Une confrérie du Rosaire est une association de chrétiens destinée à encourager et diffuser la méditation du rosaire. Les premières confréries du Rosaire ont été instituées à la fin du XVe siècle à l'initiative du dominicain Alain de la Roche, et ont connu un grand succès en Europe occidentale au XVIe siècle et XVIIe siècle, grâce au soutien des couvents dominicains et aux nombreuses indulgences accordées par les papes aux membres de ces confréries. Les confréries du Rosaire ont eu un rôle essentiel dans la diffusion de la prière du Rosaire dans le monde catholique.
En 1470 à Douai, le dominicain Alain de la Roche fonde la Confrérie de la Vierge et de Saint Dominique, première des confréries destinées à la propagation du Rosaire. Selon Alain de la Roche, c'est la Vierge Marie qui lui aurait demandé dans une vision de diffuser la prière du Rosaire au moyen de confréries, à l'exemple de Dominique de Guzman, fondateur de l'ordre dominicain.
La fondation de la Confrérie de la Vierge et de Saint Dominique définit les principes fondateurs des confréries du Rosaire, qui sont ouvertes à tous. Les membres de la confrérie, inscrits sur un registre, s'engagent à prier le Rosaire, qui consiste à réciter le « psautier de Marie », composé de 150 Ave Maria et de 15 Pater Noster, accompagné d'une méditation sur quinze événements de la vie de Jésus et de Marie, issus de la Bible ou de la tradition chrétienne. La confrérie institue une solidarité spirituelle entre tous les membres de la confrérie, permettant à chacun de bénéficier des bienfaits spirituels obtenus de la prière de l'ensemble des membres de la confrérie.
Le 8 septembre 1475, jour de fête mariale de la Nativité de Marie et jour de la mort d'Alain de la Roche, le dominicain Jacques Sprenger, prieur du couvent de Cologne, institue une confrérie du Rosaire (Rozenkranzbruderschaft) à l'exemple de ce qu'avait fait Alain de la Roche à Douai. La fondation de cette confrérie est une manière de remercier la Vierge Marie pour la fin du siège de Neuss.
Cette confrérie, destinée aux laïcs comme aux religieux, dispose de statuts. La confrérie était ouverte à tous aussi bien aux riches qu'aux pauvres et aux indigents. Les membres de cette confrérie étaient tenus de dire un Rosaire durant la semaine. Des messes de requiem étaient offertes pour les membres défunts de la confrérie et des prières du Rosaire étaient offertes pour les âmes du purgatoire et les confrères trépassés.
Le légat du pape Alexandre de Forli accorda des indulgences à ceux qui s'y inscriraient et obtint de l'empereur Frédéric III du Saint-Empire une reconnaissance officielle de la confrérie, approuvée par une Bulle Ea quae fidelium de Sixte IV du 30 mai 1478 accordant sept ans d'indulgence et sept quarantaines de jours. C'est à Cologne que le Psautier hebdomadaire de la Vierge prend le nom de Rosaire, nom qu'Alain de la Roche ne lui donnait pas encore.
Dans les années qui suivent sa fondation, la confrérie du Rosaire de Cologne connaît un immense succès : 5 000 membres en 1476, 100 000 en 1481.
C'est pour cette confrérie que fut peint un grand triptyque de Vierge de miséricorde ou Vierge au manteau peint par le maître de Saint-Séverin entre 1510 et 1515, pour l'église Saint-André de Cologne. La Vierge Marie y reçoit une triple couronne de roses en mémoire de la triple couronne de ses vertus (puissance, bonté, excellence) selon une ancienne tradition mariale.
Encouragées par l'appui du pape Sixte IV et de l'ordre des Prêcheurs ainsi que par l'exemple de la confrérie de Cologne, de nouvelles confréries sont fondées en Europe à la fin du XVe siècle : création d'une confrérie à Lille le 30 novembre 1478, fondation de confréries par les couvents dominicains de Venise, Florence et Rome en 1481.
Les confréries vont être pour les dominicains le moyen d'étendre la pratique du Rosaire à toute la chrétienté. Les papes feront plus tard bénéficier les membres de ces confréries de nombreuses indulgences.
Les confréries se propagent dans toute l'Europe, par exemple à Colmar (1485)[1], Paris[2], Lisbonne (1479), Ulm (1483), Francfort (1486), Toulouse (1492), Millau (1500), Barcelonnette (1512), Rodez (1513), Marseille (1515), Embrun (1516), Limoges[3], souvent associées au couvent dominicain le plus proche.
En Bretagne, terre d'origine du dominicain Alain de la Roche, les confréries du Rosaire se multiplient. À la demande du duc de Bretagne François II et de la duchesse Marguerite de Foix, le pape Sixte IV promulgue le 12 mai 1479 une bulle approuvant la dévotion du Rosaire et accordant des indulgences aux fidèles qui le réciteraient.
Les confréries du Rosaire se répandent également en Suède (chartreuse de Mariefred en 1495), en Espagne, au Portugal, puis plus tard sur les autres continents grâce aux missionnaires dominicains : Afrique, Amériques, Asie.
Bien que la plupart des confréries du Rosaire furent fondées dès l'origine par les dominicains, certaines confréries voient le jour dans des paroisses qui ne sont pas gérées par eux. Par une bulle du 17 septembre 1569, le pape dominicain Pie V accorde à l'ordre des Prêcheurs le pouvoir exclusif d'autoriser la fondation d'une confrérie du Rosaire dans d'autres églises ou chapelles que celles de l'ordre.
La diffusion du Rosaire et le succès des confréries du Rosaire dépendent en grande partie de la diffusion des livres du Rosaire, supports écrits et illustrés favorisant la méditation du Rosaire par les membres des confréries. Parmi ces ouvrages ayant été conservés figurent Quod libet de veritate fraternitis Rosarii seu psalterii beate Marie Virginis de Michel François, (Cologne 1476 - conservé à la BNF) et Le Livre et ordonnance de la dévote confrérie du psaultier de la glorieuse Vierge Marie (conservé au British Museum).
Lors de la fondation d'une confrérie du Rosaire, les dominicains demandent que soit réalisé un autel du Rosaire ainsi qu'une bannière du Rosaire. Pour cette raison, de nombreuses églises disposent d'un retable du Rosaire dans l'église du village ou de la ville, représentant la donation du rosaire à Dominique de Guzman par la Vierge Marie.
De nombreux tableaux de Vierge de miséricorde (aussi appelée « Vierge protectrice » et « Vierge du Manteau ») apparaissent, comme le triptyque de l'église Saint-André de Cologne. Généralement elle n'abrite pas sous son manteau que les confrères, mais aussi la chrétienté tout entière et des religieux cisterciens, chartreux et dominicains, c'est-à-dire les trois ordres fondateurs du rosaire[4],[5].
En Asie : martyrisés entre 1617 et 1622 à Nagasaki, une cinquantaine de chrétiens japonais et de coréens sont membres de la confrérie du Rosaire[6].
En Afrique et au Brésil, les jésuites créent des confréries du Rosaire des Noirs. En Afrique : elles se répandent à la suite de la demande de libérer deux esclaves noirs, celle établie sur l'île de São Tomé (1526) étant la plus ancienne[7] ; en Angola (1693 à Luanda, capitale angolaise portugaise) et au Congo.
En Amérique du Nord, Nouvelle-France, à Québec se crée aussi grâce à Marie Favery[8], en 1647, et au père Poncet, en 1656, une confrérie du Saint Rosaire[9].
Europe :
En France, de nombreux diocèses et villes ou villages font la demande de ces confréries, par exemple :
— Brée (1651) ;
— Lasbordes (1696) fait sa demande auprès des religieux de Fanjeaux et des autorités ecclésiastiques ou bien en Bretagne :
« La confrérie détermine pour l’exercice d’icelle la chapelle de Notre Dame autrement dite des cinq plaies, bâtie et ornée, obligeant les dits suppliants d’entretenir la chapelle. Le curé, le seigneur, les consuls promettent d’observer et faire observer en tant qui leur sera possible les statuts et règles qui sont principalement de faire dire une messe du Saint Rosaire ou de Notre-Dame dans ladite chapelle tous les premiers dimanches du mois et aux fêtes principales de la Vierge comme aussi de solenniser la principale fête du Rosaire qui tombe le premier dimanche d’octobre[10]. »
— Confrérie de Labordes
« « Les actes capitulaires portent l'érection et fondation du Saint Rosaire en l'église cathédrale, par noble et discret messire Michel Thépault, chanoine, et l'approbation des évêque et Chapitre. » [12] « Il veut qu'une messe basse soit célébrée en la chapelle du Rosaire, en l'honneur de la glorieuse Vierge, à toutes les fêtes d'icelle et à chaque premier dimanche du mois, par un chapelain que le Chapitre, après le décès du fondateur, nommera et instituera. À la fin de la messe, se dira le De profundis sur la tombe qui lui est concédée par le Chapitre dans la dite chapellenie ». Cette confrérie est dotée de trois sommes de froment payables par le procureur de la fabrique, ainsi qu'il est rapporté par l'acte de donation, daté de l'an 1635, signé par Noel Deslandes, évêque, et M. Thépault[11]. »
— Confrérie de Tréguier
Les membres de la confrérie ont parfois un habit spécial comme dans de nombreuses confréries : la confrérie du Rosaire de Jumièges, fondée en 1639 par dom Étienne Duval, moine non réformé, porte ainsi chaperon blanc[12].
En Suisse, dans le canton de Fribourg, en 1632, le père Thomas Contet, dominicain, sur mandat du Maître de l'Ordre, poursuit le rétablissement des confréries du Rosaire autour du monastère des dominicaines d'Estavayer-le-Lac, rétablissement qui semble déjà avoir été amorcé dans le diocèse de Lausanne. Cette confrérie a commandé en 1743 une série de 15 panneaux de procession représentant les mystères du Rosaire. Ces panneaux, dressés sur des hampes étaient portés processionnellement par les confrères qui défilaient en 15 groupes.
Les confréries ont parfois des officiers (confrérie de Landry en Savoie fondée par le R.P. Pierre Gautier, dominicain[13] prieur, sous-prieur, conseillers, réconciliateurs, procureurs, visite des malades) deux procureurs, élus par les confrères, chargées de gérer dépenses et recettes et d'entretenir la chapelle du Rosaire et de la décorer, de faire les inventaires, un revenu dont elles rendent compte devant un notaire, des dépenses en florins (entretien des chapelles) parfois des biens et des terres (prés, terrain) comme la confrérie de Bellentre en Savoie, droit d'entrée et cotisation tout comme les paroisses d'aujourd'hui[14].
Cette organisation ne doit pas faire perdre de vue la raison de l'institution des confréries, l'esprit de prière, désintéressé (Louanges de la Vierge Marie, culte d’hyperdulie) ou parfois moins désintéressé (Les indulgences), appuyée sur la tradition des promesses de la Vierge à Alain de la Roche. À Toulouse les dominicains, une fois la chapelle du Rosaire construite s'y emploient activement : des livres de piété sont imprimés, des dévotions propagées.
On distinguait à Toulouse au XVIIe siècle puis ailleurs plusieurs confréries du Rosaire : la confrérie du Rosaire ordinaire dont les confrères s'obligeaient à réciter chaque semaine le rosaire tout entier, et la Confrérie du Rosaire perpétuel où les confrères s'engageaient à, réciter, chacun tour à tour, le rosaire sans interruption, en sorte qu'à toute heure du jour et de la nuit il y ait quelque confrère qui honore la Sainte Vierge, en récitant cette prière au nom de toute la confrérie : l'ensemble formait le Triple Rosaire, formé du Grand Rosaire, du Quotidien et du Perpétuel[15],[16]. Le Rosaire était dit le samedi[17] dans la chapelle du Rosaire, publiquement, à deux chœurs alternés.
Au XVIIIe siècle, au Brésil, les confréries du Rosaire ou confréries de Notre-Dame du Rosaire (Irmandade de Nossa Senhora do Rosário) se répandent chez les esclaves noirs [18],[19], car elles sont ouvertes à tous et aux personnes de toute condition et de toute couleur : elles comprenaient des membres noirs libres et des membres noirs esclaves — qui pouvaient cependant exercer des responsabilités au sein de la confrérie, durant un an — des officiers blancs et des officiers noirs, par exemple dans la Confrérie du Rosaire des Noirs de Bacalhau, un hameau aux environs de la ville de Mariana, dans l'État du Minas Gerais[20]. Au Minas Gerais il existe, à la fin des années 1720, des confréries du Rosaire dans toutes les villes importantes et dans certains bourgs en plein développement : São João del-Rei (1708), Sabará (1713), Mariana (avant 1715), Ouro Preto (1715, ultérieurement Vila Rica), Vila do Principe (1716) et Antônio Dias (1718, ultérieurement Vila Rica)[21],[22].
En France, la Révolution cherche à étouffer toute trace de christianisme et de piété catholique notamment à Saumur où les chapelets sont brûlés en place publique et interdits par un arrêté[23]. Tandis qu'en Bretagne puis en Vendée, le chapelet et le Rosaire deviennent comme la cocarde blanche le signe de reconnaissance contre-révolutionnaire des royalistes, chouans et vendéens, qui le portent à la boutonnière ou autour du cou comme Jacques Cathelineau, ce qui permettait de reconnaître les camps des soldats de loin. Les confréries du Rosaire subsistent clandestinement, par exemple en Provence à Marseille où dom Joseph de Martinet, unique survivant du massacre des pères chartreux, prêche clandestinement le Rosaire : le 7 octobre 1794, pendant la fête du Rosaire se déroule par exemple la réception d'un membre de l'assistance dans la confrérie du Rosaire[24].
Les confréries historiques
Saint-Amand-sur-Sèvre (79) dans le Bocage vendéen : Confrérie du Rosaire propriétaire d'un retable de la Vierge, classé MH, XVIIe ou XVIIIe siècles, dans le transept septentrional de l'église. Attestée en 1654, visite pastorale du doyen L. Guérin délégué de l'évêque du nouveau diocèse de La Rochelle : "Le Rosaire qui y est étably produit tous les jours des effetz qu'on doit attendre d'une si saincte Institution" (AD17, L. Pérouas, Le Diosèse de La Rochelle..., p.165-168.