Pierre et Gilles est le pseudonyme du couple d'artistes plasticiens français formé par le photographe Pierre Commoy, né le à La Roche-sur-Yon, et le peintre Gilles Blanchard, né le au Havre (Sainte-Adresse plus précisément). Ils vivent et travaillent au Pré-Saint-Gervais (région parisienne).
Depuis 1976, ils développent une œuvre à quatre mains entre peinture et photographie. Leurs tableaux mettent en scène personnages anonymes ou célèbres, dans des décors sophistiqués construits grandeur nature en atelier. Une fois la photographie tirée sur toile, commence un méticuleux travail de peinture. Ces créateurs d’images ont constitué une iconographie singulière explorant la frontière entre l’histoire de l’art et culture populaire.
L'un, Pierre, né en Vendée en 1950, étudie la photographie à Genève, tandis que l'autre, Gilles, né en 1953 dans une commune de Seine-Inférieure, passe son diplôme à l'école des Beaux arts du Havre[1]. Pierre passe sa jeunesse à La Roche-sur-Yon ; enfant il imagine « travailler dans un cirque »[2].
Après son service militaire, en 1972, Pierre s'installe à Paris[1] et commence à travailler pour différents magazines dont Rock & Folk, Depeche mode, Interview et Façade[1]. Gilles s'installe à Paris la même année[1], fait des collages, collectionne les photomatons et réalise des illustrations pour la publicité et des magazines. Il découvre le travail d'Annette Messager, avec qui il correspond pendant un an. Pierre et Gilles se rencontrent en 1976, lors de l'inauguration d'une boutique Kenzo[1],[3] et commencent une vie commune. Ils installent leur premier appartement et atelier rue des Blancs-Manteaux à Paris. Leur collaboration débute, Pierre en tant que photographe et Gilles en tant que peintre[4]. Ils publient leurs premières commandes dans la revue Façade[5]. Ils enchaînent les rencontres et photos avec Andy Warhol, Iggy Pop, Françoise Hardy, Salvador Dalí, Mick Jagger...
« L'histoire d'amour est arrivée avant la collaboration », raconte Gilles. « Gilles collectionnait les photomatons depuis 1968 et on avait fait une nouvelle série de portraits inspirés de cela. Mais les tirages étaient un peu ternes. »« Alors Gilles a eu l'idée de peindre par-dessus et inventé en quelque sorte Photoshop », sourit Pierre. « Notre première œuvre commune, c'est Edwige, la reine des punks. Et on a enchaîné pour le magazine Façade avec Iggy Pop. Quel souvenir ! Il sortait du lit avec une fan. On lui a enfilé une chemise blanche mais en bas, il est resté à poil toute la séance. »[6]. Peu après, ils signent des images de Paquita Paquin ou de la styliste Adeline André[3]. Au départ, ils utilisent leurs deux noms complets pour signer[7].
En 1981, alors que François Mitterrand vient d’être élu à la présidence de la République française, Le Figaro Magazine leur passe commande d'une image représentant Adam et Ève. Eva Ionesco et Kevin Luzac se prêtent au jeu et posent nus, sur un fond bleu céleste et des fleurs. Le cliché est refusé par Le Figaro, mais, deux ans plus tard, en 1983, il fait la une du magazine Actuel. C'est un tournant dans leur travail[10],[11]. Ils créent leur première série aux Maldives et Sri Lanka, sur les enfants des voyages. En 1983, ils organisent leur première exposition personnelle (à deux) à la galerie Texbraun, à Paris[12],[13]. En 1984, ils exposent aux Ateliers 84 à l'ARC Musée d'Art moderne de Paris. Ils adoptent Bibic leur perroquet vert qui figure sur la pochette d'un album d'Étienne Daho. Ils rencontrent Lio et la chanteuse japonaise Sandii(en). En 1985, ils réalisent leurs premiers clips avec le groupe Mikado, ainsi qu'une exposition au Art Ginza space de Tokyo[5].
De 1986 à 1996, Pierre et Gilles sont représentés par la galerie Samia Saouma à Paris[13]. 1986, c'est l'exposition des naufragés et des pleureuses dans cette galerie[13]. Ils abordent les thèmes religieux et les saints[14]. Ils travaillent avec Tomah, un jeune Laotien qui devient leur styliste et assistant pendant 10 ans. 1989 marque le début de leur amitié avec Marc Almond avec qui ils réalisent la vidéo A lover spurned. Ils rencontrent Arielle Dombasle, Nina Hagen, Boy George et Serge Gainsbourg[15]. Depuis 1990, ils résident et travaillent au Pré-Saint-Gervais. Ils effectuent de nombreux voyages en Asie et découvrent la Russie. Ils exposent en 1992 au musée d'art moderne Diaghilev de Saint-Pétersbourg et à Moscou en 1995. En 1993, ils reçoivent le grand prix de photographie de Paris. En 1994, Polly Fey leur est présentée par Enzo junior, un ami modèle. Puis ce sont les rencontres avec Catherine Deneuve, Madonna, Jeff Stryker, Lolo Ferrari, Sylvie Vartan, Aiden Shaw[13]. En 1995, ils exposent à la galerie Roslyn Oxley à Sydney, réalisent l'affiche du mardi gras Gay & Lesbian et rencontrent Kylie Minogue. En 1996 a lieu la première rétrospective qui leur est consacré à la Maison européenne de la photographie à Paris[16].
Zahia Dehar qui connait leur travail les contacte[3] ; ils photographient ainsi l'ancienne call-girl devenue mannequin, détournée en Marianne[30]. La photographie est publiée quelques heures avant les attentats de Paris. Elle est ensuite reprise sur Twitter par ses auteurs, en réaction aux attentats du 13 novembre 2015. La jeune femme est au centre du cliché, un bonnet phrygien sur la tête et un tissu cachant très peu sa poitrine dénudée. Au-delà de la provocation, c'est, selon l'interprétation de Hugo-Pierre Gausserand dans le journal Le Figaro une façon pour Pierre et Gilles de marquer leur sympathie pour une génération qui s'amuse, boit en terrasse des bars et fait la fête au Bataclan ou au Stade de France[31].
Pierre et Gilles sont connus pour leurs photographies retouchées à la peinture qu'ils réalisent ensemble depuis leur rencontre[32] développant une image qualifiée de « kitsch et clinquante »[3]. Bien qu'issus du domaine de la presse, ils se revendiquent comme artistes[7] et artisans. Ces œuvres abordent des thèmes de la culture pop, de la culture gay, de la pornographie mais aussi de la religion, un de leurs thèmes les plus importants, tout en se défendant d'aller jusqu'au blasphème :
« Nous avons le goût du mystique. Il est très difficile de séparer art et religion[33]. »
Leurs œuvres sont souvent qualifiées de romantiques par la presse : La madone au cœur blessé (1991), Mercure (2001), For ever (Stromae) (2014), Adam et Eve (1981), Vive la France (2006) et Marianne (2015) sont parmi les plus célèbres. Pierre et Gilles définissent leur travail ainsi :
« On aime idéaliser mais on parle aussi de la mort, du mystère et de l'étrangeté de la vie. Il y a autant de douceur que de violence dans nos images… »
Dans le cadre de l'exposition Age of Classics ! L'Antiquité dans la culture pop au Musée Saint-Raymond, Musée d'archéologie de Toulouse[34], ils répondent à quelques questions sur leurs relations avec l'antiquité classique. Ils y affirment s'inspirer de nombreuses mythologies : la mythologie moderne avec par exemple l'image du cowboy, la mythologie chrétienne avec les images d'Adam ou de Saint Sébastien, la mythologie hindoue avec l'image de Krishna et surtout la mythologie grecque avec les images de Narcisse ou Achille[27]. Ces inspirations leur viennent de plusieurs sources : cours d'histoire et cours de catéchisme pendant leur enfance, le cinéma pour Pierre et l'art pour Gilles : « Les mythologies, les dieux et demi-dieux nous fascinaient. Ces histoires nous transportaient […] dans un monde de rêve, de cruauté et de miracles où le divin côtoie l'histoire. »
Annual’95, Shiseido Gallery, Ginza Art Space, Tokyo, Japon.
Pierre et Gilles, Exposition itinérante : Roslyn Oxley9 Gallery, Sydney, Australie; Australian Center for Contemporary Art, Melbourne, Australie; Wellington City Art Gallery, Wellington, Nouvelle-Zélande; Auckland City Art Gallery, Auckland, Nouvelle-Zélande[38].
2019 : Dans une photo de Pierre et Gilles[56], documentaire d'Elisabeth Couturier et Chantal Lasbats[21], 52 minutes, réalisatrice Chantal Lasbats, production Morgane Production, avec la participation d'Eddy de Pretto et de Sylvie Vartan.
↑ abc et dGilles Verlant et Pierre Mikaïloff, Le Dictionnaire des années 80, Larousse, , 404 p. (lire en ligne), « Pierre et Gilles »
↑« Photographie. Saint Pierre et Saint Gilles au Paradis. Les duettistes de la photo peinte ont élargi le champ de leurs rêves. Pierre et Gilles à la galerie Samia Saouma », Le Monde, (lire en ligne)
↑Scapin, Mathieu (1985-....)., Besnard, Tiphaine-Annabelle. et Musée Saint-Raymond (Toulouse)., Age of classics ! : l'Antiquité dans la culture pop : catalogue de l'exposition présentée au musée Saint-Raymond, musée d'archéologie de Toulouse, du 22 février au 22 septembre 2019, Toulouse, Musée Saint-Raymond, 229 p. (ISBN978-2-909454-43-6 et 2-909454-43-6, OCLC1088723258, lire en ligne)
↑Garcin, Milan., Philharmonie de Paris. et Bayle, Laurent., Pierre et Gilles : la fabrique des idoles : [exposition, Philharmonie de Paris, 19 novembre 2019 au 23 février 2020], Paris/Paris, Musée de la musique-Philharmonie de Paris / Éditions Xavier Barral, 353 p. (ISBN978-2-36511-251-2 et 2-36511-251-X, OCLC1130084188, lire en ligne)