Un automate cellulaire consiste en une grille régulière de « cellules » contenant chacune un « état » choisi parmi un ensemble fini et qui peut évoluer au cours du temps. L'état d'une cellule au temps t+1 est fonction de l'état au temps t d'un nombre fini de cellules appelé son « voisinage ». À chaque nouvelle unité de temps, les mêmes règles sont appliquées simultanément à toutes les cellules de la grille, produisant une nouvelle « génération » de cellules dépendant entièrement de la génération précédente.
Étudiés en mathématiques et en informatique théorique, les automates cellulaires sont à la fois un modèle de système dynamique discret et un modèle de calcul. Le modèle des automates cellulaires est remarquable par l'écart entre la simplicité de sa définition et la complexité que peuvent atteindre certains comportements macroscopiques : l'évolution dans le temps de l'ensemble des cellules ne se réduit pas (simplement) à la règle locale qui définit le système. À ce titre il constitue un des modèles standards dans l'étude des systèmes complexes.
L'automate cellulaire non trivial le plus simple que l'on puisse concevoir consiste en une grille unidimensionnelle de cellules ne pouvant prendre que deux états (« 0 » ou « 1 »), avec un voisinage constitué, pour chaque cellule, d'elle-même et des deux cellules qui lui sont adjacentes.
Chacune des cellules pouvant prendre deux états, il existe 23 = 8 configurations (ou motifs) possibles d'un tel voisinage. Pour que l'automate cellulaire fonctionne, il faut définir quel doit être l'état, à la génération suivante, d'une cellule pour chacun de ces motifs. Il y a 28 = 256 façons différentes de s'y prendre, soit donc 256 automates cellulaires différents de ce type.
Les automates de cette famille sont dits « élémentaires ». On les désigne souvent par un entier entre 0 et 255 dont la représentation binaire est la suite des états pris par l'automate sur les motifs successifs 111, 110, 101, etc.
À titre d'exemple, considérons l’automate cellulaire défini par la table suivante, qui donne la règle d'évolution :
Motif initial (t) | 111 | 110 | 101 | 100 | 011 | 010 | 001 | 000 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur suivante de la cellule centrale (t+1) | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 | 1 | 0 |
Cela signifie que si par exemple, à un temps t donné, une cellule est à l'état « 1 », sa voisine de gauche à l'état « 1 » et sa voisine de droite à l'état « 0 » (colonne 2 du tableau), au temps t+1 elle sera à l'état « 0 ».
Si l'on part d'une grille initiale où toutes les cellules sont à l'état « 0 » sauf une, on aboutit à :
où chaque ligne est le résultat de la ligne précédente.
Par convention cette règle est nommée « règle 30 », car 30 en décimale s’écrit 00011110 en binaire et 00011110 est la deuxième ligne du tableau ci-dessus, décrivant la règle d'évolution.
Motif initial (t) | 111 | 110 | 101 | 100 | 011 | 010 | 001 | 000 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur suivante de la cellule centrale (t+1) | 0 | 1 | 1 | 0 | 1 | 1 | 1 | 0 |
M. Cook[Qui ?] a prouvé que l'automate cellulaire élémentaire numéro 110 (01101110 en binaire) est Turing-complet. Il a présenté ses idées dès 1998 à la conférence CA98[réf. nécessaire], mais ce résultat n'a été (partiellement) diffusé par écrit qu'en 2002 à travers A New Kind of Science[1] de S. Wolfram. En effet, M. Cook était employé par Wolfram Research pour travailler sur le livre A New Kind of Science et ses travaux ne furent pas publiés dans les actes de CA98 à la suite d'une action en justice fondée sur un accord de non-divulgation. La preuve complète du résultat de M. Cook a finalement été publiée dans une revue scientifique en 2004[2].
En revanche, on ne sait toujours pas aujourd'hui si l'automate 110 est intrinsèquement universel ou pas. Le plus petit automate de dimension 1 avec un voisinage de 3 cellules qui ait été prouvé intrinsèquement universel à ce jour comporte 4 états[3],[4].
Le « jeu de la vie » est un automate cellulaire bidimensionnel où chaque cellule peut prendre deux valeurs (« 0 » ou « 1 », mais on parle plutôt de « vivante » ou « morte ») et où son état futur est déterminé par son état actuel et par le nombre de cellules vivantes parmi les huit qui l'entourent :
En apparence simples, ces règles font émerger une forte complexité.
On peut sur le même principe imaginer un grand nombre de règles en faisant varier les seuils de naissance ou de survie, ou en ajoutant des états supplémentaires, etc. Parmi ces variations, on peut citer :
Certains ne prennent en compte pour déterminer les changements d'état d'une cellule que les voisins immédiats de la case considérée, mais d'autres prennent également en compte l'état des cellules voisines dans un rayon de deux cases, voire plus. D'autres attribuent aussi un poids plus important à certaines cases du voisinages qu'à d'autres (WeightedLife).
Les règles possibles pour définir un automate cellulaire sont très nombreuses, même avec un petit nombre d'états et un petit voisinage. En effet si le nombre d'états est q et le nombre de voisins est v, il y a règles. Ceci donne :
2 états | 3 états | 4 états | 5 états | |
---|---|---|---|---|
2 voisins | 16 | 19 683 | 4 294 967 296 | |
3 voisins | 256 | 7 625 597 484 987 | ||
4 voisins | 65 536 | |||
5 voisins | 4 294 967 296 | |||
6 voisins |
Le modèle des automates cellulaire offre donc un terrain d'exploration immense. Il n'est pas difficile de programmer un simulateur d'automates cellulaires et la Toile regorge de réalisations plus ou moins abouties. Le site de Mirek Wojtowicz propose par exemple un logiciel de simulation et une galerie d'exemples très riche : Mirek's Cellebration. Un autre exemple de simulateur intéressant est Golly. Il est dédié principalement au jeu de la vie et optimisé pour cet automate en utilisant notamment des quadtree combinés avec du hachage.
Dans les années 1940, Stanislaw Ulam étudiait la croissance des cristaux au laboratoire national de Los Alamos, en la modélisant sur une grille. Dans le même temps, John von Neumann, collègue d'Ulam à Los Alamos, travaillait sur des systèmes auto-réplicatifs et rencontrait des difficultés pour expliciter son modèle initial d'un robot qui se copierait tout seul à partir d'un ensemble de pièces détachées. Ulam lui suggéra de s'inspirer de ses travaux, ce qui conduisit von Neumann à concevoir un modèle mathématique abstrait pour son problème. Le résultat fut le « copieur et constructeur universel » (universal copier and constructor en anglais), le premier automate cellulaire : il était basé sur une grille à deux dimensions où chaque cellule pouvait prendre 29 états. Von Neumann y construisit un motif particulier et démontra qu'il pouvait produire sans fin des copies de lui-même[5].
En 1969, Gustav Arnold Hedlund publie Endomorphisms and Automorphisms of the Shift Dynamical System, une monographie de 60 pages environ qui synthétise 10 ans de recherche d'une communauté travaillant dans le domaine de la dynamique symbolique (une branche de l'étude des systèmes dynamiques en mathématiques, fondée notamment par M. Morse et G. A. Hedlund[6]). C'est cette publication qui pose les bases mathématiques de l'étude des automates cellulaires comme des systèmes dynamiques particuliers.
En 1969 également, Konrad Zuse publia Rechnender Raum (« Quand l'espace calcule »)[7] où il émettait l'hypothèse que les lois physiques étaient discrètes et que l'Univers était le résultat d'un gigantesque automate cellulaire.
Dans les années 1970, un automate cellulaire à deux dimensions et deux états nommé le « jeu de la vie », inventé par John Conway, connut un grand succès, particulièrement parmi la communauté informatique naissante. Il fut popularisé par Martin Gardner dans un article du Scientific American[8].
En 1983, Stephen Wolfram publia la première d'une série de publications où il analysait de façon systématique un type d'automates cellulaires très simples[9]. La complexité de leur comportement, induit par des règles élémentaires, le poussa à conjecturer que des mécanismes similaires pourraient expliciter des phénomènes physiques complexes, idées qu'il développa dans son livre A New Kind of Science paru en 2002[1].
Si la popularité du modèle des automates cellulaires vient en grande partie d'une approche expérimentale, il fut dès l'origine abordé comme un objet mathématique par Von Neumann[5]. La plupart des travaux formels sur les automates cellulaires utilisent la définition ci-dessous bien que le modèle admette de nombreuses généralisations et variations intéressantes.
Un automate cellulaire est un -uplet où :
On appelle alors configuration l'attribution d'un état à chaque cellule du réseau : une configuration est un élément de , c'est-à-dire une fonction de dans .
À cette description finie et locale, on associe la fonction globale d'évolution de l'automate, , qui agit sur les configurations et qui est définie par pour toute configuration (où ).
Les automates cellulaires ont été étudiés comme des systèmes dynamiques dès les années 1960 avec les travaux de G. A. Hedlund. Lorsque la dimension et l'alphabet sont fixés, on peut munir l'espace des configurations de la métrique de Cantor par la distance définie par
L'ensemble des automates cellulaires d'alphabet et de dimension est alors caractérisé par le théorème de Curtis-Hedlund-Lyondon[10] : est la fonction globale d'un tel automate cellulaire si et seulement si c'est une fonction continue de qui commute avec les fonctions de décalage (à toute position dans le réseau de cellules correspond une fonction de décalage ).
À partir de là, les automates cellulaires peuvent être étudiés avec tout l'outillage de la théorie des systèmes dynamiques classique, de la théorie du chaos et de la théorie ergodique, lorsque l'on munit l'espace des configurations d'une mesure.
Cette branche de la théorie des automates cellulaires reste largement ouverte et fait toujours l'objet de recherches (voir ici pour un exemple de question importante non résolue à ce jour).
On peut considérer les automates cellulaires aussi bien comme des systèmes dynamiques discrets que comme des systèmes de calcul. Ainsi, chaque automate est capable de réaliser certains calculs ou d'exhiber certains comportements dynamiques. Que l'on adopte l'un ou l'autre des points de vue, on peut se poser une même question : existe-t-il un automate capable de faire tout ce que peuvent faire les automates cellulaires ? Un tel automate est alors dit universel.
La notion d'universalité correspond à une idée très simple et très générale, mais il faut prendre garde au fait que selon le sens que l'on met derrière l'expression « capable de faire » les automates universels ne sont pas les mêmes. On peut distinguer deux types de notions d'universalité pour les automates cellulaires : l'universalité Turing qui est associée à la capacité de calcul et l'universalité intrinsèque qui est associée à la capacité de produire certains comportements dynamiques.
Le fait remarquable est que pour chacune de ces notions il existe des automates universels. Il faut noter également que la notion d'universalité intrinsèque est plus forte que l'universalité Turing : en effet, sans rentrer dans les détails, un automate capable de simuler tous les automates peut en particulier simuler un automate Turing-universel et donc effectuer tous les calculs Turing. En revanche, il existe des automates cellulaires Turing-universels qui ne sont pas intrinsèquement universels.
L'universalité Turing est une adaptation aux automates cellulaires de l'universalité pour le calcul. On peut définir cette notion comme la capacité d'un automate à simuler une machine de Turing universelle. Cette possibilité de simulation d'une machine de Turing par un automate cellulaire est très simple et était connue dès les travaux de John von Neumann. Il existe plusieurs manières de la formaliser et ce qui suit est l'une des plus simples. Si est une machine de Turing fonctionnant avec un alphabet de ruban et un ensemble d'état , on peut définir un automate cellulaire capable de simuler :
On rencontre souvent une acception plus générale (mais plus informelle) de l'universalité Turing : un automate cellulaire est Turing-universel s'il est capable de simuler un système de calcul Turing-complet. Le terme simuler est rarement formalisé dans un cadre général. Le point important est que la transformation des entrées/sorties du système simulé vers des entrées/sorties du simulateur reste simple : sans cette condition, on obtient une notion dénuée d'intérêt car des automates qui ne font rien (l'identité par exemple) deviennent universels grâce à des transformations d'entrées/sorties qui font tout le calcul à leur place.
Un automate cellulaire intrinsèquement universel est un automate capable de simuler pas à pas le comportement de n'importe quel automate cellulaire de même dimension. Plus précisément, l'idée de simulation pas à pas repose sur les principes suivants :
Ainsi, par exemple, le jeu de la vie est capable de simuler pas à pas l'automate à 2 états (noir et rouge) qui effectue un simple décalage des états vers le sud-est :
Ainsi, pour simuler le comportement de à partir d'une certaine configuration initiale, il suffit de fabriquer une configuration du jeu de la vie où chaque groupe est soit rempli de cellules mortes, soit d'un planeur selon l'état de la cellule qui lui correspond dans .
Il est remarquable qu'avec ce principe de simulation très simple certains automates soient capables de simuler n'importe quel automate cellulaire à partir de n'importe quelle configuration : c'est le cas du jeu de la vie comme expliqué dans la section suivante. Bien entendu, pour simuler des automates avec de plus en plus d'états, un automate intrinsèquement universel utilise des groupes de cellules de plus en plus grands. En effet, avec un type de groupe de cellules fixés, il n'existe qu'un nombre fini de simulations possibles. Ainsi, quand on observe une évolution du jeu de la vie sur un écran (aussi grand soit il), on ne voit pas tous les comportements que le jeu de la vie est capable de simuler ; pourtant cet automate est capable de produire tous les comportements d'automate cellulaire.
Historiquement, le premier automate cellulaire construit ayant une propriété d'universalité (Turing en l'occurrence) est le constructeur universel de John von Neumann : il s'agit d'un automate de dimension 2 à 29 états qui est en outre capable de s'auto-répliquer.
Concernant la notion d'universalité intrinsèque, il faut attendre les années 1970 avec les travaux de E. R. Banks[11] qui proposa un automate cellulaire de dimension 2 à 2 états et 5 voisins. Il propose également un automate de dimension 1 intrinsèquement universel avec 5 états mais dont le voisinage est énorme.
L'exemple le plus célèbre d'automate universel est certainement le jeu de la vie. Il fut prouvé Turing-universel dans l'ouvrage Winning Ways for your Mathematical Plays. La preuve consiste à construire des morceaux de configurations qui peuvent être assemblés et qui correspondent à tous les composants nécessaires à la fabrication de circuits logiques (fils, croisements de fils, duplication, portes logiques, etc.). On peut trouver une construction complète d'une machine de Turing dans le jeu de la vie sur le site de Paul Rendell. À partir des mêmes idées, le jeu de la vie fut plus récemment prouvé intrinsèquement universel[12].
De façon générale, il est extrêmement difficile de déterminer le comportement global d'un automate cellulaire en examinant sa règle locale de transition. Ceci se traduit par des résultats d'indécidabilité touchant les propriétés les plus simples. Dans ce domaine on peut citer les travaux de Jarkko Kari qui, en utilisant de façon astucieuse les résultats déjà connus sur les pavages, a montré que les problèmes suivants étaient indécidables :
Le fait que des automates cellulaires puissent simuler n'importe quelle machine de Turing amène aussi des problèmes indécidables d'une autre nature. Par exemple, pour certains automates cellulaires, les problèmes suivants sont également indécidables :
Comme expliqué plus haut, les règles locales d'automates cellulaires sont trop nombreuses pour une étude exhaustive et la prédiction du comportement en fonction de la règle local est un problème très difficile en général. C'est pourquoi l'étude des automates cellulaires s'est souvent restreinte à des familles particulières, soit parce qu'elles se prêtent plus facilement à l'analyse, soit parce qu'elles correspondent à une propriété intéressante.
Un automate cellulaire est réversible s'il existe un automate cellulaire tel que les deux fonctions globales d'évolution et sont inverses l'une de l'autre : est la fonction identité. Intuitivement, « remonte le temps » de l'évolution de et, inversement, « remonte le temps » de l'évolution de . Par le théorème de Hedlund, on peut caractériser les automates cellulaires réversibles comme ceux dont la fonction globale est bijective.
Cette classe a été très étudiée, notamment car elle fournit un modèle qui se rapproche du monde physique réel, supposé réversible à l'échelle microscopique (voir à ce sujet l'article sur la réversibilité et l'irréversibilité en thermodynamique). T. Toffoli et N. Margolus[15] sont parmi les premiers à s'être intéressés spécifiquement aux automates cellulaires réversibles. L'intérêt réside aussi dans la recherche de systèmes de calcul réversibles supposés consommer moins d'énergie d'après le principe de Landauer. Il est aujourd'hui établi que certains automates cellulaires réversibles sont Turing universels (travaux de Kenichi Morita).
Il est algorithmiquement impossible de distinguer les automates cellulaires réversibles de ceux qui ne le sont pas lorsque la dimension est supérieure à 2. En revanche, en dimension 1, il existe un algorithme très efficace.
Une autre façon de présenter cette différence entre la dimension 1 et les dimensions supérieures est la suivante : la taille du voisinage de l'inverse d'un automate ne peut pas être borné récursivement en fonction de la taille du voisinage de lorsque la dimension est 2 ou plus, alors qu'elle est bornée polynomialement en dimension 1 (un résultat récent[16] montre même que la borne est linéaire).
Il est facile de construire des automates cellulaires réversibles. Pour cela, plusieurs formes de constructions existent.
Les automates cellulaires sont en général des systèmes dynamiques non linéaires, ce qui rend leur étude par des outils classiques difficile. Mais cette vérité générale n'empêche pas certains automates cellulaires de posséder une forme plus ou moins stricte de linéarité.
Formellement, un automate d'alphabet est dit linéaire si l'on peut munir d'une loi de groupe telle que :
Dans ce cas, si l'on étend à une opération agissant cellule à cellule sur l'espace des configurations, la fonction globale associée à l'automate est bien une fonction linéaire.
La linéarité facilite considérablement l'étude de la dynamique des automates. Ainsi, il suffit de connaître la dynamique d'un automate linéaire sur une « base » de l'espace de ses configurations pour en déduire par linéarité son comportement sur tout l'espace. On peut choisir pour une telle base l'ensemble (fini) des configurations partout égales à (neutre de ) sauf éventuellement en la cellule centrale.
L'une des familles les plus étudiées d'automates linéaires est celle des automates dits additifs, introduite par O. Martin, A. Odlyzko et S. Wolfram dans[18]. Ces automates sont définis de la façon suivante :
L'exemple typique est celui où tous les coefficients sont égaux à 1 : la règle locale consiste alors à faire la somme modulo n de toutes les cellules du voisinage. Ainsi, en dimension 1, l'automate cellulaire élémentaire 90 est additif : sa fonction de transition consiste à faire la somme modulo 2 des états des deux voisines de la cellule. Il suffit de connaître le comportement de cet automate sur la configuration partout égale à 0 sauf au centre où elle vaut 1 pour en déduire son comportement général par le principe de superposition :
L'automate élémentaire 102 est également additif. Son action sur la configuration produit un triangle de Pascal modulo 2 (qui donne aussi une approximation du triangle de Sierpinski). Ainsi, partant de , la cellule après étapes se trouve dans l'état :
Par superposition, on en déduit une expression directe de l'état de la cellule centrale après étape partant d'une configuration quelconque :
Dans un automate cellulaire totalistique, l'état ultérieur d'une cellule ne dépend que de la somme des états de ses voisines ; c'est le cas du jeu de la vie où une cellule vivante le reste si deux ou trois de ses voisines sont vivantes, et une cellule morte naît si trois de ses voisines sont vivantes. Un automate totalistique ne prend donc pas en compte la position des voisines d'une cellule par rapport à celle-ci.
Si un automate cellulaire n'est pas totalistique, en plus de leur état propre, la position des voisines d'une cellule influe sur son état ultérieur. Par exemple, pour un automate cellulaire à une dimension, on peut faire une différence entre la cellule voisine de gauche et la voisine de droite.
Cette classification fut introduite par Stephen Wolfram en 1983 dans son article Universality and complexity in cellular automata et représente la première tentative pour classifier les automates cellulaires d'après leur évolution à partir de configurations initiales aléatoires. Il proposa quatre classes de comportement :
Une des critiques de la classification de Wolfram réside dans son impossibilité à dire si un automate cellulaire donné est Turing-universel ; d'ailleurs, des automates cellulaires universels ont été trouvés pour chacune des classes proposées par Wolfram. Cet état de fait provient de ce que Wolfram n'a considéré que des conditions initiales aléatoires, mais pas des structures particulières créées spécifiquement pour l'occasion. En particulier, la transmission d'information, par exemple par l'intermédiaire de vaisseaux, n'est pas prise en compte.
David Eppstein a proposé une alternative à cette classification :
A priori, seuls les derniers cas permettent l'universalité, même si tous les automates cellulaires qui y répondent ne le sont pas. En revanche, il n'a pas été non plus démontré qu'il est impossible de construire des structures universelles pour les autres cas, d'autres structures que les vaisseaux pouvant également transmettre des informations.
Dans la définition formelle ci-dessus, le réseau est systématiquement de la forme . On peut généraliser sans problème à d'autres graphes infinis réguliers.
La première classification d'un automate cellulaire concerne la façon dont les règles sont appliquées sur la grille :
Il est possible de généraliser le concept d'automate cellulaire, par exemple :
Les automates continus fonctionnent sur le même principe que les automates cellulaires, mais utilisent des grilles ou des états continus (le plus souvent entre 0 et 1). De tels automates peuvent simuler par exemple la diffusion d'un liquide.
Un automate cellulaire probabiliste est un automate cellulaire déterministe où la règle locale f est remplacée par une dynamique locale aléatoire, c'est-à-dire une matrice de transition qui indique en fonction de l'état où l'on est avec quelle probabilité on peut se retrouver dans un état suivant.
Il est possible de répéter un automate cellulaire sur l'image trouvée à la suite d'une application du même automate cellulaire probabiliste. On peut itérer cela une infinité de fois. La recherche de loi invariante où de l'ergodicité (convergence) de la loi de départ sont des sujets sur lesquels des recherches sont faites actuellement.
Il est conjecturé (mais pas prouvé) que les automates cellulaires probabilistes sont tous ergodiques si le cardinal de l'alphabet de départ est égale à 2 et il est prouvé que cela est faux pour tous alphabet de très grande taille. Cela a été démontré par Gàcs en 2001 pour les automates cellulaires probabilistes avec un alphabet de cardinal de taille environ [19].
La question reste ouverte et n'est pas conjecturée pour les automates cellulaires probabilistes avec un alphabet de cardinal de taille plus petite.
Dans la recherche mathématique, les automates cellulaires probabilistes sont utilisés aussi pour conjecturer certaines lois sur les percolations de dernier passage généralisées.
On peut considérer le modèle des automates cellulaires comme le pendant discret des équations aux dérivées partielles. Ainsi, à chaque fois qu'un phénomène physique est décrit par des équations aux dérivées partielles, on peut en proposer une (des) discrétisation(s) sous forme d'automate cellulaire[20]. Il reste à déterminer dans quelle mesure le modèle cellulaire est pertinent pour expliquer et/ou prédire le phénomène étudié. Rien n'est garanti dans le cas général et caractériser la dynamique globale du modèle cellulaire en fonction de sa définition locale peut être au moins aussi difficile que de résoudre le système d'équations aux dérivées partielles.
En revanche, l'automate cellulaire peut être simulé facilement par ordinateur ! Ainsi, en analyse numérique, de nombreuses méthodes consistent à discrétiser certaines grandeurs (espace, temps, valeur) pour effectuer des simulations numériques (voir la méthode des éléments finis, des volumes finis ou des différences finies).
Parmi les modèles qui ont été très étudiés[21], on peut citer les automates de gaz sur réseau (lattice gaz automata en anglais) qui modélisent des particules de gaz régies par une version discrète des équations de Navier Stokes.
La première formulation de ce modèle, connu sous le nom de HPP, (il s'agit d'un automate cellulaire de dimension ) est due à J. Hardy, Y. Pomeau et O. Pazzis dans les années 1970. Une seconde formulation, FHP, a été proposée dans les années 1980 par U. Frisch, B. Hasslacher et Y. Pomeau : elle améliore la précédente en remplaçant le réseau de cellule par un réseau hexagonal.
Les automates cellulaires trouvent aussi une application dans la modélisation et la simulation des feux de forêts[22]. La première utilisation est due à Kourtz et O'Regan[23] en 1971. Ces modèles permettent facilement d'observer la propagation du feu en fonction de plusieurs paramètres comme la direction et la force du vent ou encore l'humidité.
Les motifs de certains coquillages, comme les cônes et les cymbiolae, sont générés par des mécanismes s'apparentant au modèle des automates cellulaires. Les cellules responsables de la pigmentation sont situées sur une bande étroite le long de la bouche du coquillage. Chaque cellule sécrète des pigments selon la sécrétion (ou l'absence de sécrétion) de ses voisines et l'ensemble des cellules produit le motif de la coquille au fur et à mesure de sa croissance. Par exemple, l'espèce Conus textile présente un motif ressemblant à la règle 30 décrite plus haut.
K. Nagel et M. Schreckenberg ont proposé dans les années 1990 un modèle de trafic autoroutier basé sur un automate cellulaire de dimension 1 :
Ce modèle correspond à un automate cellulaire si la perturbation aléatoire est absente (). Si de plus (un véhicule est soit à l'arrêt, soit à sa vitesse maximum), le modèle se réduit à l'automate cellulaire élémentaire 184 : les cellules peuvent prendre uniquement deux valeurs correspondant à vide ou présence d'un véhicule.
Plusieurs scientifiques, tels qu'Andrew Ilachinski[24], ont émis l'hypothèse selon laquelle l'univers pourrait être considéré comme un automate cellulaire[24]. Ilachinski la justifie par l'observation suivante : « Considérons l'évolution de la règle 110 : s'il s'agissait d'une sorte de « loi alternative de la physique », quelle serait la description rationnelle des motifs observés ? Un observateur ignorant la règle appliquée pour générer les images pourrait supposer le mouvement d'objets discrets[25]. » Le physicien James Crutchfield a émis une théorie mathématique rigoureuse basée sur ce principe, prouvant l'émergence statistique de « particules » dans les automates cellulaires[26]. Par extension, l'univers, qui peut être décrit comme un ensemble de particules, pourrait ainsi être considéré comme un automate cellulaire.
En octobre 2014, une théorie unifiée basée sur cette hypothèse reste encore à être formulée ; néanmoins, les recherches en ce sens ont aidé certains chercheurs à définir l'univers comme un système discret :