; La Proscription de Louvet ; Louvet et Lodoïska ; Une lettre de Louvet à Villenave », dans Études sur les girondins, s. l., Bibliothèque du Bois-Menez, (ISBN978-2-490135-17-2, lire en ligne), p. 190-293.
(en) John Rivers, Louvet, revolutionist and romance-writer, Londres, Hurst & Blackett, 1910, 368 pages.
Valérie Van Crugten-André, Les « Mémoires » de Jean-Baptiste Louvet ou La tentation du roman, Paris, H. Champion, collection Les dix-huitièmes siècles, 2000, 288 pages (ISSN1259-4482).