La chaconne, ou plus rarement chacone, dont on trouve aussi le nom italien ciaccona, est un genre musical pratiqué aux XVIIe et XVIIIe siècles et une danse.
Initialement, vers la fin du XVIe siècle, la chaconne est une chanson populaire à danser, à trois temps de caractère vif, originaire d'Amérique, pendant le vice royaume de Nouvelle-Espagne et introduite en Espagne par les marins. Transplantée ensuite dans d'autres pays d'Europe au début du XVIIe siècle, elle y devient une danse de caractère noble puis est abordée par les instruments, en orchestre ou solistes. C'est alors une pièce de grandes proportions, en mesure ternaire, lente et solennelle, basée sur la répétition et la variation d'un thème comprenant en général 4 ou 8 mesures avec reprise. Elle est construite sur une basse qui est un tétracorde descendant, alors que la passacaille est construite sur un thème joué à la basse et qui ensuite se distribue sur les autres voix. L'origine en serait la forme « rondeau » (autre danse) avec refrain et couplets, ces derniers réalisant des variations du refrain, d'où l'impression de répétition.
À ce stade de son évolution, elle devient indiscernable de la passacaille, car les noms semblent interchangeables selon les compositeurs : Louis Couperin intitule une de ses pièces « chaconne ou passacaille » ; François Couperin fait de même dans sa première suite pour viole (passacaille ou chaconne) et semble éviter le problème en nommant une de ses compositions pour clavecin L'amphibie ; selon Mattheson, la chaconne est plus lente que la passacaille mais d'Alembert dit le contraire. Cependant, la chaconne commence fréquemment en anacrouse sur le deuxième temps, contrairement à la passacaille dans laquelle le procédé est plus rare[1].
Ces deux pièces sont construites selon trois procédés qui peuvent se combiner :
le rondeau : un refrain de deux, quatre, huit ou seize mesures, terminé par une cadence[2], entre des couplets variés ;
la variation (mélodique ou rythmique) ;
la basse obstinée : un motif thématique répété à la basse.
Dans la musique baroque, la chaconne est utilisée de façon occasionnelle dans la suite de danses instrumentales, dont elle est presque toujours la pièce finale. Elle est également souvent utilisée en France, comme morceau final, ou au cours des pièces lyriques importantes dans la tragédie lyrique et l'opéra-ballet.
La chaconne est utilisée dans quelques œuvres de compositeurs minimalistes : second mouvement du concerto pour violon (1993) de John Adams, Echorus pour deux violons et orchestre (1995) et troisième mouvement de la symphonie no 3 de Philip Glass. Deux chaconnes ont été composées par Louis Hardin dit Moondog, que l'on retrouve dans l'album Moondog In Europe daté de 1977.
un détail peu connu de la littérature[réf. souhaitée] : c'est ce morceau qu'Aldous Huxley demanda que l'on joue sur sa tombe, lors de son dernier voyage. La chronique veut que l'invitation ait été relevée par Yehudi Menuhin à Los Angeles (1963) ;
le nombre considérable de transcriptions dont ce morceau a fait l'objet le confirme : guitare, accordéon, harpe, orchestre, orchestre de chambre, piano et orgue ;
le clavier donne à Busoni l'occasion de libérer un véritable déluge de notes : les dix doigts sont intégralement mobilisés (ToccataPreludio, Fantasia, Ciaccona) BV 287 ;
la transcription pianistique de Brahms pour la main gauche est une étude qui reprend le texte de la partie de violon seul.
Parmi les autres nombreuses chaconnes notables, on trouve :
Magnificat à trois voix égales et symphonie (H. 73), pour ténor, haute contre, basse, deux violons et basse continue, de Marc-Antoine Charpentier (1670) avec son Prélude sur une basse obligée ;
pour trois flûtes à bec (ou trois violons) et continuo : chaconne Three parts upon a ground (Z.731) du Dioclesian d'Henry Purcell, ainsi que les chaconnes Z.730 et Z.680, c.1680 ;
pour luth, théorbe ou guitare : Robert de Visée, Kapsperger (Intavolatura di chitarone, Libro 4) ;
pour orgue : Buxtehude, Ciacona BuxWV 159, 160, 161 ; Johann Pachelbel, Chaconnes en fa mineur (avec 22 variations) et en ré ; Max Reger, Passacaille, opus 63 no 6 ;
pour piano : une chaconne en mi mineur du musicien coréen Yiruma.
Peter Gammond et Denis Arnold (dir.) (trad. de l'anglais par Marie-Stella Pâris, Adaptation française par Alain Pâris), Dictionnaire encyclopédique de la musique : Université d'Oxford [« The New Oxford Companion to Music »], t. II : L à Z, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », (1re éd. 1988), 987 p. (OCLC19339606, BNF36632390), p. 354–355.
Raphaëlle Legrand, « Chaconne », dans Marcelle Benoit (dir.), Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, , xvi-811 (OCLC409538325, BNF36660742), p. 122–123.