Michel Surya est particulièrement connu comme biographe de Georges Bataille, son ouvrage Georges Bataille, la mort à l’œuvre, paru initialement chez Séguier en 1987, puis réédité chez Gallimard, faisant toujours autorité. Sur le même auteur, il a écrit plusieurs essais, préfaces et de nombreux articles. Fidèle à la pensée de Bataille, comme à celle de grands écrivains et penseurs, tels que Nietzsche, Maurice Blanchot, Sade, Kafka ou Pasolini, c'est dans une volonté de ne pas séparer la pensée de la littérature, la philosophie et la politique, qu'il a créé les Éditions Lignes et la revue Lignes, une « revue d'idées », qu'il a dirigée depuis sa création en 1987 jusqu'à sa dissolution en 2024.
Lui-même écrivain et penseur, il a publié des essais à la fois politiques et philosophiques, qui disent ses racines anarchistes et son attachement indéfectible à la Révolution, entre résistance et désenchantement. Ainsi, si la Révolution n'a pas eu lieu, ou reste improbable, comme il le dit lui-même à propos de Mai 68, « il fallait évidemment ne pas abandonner ce qui s'est joué là, mais le rejouer en allant chercher dans les livres les possibilités de le penser. »[2] Pour lui, comme pour Sade ou Bataille, la littérature est hors de toute autorité, s'oppose à toutes les servitudes et dominations (politiques, économiques, éthiques, intellectuelles), et se doit de rompre avec tous les enchantements, illusions, pour oser affronter le scandaleux, l'abject, l'impossible. C'est ainsi que dans le troisième tome de ses Matériologies, intitulé Humanimalités, il se propose de révéler, via la littérature (Kafka, Bataille, Hermann Ungar, Pierre Guyotat et d'autres), « l'inéliminable animalité de l'homme », celle de l'humanité humiliée, rabaissée à l'état de bête, dont Kafka eut la prémonition, à travers son récit La Métamorphose. À partir de ce constat, la littérature s'apparente à une méditation sur l'impuissance de la pensée, « l'impuissance de la pensée à se tenir à hauteur de l'horreur » : « je ne vois pas la littérature, confie-t-il, autrement que comme modalité de la pensée, pas n'importe quelle pensée sans doute, celle en fait que la philosophie a écartée ; une pensée basse, sale, angoissée. [...] Ce que l'art permet à la pensée, la pensée s'en est privée. Et ce que la pensée permet à l'art, l'art s'en est privé. Je me tiens là : sur la ligne de crête de cette définition en miroir et de cette privation respective. »[3]
En accord avec cette totale liberté qu'il accorde à la littérature, il est aussi l'auteur de plusieurs récits, aux soubassements autobiographiques manifestes, souvent très sombres, nourris de toute une écriture de la cruauté, où se mêlent les obsessions de l'érotisme, l'excès, l'angoisse, le mal, la mort. Selon lui, la littérature a d'abord pour but un affranchissement ; mais si « c'est dans la même langue que sont produits les énoncés d'asservissement et les énoncés d'affranchissement », il ne suffit plus d'affranchir (comme au XIXe siècle), il faut aussi désenchanter (comme Sade au XVIIIe siècle), car « la servitude est redevenue volontaire »[4].
Outre ses ouvrages, récits et surtout essais, il a publié de très nombreux articles, notamment sur Georges Bataille, dans des revues, numéros spéciaux ou catalogues d'exposition[5], mais aussi régulièrement dans la revue Lignes[6].
Exit, précédé de Pris à la langue, préface de Bernard Noël, Paris, Librairie Séguier, 1988 ; réédition suivi de Les Noyés, Paris, Éditions Farrago/Éditions Léo Scheer, 2001.
Les Noyés, Paris, Séguier, 1990 ; réédition Paris, Éditions Farrago/Éditions Léo Scheer, précédé de Exit, 2001.
Georges Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, éditions Librairie Séguier, 1987 ; nouvelle éd. augmentée et mise à jour, Paris, Gallimard, 1992 ; réédition Gallimard, coll. « Tel », 2012 (bibliographie mise à jour, mais sans la chronologie ni l'important cahier iconographique).
De la domination : le capital, la transparence et les affaires, Paris, Farrago, 1999.
De l’argent : la ruine de la politique. De la domination II, Paris, Payot-Rivages, coll. « Petite Bibliothèque », (1re éd. 2000), 119 p. (ISBN978-2743619466)
Portrait de l’intellectuel en animal de compagnie, De la domination, III, Paris, Farrago, 2000.
Mots et mondes de Pierre Guyotat, in Matériologies, II, Paris, Farrago, 2000.
Humanimalité. L'inéliminable animalité de l'homme, gravures de Nathalie Noëlle Rimlinger, Paris, éditions du Néant, 2001 (repris et intégré à Humanimalités).
Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent, illustré de 15 dessins à la plume de Balthus, Paris, Séguier, 1990.
Véronique Bergen, Jean Genet, entre mythe et réalité, De Boeck université, 1993.
D.A.F. de Sade, Français encore un effort si vous voulez être républicains, Paris, Fourbis, 1996.
Georges Bataille, Choix de lettres (1917-1962), Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 1997.
Georges Bataille, Une Liberté souveraine. Textes et entretiens, Paris, Farrago, 2000 (édité partiellement dans le catalogue de l’exposition du centième anniversaire de la naissance de Georges Bataille à la médiathèque d'Orléans, Paris, Fourbis, 1997).
Bernard Noël, Les Premiers mots, Paris, Flammarion/Léo Scheer, 2003.
Georges Bataille, L'Anus solaire suivi de Sacrifices, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2011.
Georges Bataille, La Souveraineté, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2012.
Georges Bataille, L'Alleluiah. Catéchisme de Dianus, Paris, Nouvelles Éditions Lignes, 2012.
Georges Bataille et André Breton, « Contre-Attaque ». Union de lutte des intellectuels révolutionnaires : « Les Cahiers » et les autres documents, -, Paris, Ypsilon éditeur, coll. « Contre-attaque », 2013.
Jean-Noël Vuarnet, El filosofo-artista, éditions Incorpore, 2015 (Espagne).
Amandine André, De la destruction, Paris, Al Dante, 2016.
Georges Bataille, A Experiência interior, Autêntica, 2017 (Brésil).