Jean-Pierre Luminet est né à Cavaillon[1] où il passe sa jeunesse avec son frère, sa sœur et ses parents enseignants. C'est sous le ciel provençal que naissent ses multiples passions[2].
En 1979, il a obtenu un poste de recherche permanent au CNRS et a développé l'essentiel de ses activités scientifiques à l'Observatoire de Paris jusqu'en 2014, avant de rejoindre le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. Dans l'intervalle, il a été chercheur invité à l'université de São Paulo au Brésil (1984 et 1988), à l'université de Berkeley en Californie (1989-1990) et à l'Observatoire européen austral (ESO) au Chili (2005).
Il a été en 1979 le premier à simuler les distorsions optiques causées par le champ gravitationnel d'un trou noir entouré d'un disque d'accrétion, produisant une photographie virtuelle en noir et blanc sans l'aide d'outils informatiques modernes[4]. Il a précisé que son image pourrait s'appliquer au trou noir supermassif situé au centre de la galaxie elliptique M87. Entre 1989 et 1992, son collaborateur Jean-Alain Marck a généralisé son travail en produisant une série de simulations numériques sous différents angles de vue, en fausses couleurs et animées. En fournissant en la première image télescopique de l'ombre du trou noir M87* et de son disque d'accrétion, le Consortium international Event Horizon Telescope a démontré quarante ans plus tard la justesse des calculs de Luminet[5].
Il a été parmi les premiers à étudier en 1982, avec le physicien Brandon Carter, les effets du passage d'une étoile au voisinage d'un trou noir supermassif[6] et a introduit le concept de « tidal disruption event » (TDE). Dans une série d'articles publiés dans la revue Nature en 1982, dans Astronomy & Astrophysics en 1983 et de manière plus générale dans Astrophysical Journal Supplement en 1986, ils ont montré que ce phénomène pouvait se traduire par une destruction de l'étoile sous forme de « crêpe stellaire» en raison des effets de marée intenses causés par la proximité du trou noir, causant une réactivation des réactions nucléaires au sein des débris de celle-ci et pouvant donner lieu à une signature observationnelle de ce type de trou noir dans des galaxies lointaines. Luminet a poursuivi ses travaux avec divers collaborateurs et étudiants, prédisant notamment le phénomène de compressions multiples pour certaines orbites stellaires relativistes et celui de « supernova maréale » (tidal supernova). La théorie des TDE a été confirmée à partir de 2004 grâce aux satellites Chandra et XMM-Newton[7],[8], qui ont observé des sursauts de luminosité provenant de l'accrétion de débris stellaires par un trou noir massif situé au cœur de galaxies à noyau actif (AGN) comme NGC 5128 ou NGC 4438. Le modèle peut aussi expliquer la supernova super lumineuse atypique SN 2015L, mieux connue sous le nom de code ASASSN-15lh, interprétée comme la détonation maréale d'une naine blanche juste avant d'être absorbée par un trou noir de masse intermédiaire.
En 2014, dans le cadre des théories de gravité quantique, Luminet a publié une analyse critique du Principe holographique et de la Correspondance AdS/CFT. En 2020 il a publié « L'écume de l'espace-temps », ouvrage de synthèse présentant sept approches différentes en gravitation quantique[12] : la gravité quantique à boucles, la théorie des cordes, les ensembles causaux, les triangulations dynamiques causales, la gravité à sécurité asymptotique, la gravité entropique et la géométrie non-commutative, à laquelle il donne sa préférence.
En 2017, Il est également chercheur associé au Centre de Physique Théorique[13] de Marseille (CPT).
Jean-Pierre Luminet est également spécialiste de l'histoire de la cosmologie et en particulier de l'émergence du concept du Big Bang, soulignant dans plusieurs ouvrages et articles le rôle fondateur joué par le cosmologiste et abbé belge Georges Lemaître. En 2018, l'Union astronomique internationale (IAU) a recommandé que la loi de Hubble, qui relie la vitesse d'expansion de l'univers à la distance et sous-tend toute la cosmologie relativiste moderne, soit rebaptisée loi de Hubble-Lemaître[14].
De par ses activités de poète, essayiste, romancier et scénariste, dans une œuvre voulant lier science, histoire, musique et art, il est également Officier des Arts et des Lettres. Il a publié une quinzaine d’essais, sept romans et sept recueils de poèmes, traduits en une douzaine de langues, ainsi que des CD, des DVD et des documentaires pour la télévision. Il est aussi musicien, graveur et sculpteur. Il a collaboré avec des compositeurs comme Gérard Grisey, Hèctor Parra, Régis Campo ou Karol Beffa.
Jean-Pierre Luminet pratique le dessin, la gravure (apprise avec Jean Delpech à l'École Polytechnique) et la sculpture.
Il a exposé ses œuvres dans plusieurs expositions françaises et internationales, notamment :
1982 Deux dessinateurs de l'Imaginaire : Gérard Méresse et Jean-Pierre Luminet, Bibliothèque Trocadéro, Paris ;
1994 L'Encre et le Fer, Centre Culturel de Meudon, France ;
2005 L'Œuvre au noir, Collegio Cairoli, Pavie (Italie)[17] ;
2010 Strange Universes, videomontage[18], Universitatea Nationale de Arte de Bucarest (Roumanie) ;
2022 Le Cosmos de Jean-Pierre Luminet[19], Espace Andrée Chedid, Issy-les-Moulineaux (France), 18 janvier-26 février 2022.
Des analyses de son œuvre graphique ont été faites par Martin Kemp, professeur d'Histoire de l'Art à l'Université d'Oxford, dans la section « Books and Art » de la revue britannique Nature[20] et un livre sur les intuitions structurelles en art et en science[21].
Plus généralement, Luminet étudie la relation entre les principes esthétiques et l’étude du cosmos à travers l’œuvre d’artistes[22],[23].
Le Bâton d'Euclide (2002) est l’histoire romancée de la Bibliothèque d'Alexandrie et des savants, poètes et philosophes qui y ont œuvré, du mathématicien Euclide à l’astronome Ptolémée. C’est un hommage à la transmission des savoirs par-delà les clivages idéologiques et religieux[24].
Ulugh Beg, l’astronome de Samarcande (2015) conte un épisode méconnu de l’astronomie arabe au XVe siècle centré sur la vie du petit-fils de Tamerlan, le prince et astronome Ulugh Beg qui a payé de sa vie sa passion pour les étoiles. Le roman traite notamment des conflits entre science et religion[25].
Le Secret de Copernic (2006) est le récit romancé de la vie de Nicolas Copernic qui, au XVe siècle, a révolutionné l’astronomie en affirmant que la Terre n’est pas au centre de l’univers, mais tourne autour du Soleil comme les autres planètes.
La Discorde céleste (2008) se déroule à la fin du XVIe siècle, au Danemark et à Prague, et relate l’affrontement entre deux génies de l’astronomie, Tycho Brahe et Johannes Kepler.
L’Œil de Galilée (2009) raconte comment le télescope de Galilée et l’œil théorique de Johann Kepler ont découvert le ciel chacun à leur façon. L’astronomie nouvelle est née de cette heureuse mais paradoxale conjonction.
La Perruque de Newton (2010) dévoile la face cachée de l'exceptionnel génie scientifique Isaac Newton, qui a dévoilé les lois de la gravitation universelle, la réfraction de la lumière et le calcul infinitésimal, mais a passé plus de temps à mener des expériences alchimiques, à étudier la théologie et la chronologie des religions anciennes qu’à pratiquer les sciences naturelles[26].
Le Rendez-vous de Vénus se déroule au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, le narrateur est Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande. Une partie de l'histoire se déroule durant la guerre de Sept Ans. Le roman relate le retour de la comète de Halley, après la mort d’Edmond Halley, et la difficulté de coordonner les observations des deux transits de Vénus, qui se produisent une fois par siècle, à environ 8 ans d'écart.
Les quatre romans consacrés à Copernic, Kepler, Galilée et Newton ont par la suite été regroupés en un seul volume intitulé Les Bâtisseurs du Ciel[27].
Comme l’écrit Luminet, sa série romanesque « se veut un hymne à la science, au plaisir et à la hardiesse d’esprit. C’est à ces hommes d’exception que nous devons la première image d’un cosmos qui est toujours le nôtre – celle d’un univers démesuré, et cependant mesurable par l’intelligence et l’imagination créatrice. »
En collaboration avec le compositeur Gérard Grisey, il a conçu le spectacle musical et astronomique Le Noir de l'Étoile, pour 6 percussionnistes, bande magnétique et retransmission in situ de signaux astronomiques (Éditions Ricordi, 1991). L'œuvre intègre les battements métronomiques de pulsars captés par un radiotélescope dans une musique écrite pour six percussionnistes. Son enregistrement par les Percussions de Strasbourg a obtenu le Grand prix du Disque de l'Académie Charles Cros 2004.
En 2010, il a initié une collaboration avec Karol Beffa, à partir de son Premier concerto pour piano, écrit à l'attention de Boris Berezovski[28].
En 2011, il a commencé une collaboration avec Hèctor Parra, qui a composé la pièce d'orchestre Caressant l’horizon, inspirée par les ouvrages de Luminet. En 2017, Luminet a écrit le scénario pour la nouvelle pièce de Parra intitulée Inscape. Composée pour un ensemble de 16 solistes, grand orchestre et électronique, l'œuvre décrit un voyage imaginaire à travers un trou noir géant. Elle a été créée en 2018 à Barcelone, puis Paris, Lille et Cologne.
Par ailleurs, plusieurs de ses poèmes ont été mis en musique, notamment par Thérèse Brenet, Pascal Jugy et Régis Campo. Il est membre du conseil scientifique du Centre européen de musique[29].
Son livre « Du piano aux étoiles »[30] (2021) retrace son parcours musical et décrit les nombreuses interactions qu'il a eues avec le milieu de la musique contemporaine.
Jean-Pierre Luminet a collaboré avec de nombreux artistes (graveurs, plasticiens, sculpteurs, musiciens).
Dans le domaine de la poésie, il a publié La Nuit brûle en 1999 et Lumière en 2013 avec des créations de Brigitte Tartière[31] ; en 2010, De Natura avec une gravure de Marc Pessin[32] ; en 2011, Trous noirs et couronnes lumineuses avec sept gravures de Vladimír Škoda ; en 2014, Variations sur la nature des choses avec des sérigraphies de Bernard Louvel[33].
Jean-Pierre Luminet est connu du grand public francophone pour ses nombreux ouvrages de vulgarisation et ses talents de conférencier, qui lui ont valu plusieurs prix notamment le Prix Européen de la Communication Scientifique 2007[34], le prix Kalinga et la médaille Einstein de l'UNESCO en 2021.
Il est également auteur de sept romans et de plusieurs recueils de poésie.
1987 : Les Trous Noirs, Belfond/Sciences, Paris; 1992 : Les Trous Noirs, nouvelle édition révisée, Le Seuil/Points Sciences, Paris traduit en espagnol (Agujeros Negros, Alianza Editorial, 1991), italien (I Buchi Neri, Marco Nardi, 1992), anglais (Black Holes, Cambridge University Press, 1992), chinois (Hei Dong, Hunan Press, 1995), allemand (Schwarze Löcher, Vieweg Verlag, 1997), grec ( ENA ASTERI PETHAINEI, Travlos, Athènes, 2006).
1994 : La Physique et l'infini avec Marc Lachièze-Rey, Paris, Flammarion, coll. « Dominos »traduit en grec (Travlos, Athènes, 1998), portugais (A Fisica e o Infinito, Lisbonne, Institut Piaget, 1998)
1997 : Essais de Cosmologie, Le Seuil/Sources du Savoir, Paris Prix spécial du Livre d'Astronomie 1998.
1998 : Figures du Ciel avec Marc Lachièze-Rey, BNF/Seuil, Paris Prix du “ Beau Livre ” scientifique de “Sciences et Vie” 1999 Prix spécial du Livre d’astronomie 1999 traduit en anglais (Celestial Treasury, Cambridge University Press, 2001).
1999 : Éclipses, les rendez-vous célestes avec Serge Brunier, Paris, Bordas traduit en anglais (Glorious Eclipses, Cambridge University Press, 2001).
2001 : L'Univers chiffonné, Fayard, Paris; édition réactualisée, 2005 - Gallimard/coll. « Folio essais » traduit en portugais (Sentido e segredos do Universo, Instituto Piaget, Lisbonne, 2003), italien (La segreta geometria del cosmo, Raffaello Cortina Editore, Milano, 2004), américain (The Wraparound Universe, AK Peters, 2008), chinois (Hunan Science and Technology Press, 2016).
2002 : Le Feu du ciel : météores et astéroïdes tueurs, Paris, Le Cherche-Midi; Astéroïde (édition de poche), Le Seuil/Points Sciences, 2005 Prix du livre d'astronomie 2003 traduit en coréen (Henamu Pub. Co, 2008).
2004 : L'Invention du Big Bang, Le Seuil/Points Sciences, Paris - 2e édition revue et actualisée, 2014 traduit en italien (L’Invenzione del Big Bang, Dedalo, 2006), espagnol (La invención del big bang, RBA, Barcelone, 2012).
2005 : De l'infini avec Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris - Édition de poche : Le Seuil/Points Sciences, 2009 traduit en italien (Finito o Infinito, Raffaello Cortina, Milan, 2006), coréen (Henamu Pub. Co., 2007).
2006 : Le Destin de l'univers : Trous noirs et énergie sombre, Fayard, Paris - Édition de poche revue: Gallimard/coll. « Folio essais », 2010 traduit en chinois (Post and Telecom Press, 2017).
2009 : Bonnes nouvelles des étoiles avec Élisa Brune, Paris, Odile Jacob (Prix Manley-Bendall de l’Académie nationale des sciences de Bordeaux) - Édition de poche : Odile Jacob, 2011.
2011 : Illuminations, Odile Jacob, Paris traduit en espagnol (Cosmología : La belleza y el orden del universo, Crítica México, 2018).
2012 : Astéroïdes : la Terre en danger, Paris, Le Cherche-Midi.
1999 : Le Rendez-vous de Vénus, Paris, J.-C. Lattès – Livre de Poche, 2001 traduit en espagnol, coréen, allemand, grec.
2002 : Le Bâton d'Euclide, Paris, J.-C. Lattès – Livre de Poche, 2005 (Prix du roman scientifique du festival d'Orsay 2002) traduit en espagnol, grec, allemand, tchèque, néerlandais, coréen, italien.
2006 : Les Bâtisseurs du ciel, Tome 1, Le Secret de Copernic, JC Lattès, Paris - Livre de poche, 2008 (Prix Océanes de la ville du Havre 2007) traduit en espagnol, portugais, polonais, lituanien.
2008 : Les Bâtisseurs du ciel, Tome 2, La Discorde céleste : Kepler et le trésor de Tycho Brahé, Paris, JC Lattès - Livre de poche, 2009, traduit en espagnol.
2009 : Les Bâtisseurs du ciel, Tome 3, L'Œil de Galilée, Paris, JC Lattès - Livre de poche, 2010 traduit en italien, bengali.
2010 : Les Bâtisseurs du ciel, Tome 4, La Perruque de Newton, Paris, JC Lattès - Livre de poche, 2011 (Prix littéraire européen 2010 de l’Association des Écrivains de Langue Française), traduit en italien.
2015 : Ulugh Beg, l'astronome de Samarcande, Éditions Jean-Claude Lattès (Prix littéraire Fulbert de Chartres 2016), traduit en italien.
2022 : Histoires extraordinaires et insolites d'astronomes (nouvelles), Paris, Buchet-Chastel. Traduit en italien.
Le site officiel de Jean-Pierre Luminet présente ses ouvrages littéraires, avec la quatrième de couverture[36].
À André Balland, La Terre mandarine, réédition du « Journal d’un voyage au Nord pour déterminer la Figure de la Terre » par l’abbé Outhier, Paris, Le Seuil, 1994. (ISBN978-2020224789).
2011 : L’Univers est-il accessible à nos sens ? avec Carlo Rovelli, sur Universcience.tv.
2012 : Is There an Edge to the Universe ? « Through the Wormhole with Morgan Freeman Season 2 Ep. 2 », Prod. Discovery’s Science Channel (Nominated for the 2012 Emmy Awards for Outstanding Science and Technology Programming).
2011 : Weepers Circus, N'importe où, hors du monde (2011). Il s'agit d'un livre-disque dans lequel participe une quarantaine d'invités aux titres d'auteurs ou d'interprètes: Jean-Pierre Luminet y signe un texte inédit (non mis en musique) consacré à sa propre interprétation de ce titre énigmatique de « N'importe où, hors du monde ».
1994 : Prix du Meilleur Film de Vulgarisation et Prix du Public Festival de Palaiseau, Prix d'excellence scientifique au Festival du Film Scientifique de Montréal pour Infiniment Courbe
1998 : Prix spécial du jury du livre d'Astronomie de Haute Maurienne pour Essais de cosmologie
1999 : Grand Prix du Film de Vulgarisation Scientifique et Prix Teleciencia du Festival de Vila Real (Portugal), Grand Prix du Film de Vulgarisation Scientifique au Festival d'Orsay pour Vagabondes du ciel
↑Jean-Pierre Luminet et al., Dodecahedral space topology as an explanation for weak wide-angle temperature correlations in the cosmic microwave background, Nature, 425, 593-595 (2003), astro-ph/0310253 Voir en ligne.