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Yves Jean Édouard Coppens |
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René Coppens (d) |
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Françoise Le Guennec-Coppens (d) |
Yves Coppens, né le à Vannes (Morbihan) et mort le dans le 11e arrondissement de Paris[1],[2], est un paléontologue et paléoanthropologue français, professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle et au Collège de France.
Son nom est attaché en France à la découverte, en 1974 en Éthiopie, du fossile d'Australopithèque surnommé Lucy, en tant que codirecteur de l'équipe qui l'a mis au jour, avec l'Américain Donald Johanson et le Français Maurice Taieb.
Yves Coppens naît le à Vannes[3].
Son père, le physicien René Coppens (1910-1996), chevalier de la Légion d'honneur, a travaillé sur la radioactivité des roches[4] et a rédigé de nombreuses notes scientifiques pour l’Académie des sciences[5]. Il était professeur à la faculté des sciences et à l'École nationale supérieure de géologie de Nancy ; il est inhumé à Vandœuvre-lès-Nancy. Sa mère était pianiste concertiste[6].
Yves Coppens s'est marié en premières noces à Françoise Le Guennec, ethnologue africaniste[7], chercheuse au CNRS[8], qui l'a accompagné lors de nombreuses campagnes de fouilles, notamment celle ayant conduit à la découverte de Lucy[9].
Yves Coppens est passionné par la préhistoire et l'archéologie depuis son enfance[10], fasciné par exemple par les alignements de mégalithes de Carnac, non loin de sa ville natale de Vannes[11] ; il a commencé très tôt à participer à des travaux de fouille et de prospection en Bretagne. Il obtient un baccalauréat en sciences expérimentales au lycée Jules Simon de Vannes puis une licence en sciences naturelles à la faculté des sciences de l'université de Rennes. Il prépare un doctorat sur les proboscidiens au laboratoire de Jean Piveteau à la faculté des sciences de l'université de Paris (la Sorbonne).
En 1956, il devient attaché de recherche du Centre national de la recherche scientifique alors qu'il n'a que 22 ans. Il se dirige vers l'étude des époques quaternaire et tertiaire. En 1959, chercheur dans le laboratoire de l'Institut de paléontologie du Muséum national d'histoire naturelle sous la direction de René Lavocat, ce dernier lui confie la détermination des dents de proboscidiens (sur lesquels porte sa thèse) du pliocène issus de fossiles de vertébrés trouvés par des géologues en Afrique.
Ce contact avec des géologues lui permet de partir dès en Afrique, et par la suite de monter des expéditions au Tchad, en Éthiopie, puis en Algérie, en Tunisie, en Mauritanie, en Indonésie et aux Philippines[12]. C'est particulièrement ses expéditions au nord du lac Tchad et dans le désert du Djourab (14 mois sur place entre 1960 et 1966) qui lui permettent d'être reconnu par ses pairs, par ses découvertes et études de nombreux fossiles dans ce site particulièrement riche[13].
Yves Coppens devient maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle en 1969, puis sous-directeur au Musée de l'Homme. En 1980, il est nommé professeur du Muséum et élu à sa chaire d'anthropologie. Il siège au conseil scientifique de l'École pratique des hautes études[14]. Il est élu à la chaire de paléontologie et préhistoire au Collège de France en 1983, chaire qu'il occupe jusqu'en 2005, date à laquelle il devient professeur honoraire.
En 2002, il est nommé à la présidence d'une commission particulière (dite « commission Coppens ») dont les travaux ont servi de base à l'élaboration de la Charte de l'environnement, texte préparé par le secrétariat général du gouvernement et par le cabinet du président de la République et qui a été soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat en 2004 et intégré en 2005, par la loi constitutionnelle du 1er mars[15], dans le bloc de constitutionnalité du droit français, reconnaissant les droits et les devoirs fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement.
En 2006, il est nommé au Haut Conseil de la science et de la technologie par Jacques Chirac[16].
En , il est nommé président du conseil scientifique chargé de la conservation de la grotte de Lascaux par Nicolas Sarkozy.
Le , il est nommé conservateur du Manoir de Kerazan par l'Institut de France[17].
Yves Coppens est présent dans de nombreuses instances nationales et internationales gérant les disciplines de sa compétence. Il a dirigé en outre un laboratoire associé au CNRS, le Centre de recherches anthropologiques - Musée de l'Homme, et deux collections d'ouvrages du CNRS, « Cahiers de paléoanthropologie » et « Travaux de paléoanthropologie est-africaine ».
Yves Coppens est président du comité scientifique international du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco[18] et membre de l'Académie des sciences[19], de l'Académie de médecine, de l'Académie des sciences d'Outremer et de l'Academia Europaea, de l'Académie royale des sciences Hassan II du Maroc, de l'Académie des sciences, des arts, des cultures d'Afrique et des diasporas africaines de Côte d'Ivoire, membre honoraire de l'Academia de Medicina de Sao-Paulo, membre associé de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, correspondant de l'Académie royale de médecine de Belgique, Honorary fellow du Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland et Foreign associate de la Royal Society d'Afrique du Sud. Il est également membre du conseil scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Le , il est nommé membre ordinaire de l'Académie pontificale des sciences par le pape François[20]. En , Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, le retient pour être le Nouveau Prix de Rome à la villa Médicis à Rome[21],[22].
En 1998, il est candidat malheureux à l'Académie française[23].
Yves Coppens meurt le dans le 11e arrondissement de Paris à l'âge de 87 ans[3],[24]. Le décès est annoncé par son éditrice Odile Jacob. Deux mois auparavant, paraissait son autobiographie, titrée Une mémoire de mammouth.
Il est enterré au cimetière du Père Lachaise, chemin de la Cave, situé dans la 52e division[25], presque face à la tombe de Gisèle Halimi.
En 1961, Yves Coppens récupère un crâne fossile d'hominidé trouvé près de Yaho (falaise d'Angamma), dans le nord du Tchad, qu'il nomme en 1965 Tchadanthropus uxoris, en hommage au Tchad et à son épouse, qui l'a reçu du découvreur autochtone en cadeau[26]. D'un âge controversé, ce fossile ne suscite toujours pas de consensus scientifique après plus d'un demi-siècle.
En 1967, il part en expédition avec Camille Arambourg dans la vallée de l'Omo, au sud de l'Éthiopie. Ils découvrent à Shungura, à l'ouest de l'Omo, le premier spécimen fossile de l'espèce Paranthropus aethiopicus, une mandibule édentée datée de 2,6 millions d'années, qui devient l'holotype de son espèce[27]. D'autres fossiles de la même espèce sont ensuite découverts dans la même région.
Le à Hadar, dans la basse vallée de l'Awash, un fossile complet à 40 % d'Australopithecus afarensis est découvert dans le cadre de l'International Afar Research Expedition, un projet regroupant une trentaine de chercheurs éthiopiens, américains, et français, codirigé par Donald Johanson (paléoanthropologie), Maurice Taieb (géologie), et Yves Coppens (paléontologie)[28],[29]. Ce dernier n'est pas présent sur le terrain lors de la découverte[29], ne participe pas à la fouille[30],[31] et sa participation à l'ensemble de l'expédition est plutôt faible[32]. Il est associé à la deuxième publication scientifique sur le sujet, eu égard à ses fonctions de co-directeur[32],[33],[34].
Le premier fragment du fossile a été repéré par Donald Johanson et Tom Gray, l'un de ses étudiants[35],[31]. Le fossile est surnommé « Lucy », en référence à Lucy in the Sky with Diamonds, la chanson des Beatles écoutée par l'équipe à cette époque[31].
À partir de 1983, Yves Coppens popularise sous le nom d’East Side Story[36],[37] un modèle proposé initialement par l’éthologue néerlandais A. Kortlandt[38]. Il s'agit d'une théorie environnementale visant à expliquer l'acquisition de la bipédie, qui sépare les Hominines et les Panines.
À la suite de la découverte de Toumaï en 2001, après celle d'Abel en 1995, par l'équipe franco-tchadienne de Michel Brunet, Coppens remet lui-même en cause cette théorie en 2003. Il maintient cependant ce scénario pour comprendre l'émergence de la bipédie permanente propre au genre Homo, distincte des autres hominines (australopithèques et paranthropes), et popularisée par le jeu de mots « Omo event » (vallée de l'Omo dans le rift éthiopien). Il illustre sa position notamment en 2009, lors du colloque de l'Académie des sciences en hommage à Charles Darwin, auteur de la théorie de l'évolution des espèces par adaptation anatomique graduelle à des changements de l'environnement (en l'espèce le développement de la savane en Afrique de l'Est entre 1,8 et 2,5 millions d'années).
Pour la plupart des chercheurs, Homo sapiens est apparu en Afrique il y a désormais environ 300 000 ans, et s'est répandu il y a environ 60 000 ans vers les autres continents. Cette théorie est connue du grand public sous le nom anglais d'Out of Africa, et sur le plan scientifique sous le nom d'« hypothèse d'une origine unique récente », « hypothèse du remplacement », ou modèle de l'« origine africaine récente ». Yves Coppens, parmi d'autres chercheurs, ne croyait pas à la seule origine africaine d'Homo sapiens et défendait depuis les années 1980 la théorie multirégionale ou « théorie de continuité avec hybridation ». Selon cette théorie, qu'il aimait nommer « Out of nowhere », le passage des espèces archaïques d'Homo à Homo sapiens se serait fait parallèlement dans toutes les régions de l'ancien monde, sauf dans un certain nombre de régions particulièrement isolées, notamment en Europe où Homo heidelbergensis n'a pas évolué en Homo sapiens mais aurait donné naissance à l'Homme de Néandertal. Par la suite, selon lui, il y aurait sans doute eu un « grand métissage » entre les Homo sapiens venus d'Afrique et les autres espèces d'Homo se trouvant sur place[39],[40].
En 2014, Yves Coppens a admis que, s'il avait mis en doute un certain temps la sortie d'Afrique d'Homo sapiens, parce qu'il le voyait naître ailleurs, il « pense aujourd'hui qu'il y a de bons arguments pour la situer en effet bel et bien autour de 100 000 ans. » Ensuite, Homo sapiens va s'installer en Europe, en Asie, et en Australie vers 50 000 ans, en s'hybridant selon lui avec les populations humaines antérieures, puis en Amérique et dans les petites iles d'Océanie qui étaient encore vierges de toute population humaine[41].
Tout en restant fidèle au principe de la sélection naturelle, Yves Coppens fait partie des chercheurs qui soulignent les lacunes du néo-darwinisme dans l'explication de l'évolution des espèces. Il remet notamment en cause l'importance conférée au hasard dans la théorie néo-darwinienne :
« Au risque de faire hurler les biologistes, et sans revenir aux thèses de Lamarck, je crois qu'il faudrait s'interroger sur la façon dont les gènes pourraient enregistrer certaines transformations de l'environnement. En tout cas, le hasard fait trop bien les choses pour être crédible…[42] »
Il a en outre apporté sa collaboration scientifique à Pierre Pelot pour l'écriture de plusieurs romans préhistoriques : la série Sous le vent du monde, Gallimard ; Le Nom perdu du soleil, Denoël, 1998 ; et Le Rêve de Lucy, Seuil, 1997.
« p127-128 : [...] after Arambourg's death Coppens invited Howell's group to move down to the French concession [at Omo] and work a small section at its northern end. [...] p133-134 : [...] I made an agreement with Taieb and Coppens to organize a formal expedition. This would be a truly cooperative international affair and would avoid the separatist difficulties of Omo. Funds would be raised and personnel recruited individually, but the work in the deposits would be jointly conducted. Taieb would be chief geologist, Coppens chief paleontologist, and I would be chief paleoanthropologist. We drew up a formal agreement specifying our various responsibilities, and the International Afar Research Expedition came into being. [...] »
« Yves Coppens n’était pas sur le terrain à ce moment précis, mais, en tant que cofondateur de l’IARE, il a partagé, comme convenu, la paternité de la découverte avec son jeune collègue américain. »
« [...] Mary and Richard Leakey confirmed my diagnosis of the knee joint: hominid. That was a vast relief to me. I took it to Paris, where Taieb and Coppens made their own formal press release "to the world," thereby gaining their share of the credit—important to them for future fund-raising and continued government support. [...] »
« [...] Lucy exhumée, les accords de l'IARE pour ce qui est des préséances de publications et de l'accès aux fossiles seront respectés [...]. Mais le travail d'interprétation de l'espèce sera chasse gardée américaine. [...] »
Chronique sur FranceInfo du 23 mars 2014, reprise in Des pastilles de préhistoire : Le présent du passé, t. 4, Éditions Odile Jacob, , p. 155.« Quant à la troisième sortie [d'Afrique], celle d'Homo sapiens, si je l'ai mise en doute un certain temps parce que je voyais Sapiens naître ailleurs, je pense aujourd'hui qu'il y a de bons arguments pour la situer bel et bien autour de 100 000 ans. À ce moment-là, Homo sapiens ou plutôt sapiens sapiens, l'homme moderne, s'installe un peu partout, en Europe vers 50 000 ans, ensuite en Asie — il va probablement s'hybrider avec les populations antérieures — et puis enfin, en Amérique et en Océanie. Ceux que l'on appelle vieux Sapiens en Extrême-Orient pourraient ainsi bien être de jeunes Erectus ! »