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Charles Louis André Bernard Boutet de Monvel |
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Monvel, Bernard Boutet de |
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Bernard Boutet de Monvel est un peintre, graveur, illustrateur, sculpteur et décorateur français né le à Paris[1] et mort le sur l'île de São Miguel aux Açores.
Sa mort a un retentissement d'autant plus important qu'elle survient dans le même avion que le célèbre boxeur français Marcel Cerdan et la violoniste Ginette Neveu lors d'un vol Paris - New York.
Bernard Boutet de Monvel est né dans une famille d'ancienne bourgeoisie originaire de Lorraine[2], issue de François Boutet, dit Monvel (1720-1780), ancêtre de la famille subsistante Boutet de Monvel. Il était musicien et acteur à la Comédie-Française, directeur des menus plaisirs du roi de Pologne, Stanislas Leszczynski à la Cour de Nancy. Noël Barthélémy Boutet de Monvel (1768-1847), était secrétaire des commandements de l'archichancelier de l'Empire Jean-Jacques de Cambacérès.
Bernard Boutet de Monvel est le fils du peintre et illustrateur pour enfants Louis-Maurice Boutet de Monvel (1850-1913)[3] . Il grandit entre Paris et Nemours[4] .
Bernard Boutet de Monvel se destina à devenir peintre en 1897. Il devint d’abord l’élève de Luc-Olivier Merson (1846-1920), dont il suivit les cours à partir de pâques 1897[5], avant d’étudier également la sculpture avec Jean Dampt (1854-1946), à partir de l’automne de cette même année.
À l’automne 1898, Louis McClellan Potter (1873-1912), un peintre américain lui aussi élève de Merson, l’initie à l’eau-forte[6]. Bernard Boutet de Monvel, qui se lie à cette époque avec l’imprimeur et graveur Eugène Delâtre (1854-1938), se tourne alors vers l’eau-forte en couleurs au repérage[7], technique alors redécouverte et dont Bernard Boutet de Monvel en devient très vite un maître. Les premières eaux-fortes qu’il réalise, toujours d'après une huile sur toile, présentent, dans un format étiré évoquant l’œuvre de James Abbott McNeill Whistler (1834-1903), des proches — son frère Roger chez Maxim’s (L’Habitué, 1902[8]) ou avec ses molosses (L’Homme aux chiens 1905[9]), son ami Louis Potter (1900[10]) — ou encore des humbles de Nemours et des bords du Loing (L’Éclusière, 1901[11]; Les Haleurs, 1899[12] ; Le Chaland, 1899[12] ; La Péniche, 1899…). La revue britannique The Studio consacre un article à ses eaux-fortes sous le titre « Colored Etching in France » dès 1901[12]. Par la suite, ses eaux-fortes traiteront essentiellement des dandys du temps passé (Le Beau, 1906 ; Le Lion, 1907 ; La Merveilleuse, 1906 ; Les Hortensias, 1911[13]…) et de la campagne des environs de Nemours à laquelle Bernard Boutet de Monvel est de plus en plus attaché (L’Heure du repos, 1908[14]…). En 1912, l’Art Institute of Chicago consacre une rétrospective à ses estampes en couleurs[15].
Parallèlement à cette activité d’aquafortiste, Bernard Boutet de Monvel pratique la peinture à l’huile, notamment comme portraitiste, et il commence à exposer au Salon de la Société nationale des beaux-arts dès 1903[16]. Très vite, il envoie également des œuvres au Salon d'automne et au Salon des indépendants. À partir de 1907, alors que son talent est reconnu aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, il envoie régulièrement des œuvres aux expositions du Carnegie Institute de Pittsburgh (Pennsylvanie)[17]. Sa matière, dans un premier temps tortueuse et brutale, traitée en pleines pâtes vivement colorées et cernées d’ombres bleu marine (La Boucherie, 1904[18]) devient brusquement pointilliste en 1904, après un voyage d’étude à Florence[19]. La lumière se fait alors légère et vibrante, le motif se cerne d’un fin halo jaune pâle, la perspective disparaît et déjà, la droite, tracée à la règle, commence, çà et là, à faire son apparition (Rita del Erido, Salon de 1907[20] ; Le Sophora, vers 1907[21]…).
Le Portrait que Bernard Boutet de Monvel envoie au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1908[22] — en fait un autoportrait le montrant dans la campagne de Nemours un jour d’orage et flanqué de deux lévriers — lui vaut la reconnaissance définitive de la critique et de ses pairs qui le nomment sociétaire de cette société.
Pourtant, Bernard Boutet de Monvel expose un an plus tard, en février 1909, un tableau manifeste intitulé Esquisse pour un portrait[23] et pour la première fois entièrement travaillé à la règle et au compas. Cette vision géométrique d’un dandy place de la Concorde, qui fut peinte à l’automne 1908[23], et que Bernard Boutet de Monvel présente à Paris dans le cadre d’une exposition que lui consacre la galerie Devambez, ne manque pas de déchaîner la critique. On moque alors cette « peinture rectiligne »[24], qui annonce pourtant les fondements de ce que sera plus tard la peinture Art déco[23], et accessoirement de ce qui est dorénavant, et sera jusqu’en 1926, la nouvelle manière de Bernard Boutet de Monvel. Sa pâte devient alors à nouveau ferme et solide ; sa palette se réduit à quelques gris, à quelques terres et à beaucoup de noir ; sa figure, toujours traitée en aplat, est saisie en contre-plongée afin d’en accentuer l’aspect monumental ; et surtout sa ligne désormais uniquement constituée de droites et d’arcs de cercle s’épure à l’extrême afin que la figure soit rigoureusement réduite à l’essentiel (Comte Pierre de Quinsonas, 1913 ; André Dunoyer de Segonzac, 1914 ; Jean-Louis Boussingault, 1914…).
Parallèlement à sa carrière de peintre et de graveur — et de manière plus alimentaire — Bernard Boutet de Monvel livre très régulièrement des dessins d’illustration humoristiques, et surtout des dessins de mode, à des revues comme Femina ou Jardin des modes nouvelles… Le couturier Paul Poiret, qui a très tôt admiré son talent, s’assure, dès 1908, la collaboration du peintre qui passe, en raison de sa grande beauté et pour son goût irréprochable, pour le prince des dandys parisiens. La rencontre de Bernard Boutet de Monvel avec l'éditeur Lucien Vogel, lors d’un vernissage de ses œuvres à la galerie Barbazanges en 1911, sera à l’origine de sa collaboration très active à la Gazette du bon ton[25], dont le premier numéro parait à la Librairie centrale des beaux-arts en novembre 1912. Il y retrouve son cousin Pierre Brissaud, Georges Lepape, Charles Martin, George Barbier… Cette même année, il devient également collaborateur du Journal des dames et des modes, que relance Georges Barbier, Paul Poiret et Tommaso Antogini.
Il fait partie du cercle des Mortigny, fondé par Dimitri Oznobichine, en 1908[26], qui regroupe de nombreux artistes et habitués de la vie parisienne : Paul Poiret, Pierre Brissaud, Georges Villa, Guy Arnoux, Joë Hamman, Lucien-Victor Guirand de Scévola, Joseph Pinchon, André Warnod, Pierre Troisgros, Jean Routier, Henri Callot, Pierre Falize, Pierre Prunier, cercle qui fonctionne jusque dans les années 50[27].
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, en , Bernard Boutet de Monvel est appelé comme réserviste, et blessé lors de la bataille de la Marne[28]. Après un court passage dans le train, il intègre le 4e Groupe de bombardement comme bombardier. À la dissolution du 4e GB, en novembre 1915, il se fait affecter au Groupe de bombardement d’Orient (GBO), basé à Salonique, en Macédoine. En , lorsque le GBO est dissous à son tour, il reste en Orient, et intègre une nouvelle escadrille, la C389. C’est alors qu’en , il réussit l’exploit de rallier avec son pilote Salonique à Bucarest, un haut fait d’armes qui lui vaut la reconnaissance, tant de la France que de la Roumanie. Durant l’hiver, il entreprend la création de l'album Les Mois de la guerre 1914-1918, qui ne sera finalement pas publié[28]. *Après plusieurs accidents d’avion et la disparition de plusieurs de ses pilotes, Bernard Boutet de Monvel, dont le courage fut maintes fois salué, quitte la Macédoine en , décoré de la Légion d’honneur et de cinq citations[28].
Il demande à être affecté au Maroc et s’installe à Fez, où est basé la 551e escadrille, en [29]. À la demande du général Lyautey, qui était alors Résident général de France au Maroc, il reprend ses pinceaux qui n’avait plus touché depuis la déclaration de guerre. De sa terrasse, il peint la ville de Fez à toutes les heures du jour, dont les murs, à la matière solide qu’il maçonne au couteau et synthétise à l’extrême, deviennent une juxtaposition de rectangles que délimitent rigoureusement des segments de droites tracés à la règle. Mais de Fez, il peint également ses ruelles vides ou animées, ses mendiants, ses porteurs d’eaux, ses esclaves noires ou ses femmes en haïks, mais toujours comme un témoin respectueux qui jamais ne cherche à forcer l’intimité, à dévoiler le regard ou le corps. Il peint également Rabat, dont il capte en des toiles fortement imprégnées d’arrangement décoratifs, les femmes voilées de blanc et assises sur les terrasses des maisons. Au vaste aplat bleuté de la façade, qui occupe l’essentiel de la composition, répond alors leurs silhouettes compactes regroupées dans la moitié supérieure du tableau. Enfin, il peint Marrakech, dont il saisit essentiellement les processions d’ânes ou de chameaux devant les murailles, et les palmiers dont les feuillages s’inscrivent dans un cercle parfait tracé au compas.
Démobilisé en mars 1919[29], Bernard Boutet de Monvel laisse en un an et demi une vision singulière et puissante du Maroc, loin des clichés orientalistes, des harems de pacotilles et des palettes criardes ; une vision s’attachant à dégager les lignes de force et les valeurs de cette architecture séculaire ; une vision n’ayant jusqu’alors pas d’égal et ayant, pour cette raison, profondément influencé son ami Jacques Majorelle, qui en reconnut le bien-fondé dix ans plus tard, en mars 1928, lorsqu’il confessa à La vigie marocaine : « Mais songez bien que mon erreur première a été de faire comme les autres : multiplier les couleurs. À la longue seulement je me suis parfaitement rendu compte que les divers ensembles de ce pays pouvaient être rendus par de simples valeurs »[30].
Ses peintures et ses bas-reliefs marocains, que Bernard Boutet de Monvel considéra toujours comme la plus belle partie de son œuvre, furent exposés en 1925 à la galerie Henri Barbazanges[31], sous le haut patronage du maréchal Lyautey. Le texte d’introduction au catalogue, que rédigèrent à cette occasion Jérôme et Jean Tharaud, s’achevait par ces mots : (« Du Maroc ») « Boutet de Monvel a fixé l’apparence d’un jour et de toujours juste au moment où cette profonde unité risque de disparaître ; à l’instant dramatique où la vieille cité d’islam commence à sentir peser sur elle la menace de notre civilisation. »[32] Le , il épouse l’héritière chilienne Delfina Edwards Bello (1896-1974), qu'il avait rencontrée à Biarritz. Elle pose régulièrement dans Vogue[33].
Lorsque Bernard Boutet de Monvel rentre à Paris, il reprend en premier lieu sa carrière de peintre, particulièrement de portraitiste des sportsmen et des dandys, qui avait fait sa célébrité avant-guerre. Il peint ainsi le Portrait du Prince Sixte de Bourbon-Parme (Salon de 1921[34]) et le Portrait de Georges-Marie Haardt (1924)[35]. Il reprend également sa collaboration avec la Gazette du Bon Ton et avec plusieurs magazines de mode, dont Vogue, avant de travailler pour Harper's Bazaar en 1925, qui le prend sous contrat d’exclusivité de 1926 à 1933[36]. Il illustre par ailleurs Général Bramble d’André Maurois (1920)[37] et La Première Traversée du Sahara en automobile de Georges Marie-Haardt et Louis Haudouin-Dubreuil (1924). Enfin et surtout, il intègre, à la demande de Louis Süe, et ce dès sa création en 1919, La Compagnie des arts français[38]. Il participe ainsi à l’aménagement de l’hôtel parisien de Jean Patou (1923), de la villa de Jane Renouardt à Saint-Cloud (1924-1925) ; et décore pour son propre compte la salle à manger biarrote de Mme Jacques Edeline (1925).
Lorsqu'il peignait, il prenait d'abord une photographie du paysage ou de la personnalité dont il allait brosser le portrait, puis travaillait en atelier à partir du cliché[33].
Une rétrospective de ses œuvres organisée en novembre et , Anderson Galleries à New York[36], que suit en 1927 une exposition de ses peintures au musée d'Art de Baltimore[17], est pour lui l’occasion de ses premiers voyages aux États-Unis. Il s’y rend désormais chaque année, tandis qu’il devient le portraitiste le plus demandé par la Café society américaine (grâce à l'entremise de Mary Benjamin Rogers, épouse de l'industriel Henry H. Rogers[33]), et l’un des peintres les plus fêtés. Ses modèles ont alors pour nom Frick, du Pont, Vanderbilt, etc. Le krach de 1929, et l’annulation de plusieurs commandes de portraits, sont pour lui l’occasion de peindre enfin librement une série de paysages de New York[36], par lesquels il s’attache à saisir la modernité froide et déshumanisée d’une ville en construction. Réalisée entre abstraction et réalisme photographique, cette partie de l’œuvre de Bernard Boutet de Monvel, à laquelle il faut ajouter plusieurs vues d’une aciérie de Chicago qu’il exécute en 1928, fait de lui l’égal de figures majeures du mouvement précisionniste, telles Charles Sheeler.
En 1934, il expose à la galerie Wildenstein de New York[39] les portraits du Maharadjah et de la Maharane d’Indore en costumes de cour. En 1936, tandis qu’il se fait construire à Palm Beach par Maurice Fatio (en) un pavillon octogonal appelé La folie Monvel, il entreprend une série de portraits de profil dont les figures les plus emblématiques sont celles de Lady Charles Mendl (1936[40]) et du marquis de Cuevas (1938).
De retour à Paris lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclarée, il choisit de ne pas quitter la France et travaille essentiellement à une série de Bouquinistes des quais de la Seine.
En , tandis qu’il est de retour à New York, la galerie Wildenstein lui propose d’organiser une exposition Profiles. Bernard Boutet de Monvel[17], qui se tiendra finalement un an plus tard chez Knoedler[41]. Bernard Boutet de Monvel reprend alors l’habitude de se rendre aux États-Unis pour y peindre des portraits comme celui de Millicent Rogers (en) (1949[42]). C’est lors d’un de ces voyages entre Paris et New York qu’il meurt, le , dans l'écrasement du vol Paris - New York sur l'île de São Miguel aux Açores, dans le même avion[43],[44] que le célèbre boxeur français et amant d'Édith Piaf, Marcel Cerdan.
Après la mort du peintre, sa veuve Delfina ferme l'atelier et range ses œuvres au dernier étage de leur hôtel particulier parisien[51]. Elle meurt en 1974 et leur fille unique, Sylvie, se cloître dans le même immeuble. Après la mort de cette dernière en 2015, ses enfants décident de vendre la maison et les tableaux[52]. Un portrait du Maharadjah d'Indore de 1933 atteint 2 499 000 euros aux enchères, soit cinq fois plus que l'estimation ; un autoportrait du peintre, lui, part pour 1 743 000 euros[33].
Le musée Galliera, dont la Ville de Paris avait alors fait un lieu d'exposition d'art contemporain, organise une rétrospective de son œuvre de janvier à [53].
En 1975, la galerie du Luxembourg à Paris, qui avait permis en 1972 la redécouverte de l’œuvre de Tamara de Lempicka, organise une importante exposition de ses tableaux.
En 2001, Stéphane-Jacques Addade publie aux Éditions de l’Amateur la première monographie consacrée à Bernard Boutet de Monvel. Cette publication est précédée, en 1999, par une salle que Stéphane-Jacques Addade consacre aux œuvres marocaines de l'artiste au musée du Petit Palais à Paris dans le cadre de l’exposition Maroc, les trésors du royaume, et s’accompagne en 2001 d’une importante rétrospective des œuvres de Bernard Boutet de Monvel que Stéphane-Jacques Addade organise à la fondation Mona-Bismarck à Paris.
Une aquarelle de Bernard Boutet de Monvel peinte en 1932, depuis le clocheton du Radiator Building, qui lui permettait d’observer différentes perspectives tracées par les rues, a été adjugée le à Paris pour 600 000 euros, remportant un record mondial pour une aquarelle de l’artiste[54].