Jean Paul Riopelle commence à dessiner très jeune. En 1929, son père Léopold le confie à un artiste montréalais, Henri Bisson[1], professeur de dessin à l'école Saint-Louis-de-Gonzague à Montréal. Ils se retrouvent chaque samedi pendant une dizaine d'années pour peindre des paysages, des personnages et des natures mortes. Son jeune frère Pierre meurt en 1930. Cette expérience avec la mort lui laisse des traces profondes[2]. Ses parents espèrent qu'il devienne architecte ; il est étudiant, en 1939 et 1940, à l'École polytechnique de Montréal[3], et suit également des cours d'architecture durant deux ans[4]. Il peint ses premiers paysages à Saint-Fabien, au Bas-Saint-Laurent[5].
En 1947, il s'installe à Paris, où il continue sa carrière en tant qu'artiste. Il fait la connaissance de plusieurs artistes et écrivains. C'est à ce moment qu'il devient réellement automatiste, rencontrant les surréalistes et son fondateur André Breton. Il le surnomme par ailleurs « le trappeur supérieur ». Il se lie également avec l'écrivain et critique d'art Georges Duthuit qui le soutient. Il participe à divers salons dont le Salon de mai.
À la naissance de sa fille Yseult en 1948, le couple Riopelle revient séjourner au Québec. La parution du Refus global provoque plusieurs remous. La famille retourne s'installer à Paris en décembre. Jean Paul Riopelle obtient sa première exposition individuelle en 1949 à la galerie Nina Dausset, et une seconde l'année d'après à la galerie Raymond Creuze. Entre-temps, sa fille Sylvie voit le jour. Jean Paul Riopelle participe à plusieurs expositions, dont celle intitulée Véhémences confrontées, organisée par le peintre Georges Mathieu. Durant cette période, il expérimente plusieurs techniques : pinceaux, empâtements, projections de peinture, couteaux et spatules.
Riopelle rencontre le succès en 1953 lorsque Pierre Loeb lui achète une grande partie de sa production. Il expose régulièrement à la galerie Pierre Matisse, à New York. Il est présent à la Biennale de Venise en 1954 ainsi qu'à celle de São Paulo l'année suivante. Il voyage aux États-Unis, où il se lie d'amitié avec Franz Kline et avec Joan Mitchell[8] qui deviendra sa compagne.
Vers 1958, il réalise ses premières sculptures. Il s'installe pour un an à East Hampton, où il s'adonne à la sculpture. De retour à Paris, il rencontre Sam Szafran, qui l'aide pour exposer ses sculptures et l'initie à la technique du pastel. Dans les années qui suivent, il recourt à des techniques variées : le pastel, la lithographie, le collage, le niellage, l'estampe, la céramique, etc. La référence à la nature devient plus explicite. Riopelle commence à introduire des éléments figuratifs.
Riopelle rencontre un succès grandissant, représente à nouveau le Canada à la Biennale de Venise en 1962[9], expose régulièrement à la galerie Maeght à Paris et obtient une grande rétrospective à la Galerie nationale du Canada (actuel Musée des beaux-arts du Canada) en 1963, et au Musée du Québec (actuel Musée national des beaux-arts du Québec) en 1967. Il obtient une commande pour l'aéroport de Toronto, sa plus grande toile, Point de rencontre (426 × 549 cm) qui sera offerte par le gouvernement canadien à la France en 1989, à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française, et qui est maintenant conservée à l'opéra Bastille à Paris. À partir de 1968, le thème animalier se retrouve de plus en plus dans ses sculptures.
Ses séjours au Québec deviennent plus fréquents. En 1968, il rencontre Champlain Charest. Avec lui, il s'adonne à la chasse et à la pêche au cours des années 1970 dans le Nord et le Grand Nord du Québec et du Canada, voyages qui lui inspireront les séries Jeux de ficelles (1971-1972), Rois de Thulé (1973) et Icebergs (1977)[10].
Dès 1960, l'artiste introduit dans son œuvre des représentations totémiques d'animaux dont le hibou qui règne sur son atelier[7].
Au début des années 1980, Riopelle consacre plusieurs œuvres aux oies sauvages, thème récurrent jusqu'en 1992. Il subit deux blessures sérieuses avec fractures à la colonne vertébrale qui l'obligent à de longs séjours de réadaptation.
Riopelle revient au Québec définitivement en 1990. Sa production est abondante. Une importante rétrospective lui est consacrée en 1991 pour l'inauguration du pavillon Jean-Noël Desmarais du Musée des beaux-arts de Montréal. Il fait l'acquisition du Manoir McPherson-Lemoine, aussi appelé le Domaine seigneurial de l'Île-aux-Grues, une maison patrimoniale de 1769 sur l'Isle-aux-Grues, où il résidera jusqu'à sa mort. De ce domaine, en bord du Saint-Laurent, il scrutait le moindre mouvement des oies blanches, qui deviendra son principal sujet de peinture jusqu'à sa mort. Il profite de cette proximité avec la nature pour renouer avec la figuration.
Riopelle a passé plusieurs années à perfectionner la technique du all-over, qui consiste à éliminer toute forme de perspective dans le tableau au moyen d'éclats de peinture en couches multiples, technique picturale emblématique de l'artiste américain Jackson Pollock. Par la suite, il se tourne vers la peinture au pochoir avec des bombes en aérosol. Il termine sa carrière avec quatre premiers prix internationaux et devient, par le fait même, l'un des plus grands peintres de l'histoire du Canada.
À sa mort le , le gouvernement du Québec lui réserve des obsèques nationales[12]. Sa fille Yseult a entrepris en 1987 la production d'un catalogue raisonné des œuvres de son père.
En , la Fondation Jean Paul Riopelle est créée. Elle a pour but de valoriser le travail de la relève en arts visuels au Canada et à l'international, ainsi que de faire rayonner le travail du peintre automatiste[13]. Un fonds d’archives orales sera constitué par la Fondation et l'Université Concordia pour le centenaire de naissance de Jean Paul Riopelle[14].
La Ville de Montréal donne le coup d'envoi des célébrations du 100e anniversaire de naissance de Riopelle en présentant au 625, rue Milton une peinture murale réalisée par Marc Séguin au cours de l'automne 2022[15],[16]. En 2023, Robert Lepage présente, au Théâtre Jean-Duceppe, une pièce de théâtre sur la vie et l’œuvre de Jean Paul Riopelle interprétée par Luc Picard dans le rôle de Riopelle et Anne-Marie Cadieux dans le rôle Joan Mitchell[17],[18],[19]. Un projet, le musée-atelier Riopelle conçu par Yseult Riopelle, fille du peintre, et l'architecte Pierre Thibault, devrait prendre place en 2024 sur l'Île aux Grues[20]. Dans le même temps, le Musée national des beaux-arts du Québec compte avoir son propre espace Riopelle en 2025 et projette de réunir la « plus grande collection publique d’œuvres de Jean-Paul Riopelle au monde[21]. »
Une de ses œuvres les plus ambitieuse est L'Hommage à Rosa Luxemburg. Cette suite de trente tableaux fut créée en hommage à Joan Mitchell, lorsque Riopelle apprit sa mort en 1992. Riopelle a ceci de particulier qu'il est peut-être le seul peintre québécois du XXe siècle à avoir pleinement vécu la grande période parisienne de l'après-guerre. Une grande exposition, organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal, a été présentée en 2006 à Saint-Pétersbourg au musée de l'Ermitage.
Réalisée par Marc Séguin avec MU, la murale L'art magnétique est inaugurée le 5 octobre 2022. L’œuvre de plus de 835 mètres carrés et 48 mètres de hauteur orne le mur du 625, rue Milton dans le quartier Milton Parc. Dans sa murale, Séguin utilise notamment l'oiseau emblématique de Riopelle[23],[24].
Parmi les 26 noms officiels qui rappellent le souvenir du peintre au Québec, la Réserve naturelle Jean-Paul-Riopelle est située à Saint-Antoine-de-l’Isle-aux-Grues[25].
Deux expositions ont été organisées à Paris pour l'occasion. À la galerie Clavé Fine Art dans le quartier Montparnasse, une vingtaine de peintures, sculptures et collages font partie de l'exposition D’un continent à l’autre tandis qu'au Centre Pompidou, sept œuvres de Riopelle, dont la peinture Chevreuse datant de 1954, sont mises à l'honneur[28].
La Mi-été chez Georges, 1975, Paris, musée national d'Art moderne[46].
Soleil de minuit (Quatuor en Blanc), 1977, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal[47].
Iceberg no 1, 1977, huile sur toile, 280 × 430 cm, Montréal, collection particulière[48].
Pangnirtung, 1977, huile sur toile, 200 × 560 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[49].
Soufflé d'oies, 1982, acrylique, peinture en aérosol, bois et têtes d'appelants en plastique et en carton fixés sur papier monté sur panneau de bois dans un boîtier, 164,2 × 167,5 × 28,3 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[50].
Le Bestiaire, 1989, acrylique, peinture en aérosol et collage sur papier marouflé sur toile, 655 × 400 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[51].
Sans titre, 1992, acrylique et peinture en aérosol sur bois, 203 × 151,5 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[52].
L'Hommage à Rosa Luxemburg, 1992, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec, passage entre le pavillon central et le pavillon Pierre Lassonde[53].
Femme Hibou, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 4/4, 111 × 48 × 48 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[56].
Le Chien, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 4/4, 56,5 × 71 × 50 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[57].
La Tour, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 1/4, 258 × 243 × 85 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[58].
Le Poteau, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 1/4, 157 × 74 × 74 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[59].
Le Poisson, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 1/4, 310 × 50 × 75 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[60].
L'Ours, 1969-1970, fonte de 1974, bronze 4/4, 154 × 122 × 106 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[61].
Hibou accompagné, 1970, fonte de 1991, bronze, bois et métal, tirage de 3, 139 cm (diamètre) × 20 cm (profondeur), Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[62].
Hibou-Totem, 1973, fonte de 1986, bronze 4/8, 39 × 19 × 22 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[63].
Hibou-Carnaval, 1973, fonte de 1986, Bronze 8/8, 29 × 29 × 16 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[64].
À l'affût, 1973, fonte de 1986, bronze 5/8, 31,5 × 33,6 × 19,2 cm, Québec, Musée national des beaux-arts du Québec[65].
« Mes tableaux sont faciles à reconnaître. On croit voir des draps de lit sur lesquels un peintre en bâtiment aurait essuyé ses pinceaux[68]. »
« Pour moi, une toile n'est jamais la reproduction d'une image. Ça commence toujours par une sensation vague, l'envie de peindre. Pas d'idée graphique. Le tableau commence où il veut… mais après, tout s'enchaîne. Ça c'est l'essentiel[69]… »
↑ a et bEncyclopædia Universalis, « Jean-Paul Riopelle », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
↑(en) Morency, Catherine, 1977-, Martin, Michel, 1946-, Brummel, Kenneth, et Michaud, Yves,, Mitchell Riopelle: nothing in moderation = un couple dans la démesure, Québec/Toronto/Landerneau/Milano, MNBAQ, Musée national des beaux-arts du Québec / AGO, Art gallery of Ontario / Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la culture / 5 continents, 205 p. (ISBN978-88-7439-791-4 et 8874397917, OCLC1011094168, lire en ligne).
↑ a et b(en) Franco Russoli, Jean Paul Riopelle : peintures et sculptures = Paintings ans Sculpture = Dipinti e sculture, s.n., (lire en ligne).
Entretiens avec Jean Paul Riopelle ; suivis de Fernand Seguin rencontre Jean Paul Riopelle, Montréal, Édition Liber, collection « de vive-voix », 1993.
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Yseult Riopelle, Catalogue raisonné de Jean Paul Riopelle, Tome 1, 1939-1953, Montréal, Hibou Éditeurs, 1999.
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Yseult Riopelle et Tanguy Riopelle, Catalogue raisonné de Jean Paul Riopelle, Tome 3, 1960-1965, Montréal, Hibou Éditeurs, 2009.
Louise Vigneault, Espace artistique et modèle pionnier. Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle, Montréal, Hurtubise, 2011.
François-Marc Gagnon, « Riopelle, l’ekphrasis et l’invisibilité », Études françaises, vol. 51, no 2, , p. 69-86 (lire en ligne).