Le Nouveau-né (1881}, Paris, Petit Palais. Gill se représente avec son fils Jacques qui mourra peu après[3].Le Fou, dessin d'après le tableau de Gill exposé au Salon de 1882, « a fléchi les rigueurs de la critique et apitoyé les âmes sensibles »[4],[5],[6].
Il est le fils naturel du comte de Guines et de Silvie-Adeline Gosset, couturière née le à Landouzy-la-Ville en Thiérache dans l'Aisne[7]. Ses amis le surnommaient « le beau Geille »[8] – c’est ainsi que lui-même prononçait son nom.
C'est dans L'Éclipse qu'est publié, le , le dessin de Madame Anastasie qui devient l'illustration emblématique de la censure avec laquelle il est souvent confronté[10]. C'est la représentation la plus connue d'Anastasie[11],[12],[13]. Il représente une femme âgée, aux ongles crochus, probablement domestique ou concierge, qui porte sur l'épaule une chouette et tient sous le bras de gigantesques ciseaux[11].
André Gill est souvent crédité, à travers ce dessin, de l'invention de ce personnage[14],[15]. Toutefois, si l'ajout de la chouette, oiseau de nuit qui incarne l'obscurité et qui fait référence à l'expression populaire « une vieille chouette », est bien une idée d'André Gill[11], Christian Delporte, suivi par Olivier Forcade, montre que l'incarnation de la censure dans un personnage féminin nommé Anastasie est antérieure à ce dessin[16],[11],[17].
Le 10 mai 1868 Gill dessine pour la une de ce même journal L'éclipse une caricature de l'avocat et journaliste noir Victor Cochinat. Cette affiche présente Cochinat à demi-nu dans une pose tribale et qui fait directement référence aux personnes des colonies exhibées lors des expositions coloniales à Paris.
André Gill reste également connu dans l'histoire littéraire pour avoir été un contact d'Arthur Rimbaud qu'il aurait hébergé — peut-être à son insu — au 89, rue d'Enfer lors du premier véritable séjour du poète à Paris, en février 1871[18].
À l'occasion des élections législatives, en 1877 puis en 1885, il publie une feuille vendue 5 centimes et intitulée Le Bulletin de vote, présentant certains des candidats, avec un portrait dessiné par lui-même gravé par Baret et un texte partisan rédigé par un journaliste[19]. Soixante-douze numéros paraissent en 1877 et d'autres en 1885[20].
Il fait partie du cercle des poètes Zutiques en compagnie de son ami et disciple Émile Cohl. Après la chute de la Commune, il délaissa la caricature pour éviter les poursuites et s'enthousiasma pour l’Impressionnisme, sans toutefois rencontrer dans la peinture le même succès que dans le journalisme. Tandis qu'il traversait des difficultés financières, son fils Jacques mourut prématurément en 1881.
Gill est retrouvé le errant dans les rues de Bruxelles : manifestement désorienté, il semble avoir vagabondé à travers bois depuis des jours. Il est alors conduit par deux de ses amis dans une maison de santé à Evere, au nord de Bruxelles[21]. Ses amis Jules Vallès et Callet le ramènent à Paris avec les difficultés les plus grandes et Émile Cohl organise une souscription[22] lors de son internement à l'asile de Charenton en 1883.
Alphonse Daudet rapporte dans la préface aux mémoires du caricaturiste son témoignage sur les derniers jours d'André Gill : « Un jour, en sortant, je heurte sur le palier quelqu'un sonnant à ma porte. “Tiens !… Gill !…” Gill, maigri, des cheveux blancs, mais toujours beau, toujours son cordial sourire de grand enfant sensuel et bon. “Je sors de Charenton … Je suis guéri …” Et l'on descendit au Luxembourg. […] Trois jours après, on le ramassait sur une route de campagne, jeté en travers d'un tas de pierres, l'épouvante dans les yeux, la bouche ouverte, le front vide, fou, “re-fou”[23]. »
Il mourut dans un cabanon de Charenton au début mai 1885 et fut inhumé au Père-Lachaise.Il est inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise (division 95 le long de l'avenue transversale n°2), son buste par Laure Coutan orne sa sépulture[24].
Également chansonnier à Montmartre, il fréquente le Cabaret des Assassins — qui devait son nom à un tableau relatif aux crimes de Troppmann —, qui deviendra célèbre sous le nom Lapin Agile[25], dont il peint en 1875 en guise d'enseigne un lapin bondissant d'une casserole en cuivre[26]. Par jeu de mots, le « lapin à Gill » devint le « Lapin Agile ». L'original de l'enseigne est conservé à Paris au musée de Montmartre[27].
Un volume de vers, La Muse à Bibi, parut sous son nom en 1880. Il n'en était en réalité que le co-auteur avec Louis de Gramont. Ces poèmes avaient paru dans la revue La Petite Lune en 1878[28].
Pour les dix ans de sa mort, un banquet est organisé à Montmartre et Auguste Roedel en fait l'affiche.
Fort comme un grand coq droit perché
Sur ses larges ergots de pierre
Moustache noire en croc, paupière
Où l'œil ne s'est jamais caché
Front que l'on voudrait empanaché
De quelques feutres à plume fière
Crayon d'or comme une rapière
Au point rudement accroché[30].
« On ne songe qu'à fonder des maisons de fous, disait-il jadis en relevant sa moustache de son geste habituel, quand est-ce qu'on créera des maisons d'imbéciles ? »[31].
Gray, musée Baron-Martin : Étude de maîtres par Gill “La vengeance et la justice divine poursuivant le crime”, d'après Pierre-Paul Prud'hon, 1868, gravure en couleur, 41 × 54 cm.
↑Benoît Noël et Jean Hournon, Parisiana : la capitale des peintres au XIXe siècle, DISLAB, (lire en ligne), p. 86
↑L'exposition des beaux arts (Salon de 1882) : Comprenant quarante planches en photogravures, Goupil, (lire en ligne), p. 66.
↑Armand Lods, Véga et Émile Cohl, André Gill : sa vie, bibliographie de ses œuvres : par Armand Lods et Véga ; avec portrait par Émile Cohl et caricatures inédites d'André Gill, Léon Vanier, (lire en ligne), p. 78.
↑Aude Fauvel, « Punition, dégénérescence ou malheur ? La folie d’André Gill (1840-1885) », Revue d'histoire du XIXe siècle, nos 26-27, (lire en ligne).
↑D'après Jean Valmy-Baysse, André Gill, l'impertinent, Éditions du Félin, , 240 p. (ISBN2-402-16339-9, lire en ligne), « Premières armes », p. 15.
↑Éditions Marpon et Flammarion, s.d. Voir sur le site Gallica : [1]
↑Hébert, Pierre, 1949-, Landry, Kenneth, 1945- et Lever, Yves, 1942-, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma, Fides, (ISBN2-7621-2636-3 et 978-2-7621-2636-5, OCLC63468049), p. 30.
↑ abc et dChristian Delporte, Images et politique en France au XXe siècle, Paris, Nouveau Monde, , 489 p. (ISBN978-2-84736-179-7, lire en ligne), p. 110-117.
↑(en) Robert Justin Goldstein, « Editor's Preface: Political Censorship of the Visual Arts in Nineteenth-Century France », Yale French Studies, no 122, , p. 1–13 (ISSN0044-0078, lire en ligne, consulté le ).
↑Christian Delporte, « Anastasie : l’imaginaire de la censure dans le dessin satirique (XIXe – XXe siècle) », dans Pascal Ory (dir.), La censure en France à l’ère démocratique, 1848-1994, Bruxelles, Complexe, , p. 89-99.
↑Aude Fauvel, « Punition, dégénérescence ou malheur ? », Revue d'histoire du XIXe siècle, nos 26/27, (DOI10.4000/rh19.751, lire en ligne, consulté le ).
↑Isabelle Marinone, « Émile Cohl et la bohème », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze. Revue de l'association française de recherche sur l'histoire du cinéma, no 53, , p. 38–57 (DOI10.4000/1895.2283, lire en ligne).
↑Cité d'après Bertrand Tillier, Correspondance et mémoires d'un caricaturiste : André Gill 1840-1885, Seysell, Éditions Champ-Vallon, , 409 p. (ISBN2-87673-445-1), p. 234.
↑André Gill, l'impertinent, par Jean Valmy-Baysse, 1927.
↑« À propos de l'exposition André Gill au musée Montmartre », Le Vieux Montmartre, (lire en ligne)
↑Jules Jouy, Les chansons de l'année, Bourbier et Lamoureux, , p. 178.
↑Armand Lods, Véga et Émile Cohl, André Gill : sa vie, bibliographie de ses œuvres ; avec portrait par Émile Cohl et caricatures inédites d'André Gill, Léon Vanier, (lire en ligne), p. 59.
Charles Fontane, Un maître de la caricature, André Gill, Éditions L'Ibis, 1927
Jean Valmy-Baisse, Le Roman d'un caricaturiste : André Gill, édition Marcel Seheur, 1927. Réédité sous le titre André Gill l'impertinent par les Éditions du Félin en 1991
Armand Lods et Véga, André Gill, sa vie. Bibliographie de ses œuvres, Paris, Éditions Léon Vanier, 1887.
Martine Thomas, Yannich Maarec et Gérard Gosselin, Le dessin de presse à l'époque impressionniste, 1863-1908, de Daumier à Toulouse-Lautrec, éditions Jean di Sculo (Democratic Books), 2010.