Issue d'un milieu d'artisans modestes, proches des idées saint-simoniennes favorables à l'émancipation des femmes, Hélène Pilate commence sa formation très tôt aux côtés du compagnon de sa mère, le sculpteur Pierre Hébert. Elle y réalise de nombreuses sculptures de petites dimensions, telles que des pendules, très prisées à cette époque, avant de se tourner vers des œuvres d'une taille plus importante[1]. Par la suite, elle se formera auprès du sculpteur Auguste Dumont.
Mariée à Augustin-François Allélit (nom sous lequel elle expose au Salon de 1849), elle s'en séparera rapidement[2]. Dès 1854, elle signe ses œuvres du nom de « Madame Léon Bertaux », nom de son nouveau compagnon, lui-même sculpteur, qu'elle ne pourra épouser qu'en 1866[3], après la mort de son premier mari, le divorce étant alors alors interdit.
Elle se fait connaître, en début de carrière, par la commande privée d'une fontaine monumentale à Amiens (dite la fontaine Herbet, du nom du mécène commanditaire), débutée en 1863 et inaugurée en juillet 1864[4]. Son travail sera reconnu assez tôt par ses pairs masculins, puisqu'elle reçoit commande d'un grand bas-relief — La Navigation — pour un fronton du palais du Louvre, côté Seine (1864), qui sera suivi en 1878 d'un second bas-relief — La Législation — pour un fronton côté cour du Carrousel du Louvre. À ce jour, elle demeure la seule femme à avoir pu réaliser de tels frontons à Paris. Elle a également réalisé une statue du peintre Jean Siméon Chardin pour une façade de l'hôtel de ville de Paris, lors de sa reconstruction.
Au Salon, elle expose en 1864 son plâtre d'un Jeune Gaulois prisonnier puis en 1867 sa version en marbre ; toutes deux lui valent une médaille. En 1873, elle rencontre un réel succès avec sa Jeune fille au bain. Elle est déclarée Hors Concours la même année. Elle connaît une véritable reconnaissance officielle lors de l'Exposition universelle de 1889 à Paris, où elle reçoit une médaille d'or de première classe, pour le plâtre de sa Psyché sous l'empire du mystère.
Lors de l'Exposition universelle de 1889, elle est la première sculptrice à recevoir une médaille de 1re classe[5] d'or, pour son plâtre Psyché sous l'empire du mystère.
En 1893, elle est nommée vice-présidente de la délégation de femmes françaises artistes qui, au cours de l'Exposition internationale de Chicago, exposeront volontairement dans le Woman's Building[6], un bâtiment créé par l'architecte Sophia Hayden, pour pouvoir exposer en dehors du Palais officiel des Beaux-Arts.
Après 1897, quand elle quitte la présidence de l'Union, elle poursuit sa carrière en présentant régulièrement ses œuvres au Salon de l'UFPS[réf. souhaitée] ainsi qu'au Salon des artistes français (SAF) jusqu'en 1900 (Fuite en Égypte).
Au XIXe siècle, dans le monde de l'art, les femmes sont souvent considérées par les artistes masculins comme des muses inspiratrices et des modèles mais rarement reconnues comme artistes[7], à part quelques exceptions comme Rosa Bonheur ou Marcello, contemporaines d'Hélène Bertaux. À cette époque, l'École nationale des beaux-arts de Paris leur est interdite et les préjugés négatifs quant à leur capacité à produire des œuvres d'art de qualité sont encore profondément ancrés dans la société[8].
Devant les difficultés que rencontrent les femmes qui veulent se destiner à la sculpture, Hélène Bertaux décide alors d'ouvrir un atelier de dessin et de modelage en 1873 à Paris au 233, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Puis en 1879, elle lance l'édification d'un grand immeuble d'ateliers, situé 147 avenue de Villiers, destinés à former des femmes à la sculpture. Ce dernier ouvrira en 1881.
En , elle crée l'Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS), association reconnue d'utilité publique en 1892, dont elle sera la première présidente jusqu'en 1894. Le but de cette association est de permettre aux femmes françaises et étrangères d'obtenir un véritable statut d'artiste et de créer une solidarité entre elles. Pour cela, elle met en place un salon annuel spécifique, sans jury de sélection, mêlant artistes débutantes et artistes reconnues. Elle en assure la promotion auprès de l'État, de la presse généraliste ou féministe, des hommes politiques et des collectionneurs.
En 1889, Hélène Bertaux va mener un combat de longue haleine pour tenter de réaliser son rêve : faire bénéficier les femmes de la qualité et de la gratuité de l'enseignement de l'École nationale des beaux-arts de Paris, et leur permettre d'accéder au prestigieux concours du prix de Rome. Grâce à sa mobilisation et à son acharnement, les artistes femmes y seront enfin progressivement admises entre 1897 et 1900, puis pourront participer aux différents concours, dont celui du grand prix de Rome à compter de 1903. Lucienne Heuvelmans sera la première femme artiste à qui sera décerné ce Premier Grand Prix de Rome — de sculpture, en l'occurrence — en 1911.
En 1894, en conflit ouvert avec Virginie Demont-Breton qui revendique un jury de sélection pour professionnaliser le Salon de l'Union, Hélène Bertaux se retire de la présidence de l'UFPS, tout en restant sociétaire à vie et présidente honoraire[9].
Hélène Bertaux, malgré sa brillante carrière et son engagement pour les artistes femmes, meurt en 1909, quasi oubliée, à Saint-Michel-de-Chavaignes (Sarthe), au château de Lassay. Elle y est inhumée dans le cimetière communal.
place Longueville : Fontaine Herbet, 1864, bronze, envoyée à la fonte sous le régime de Vichy en 1941[4],[11].
musée de Picardie : À la mort d'Hélène Bertaux, son mari, qui fut aussi son praticien, réalisa un exemplaire en marbre de quatre œuvres majeures de sa femme qu'il légua au musée à sa mort en 1915 :
Les statues des quatre saisons — Le Printemps, L'Été, L'Automne et L'Hiver — ont été éditées en fonte par la fonderie Durenne et diffusées en France (Fleurance[13], Savigny-sur-Orge, Montier-en-Der, Fleurance, Saint-Dizier), au Portugal (dans les jardins du Palácio de Cristal à Porto et au Chili (au parc Isadora Cousiñ à Lota[14] et sur la plaza de Armas à Santiago de Chile). Au Mexique, elles sont situées dans l'Alameda Central à Mexico[15] ainsi que dans le Zócalo de la ville de Puebla[16].
Œuvres d'Hélène Bertaux
Pour les pauvres s'il-vous-plaît (1861), tronc à quêter, église de Saint-Gratien.
↑Édouard Lepage, Une conquête féministe : Mme Léon Bertaux, Paris, Imprimerie française J. Dangon Soleil en livres., 1911. réédition en 2009, 214 p. (ISBN978-2-7466-0610-4).
↑Sophie Jacques, La statuaire Hélène Bertaux (1825-1909) et la tradition académique : Analyse de trois nus (mémoire universitaire), Québec, Université Laval, (lire en ligne), p. xv.
↑Chantal Beauvalot, préface du Dictionnaire de l'Union des femmes peintres et sculpteurs (1882-1965), tome 1, de Pierre Sanchez, Éditions Echelle de Jacob, Dijon 2010, p. 21.
↑Liste établie par Mathilde Huet (ex-ingénieure d'études au Service des musées de France), entre 2008 et 2009.
↑Margarita de Orellana, Catherine Chevillot, Françoise Dasques et Charles Garnier, « FONTES D'ART », Artes de México, no 72, , p. 73–88 (ISSN0300-4953, lire en ligne, consulté le ).
↑(es) Adriana Hernández Sánchez, « LAS CUATRO ESCULTURAS DE ANTOINE DURANNE EN EL ZO?CALO DE LA CIUDAD DE PUEBLA ME?XICO », Alzaprima, no 5, , p. 24–37 (ISSN2452-6150, lire en ligne, consulté le ).
Pauline Craven, Récit d'une sœur, Paris, Librairie Didier et Cie, 1866 (en ligne sur Gallica). — Récit de l'histoire de son frère Léon et de son épouse Hélène Bertaux, tous deux sculpteurs.
Édouard Lepage, Une conquête féministe. Mme Léon Bertaux, Paris, Imprimerie française J. Dangon, 1911, rééditée en 2009, Soleil en livres (ISBN978-2-7466-0610-4).
Tamar Garb, Sisters of the Brush, Women' Artistic Culture in Late Nineteenth-Century, Yale University Press, UK, 1994
Bérengère Wasselin, L'Union des Femmes peintres et sculpteurs et la critique, Lille, Mémoire de Master 2 d'histoire de l'art contemporain, sous la direction de François Robichon, Université Charles de Gaulle - Lille 3, 2006, 85 p.
Fabienne Dumont et Séverine Sofio, « Esquisse d'une épistémologie de la théorisation féministe en art », Cahiers du Genre, vol. 43, no 2, 2007, pp. 17-43 (en ligne sur cairn.info).
Sophie Jacques, La statuaire Hélène Bertaux (1825-1909) et la tradition académique. Analyse de trois nus, mémoire de maîtrise en histoire de l'art, Québec, Université Laval, 2015, 173 p. (en ligne sur Archimède).