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Alphonse Pierre Lemerre |
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Alphonse-Pierre Lemerre, né le à Canisy[1] et mort le dans le 16e arrondissement de Paris[2],[3], est un éditeur français réputé pour ses éditions des poètes parnassiens.
Alphonse-Pierre Lemerre est le huitième enfant d'une famille de cultivateurs installée dans la Manche. À partir de l'âge de 12 ans, il est saute-ruisseau à Saint-Lô, c'est-à-dire coursier, entre autres pour un notaire[4].
Il arrive à Paris en 1860, et se fait embaucher par le libraire Pierre-Paul Percepied qui tient boutique au 42 passage Choiseul : on y trouve des ouvrages religieux et des objets de piété, mais aussi un fonds de classiques dont Lemerre hérite en 1862. Il décroche entre-temps son diplôme de libraire et ouvre sa propre boutique un peu plus loin dans le même passage, au numéro 23. C'est un petit local.
Lemerre épouse le la modiste Antoinette-Sophie Faynot (1837-1894) qui tient boutique juste en face de la librairie. Ils auront deux enfants : Désiré-Jean-Alphonse (1865-1928) et Jeanne-Modeste-Aurélie (1868-1960).
Grâce à l'argent de son épouse, Lemerre se lance dans l'édition en 1865 : son souhait est de publier des ouvrages bien faits, à la typographie élégante et sur beau papier. Il se choisit une marque, un homme bêchant, et une devise latine fac et spera (agis et espère)[5].
La librairie déménage au numéro 27-31 en 1872. Auparavant, c'est au 23 que vont se réunir les futurs poètes du Parnasse contemporain dont la première publication date du 3 mars 1866, placée sous la direction de Louis-Xavier de Ricard et Catulle Mendès et qui comprend des poèmes de Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Paul Verlaine. Le Parnasse contemporain, recueil de vers nouveaux comprendra 18 livraisons hebdomadaires, jusqu'au 30 juin 1866, avant la parution du volume complet en octobre. Il publiera deux autres volumes, qui paraîtront en 1871 et 1876.
Auparavant, il avait édité L’Art, la revue fondée par Ricard, soit dix numéros, entre le 2 novembre 1865 et le 6 janvier 1866 (dont, en novembre, l’article de Verlaine sur Baudelaire). Lemerre publie également en novembre 1865 son premier ouvrage, il s'agit du recueil poétique Ciel, rue et foyer toujours du même Ricard. Par la suite, il réimprime à peu d'exemplaires et de façon soignée Pierre Ronsard, Joachim du Bellay ou Pontus de Tyard, dans une collection intitulée « La Pléiade françoise », qu'il poursuivra jusqu’en 1898.
En novembre 1866, Verlaine publia chez Lemerre, à compte d’auteur, ses Poèmes saturniens, imprimés par Damase Jouaust et salués par Mallarmé. Verlaine y publiera encore deux nouveaux recueils.
Plus tard, Lemerre posséda sa propre imprimerie située 6 rue des Bergers.
Il lance de nombreuses collections : la « Bibliothèque d'un curieux » créée en 1867 qui réédite des auteurs oubliés, la « Collection Lemerre » proprement dite, lancée en 1868, qui comprend des classiques français ; la « Petite Bibliothèque littéraire » lancée la même année, sur le même principe mais en format réduit et ouverte aux auteurs étrangers, puis plus tard aux chefs-d’œuvre de la littérature française contemporaine (Anatole France, Auguste Molinier, Louis Petit de Julleville, etc.) ; la « Bibliothèque illustrée », la « Bibliothèque dramatique », la « Petite collection pour la jeunesse », les « poèmes nationaux », des livres d’enseignement, etc.
Il fut maire de Ville-d'Avray, tendance républicain et anticlérical. Il reste très attaché à sa Normandie natale ; il séjourne à Canisy, où il fait bâtir le château de Montmirel. Il y achète de nombreuses propriétés : à Agon-Coutainville[6], un château à Dangy, une ferme à Cerisy-la-Forêt, un manoir au Mesnil-Angot et le château de Gratot.
En 1893, il commande au peintre Paul Chabas une vaste composition peinte (285 x 338 cm) représentant quelques poètes du Parnasse qu'il édite. Ce tableau, Chez Alphonse Lemerre, à Ville d'Avray, est exposé au salon de 1895 et a pour cadre le jardin de sa propriété, achetée en 1875 et qui avait appartenu au peintre Camille Corot. Parmi les personnages peints ont reconnaît Leconte de Lisle, Paul Bourget, José-Maria de Heredia, Daniel Lesueur (née Jeanne Loiseau), Alphonse Daudet, François Coppée , madame Lemerre (avec penchée sur elle sa fille Jeanne épouse Guinon et cajolant son petit-fils Alphonse II)[7].
En 1880, il se fait construire à Paris un hôtel particulier, au 10 rue Chardin : l’enseigne de la maison d’édition, l’ « Homme à la bêche », reproduit sur le linteau du portail d’entrée, est toujours visible.
Il est fait officier de la Légion d'honneur en 1902.
Longtemps son employé, Louis Conard fonde en 1902 sa propre maison d'édition.
Lemerre meurt à Paris dans son hôtel particulier le âgé de 74 ans. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise (division 6), à Paris[8]. Son fils Désiré reprend les activités. Celui-ci lance en 1923 la revue mensuelle Nos Poètes dirigée par Maxime Formont. En 1935, le fils de Désiré édite Comment j'ai écrit certains de mes livres, l'ouvrage posthume de Raymond Roussel.
Les petits-enfants de Lemerre, Alphonse II (1890-1979) et Pierre, ferment la librairie et la maison d'édition en février 1965 : c'était la plus ancienne librairie parisienne en activité (fondée en 1842 par Percepied).
Figure importante du monde des lettres pendant plus de quarante ans, Alphonse Lemerre était surnommé « le Barbin des jeunes poètes » et « l’Elzevier des vieux classiques »[9].
En 1892, Le Figaro et Lemerre éditèrent ensemble Cosmopolis de Paul Bourget. Lors d’un séjour en Amérique, Bourget découvre que l’ouvrage a été traduit en anglais par quatre éditeurs américains et vendu à environ 40 000 exemplaires : il réclame alors ses droits d’auteur à Lemerre qui, n’ayant rien reçu des éditeurs américains, les lui refusa. Bourget poursuivit son éditeur en justice[10].
N'ayant signé aucun contrat avec les éditions Alphonse Lemerre et étant passé ensuite chez Calmann Lévy en exclusivité, Anatole France fit un procès à Lemerre en décembre 1911 et fut défendu par Raymond Poincaré qui obtint de l'éditeur la restitution d'un manuscrit et des 3 000 francs avancés par l'auteur.
Alphonse Lemerre est connu pour avoir publié les poètes parnassiens. Mais il publia également des anthologies et de grands auteurs classiques et romantiques.