En France, pendant le premier quart du XVIIIe siècle. Le roi Louis XV (arrière-petit-fils et successeur de Louis XIV) étant mineur, la Régence est assurée par son cousin, le duc d'Orléans (Philippe Noiret), débauché notoire, entouré d'une cour de prostituées et de jouisseurs délurés. En Bretagne, le marquis de Pontcallec (Jean-Pierre Marielle) fomente un complot destiné à renverser le duc au profit du roi Philippe V d'Espagne, petit-fils de Louis XIV et oncle du jeune souverain. Il espère ainsi redonner son indépendance à la Bretagne — en la libérant de ses devoirs de vassalité envers le pouvoir parisien — et y proclamer la république. L’abbé Dubois (Jean Rochefort), Premier ministre complaisant du Régent et manipulateur ambitieux, se charge de mettre fin à la conspiration tout en l'utilisant pour assouvir ses propres ambitions.
Dans une atmosphère d'arrogance et de libertinage, au milieu de la crise des finances publiques, un ministre sans scrupule (l’abbé puis archevêque Dubois) obtient du pouvoir patelin la tête du marquis de Pontcallec. C'est sans illusion que Philippe d'Orléans, débauché et fin politique, laisse faire son ministre et complice.
L'intrigue débute en avec la réunion de petits nobles bretons autour de Pontcallec, qui part en députation auprès du Régent. À Paris, Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans, fille aînée du Régent, vient de mourir. Tavernier montre son autopsie dans une scène d'un macabre carnavalesque. Victime de ses excès alimentaires et amoureux, « Joufflotte » est morte à nouveau enceinte. C'est Pierre Chirac, Premier médecin du Régent, puis du Roi, qui l'apprend à la Duchesse d'Orléans. Le délabrement physique de la jeune princesse est à l'image du pourrissement de l'Ancien régime. Son fantôme « hante » le Régent tout au long du film, suggérant des relations incestueuses entre le père et sa fille.
Contée par l'homme de cour et mémorialiste Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, ami d'enfance de Philippe d'Orléans, c'est une chronique tragi-comique particulièrement hostile à l'institution telle qu'elle a évolué après le règne de Louis XIV : dans une mascarade, le Régent invite à sa cour les figures allégoriques « de la misère, du désespoir et de la mort ».
Certaines musiques du film sont tirées des œuvres du vrai Philippe d'Orléans, compositeur et artiste à ses heures perdues. Un gwerz (complainte traditionnelle bretonne) sur le marquis de Pontcallec, Marv Pontkalleg (« la mort de Pontcallec »), est interprétée par Gilles Servat.
Lors de sa sortie, en , beaucoup reconnurent dans le personnage incarné par Philippe Noiret le nouveau président Valéry Giscard d'Estaing, un dirigeant moderne à l'époque comparé à ses prédécesseurs. L’action réformatrice de son gouvernement (loi sur l’avortement, majorité à dix-huit ans, position pro-européenne) étant elle aussi contrariée par les intérêts de ses alliés gaullistes représentés à l’époque par son premier ministre et ennemi intime, Jacques Chirac. Le nom de celui-ci est d’ailleurs utilisé dans le film pour l'un des personnages secondaires, Pierre Chirac, chirurgien du Régent et médecin renommé, qui n'est toutefois pas l'ancêtre du futur président de la République[3].
Le film met en vedette Philippe Noiret, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle, mais aucune scène ne les réunit (si le duc d'Orléans et l'abbé Dubois se côtoient tout au long du film, Pontcallec ne fait que rencontrer brièvement Dubois et ne rencontre jamais le Régent) : les trois comédiens, amis à la ville, n'ont été à nouveau réunis au cinéma que vingt ans plus tard, dans Les Grands Ducs de Patrice Leconte, où ils sont cette fois tous ensemble à l'écran[4].
↑Aux XVIIIe et XIXe siècles, on appelait « mirebalais » (du nom des mirebalais, les ânes du Mirebalais, — la région de Mirebeau, aux confins du Poitou — particulièrement réputés pour leur vigueur sexuelle), les hommes qui s’occupaient des dames dans les « parties galantes », lorsque les autres messieurs étaient « hors de combat ».
Michel Cadé, « Une critique de la réforme giscardienne : Que la fête commence et Le Juge et l'Assassin de Bertrand Tavernier », dans Annette Paatz et Burkhard Pohl (éd.), Texto social. Estudios pragmáticos sobre literatura y cine : homenaje a Manfred Engelbert, Berlin, Edición Tranvía-Verlag Walter Frey, , 544 p. (ISBN978-3-925867-67-5, présentation en ligne), p. 267-278.
Annie Duprat, « Révoltes suggérées et annonce de la Révolution française : Que la fête commence de Bertrand Tavernier », dans Stéphane Haffemayer (dir.), Révoltes et révolutions à l’écran : Europe moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 190 p. (ISBN978-2-7535-4071-2, lire en ligne), p. 133-146.