Romare Bearden émigre à seulement neuf ans de Caroline du Nord à la ville de New-York, pour s’installer avec sa famille dans le quartier de Harlem (ce déménagement faisait partie d’un phénomène connu sous le nom de la grande migration afro-américaine)[2],[3],[4]. Sa mère fut rédactrice en chef new-yorkaise du Chicago Defender et première femme noire élue au conseil scolaire de la ville de New York[5].
Lors de son cursus universitaire (Lincoln University, Boston University, New York University), Bearden combine ses études d’art avec les mathématiques et le sport, excellant en tant que lanceur de baseball semi-professionnel[6]. Cependant, il refuse une offre du propriétaire de l'équipe professionnelle des Philadelphia Athletics qui lui propose d’intégrer l’équipe, en échange de se faire passer pour un homme blanc[7]. De 1936 à 1947, il est formé à l'Art Students League of New York où le peintre expressionniste George Grosz, parti en exil à New-York en 1933, fait partie de ses professeurs[8]. Au cours de ces années, il produit des dessins pour le journal The Baltimore Afro-American, écrit divers essais comme The Negro Artist and Modern Art et, la Harlem Artists Guild(en) l'introduisant dans le Harlem Community Art Center(en), participe à des réunions et expositions d’artistes noirs à Harlem[9].
Il organise en 1940 sa première exposition à New-York, mais est rapidement mobilisé pour la Seconde Guerre mondiale : un service militaire de trois années qui, bien que ne le faisant pas quitter New York et lui permettant de continuer de peindre, lui vaut en 1950 un bourse de la G.I. Bill pour un séjour de neuf mois à Paris (qu'il étendra brièvement à l'Italie) au cours duquel il rend visite à Pablo Picasso, se lie d'amitié avec Constantin Brâncuși et Jean Hélion, étudie la philosophie auprès de Gaston Bachelard, rencontre James Baldwin, Herbert Gentry(en), Myron O'Higgins, Richard Wright, Wifredo Lam, Georges Braque et Sidney Bechet[9].
Passionné de jazz, il est, de retour à New York, co-auteur de plusieurs morceaux comme Seabreeze qu'enregistrent Billy Eckstine et Dizzy Gillespie (la part musicale de son œubre sera remise au grand jour en 2003 avec un album du Branford Marsalis Quartet(en) intitulé Romare Bearden Revealed(en)). Il épouse Nanette Rohan en 1964 et s'installe avec elle dans un immeuble qui, situé sur Canal Street, voisine Chinatown. Là se réunira, à partir de juillet 1963, le groupe Spiral(en) - le choix de ce terme énonce l'objectif de « se tourner vers l'extérieur dans toutes les directions sans cesser de tirer vers le haut »[9] - qu'il forme avec notamment Hale Woodruff(en), Norman Lewis, Richard Mayhew(en), Charles Alston, Reginald Gammon(en), Felrath Hines(en), Emma Amos, Merton Simpson(en) et Alvin Hollingsworth[10]. C'est dans ce contexte qu'au-delà des discussions portant sur l'engagement des artistes noirs, à travers leur travail, dans les questions de lutte et d'égalité raciale[11] Sally et Richard Price situent « Bearden proposant un projet collectif consistant à découper des magazines pour faire des collages en équipe » qui, s'il ne rencontre pas d'adhésion, n'en est pas moins un tournant personnel majeur[9]. Le groupe se dissout peu après son unique exposition de mai-juin 1965 en son local du 146 Christopher Street à New York[12].
En 1970, le couple Bearden fait construire une maison sur l'île de Saint-Martin où Nanette a ses raciles familiales et où ils reviendront dorénavant séjourner pendant plusieurs mois de chaque année, Romare s'y découvrant une nouvelle orientation avec la pratique de l'aquarelle[9].
Romare Bearden a compris l'art et la création comme un processus collectif, avec lequel on peut réfléchir sur l'importance de la communauté. Ainsi, en contemplant Sunday after Sermon, on peut connaitre la vie quotidienne, les cycles, les rites au jour le jour de la population afro-américaine, d'un point de vue intemporel dans lequel leur temps et leur expérience de vie convergent, ainsi que toute la charge émotionnelle et l'engagement social et politique de l'artiste à l’époque à laquelle il a vécu.
À sa mort des suites d'un cancer des os en mars 1988, C. Gerald Fraser salue en lui dans le New York Times« l'auteur de collages le plus important de la nation »[14]. La Romare Bearden Foudation est créée deux années plus tard[15].
Domicile de Romare Bearden, 134 West, 131st Street, Harlem, Manhattan
Cordier & Ekstrom Gallery, New York, Projections, octobre 1964 ; mars-avril 1973 ; Prevalence of ritual - Martinique, the rain forest, 1974 ; février 1975 ; Putting something over something else, novembre 1977[8] ; Profile series/Part I, 1979 ; Profile/Part II. The thirties, mai-juin 1981 ; Mecklenburg Autumn, 1983 ; Odysseus Series, avril mai 1997 ; Rituals of the Obeah, 1984[18].
« C'est l'univers des Noirs de la Nouvelle-Orléans et des grandes cités américaines que nous décrit, non sans l'humour du Pop Art, leur compatriote de couleur Romare Bearden qui a appris le métier avec George Grosz à New York. Au début des années 1950, Romare Bearden vient à Paris où il rencontre l'écrivain James Baldwin, mais aussi Constantin Brâncuși et Georges Braque qui influença son style. Dans les années 1960, il participe à la lutte politique des Noirs américains at aux mouvements antiracistes. À partir de 1963, il introduit la techbique du collage dans son œuvre qui exprime plus directement, sous une forme proche du Pop Art, ses aspirations… Romare Bearden apparaît comme l'un des principaux artistes noirs américains d'après-guerre. » - Gérald Schurr[78]
« Dans une première période, il peignait dans l'esprit d'un réalisme social. Dans une facture classique, il peignit ensuite des scènes de La Bible et de L'Odyssée. Dans les années cinquante, certaines sources mentionnent une période d'expressionnisme abstrait. Dans sa maturité, à travers ses tableaux, il décrit le monde des Noirs dont il fait partie. Dans ses représentations de scènes de rue des grandes villes américaines, Noirs de Harlem ou du Sud, musiciens de jazz, il utilise volontiers des collages et introduit différents mass-medias dans l'esprit du pop art. » - Dictionnaire Bénézit[62]
« L'art de Romare Bearden est né de l'interaction féconde entre l'improvisation la plus libre et une recherche rigoureuse. Sa réponse créatrice aux choses qui "arrivaient" au fur et à mesure de l'élaboration d'une œuvre s'organisait de manière analogue à ce qui se passe dans un concert de jazz traversé par l'improvisation… En même temps, son esprit analytique et exigeant le poussait à lire avec voracité, à examiner avec rigueur les questions théoriques et à fonder sur une étude approfondie de l'art universel les choix qu'il faisait pour son propre travail. Spontanéité ne signifiait jamais laisser-aller, de même que la recherche n'empêchait jamais la légèreté… Comment son extraordinaire puissance de concentration sur la structure, la mise en espace et la dynamique visuelle d'une surface plane coïncidait-elle avec son talent pour saisir la pulsation de scènes urbaines, les fragrances complexes d'un jardin du sud, les sonorités moelleuses et la fougue percussive d'une jam-session ou l'atmosphère étouffante des bayous de Louisiane, qui ont signé de manière indélébile sa réputation d'artiste américain ? Et sur l'île de Saint-Martin, comment son souci des propriétés formelles d'un tableau allait-il de pair avec sa capacité à saisir l'exubérance d'un danseur de carnaval, l'absolu détachement d'un obeah en transe, la luxuriante moiteur d'un jardin tropical ou la magie d'un coucher de soleil rouge vif dans les Caraïbes ? » - Sally et Richard Price[9]
« I am convinced that among the reasons Bearden must be widely viewed in galleries, should occupy the burgeoning attention of scholars to African American Art, is only partly canon formation ; is only minimammy the quenching of nationalistic desire ; is supplementally a tribute to his genius. The more significant reason in the exploration of the resonances, alignments, the connections, the intergenre sources of African American Art in the resounding aesthetic dialog among artists… The dialog between Bearden and jazz music and musicians is an obvious beginning. The influence writers acknowledge is a further step. » - Toni Morrison[79]
Romare Bearden (avant-propos de Henry Louis Jr. Gates), Li'l Dan the drummer boy - - A Civil War story, Simon and Schuster books for young readers, 2003[139].
The Lamp ("To forma perfect union"), timbre-poste émis en 2005.
Prevalence of Ritual - Conjur Woman (œuvre de 1974 conservée à la National Gallery of Art)[140], Conjonction (œuvre de 1971), Ulysse, Poseidon (œuvre de 1977), Falling Star (œuvre de 1979), 4 timbres-postes émis par l'United States Postal Service le 28 septembre 2011[141].
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