Naissance | |
---|---|
Nationalité |
française |
Formation | |
École/tradition | |
Principaux intérêts | |
Idées remarquables |
les quatre ontologies (animisme, totémisme, analogisme, naturalisme) |
Œuvres principales |
|
Influencé par | |
Père | |
Conjoint | |
Distinctions |
Médaille d'or du CNRS () Liste détaillée Chevalier des Palmes académiques () Chevalier de la Légion d'honneur () Officier de l'ordre national du Mérite () Officier de la Légion d'honneur () Médaille d'or du CNRS () Prix international Cosmos () Commandeur de la Légion d'honneur () Docteur honoris causa de l'Université de Montréal Membre de l'Académie américaine des arts et des sciences |
Philippe Descola, né le à Paris, est un anthropologue français. Fils de l'écrivain et historien hispaniste Jean Descola, ses recherches de terrain en Amazonie équatorienne, auprès des Jivaros Achuar, ont fait de lui une des grandes figures américanistes de l'anthropologie.
À partir de la critique du dualisme nature/culture, il entreprend une analyse comparative des modes de socialisation de la nature et des schèmes intégrateurs de la pratique : identification, relation et figuration.
Philippe Descola a étudié la philosophie à l'École normale supérieure de Saint-Cloud (maintenant Ecole normale supérieure de Lyon). Il rédige une thèse de doctorat en ethnologie à l'École pratique des hautes études (VIe section), sous la direction de Claude Lévi-Strauss.
Parallèlement à son doctorat, il est chargé de mission au CNRS et effectue son travail de terrain chez les Jivaros Achuar en Équateur entre 1976 et 1978, en compagnie d'Anne-Christine Taylor, dont il est l'époux.
En 1987, il devient maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est nommé directeur d'études en 1989. Au sein de l'école, il coordonne le groupe de recherche sur les « raisons de la pratique : invariants, universaux, diversité ».
En juin 2000, il obtient la chaire d'« Anthropologie de la nature » au Collège de France, succédant à Françoise Héritier. Il occupe cette chaire jusqu'en 2019 (leçon de clôture donnée le 27 mars 2019).
Il est nommé, en 2001, directeur du laboratoire d'anthropologie sociale (LAS) fondé en 1960 par Claude Lévi-Strauss, qu'il dirige jusqu'en 2013.
En 2014, il est nommé membre du Conseil stratégique de la recherche[1].
Il fait partie du comité de rédaction de la revue Tracés et il collabore au Journal de la société des américanistes.
De septembre 1976 à septembre 1979, Philippe Descola vit au contact des Jivaro Achuar, dans le haut bassin équatorien du Río Pastaza, à la frontière entre l'Équateur et le Pérou. De cette expérience ethnographique, il tire la matière de sa thèse intitulée, La Nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar, soutenue en 1983 et publiée en 1986.
S'intégrant dans les débats anthropologiques de la fin des années 1970 entre symbolisme et matérialisme, cette thèse analyse successivement la manière dont les Achuar identifient les êtres de la nature et les types de relations qu'ils entretiennent avec eux.
Dans une première partie, Philippe Descola montre comment la « nature », pour les Achuar, s'émancipe du seul ordre taxinomique, en se voyant attribuer des caractéristiques « humaines » : « Les hommes et la plupart des plantes, des animaux et des météores sont des personnes (aents) dotées d'une âme (wakan) et d'une vie autonome » (1986 : 120). Par la capacité qu'ont les âmes d'échanger dans des situations particulières, les humains et non-humains forment un continuum. Les mythes Achuar disent entre autres choses comment à l'origine tous les êtres avaient une apparence humaine, celle des « personnes complètes » (penke aents). Perdant celle-ci dans les circonstances du mythe, plantes et animaux n'en gardent pas moins, pour les Achuar, une sociabilité ordonnée selon les mêmes règles que celles qui régissent leur propre vie sociale. « L'anthropomorphisation des plantes et des animaux [est] tout autant la manifestation d'une pensée mythique qu'un code métaphorique servant à traduire une forme de « savoir populaire » » (1986 : 125).
Dans une seconde partie, adoptant une perspective strictement méthodologique, Philippe Descola distingue une série de mondes qui encadrent les pratiques que les Achuar exercent envers les êtres avec lesquels ils sont en contact : la maison, le jardin, la forêt et la rivière. Unité minimale de la société Achuar, la maison est le « modèle d'articulation des coordonnées du monde et segment terminal d'un continuum nature/culture, la matrice spatiale de plusieurs systèmes de conjonction et disjonction, le point d'ancrage de la sociabilité inter- et intra-maisonnée » (1986 : 168). Si les hommes réalisent l'essartage, le jardin est cependant un espace par destination quasi exclusivement féminin. Les femmes assument l'essentiel de l'activité horticole mêlant des actes techniques de plantation, de désherbage et de récolte, avec des actes magiques, au premier rang desquels viennent les chants incantatoires (anent) destinés à l'esprit tutélaire des jardins, Nunkui, à l'âme des plantes (wakan), aux charmes (nantar) et aux auxiliaires de Nunkui. Le sang joue un rôle prépondérant dans ces pratiques symboliques et établit avec Nunkui et des plantes telles que le manioc une relation de consanguinité.
Ce travail de terrain offre ainsi l'essentiel de la matière ethnographique qui permettra à Philippe Descola de proposer, en s'inspirant de l'anthropologie symétrique de Bruno Latour un schème particulier d'identification et de relation aux non-humains, en redéfinissant le concept délaissé d'animisme.
Dans ses recherches, Philippe Descola entend dépasser le dualisme qui oppose nature et culture en montrant que la nature est elle-même une production sociale, et que les quatre modes d’identification qu’il a distingués et redéfinis (totémisme, animisme, analogisme et naturalisme) ont un fort référentiel commun anthropocentrique. Ainsi, l’opposition nature/culture n'a plus guère de sens, explique-t-il, car elle relève d'une pure convention sociale. Il propose alors en vertu de ces propositions de constituer ce qu’il nomme une « écologie des relations ». Ces travaux font l'objet de la publication de son plus important et célèbre livre, Par-delà nature et culture (2005), devenu un texte de référence[4],[5].
Il s'agit d'une anthropologie non dualiste, en ce sens qu’elle ne sépare pas en deux domaines ontologiques distincts humains et non-humains, une anthropologie donc qui s’intéresse aux relations entre humains et non-humains autant qu'à celles entre humains. Cet aspect influence le nouveau courant anthroposémiotique fondé en 2010 par Béatrice Galinon-Mélénec.
Philippe Descola effectue toutefois lui-même une double dichotomie, mais basée cette fois sur deux critères {physicalité/psychisme} et {identité/différenciation}, distinguant ainsi quatre « modes d’identification » parmi les sociétés humaines, qui sont le totémisme, l’animisme, l'analogisme et le naturalisme : ainsi les modes d’identification sont-ils des manières de définir des frontières entre soi et autrui[6].
Selon Philippe Descola, seule la société naturaliste (occidentale) produit cette frontière entre soi et autrui, en introduisant l’idée de « nature » qui sous-tend implicitement une représentation du monde reposant sur une dichotomie entre nature et culture. La nature serait ce qui ne relève pas de la culture, ce qui ne relève pas des traits distinctifs de l’espèce humaine, et des savoirs et savoir-faire humains. Alors que cette nature (le monde physique) est fondamentalement universelle (les mêmes atomes fondent l'ensemble de l'univers, les mêmes lois et déterminismes fixent et s'appliquent à l'humain et au non humain), la culture différencie elle l'humain du non humain, mais également les sociétés humaines entre elles. Selon Philippe Descola, cette distinction serait à la fois occidentale et récente, résultat d’une histoire particulière ; elle n'existe pas dans les autres sociétés. Elle fonderait la difficulté occidentale à appréhender ces dernières[7].
Le naturalisme, dit-il, « n'est pas simplement la croyance que la nature existe, autrement dit que certaines entités doivent leur existence et leur développement à un principe étranger aux effets de la volonté humaine. Typique des cosmologies occidentales depuis Platon et Aristote, le naturalisme produit un domaine ontologique spécifique, un lieu d’ordre ou de nécessité où rien n’advient sans une cause, que cette cause soit référée à l’instance transcendante ou qu’elle soit immanente à la texture du monde. Dans la mesure où le naturalisme est le principe directeur de notre propre cosmologie et qu’il imbibe notre sens commun et notre principe scientifique, il est devenu pour nous un présupposé en quelque sorte « naturel » qui structure notre épistémologie et en particulier notre perception des autres modes d’identification »[8]. C’est-à-dire que notre naturalisme détermine notre point de vue, notre regard sur les autres et sur le monde.
Si notre société est naturaliste, d’autres sont animistes ou totémistes.
Ainsi, l’animisme caractérise les sociétés pour lesquelles les attributs sociaux des non-humains permettent de catégoriser des relations ; les non-humains sont les termes d’une relation. Il y a donc une identité dans l'intériorité entre humains et non-humains, mais pas dans la physicalité.
Le totémisme caractérise les sociétés pour lesquelles les discontinuités et identités entre non-humains permettent de penser celles entre les humains ; ainsi la différence des uns – des espèces entre elles – est synonyme de la différence des autres – des clans entre eux. Pour ces sociétés il y a une identité à la fois dans l'intériorité et la physicalité des groupes d'humains et de "leurs" correspondants non-humains : le clan s'assimile alors à son totem, à la fois à son esprit et à ses attributs physiques. Les non-humains sont ainsi des signes, des témoignages, de la variété humaine.
L'analogisme se caractérise lui par une discontinuité à la fois des intériorités et des physicalités des humains et des non-humains. Les sociétés où l'analogisme est présent, se caractériseront alors par des systèmes fortement dualistes.
En outre, peuvent être cités comme thèmes de recherches :
Philippe Descola est une référence pour les milieux de l'écopolitique. Il a effectivement participé au développement de ce mouvement, en dirigeant la thèse de l'anthropologue Nastassja Martin à propos des Gwich'in, une société de chasseurs-cueilleurs en Alaska, ou en élaborant des bandes dessinées en forme de traités d'écologie sauvage avec Alessandro Pignocchi[9].
En 2023, il fait partie des 20 coprésidents de l'association appui financier des Soulèvements de la Terre[10], pour laquelle il participe notamment à l'écriture du livre "On ne dissout pas un soulèvement - 40 voix pour les soulèvements de la Terre".