Fils d’un simple serrurier, Joseph-Marie Vien étudia quelque temps chez un peintre de portraits nommé Legrand et chez Jacques Giral[1], puis fut employé dans une manufacture de faïences.
En 1743, il remporte le prix de Rome et part, le , pour la Ville éternelle où il rencontrera Duplessis, alors élève dans l’atelier de Pierre Subleyras, et avec qui il restera lié. Là, découvrant les peintures antiques dégagées des ruines d’Herculanum, il se passionna par l’art antique et, modifiant ses idées sur la peinture, se mit à peindre des tableaux dans un style plus sévère que ceux qu’on faisait alors, mais qui ne fut pas apprécié du public alors habitué à la petite manière libertine de Boucher alors à la mode[3]. Tentant d’allier imitation de la nature et des maitres anciens[2], il est considéré, avec Pompeo Batoni, comme un des précurseurs du néoclassicisme en peinture[4].
Le protégé du comte de Caylus eut la plus grande peine à entrer à l’Académie royale de peinture et de sculpture, où on l’accusait de mauvais gout[3]. Lorsque, l’année suivant son retour à Paris en 1750, il voulut se faire agréer, avec son Embarquement de sainte Marthe[5], dont le succès fut cependant considérable[6], on jugea les œuvres qu’il présentait insuffisantes ; on l’accusait d’imiter trop simplement la nature[6]. En 1754, il faillit de nouveau être refusé lorsqu’il présenta à l’Académie, comme morceau de réception, son Dédale dans le Labyrinthe attachant les ailes à Icare, qui sera son premier sujet mythologique conservé. Boucher, qui savait apprécier un art différent du sien, déclara, à cette occasion, qu’il ne reparaîtrait plus à l’Académie si Vien n’y était pas admis[6].
Bientôt il se trouva surchargé de travaux. En 1772, Mme du Barry suivit l’engouement général pour le style classique en renvoyant à Fragonard les peintures pour son pavillon de Louveciennes, qu’il avait déjà livrées sur commande, pour les remplacer par des tableaux modernes de Vien. Le directeur des Bâtiments du roi, d’Angiviller, commanda à Vien une série de scènes de grand format d’après Homère qui furent exposées au Salon[7].
Il fonda une école où il forma un nombre prodigieux d’élèves, mais c’est Jacques-Louis David, qui allait vraiment créer la nouvelle école à ses théories[8]. C’est, en effet, l’élève qui a poussé jusqu’à la dernière rigueur le mouvement de retour vers l’antiquité commencé dans l’École française par Vien avec un héroïsme qui a dépassé l’antiquité élégante, un peu froide et parfois mièvre de ce dernier[2], et c’est pour cette raison qu’on l’a placé, lui et son maître, au rang des restaurateurs du grand art[3]. En 1763, sa Marchande à la toilette, appréciée par Diderot, le rend célèbre[2].
Il a une importante activité pédagogique à la tête des Élèves protégés en 1771[2], devient directeur de l’Académie de France à Rome de 1775 à 1781, et est nommé premier peintre du roi le , peu de temps avant la suppression de ce titre. Les dernières années de Vien furent pleines de vicissitudes car la Révolution le ruina mais, quoique octogénaire, il ne se découragea pas et prit part à un concours ouvert par le gouvernement en 1796, et obtint le prix[6]. L’avènement de l’Empire améliora sa situation et il est couvert d’honneurs par Napoléon Bonaparte. Il est nommé sénateur en 1799, comte de l’Empire en 1808 et commandeur de la Légion d’honneur. À sa mort en 1809, Napoléon lui fait l’honneur de funérailles nationales au Panthéon[9], où il est le seul artiste peintre à reposer[réf. nécessaire].
François Boucher, son contemporain, le décrit comme un bon peintre mais un peu froid. D’un dessin correct qui cherche la fermeté et d’un coloris assez solide, ses peintures sont assez consciencieuses, mais froides[6]. S’il n’est pas étonnant que cette « froideur » néoclassique ait déplu au maître du rococo, il n’en reste pas moins que Vien ne sut pas toujours donner l’élan et la grandeur que les théories de son style préféré imposaient. Y étant parvenu, David reste, à juste titre, plus connu que son maître qui ne reste plus connu que comme son véritable précurseur. Diderot a jugé ainsi cet artiste, cité par Honoré de Balzac dans Sarrasine pour la beauté de son tableau Adonis[11], à qui l’on doit 179 tableaux : « Vien a de la vérité, de la simplicité, une grande sagesse dans ses compositions[12]. » Plus tard, dans son Salon de 1767, salon auquel Vien présenta sa Prédication de Saint-Denis, et la comparant à l’Épidémie des Ardents de Doyen présentée à ce même salon, il aura des mots plus sévères : " Vien dessine bien, peint bien ; mais il ne pense ni ne sent. Doyen serait son écolier dans l’art ; mais il serait son maitre en poésie. Avec de la patience et du temps, le peintre du tableau des Ardents peut acquérir ce qui lui manque, l’intelligence de la perspective, la distinction des plans, les vrais effets de l’ombre te de la lumière ; car il y a cent peintres décorateurs pour un peintre de sentiment ; mais on n’apprend jamais ce que le peintre de la Prédication de Denis ignore. Pauvre d’idées, il restera pauvre d’idées. Sans imagination, il n’en aura jamais. Sans chaleur d’âme, toute sa vie, il sera froid [13]. »
Mais s'il ne fait pas partie des peintres majeurs, retenus par l’histoire de l’art comme auteurs d’œuvres capitales, il a ouvert de nouvelles voies. Par son œuvre et surtout grâce à son grand talent pédagogique, il conduisit l’évolution de la peinture française de l’époque rococo vers le néoclassicisme[7].
La Marchande d’amours (1763), huile sur toile, château de Fontainebleau[18], tableau inspiré par la fresque découverte en 1759 dans la villa Arianna lors des fouilles de l'ancienne ville de Stabies.
Une Femme qui sort des bains (1763), huile sur toile, 95 × 68 cm, Collection privée, Vente Drouot 2004[19]
Offrande à Vénus, plume, encre grise, encre brune, lavis brun et gris, H. 0,335 ; L. 0,240 m[25]. Paris, Beaux-Arts de Paris[26]. Œuvre préparatoire pour un tableau aujourd'hui perdu, les figures et le décor sont déjà mis en place de manière précise. Daté de 1761, il est à mettre en rapport avec l'ensemble des œuvres "à la grecque" de l'artiste dans lequel figure également une série de quatre Saisons. .
Envoyés pour traiter de la paix, plume, encre noire et lavis gris, H. 0,129 ; L. 0,211 m[27]. Paris, Beaux-Arts de Paris[28]. De dimension modeste, le dessin est construit comme une frise qui déroule de droite à gauche le cortège des figures. Il s'inscrit dans une série de vingt dessins qui a pour thème "les vicissitudes de la guerre", depuis le départ d'une armée jusqu'aux réjouissances publiques. Cette feuille porte le numéro manuscrit 15.
↑ ab et cLouis Grasset-Morel, Montpellier, ses sixains, ses îles, ses rues, ses faubourgs, Montpellier, Louis Vallat, (réimpr. 1989), 523 p., 21 × 15 cm (ISBN2-86971-089-5, présentation en ligne, lire en ligne), p. 71
↑ abcd et eRené Démoris, Florence Ferran, La Peinture en procès : l’invention de la critique d’art au siècle des Lumières, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2001, (ISBN978-2-87854-214-1), 419 p., p. 409.
↑ ab et cÉtienne Achille Réveil, Louis Ménard, René Joseph Ménard, Musée de peinture et de sculpture ; ou, Recueil des principaux tableaux statues et bas-reliefs des collections publiques et particulières de l’Europe, vol. 7, Paris, Ve A. Morel & Cie, 1875, p. 93.
↑Société de l’histoire de l’art français (France), CNRS, Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, F. de Nobele, 1972, (ISSN0301-4126), p. 210.
↑Le succès retentissant de son Serment des Horaces, au Salon de 1785, est un fait d’autant plus considérable que le mérite de l’œuvre ne suffit pas à l’expliquer. Il indique le changement du goût public et marque une époque dans l’histoire de la peinture. Voir Peyre, op. cit.
↑Extrait de l'ouvrage « Dictionnaire de la peinture » : Joseph Marie Vien, publié sur le site de Larousse.fr (consulté le 11 août 2019)
↑(en) Neil Jeffares, Dictionary of pastellists befor 1800, édition en ligne[réf. incomplète].
↑Oliver Bonard, La Peinture dans la création balzacienne : invention et vision picturales de « La maison du chat-qui-pelote » au « Père Goriot », Genève, Droz, 1969, p. 78.
↑Renaissance du Musée de Brest, acquisitions récentes : [exposition], Musée du Louvre, Aile de Flore, Département des Peintures, 25 octobre 1974-27 janvier 1975, Paris, , 80 p.
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.132-133, Cat. 40
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, de l’alcôve aux barricades de Fragonard à David, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p.134-135, Cat. 41