Issu d’une famille assez fortunée qui ne négligea rien pour son éducation, Pierre Peyron était destiné à la carrière administrative[1]. Étudiant le droit, il trouva sa vocation lorsque fut créée à Aix en 1765 une école de dessin où Claude Arnulphy, élève de Benedetto Luti[1], lui donna ses premières leçons[2]. Lorsqu’il eut reconnu son gout décidé pour les beaux arts, son père lui permit d’étudier la peinture[1]. Encouragé par Dandré-Bardon, qui sera son professeur à l’École des Élèves Protégés[2], il monta, en 1767, à l’âge de 23 ans, à Paris[3], où il entra dans l’atelier de Lagrenée[4] mais le gout qui régnait alors dans l’école ne s’accordant pas avec ce qu’il cherchait, il pressentit une peinture plus historique et plus classique[5], et fut l’un des premiers à chercher de nouvelles voies en recommençant à appliquer les principes classiques de composition de Nicolas Poussin[6], qu’il comparait à Raphaël[1], alors que le courant pictural dominant était alors le rococo[7].
Considéré comme un des meilleurs peintres de sa génération[8], il remporte le prix de Rome en 1773[Notes 1] avec la Mort de Sénèque, aujourd’hui disparu[9]. En 1774, il peint les décors du salon de l’Hôtel Grimod de La Reynière à Paris, d’après des dessins de Charles-Louis Clérisseau. Il passe ensuite sept années à l’Académie de France à Rome, de 1775 à 1782[10], s’attachant avec un soin particulier à l’imitation de l’antique[1]. Il commença le renouvellement de cette voie depuis longtemps abandonnée par les artistes français par son tableau Cimon se dévouant à la prison pour en retirer et faire inhumer le corps de son père, ouvrage suivi de Socrate retirant Alcibiade d’une maison de courtisanes[1]. Ayant passé les quatre années de son pensionnat à Rome, il y resta encore trois ans de plus à ses propres frais[1].
Son tableau, les jeunes Athéniens et les jeunes Athéniennes tirant au sort pour être livrés au Minotaure lui vaut l’admiration du comte d’Angiviller qui, comme Vien, voit en lui l’un des espoirs de la peinture française, et devient son protecteur[11]. Le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome, lui commande deux œuvres : Bélisaire recevant l’hospitalité d’un paysan ayant servi sous ses ordres (1779), considéré, en son temps, par des critiques comme Diderot, comme son chef-d’œuvre[12], et qui est un des sommets de l’art français à la fin du XVIIIe siècle[13] et Cornélie, mère des Gracques[Notes 2] (1782).
Peyron fut finalement éclipsé par David aux Salons de 1785 et 1787[8]. À son retour à Paris, il avait envoyé la Mort d’Alceste au Salon de 1785[14], alors que son rival David y présentait avec succès Le Serment des Horaces[11]. Au salon de 1787, les deux peintres exposent une composition sur le même thème, la Mort de Socrate et la confrontation tourne largement à l’avantage de David[15],[16]. Peyron, ayant pris du retard dans son travail, avait envoyé, quelques jours avant la fermeture du Salon, une esquisse à grande échelle de son projet. Après cet échec, il n’eut plus jamais le rôle de premier plan qu’il avait eu à ses débuts. Le , il est reçu à l’Académie royale avec son œuvre Curius Dentatus refusant les présents des ambassadeurs samnites[Notes 3] comme morceau de réception[17].
Nommé inspecteur de la manufacture des Gobelins, en 1785[1], il en remplit ses fonctions jusqu’à la Révolution[5], date à laquelle il vit sa place supprimée et se vit enjoindre de vider incontinent son logement des Gobelins[18]. Privé des travaux importants dont il avait été chargé par le roi, sa santé fut gravement affectée et il ne cessa, à compter de cette époque, d’éprouver des infirmités qui hâtèrent la fin de ses jours sans pour autant rien lui faire perdre de son talent[1], produisant dans cette période deux de ses tableaux les plus harmonieux et les plus finis[1] : l’un représente Paul-Émile s’indignant de l’humiliation où se réduit Persée qui se prosterne à ses pieds, l’autre, Antigone, fille d’Œdipe, sollicitant de son père le pardon de son frère Polynice[1], tableau gravé par son compatriote aixois Étienne Beisson[1]. Il a encore donné deux petits tableaux : Pythagore avec ses disciples et l’Entretien de Démocrite avec Hippocrate[1].
David a rendu hommage, en 1814, à celui que certains ont considéré comme son précurseur[19], en déclarant devant sa tombe : « Il m’a ouvert les yeux[20]. » Peyron a également gravé à l’eau-forte plusieurs sujets d’après Le Poussin, Raphaël et d’après ses propres tableaux[1]. Il a eu comme élèves, entre autres, Augustin Aubert, Horace Lecoq de Boisbaudran, Nicolas-André Monsiau et Henri Buguet.
Étude pour La Mort de Socrate, pierre noire, plume et encre noire, lavis brun, rehauts de blanc sur papier beige, H. 0,248 ; L. 0,387 m[28]. Paris, Beaux-Arts de Paris[29]. Il s'agit d'une étude soignée de la figure principale. Conforme au trait dominant du langage plastique de Peyron depuis ses débuts, il use du drappé pour donner du rythme et une certaine majesté à sa composition. Les pesants drapés de Socrate donnent une amplification dramatique à sa posture et à sa singulière expression.
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