Ses ouvrages sur les grandes capitales mondiales New York, Rome, Moscou, Tokyo, Paris, ont concouru à faire de lui l’un des photographes les plus illustres et influents de sa génération.
Fils d'immigrés juifs hongrois[1], William Klein[N 1] naît à Manhattan[N 2] le [2]. Après des études de sociologie au prestigieux City College of New York où il avait été admis à l’âge de 14 ans, il effectue, de 1946 à 1948, deux ans de service militaire dans l’armée américaine, comme opérateur radio à cheval[N 3] dans la 2e division blindée en Allemagne et en manœuvres dans le cadre de l'OTAN dans l’est de la France.
En 1947, il se rend pour la première fois à Paris, puis, dans le cadre de la loi G.I. Bill d’aide aux vétérans, reprend des études de sociologie à la Sorbonne, en plein Quartier latin, en 1948. Il se joint à un groupe d’Américains et de Français démobilisés comme lui dont le peintre Ellsworth Kelly. La même année, il tombe amoureux de Jeanne Florin, qu’il épouse et avec laquelle il partage sa vie et travaille jusqu’à sa disparition en 2005[3]. Ils ont un fils, Pierre[4].
William Klein fréquente quelque temps l’atelier d’André Lhote[N 4] puis entre dans celui de l’artiste Fernand Léger, « peintre fantastique, anti-coups de pinceau, qui n’a rien à faire des modes, des galeries et des collectionneurs ».
Au début des années 1950, William Klein s’intéresse à la sculpture et à l’art cinétique ; il se rend à Milan et collabore avec l’architecte italien Angelo Mangiarotti à la création de peintures murales géométriques de style Hard edge. À la même époque, il s’essaie à diverses expérimentations photographiques et créations abstraites (dessins lumineux, solarisations, photogrammes...) qui seront pour certaines publiées en couverture de la revue italienne Domus (1952-61) ou utilisées pour des pochettes de disques vinyles.
Il s’essaie aussi à la conception de maquettes de livres et réalise par exemple les illustrations d’une version rare du Moby-Dick d'Herman Melville (1955).
En 1954, William Klein, peintre abstrait, expose au Salon des réalités nouvelles. Alexander Liberman, directeur artistique de l’édition américaine de Vogue, de passage à Paris pour la Fashion Week, visite l’exposition, remarque son travail, le rencontre et lui propose un contrat et des moyens financiers pour poursuivre son travail à Paris et à New York[5].
Aux côtés de Helmut Newton, Irving Penn, Richard Avedon ou Henry Clarke, il devient l’un des photographes attitrés du magazine de mode, pour l’édition française[N 5] duquel il réalise des photographies originales et innovantes et s’impose comme un véritable metteur en scène. Il compose au grand angle et au téléobjectif, s’inspire de ses expériences picturales passées et initie des performances de poses loin des studios, en faisant descendre les mannequins dans la rue.
Dans sa ville natale, William Klein effectue ce qu’il appelle un « journal photographique », refusé par les éditeurs américains, furieux de voir New York montré comme "un taudis"[6]. Il parvient à publier en 1956 aux Éditions du Seuil, grâce au soutien de Liberman, et de son ami Chris Marker, alors responsable de la collection Petite Planète aux Éditions du Seuil.
Ce premier livre « coup de poing » titré Life Is Good and Good For You in New York: Trance Witness Revels devient incontournable, contrastant radicalement avec l’ancienne école. Grâce à sa vision novatrice, Klein obtient en France le prix Nadar en 1957, mais son style provocateur, brutal et accidenté le rend relativement impopulaire aux États-Unis.
Appliquant à la lettre le précepte de Robert Capa « Si tes photos ne sont pas bonnes, c'est parce que tu n’es pas assez près », Klein joue avec les cadrages, manie le flou, force le grain, valorise le bougé et favorise les contrastes extrêmes. La rue, les enfants, l’interaction avec les foules, les panneaux publicitaires, les néons lumineux, l’émulation… et sa perception graphique des paysages urbains, font sa signature.
Cette véritable révolution photographique est rapidement systématisée par les séries qu’il entreprend sur les autres grandes capitales du monde, toutes publiées : Rome en 1959, Moscou et Tokyo en 1964 et, beaucoup plus tard, Paris, en 2002.
En 1958, William Klein tourne Broadway by Light, premier court-métrage pop et pure expérience visuelle et sonore.
Au milieu des années 1960, il abandonne momentanément la photographie pour le cinéma, se rapproche d’Alain Resnais et de Chris Marker (pour qui il enregistrera la voix anglaise du film La Jetée). Si son film Qui êtes-vous, Polly Maggoo ?, sorti en 1966, n’a pas un retentissement immédiat, il devient cependant une œuvre culte, dans laquelle l’artiste présente une satire moderne et délirante du milieu de la mode, des médias et de la télévision. Suivent de nombreux documentaires et longs métrages de fiction parmi lesquels Mister Freedom (1968), Grands Soirs et Petits Matins (1968), Muhammad Ali The Greatest (1964-74), Le Couple Témoin (1977), The Little Richard Story (1980), The French (1981) et Le Messie (1999). Sa carrière de cinéaste est marquée par l’engagement, notamment auprès de la cause noire dont il soutient les luttes, avec le documentaire Festival Panafricain d’Alger 1969, mais aussi à travers les personnages de Muhammad Ali, Little Richard ou Eldridge Cleaver.
En 1989, William Klein est à l’origine de l’idée de la série Contacts (Arte), succession d’émissions de treize minutes où les photographes sont invités à parler de leurs travaux par le prisme de leurs planches-contacts.
William Klein a également réalisé plus de 250 films publicitaires[6].
Puisant dans ce même concept, William Klein pousse l’expérimentation jusqu'à produire, dès la fin des années 1980, ce qu’il appelle des contacts peints, synthèse remarquable entre ses travaux de photographie, de peinture et de cinéaste. Ainsi, il se réfère à ses propres techniques de sélection d’images et décide d'explorer la dimension créative de ses interventions en agrandissant des extraits de ses planches-contacts (pellicule photo ou film) pour venir peindre directement sur l'image. En résulte un langage plastique propre, qui met en lumière sa méthode de travail et la dimension tout à la fois protéiforme et résolument graphique de son œuvre.
Dans ces mêmes années, William Klein renoue avec la photographie, exposant dans le monde entier et publiant une dizaine de livres pour lesquels il continue de soigner graphisme, mise en page et impression : Close Up (1989), Mode In & Out (1994), une réédition de New York (1995), puis celle de Rome, retitrée Rome+Klein (2009). Pour ces deux derniers livres, l’artiste fait refaire les tirages et repense entièrement la mise en page. Tokyo est également réédité en 2013, dans sa forme quasi initiale.
Grâce à l’édition, William Klein rend accessible certains autres de ses travaux artistiques. Alors que l'ouvrage Films (1998) explore son répertoire cinématographique, Contacts (2008) est un recueil de ses contacts peints, et Paintings, etc. (2012) montre pour la première fois certaines de ses photographies abstraites et ses peintures de jeunesse. Black and Light (2015) est une publication inédite des travaux expérimentaux entrepris dans les années 1950. Klein considère la forme imprimée comme l’aboutissement final du travail photographique et conçoit lui-même les maquettes de ses livres, afin de créer à chaque fois un « nouvel objet visuel ». Il s’affranchit des lignes éditoriales classiques et préfère traiter ses images sans légende et sans marge, séquencées en pleine plage et double-page, modernisant ainsi la lecture et poussant le lecteur à explorer son univers visuel comme s’il regardait un film[7].
Il est représenté en France par les Galeries Polka (Paris) et Le Réverbère (Lyon) ; à New-York par Howard Greenberg Gallery ; à Londres par HackelBury Fine Art Photography Gallery.
Ses œuvres ont intégré les collections des musées nationaux les plus prestigieux, tels le Centre Pompidou à Paris, le Museum of Modern Art de New-York, le San Francisco MoMA, ou encore le Rijksmuseum d’Amsterdam.
Prix de Photographie de l'Académie des beaux-arts - William Klein
Sous l'égide de William Klein et en hommage à son œuvre, l’Académie des beaux-arts a créé en 2019 le « Prix de Photographie de l’Académie des beaux-arts - William Klein », avec le soutien du Chengdu Contemporary Image Museum[8]. Ce prix de 120 000 € récompense un photographe de toute nationalité et de tout âge pour l’ensemble de sa carrière et de son engagement en faveur de la photographie. Il a été décerné en 2019 au photographe Raghu Rai[9] et en 2021 à Annie Leibovitz[10].
2017 : 29 ARTS IN PROGRESS gallery avec Photo Vogue Festival (8 Novembre 2017 – 14 Avril 2018) avec Gian Paolo Barbieri, Lucien Clergue, Greg Gorman, Amedeo M. Turello.
Broadway by Light, 1958 : 35 mm, 14 min, production William Klein et Argos Films
Télévision : 5 films pour Cinq Colonnes à la Une, 1962, production ORTF : 16 mm, 15 min : Le business et la mode, La Gare de Lyon, Les troubles de la circulation, Inondation catalane, Les Français et la politique
Aux grands magasins avec Simone Signoret, 1963 : 16 mm, 90 min, pilote pour la série Les Femmes aussi
Cassius, le Grand, 1964-65 : 35 mm, 120 min, production Delpire, avec Muhammad Ali (Grand Prix festival de Tours)
Le Grand Café, 1972 : 16 mm, 60 min pour la télévision Les Cinéastes Témoins de Leurs Temps, production Parc Films.
Muhammad Ali, the Greatest, 1974 : 35 mm, 120 min (ou 1h57 selon les sources), production Films Paris New York, avec Mohamed Ali, George Foreman (sortie : le ).
L'anniversaire de Charlotte, 1974 : Super 8, 30 min Avec Charlotte Lévy-Markovitch et Roland Topor.
Le Messie, 1999 : 35 mm, 120 min, production Michel Rotman et Kuiv Productions. Oratorio de Georg Friedrich Haendel conduit par Marc Minkowski et les chœurs et musiciens du Louvre/Grenoble.
↑Adélie de Ipanema et Dimitri Beck, William + jeanne. “ C'était la première fois que je rencontrais une femme avec autant d'allure", dans : Polka, # 41, printemps 2018, p. 154-157.
↑Jean-Christophe Béchet, « William Klein. Comme un chien dans un jeu de quilles », dans : Influences. Un jeu photographique, Éditions de La Martinière, 2016, p. 76-77.
↑Dominique Gaessler, « Robert Franck et William Klein : des enfants terribles », dans Brigitte Covignon, La Petite encyclopédie de la photographie, Éditions de la Martinière, , p. 132-133.
Louis Mesplé, « William Klein, l’enfant terrible », dans : L’Aventure de la photo contemporaine de 1945 à nos jours, Éditions du Chêne, 2006, p. 38-39 et 248-251.