Fils de Gilles de Brossard et d'Antoinette Le Court (ou Lecomte), Sébastien de Brossard nait le à Dompierre (Orne) ; il est baptisé le même jour dans l'église de ce village normand[1]. Il est issu d'une famille de gentilshommes verriers de Normandie dont l'origine remonte au XIIIe siècle : la famille de Brossard était en effet issue d'une union entre Charles de Valois (1270-1325), fils du roi de France Philippe III le Hardi, et Hélène de Brossard, fille du grand argentier du roi Herbert de Brossard[2].
Après des études de philosophie et de théologie à Caen, Sébastien de Brossard reçoit la prêtrise en 1675[3], étudie la musique en autodidacte et s'établit à la cathédrale Notre-Dame de Paris[3] en 1678. Le jeune prêtre y approfondit sa connaissance, notamment sur les traités théoriques de la musique.
Il est nommé vicaire à la cathédrale de Strasbourg, à la suite de l'annexion de la ville par Louis XIV en 1681, puis maître de chapelle au service du chapitre cathédral. Il fonde également une Académie de Musique (société de concerts et d'enseignement), dans la même ville en 1687. C'est encore à Strasbourg qu'il se procure la majeure partie de son importante bibliothèque musicale. De surcroît, il établit une collection manuscrite de 157 sonates, provenant de Baden-Baden, qui porte le nom de Codex Rost, d'après celui du musicien et copiste Franz Rost(de) (1640 ?-1696), en poste à l'église Saint-Pierre-le-Vieux de Strasbourg[4].
À la suite de la mort en de François Chaperon, maître de musique à la Sainte-Chapelle, Sébastien de Brossard quitte Strasbourg, voulant regagner un poste à Paris. Mais avant qu'il n'y arrive, cette fonction est attribuée à Marc-Antoine Charpentier. Le musicien déçu est accueilli à Meaux par Pierre Tabart, qui prépare sa retraite, et lui propose de lui succéder comme maître de chapelle. Ce projet ayant été contesté par un chantre, sous prétexte que Brossard n'avait jamais été enfant de chœur, il se fait enfermer dans une pièce, entre le à 13 heures et le lendemain à 22 heures, afin de composer un nouveau motet Retribuo servo tuo, qui est reconnu venir d'un musicien capable. Le , Brossard est en conséquence nommé maître de chapelle de la cathédrale de Meaux[3], en succession de Pierre Tabart.
Il est assez vraisemblable que Brossard était en relation étroite avec Jacques-Bénigne Bossuet († 1704), évêque de Meaux, grand théologien et membre de l'Académie française. Chanoine du chapitre depuis 1709[3], il laisse la maîtrise à un de ses élèves, en 1715. Il meurt le à Meaux et est inhumé dans la cathédrale Saint-Étienne de cette ville[5].
Brossard écrit un ouvrage sur les termes grecs, latins et italiens dans la musique et le premier Dictionnaire de musique en langue française (1701, rééd. 1703). Il est également l'auteur d'une Histoire de la musique (perdue). Religieux sans héritier, il propose en 1724 de céder sa belle collection musicale à la Bibliothèque royale, en échange d'une pension, et en rédige le Catalogue. La collection contient alors un total de 959 ouvrages, y compris 262 traités théoriques. Si la plupart des partitions qui s'y trouvent sont des œuvres de musique sacrée avec 467 partitions, Brossard n'exclut pas la musique profane, en 132 partitions. S'y trouvent aussi 98 partitions instrumentales. Il tente encore, en 1726, de transmettre à la Bibliothèque royale la vaste collection d'œuvres italiennes de Michel-Richard Delalande, décédé, et provenant de l'abbé Nicolas Mathieu († 1706)[6].
Manuscrit de 393 pages accompagné d'une table alphabétique de 253 pages, le catalogue de la collection Brossard constitue encore aujourd'hui une source inépuisable de renseignements qui complète souvent nos connaissances sur la production musicale de l'époque ; toutefois de nombreuses partitions ne s'y trouvent plus, tels deux motets de Guillaume Bouzignac, des oratorios et motets de Marc-Antoine Charpentier et de Giacomo Carissimi. Brossard nous éclaire aussi sur l'esthétique et les théories musicales de son temps, dans les nombreuses annotations portées sur son catalogue. Deux traités constituent des sources uniques : les règles de l'accompagnement au clavecin de François Couperin et les règles de la composition d'après Charpentier. Le fonds manuscrit de Brossard est surtout conservé au Département de la Musique, mais une partie est conservée à Tolbiac (Dépt. des Imprimés).
Brossard est l'auteur de plusieurs grands et petits motets, de cantates, ainsi que d'une mise en polyphonie des Lamentations du prophète Jérémie (1721). L'imprimeur parisien Christophe Ballard, qui appréciait ce compositeur, publia de lui six Livres d'airs sérieux et à boire (1691-1698). L'œuvre instrumental de Brossard contient des sonates pour violon et basse continue, des sonates en trio et des pièces pour orchestre.
Sébastien de Brossard est considéré comme un des pères de la musicologie française, et comme un des fondateurs du fonds musical de la Bibliothèque nationale de France. La publication de l'édition critique de ses œuvres a été menée par le Centre de musique baroque de Versailles, sous la direction de Jean Duron. Ce dernier est également l'auteur du catalogue de son œuvre. Le Centre de musique baroque de Versailles lui a consacré sa saison musicale en l'année 1995.
Cantiques sacrez, Salve Rex Christe, Psallite Superi, Qui non diligit te, O Domine quia refugium, Templa nunc fument, Oratorio seu Dialogus Pœnitentis animæ cum Deo, Festis lasta sonens, Noémie Rime, soprano, Jean-Paul Fouchécourt, alto et ténor, Ian Honeyman, ténor, Bernard Deletré, basse, Le Parlement de Musique, dir. Martin Gester CD Opus 111 1992.
Messe du Ve ton (Messe de Noël) (SdB.5), Stabat Mater (SdB.8), Maitrise de Haute Bretagne, Geoffrey Marshall, orgue, Claire Devilleneuve, violoncelle baroque, dir. Jean-Michel Noël CD M.H.B. 02 1993.
Missa quinti toni pour la fête de Noël (SdB.5), Ensemble vocal du Parlement de Musique, direction et orgue Martin Gester CD France Musique collection Tempéraments 1996.
Première leçon des morts, Troisième leçon des morts, Quatrième Leçon des morts, pour dessus et hautre-contre, deux violons et basse continue, Sonate en trio pour deux violons et basse continue, Dialogus pœnitentis animæ com Deo pour dessus et alto, deux violons, basson et orgue obligés, Véronique Gens, dessus, Gérard Lesne, haute-contre et dir. Il Seminario Musicale. CD Virgin veritas 1997.
Grands motets, In convertendo Dominus (SdB.2), Miserere mei Deus (SdB.1), Canticum eucharisticum pro pace (SdB.3), solistes, Chœur de chambre Accentus, Ensemble baroque de Limoges, dir. Christophe Coin CD Auvidis Astrée 1997.
Missa quinti toni pour la fête de Noël, (SdB.5), Stabat mater, (SdB;8) Retribue servo tue (SdB.4), Les Pages & les Chantres de la Chapelle, Le Mercure galant, dir. Olivier Schneebeli CD Auvidis Astrée 1997.
Oratorio Sopra l'immaculata Conceptione Della B. Vergine (SdB.56), Sonata 2da (ut majeur) (SdB.224), Cantate Leandro (SdB.77), Dialogus Pœnitentis Animæ cum Deo (SdB.55), Ensemble La Rêveuse, dir. Benjamin Perrot / Florence Bolton, Emmanuel Mandrin, orgue, Bertrand Cuiller, clavecin CD Mirare 2011.
Sonate en trio en mi mineur (SdB.220), Sonate en trio en la mineur (SdB.223), Stabat mater (SdB.8), La Nuova Musica, dir. David Bates CD HMU 807659 Harmonia Mundi USA 2016.
Silentium dormi (SdB.52), Ensemble Sébastien de Brossard, dir. Fabien Armangaud CD ENP 001 Enphases 2017.
Miserere mei Deus, Stabat mater, Ave verum corpus, Les Arts Florissants, dir. Paul Agnew CD Harmonia Mundi 2018.
Sonate en trio in A minor, Sonate in C major, Sonate in D major, Ensemble Diderot CD Audax Records 2019. Diapason d’or, Choc Classica.
↑L'acte de baptême, aujourd'hui disparu (les registres de baptêmes de Dompierre conservés aux Archives départementales de l'Orne ne commencent qu'en 1674), était rédigé de la façon suivante : Sébastien de Brossard fils de Gilles et de Anthoinette Le Court fut baptisé et nommé par Sébastien de Bodinet et Catherine Le Court le 12 septembre 1655 (d'après Brossard 1987).
↑Elle offre parfois l'unique source de quelques œuvres de compositeurs allemands et italiens du XVIIe siècle
↑Le registre des actes de sépulture de cette époque de la cathédrale de Meaux est introuvable. Toutefois, une plaque aujourd'hui disparue qui se trouvait dans la cathédrale portait l'inscription suivante : Ci-gît Sébastien de Brossard, prêtre du diocèse du Mans, chanoine de cette Église, décédé le 10 août 1730 (d'après le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, numéro 617).
↑Faute de ressources, Jean-Paul Bignon, bibliothécaire du roi, n'accepta pas cette proposition (Paris BnF (Mss.), Français 22234, f. 30, cité par Catherine CessacMarc-Antoine Charpentier, Fayard, 2005, p. 149).
Sébastien de Brossard, Catalogue des livres de musique théorique et pratique [...] qui sont dans le cabinet du sieur Sébastien de Brossard, Manuscrit, 1724. Paris BNF (Mus) : Rés Vm8 20 et copie en Rés Vm8 21.
Sébastien de Brossard, [Notes pour un Dictionnaire historique de la musique et des musiciens]. Manuscrit autographe, [c. 1717], 11 vol 8° obl. Paris BNF (Mss.) : NAL 519 à 530. Cf. Duron 1995 n° 284.
Yolande de Brossard, La collection Sébastien de Brossard 1655-1730 : catalogue. Paris : Bibliothèque nationale de France, 1994, XXV-539 pages, (ISBN9782717718331) (édition du Catalogue ci-dessus).
Jean Duron, L’Œuvre de Sébastien de Brossard (1655-1730), catalogue thématique. Paris : Klincksieck : Paris : CMBV, 1996, 560 p. (ISBN2-252-03039-9)
Yolande de Brossard, Sébastien de Brossard : théoricien et compositeur, encyclopédiste et maître de chapelle, 1655-1730, Picard, 1987.
Xavier Bisaro, « Le chanoine au village : Sébastien de Brossard et le Processionnal à l'usage des paroisses du diocèse de Meaux (1724) », Musiques en liberté entre la cour et les provinces au temps des Bourbons : volume publié en hommage à Jean Duron, éd. Bernard Dompnier, Catherine Massip et Solveig Serre (Paris : École des Chartes, 2018), p. 199-211.
Bernard Dompnier, « Les motets et le culte : réflexions sur le catalogue des œuvres de Sébastien de Brossard », Musiques en liberté entre la cour et les provinces au temps des Bourbons : volume publié en hommage à Jean Duron, éd. Bernard Dompnier, Catherine Massip et Solveig Serre (Paris : École des Chartes, 2018), p. 35-46.
Jean Duron (éd.), Sébastien de Brossard à Versailles. Arles : Actes Sud, 1995, 140 p.
Jean Duron (éd.), Sébastien de Brossard musicien [Actes du Colloque Sébastien de Brossard, Royaumont et Versailles, ]. Paris et Versailles : 1998.
Laurent Guillo, « La bibliothèque de musique des Ballard d’après l’inventaire de 1750 et les notes de Sébastien de Brossard », Revue de musicologie 90/2 (2004) p. 283-345 et 91/1 (2005) p. 195-232.
Yavor Konov, Sébastien de Brossard et son Dictionnaire de musique (Sofia, Bulgarie: Société Musicale “Vassil Stéphanoff”, 2003, 132 p.)
Yavor Konov, Héritage lexicographique, historiographique & bibliographique de Sébastien de Brossard (1655–1730) – prêtre, musicien & érudit (Sofia, Bulgarie: Société Musicale “Vassil Stéphanoff”, 2008, 464 p.), (ISBN978-954-9425-05-5)
Sébastien de Brossard, Dictionnaire de musique (2, 1705). Traduction et commentaires Yavor Konov (Sofia, Bulgarie: Niba Consult, 2010, 656 p.)
Panov, Alexei and Ivan Rosanoff, « Sébastien de Brossard’s Dictionnaire of 1701 : a comparative analysis of the complete copy », Early music 43/3 (2015), p. 417-430.