Baron |
---|
Naissance | |
---|---|
Décès | |
Sépulture |
Cimetière du Père-Lachaise, tombeau de Benoist-Méchin (d) |
Nom de naissance |
Jacques Michel Gabriel Paul Benoist-Méchin |
Nationalité | |
Formation | |
Activités | |
Père |
Parti politique | |
---|---|
Condamné pour | |
Condamnation | |
Lieu de détention | |
Distinctions |
Jacques Benoist-Méchin, né le à Paris 17e, et mort le dans la même ville, est un intellectuel, journaliste, historien, musicologue et homme politique français d'extrême droite. Collaborateur pendant l'occupation, il fut condamné à mort en 1947 puis gracié. Il avait œuvré à la création d'une « nouvelle Europe » avec le pouvoir nazi et était considéré comme un ultra de la collaboration au sein du régime de Vichy.
Il est aussi connu pour son travail d'historien, spécialiste d'abord de l'Allemagne, puis du monde arabe. Il a publié pendant l'entre-deux-guerres une Histoire de l'armée allemande, puis, après-guerre, une série de grandes biographies intitulée Le Rêve le plus long de l'histoire.
Jacques Michel Gabriel Paul Benoist-Méchin[1] est né dans un milieu cultivé et bourgeois. Il est le deuxième enfant (le premier étant mort-né)[2] du second mariage de Stanislas Lucien Alfred Gabriel Benoist, dit baron Benoist-Méchin, avec Marie Louise Pauline Gatel.
Son père ne manquait pas de se parer du titre de baron d'Empire[3]. En effet, la mère de ce dernier, Marie Élisabeth Berthe Benoist née Méchin, mariée à Alfred Benoist (receveur des finances), était la petite-fille d'Alexandre Méchin, préfet des Landes (an VIII), de la Roër (an X), de l'Aisne (an XIII), du Calvados (1810), créé baron Méchin le . Cette filiation a sans doute contribué à développer son intérêt pour l'époque napoléonienne.
Son enfance est toutefois difficile, notamment sur le plan financier, du fait de la prodigalité et de l'éloignement de son père. Celui-ci est un aventurier. Il a déjà effectué un long périple de cinq ans à travers la Chine, le Japon et en Russie (où il s'était marié en premières noces à la baronne Vera de Zaltza, une aristocrate russe, le , et divorça le ), puis, attaché à la légation de France à Pékin, il y achète à Monseigneur Favier, archevêque de la ville, une prodigieuse collection d’objets d’arts qui constituera, plus tard, l’essentiel du fonds de la collection Grandidier au musée Guimet de Paris. À la disparition précoce de celui-ci (), il ne reste plus rien de l’importante fortune familiale, Jacques Benoist-Méchin doit donc travailler pour vivre.
Dans sa jeunesse, il s'est révélé doué pour les études, capable de traduire les auteurs anciens, et développant une sensibilité littéraire et musicale qui le conduit à obtenir une entrevue avec Proust en 1922 et à entretenir des liens avec le compositeur Henri Sauguet, membre de ce qu'on a appelé « l'École musicale d'Arcueil ».
Trop jeune pour participer à la Première Guerre mondiale, la guerre lui fait néanmoins prendre conscience de la nécessité d'œuvrer à la pacification de l'Europe et, surtout, à la réconciliation franco-allemande.
Dans les années 1920 il joue dans l’orchestre de George Antheil qui, habitant au-dessus de la librairie américaine Shakespeare and Company, l’a présenté à sa propriétaire Sylvia Beach et sa compagne Adrienne Monnier. Il rencontre là de nombreux écrivains comme James Joyce, Paul Valéry, Valery Larbaud, etc.[4]. Adrienne Monnier a dit de lui : « Aucun jeune homme ne fut autant que lui l’enfant de la maison […] Je suis très fière de notre enfant »[5]. Lorsque Sylvia Beach est internée en tant que citoyenne américaine en 1943, Benoist-Méchin intervient personnellement pour la faire libérer.
En 1923, alors qu'il remplit ses obligations militaires, il est marqué par l'occupation française de la Ruhr décidée par Poincaré et qui n'est pas, selon lui, de nature à favoriser la réconciliation franco-allemande.
Journaliste particulièrement au fait des questions internationales, il se rend à New York de 1925 à 1927 et travaillera au sein de l'Agence d'information américaine International News Service du magnat de la presse Randolph Hearst. Il collabore ensuite à l'Europe nouvelle de Louise Weiss. Celle-ci le congédie plus tard, lui reprochant son admiration pour Hitler, auquel il a consacré une biographie retraçant son ascension. Puis il devient secrétaire général de L’Intransigeant de Léon Bailby. Sa parfaite maîtrise de l’allemand et de l’anglais lui permet de traduire un grand nombre d’ouvrages.
Jacques Benoist-Méchin fait preuve d'opinions ouvertement favorables à Hitler et au nazisme. Il voit en Hitler un régénérateur de l'Europe, puis, celle-ci une fois dominée, son fédérateur. Pacifiste, partisan d'un rapprochement avec l'Allemagne, il devient un familier d'Otto Abetz, l'homme de Hitler en France au sein notamment du Comité France–Allemagne, dont il est membre. Il a adhéré dès 1936 au Parti populaire français (PPF), s'enthousiasmant pour l'équipe rassemblée autour de Doriot par Gabriel Le Roy Ladurie : « Je n'hésite pas à affirmer qu'aucun parti politique français ne disposa jamais d'un pareil potentiel intellectuel »[6].
Il publie en 1939 un livre d'extraits commentés de Mein Kampf, Éclaircissements sur Mein Kampf, où il soutient qu'Hitler est « un visionnaire qui a décidé de réaliser son rêve avec le réalisme d'un homme d'État », élude les passages les plus violemment hostiles à la France, en travestit d'autres et souligne qu'Hitler s'opposerait moins à la France en elle-même qu'à la domination juive sur celle-ci[7].
Après la défaite de 1940, Jacques Benoist-Méchin qui a été mobilisé comme soldat de 2e classe est fait prisonnier et enfermé au camp de Voves[8]. En raison de sa maîtrise de la langue allemande, il se voit aussitôt attribuer la fonction d'interprète par les Allemands et, bien que toujours prisonnier, il est nommé en août chef de la délégation des prisonniers de guerre à Berlin auprès de Georges Scapini, chargé de venir en aide aux prisonniers français détenus en Allemagne.
Il est recruté au sein de l'École libre des sciences politiques sous pression du gouvernement[9].
Pour justifier son engagement dans la Collaboration, il déclare : « Un pays vaincu a le choix d'être soumis à son vainqueur ou d'être avec lui ; je choisis d'être avec lui. »
Il est nommé secrétaire général adjoint à la vice-présidence du Conseil le .
En , son nom figure sur le rapport remis à Pétain sur la Synarchie visant à discréditer le gouvernement Darlan. Il accompagne l'amiral Darlan le à Berchtesgaden lors de sa rencontre avec Hitler.
Le , il est nommé secrétaire d'État à la vice-présidence du Conseil chargé des rapports franco-allemands. Le même mois, il est chargé de mission à Ankara pour tenter d’obtenir de la Turquie la faculté d’envoyer des renforts vers la Syrie où les troupes du général Dentz s’opposent aux forces britanniques et de la France libre. En juillet, il joue un rôle déterminant dans la mise au point des accords franco-nippons (Accords Darlan-Kato) sur l’Indochine. Fondé de pouvoir à la banque Worms, il fait partie d'un groupe influent de technocrates ultra de la collaboration participant au gouvernement de Vichy qui veulent associer la France à la direction d'une « Nouvelle Europe ».
En , il reçoit, par Abetz, un message d'Hitler pour Pétain proposant une alliance militaire. Il semble avoir agi avec Victor Arrighi pour le retour de Pierre Laval au pouvoir. Il est partisan de la création de la Légion tricolore, mais les Allemands refusent.
Jacques Benoist-Méchin favorise la création d'un Service de la main-d'œuvre française en Allemagne à la tête duquel Gaston Bruneton est nommé le et qui était chargé de l'action sociale auprès des travailleurs français en Allemagne, volontaires ou requis de force pour le Service du travail obligatoire.
Laval, excédé de trouver Benoist-Méchin sur son chemin lorsqu’il négocie avec les Allemands, et gêné par ses surenchères, supprime son poste le à l’occasion d’un désaccord sur la Relève. Laval l'accuse aussi de vouloir mettre à sa place l'amiral Platon[10],[11].
Après le débarquement des troupes alliés en Afrique du Nord (Opération Torch), Le Petit Parisien publie le une déclaration de Benoist-Méchin appelant à lutter contre les « agresseurs », visant à une déclaration de guerre aux côtés de l'Allemagne et à la constitution d'un gouvernement d'ultra-collaborationnistes avec comme mot d'ordre : « guerre, révolution, salut public », proposition que Marcel Déat alla faire à Abetz avec Jean Luchaire et lui-même.
Après la Libération de la France, il est arrêté et incarcéré à Fresnes en septembre 1944 pour son rôle dans la collaboration et notamment dans la création (finalement refusée par les Allemands) de la Légion tricolore. Son procès se déroule à partir du devant la Haute Cour de justice. Après six audiences, durant lesquelles il est jugé sur son rôle de collaboration tactique et stratégique avec l'ennemi, n'ayant jamais eu de rôle dans la déportation, Benoist-Méchin est condamné à mort et à la dégradation nationale à vie le suivant[12]. Lors de son procès, Benoist-Méchin se défend des accusations de germanophilie en évoquant sa sensibilité aux questions européennes :
« Je n'ai jamais été germanophile dans le sens où on voudrait le faire entendre aujourd'hui, à savoir que j'aurais préféré l'Allemagne à mon propre pays […]. Quand je suis de passage à la SDN, à Genève, avec Briand, et que Briand parle de fédération européenne, je l'écoute et je pense qu'il a raison […] Mais quant à savoir si je suis germanophile, à partir du moment où l'Allemagne occupe les trois cinquièmes du territoire français, ça, Messieurs, ce n'est pas possible, ça n'existe pas[13]. »
Il est gracié le par le président Vincent Auriol et le , sa peine de mort est commuée en travaux forcés à perpétuité[14], puis à 20 ans[15]. Il bénéficie d'une remise de peine le et d'une libération conditionnelle par arrêté du Ministre de la Justice en date du 9 décembre 1953[16].
Retourné à la liberté, il devient journaliste et auteur de nombreuses biographies de personnages historiques dont celle de Mustapha Kemal Ataturk, et celle du roi d'Arabie Ibn Séoud, commencée pendant sa captivité. Cet ouvrage est remarqué par le roi d'Arabie et par le journal Paris-Match, qui finance pour lui une tournée de plusieurs mois au Moyen-Orient, dont il revient avec une collection d'interviews des acteurs majeurs du temps comme Nasser, le roi d'Irak ou le premier ministre syrien. Cette vaste entreprise n'aurait pu être possible sans le concours d'Ifrène Hacène, interprète algérien qui deviendra son fils adoptif et l'accompagnera tout au long de sa seconde vie.[réf. nécessaire]
Il meurt le à l'hôpital Bichat, Paris 18e[17]. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise (9e division)[18], à Paris. A l'intérieur de la chapelle, il est qualifié de premier ministre.
Il publie à partir de 1936 l'Histoire de l'armée allemande qui connaît un grand succès. Le général de Gaulle la fait réimprimer[réf. nécessaire] malgré la participation de Benoist-Méchin à la Collaboration, dès 1944 à plusieurs centaines d'exemplaires pour la formation des officiers d'état-major.
Après sa sortie de prison, il se consacre à la rédaction de biographies, dans un premier temps sur la dynastie saoudienne, puis à des grands personnages d'origine européenne ayant eu des activités hors d'Europe. Il rédige ainsi les biographies de Lyautey — considérée selon les auteurs récents, comme « détaillée et pleine de sympathie pour son héros[19] » ou hagiographique[20] —, de Lawrence d'Arabie (doublon ou pastiche d'un portrait de cet homme fait par Jean Béraud Villars et intitulé Le Colonel Lawrence ou la recherche de l'absolu, mais le livre de Benoist-Méchin est agréable à lire, d'où son succès auprès du public depuis les années 1960) et d'Ibn Séoud. Le thème commun de cette œuvre biographique est le rôle de l'individu d'exception qui change le cours de l'Histoire et tente de créer un empire pour donner forme et durée à l'union des hommes d'une civilisation.
Jacques Benoist-Méchin est alors, selon l'avis d'Éric Roussel pour Le Monde, « unanimement considéré comme l'un des meilleurs spécialistes du monde arabe »[21]. Alors que ses textes font longtemps référence, la publication de ses mémoires en 2011 amènent le même journaliste à revoir son avis. Celui-ci note l'écart entre la position affichée par Benoist-Méchin lors de son procès, où il se montre un Français patriote, et ses sentiments réels d'admiration à l'égard d'Hitler. Pour lui, cette admiration pour l'homme politique occulte « le racisme, la brutalité, [et sa] volonté hégémonique manifeste », attitude qui l'empêche de rédiger la fin de son Histoire de l'armée allemande, car « manifestement incapable de décrire l'écroulement du rêve auquel il avait cru »[22].
Il est assez proche d'un certain nombre de chefs d'État arabes. Dès sa libération de prison, il entreprend, avec pour interprète un jeune Algérien qui deviendra son fils adoptif, un vaste périple au Moyen Orient au cours duquel il s’entretient avec tout ce qui, alors, peut compter, du roi Saoud à Nasser, dont il tirera Un printemps arabe, dont le succès est considérable. Au Caire, en 1967, il est le témoin oculaire du désastre qu’est, pour l’Egypte, la guerre des Six-Jours.Il sera notamment invité à l'anniversaire d'Hassan II en juillet 1971, au palais de Skhirat, où il assiste à une tentative de putsch sanglante et vaine (racontée dans Deux étés africains).
Les archives personnelles de Jacques Benoist-Méchin ont été dispersées en 2007 lors d’une vente aux enchères à Munich. Un catalogue de ces archives apporte quelques renseignements intéressants[23].
Le 28 janvier 1977, il participe à l'émission Apostrophes de Bernard Pivot, dont le thème ce jour-là est « Les injustices de l'histoire »[24]