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Columbarium du Père-Lachaise, Grave of Félix Fénéon (d) |
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Louis Félix Jules Alexandre Fénéon |
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Archives départementales des Yvelines (166J, Ms 3145-3146, 3971-3989, 21 pièces, -)[1],[2],[3] |
Félix Fénéon, né à Turin (Italie) le et mort à Châtenay-Malabry (Seine) le , est un critique d'art, journaliste, collectionneur d'art et directeur de revues français.
Anarchiste, il s'engage dans la mouvance socialiste libertaire dès 1886 et collabore à de nombreux journaux ou revues, comme L’En-dehors (dont il assume la direction pendant l'exil de son fondateur Zo d'Axa à Londres). En 1894 il est inculpé lors du procès des Trente.
Jean Paulhan a écrit un essai intitulé Félix Fénéon ou le critique : Félix Fénéon incarne en effet avant tout le critique au goût très sûr, qui savait que Rimbaud, Jules Laforgue, Stéphane Mallarmé, Paul Valéry et Guillaume Apollinaire seraient les grands écrivains de leur temps, et non Sully Prudhomme ou François Coppée, et qui rendait justice aux impressionnistes puis aux post-impressionnistes quand ses confrères encensaient l'art académique.
Le prix Fénéon, littéraire et artistique, est créé en 1949 à l'initiative de la veuve de Félix Fénéon, Fanny Goubaux.
Louis Félix Jules Alexandre Fénéon[5] est le fils de Pierre Marie Jules Félix Fénéon (1824-1894), commis voyageur originaire de Bellevesvre et fils de médecin, et de Marie-Louise Jacquin (1836-1906). Le jeune Félix est éduqué en Saône-et-Loire, élève interne au lycée Lamartine à Mâcon, et il y est reçu au baccalauréat. Il passe alors le concours d'entrée au ministère de la Guerre, et s'y classe premier sur 60 candidats en mars 1881[6].
De 1881 à 1894 Félix Fénéon est employé au ministère de la Guerre : « Personne ne savait comme lui rédiger un rapport sur n'importe quoi, affirme un de ses collègues cité par Octave Mirbeau, et il se faisait une joie de rédiger les rapports des autres, pour qui ce travail intellectuel était une angoisse, une torture, et souvent une insurmontable difficulté. Les rapports de Fénéon étaient, paraît-il, des façons de chefs-d'œuvre, nets, précis, d'une langue administrative parfaite. Ce subtil et délicieux artiste, qui se plaisait parfois aux curieux déhanchements de la phrase, aux concordances de rythmes bizarres, avait la faculté d'écrire comme un rédacteur de codes. Il aimait à plaisanter ce talent particulier, mais qui prouve, contrairement aux récits de quelques nouvellistes, lesquels ne paraissent guère connaître celui qu'ils biographient et jugent avec tant d'assurance, combien son esprit était clair[7]. ». Il habite avec ses parents à Paris au 26, rue Vaneau, puis au 78, rue Lepic. Il écrit des critiques d'art, des comptes-rendus de livres, deux contes et une ébauche de roman psychologique dans La Libre revue depuis le no 1 d'octobre 1883 au no 15 du .
Il s'engage dans le mouvement anarchiste dès 1886 et collabore à de nombreux journaux ou revues libertaires comme L’En-dehors — dont il assuma la direction pendant l'exil de Zo d'Axa à Londres —, La Renaissance, La Revue anarchiste, Le Père peinard, etc. Cette même année 1886, il s'occupe de la critique d'art dans la nouvelle revue La Vogue et y fait paraître les premiers articles sur les impressionnistes et les néo-impressionnistes.
On l'accuse d'avoir été l'auteur de l'attentat du 4 avril 1894 contre le restaurant Foyot, attentat qui coûta un œil à Laurent Tailhade, ami personnel de Fénéon[8]. Une perquisition à son domicile et à son bureau au ministère de la Guerre laisse découvrir du matériel, du mercure, qui, selon l'accusation, aurait pu permettre de fabriquer une bombe. Le il quitte avec sa mère et Berthe Jacquin, sa jeune nièce de 13 ans, leur appartement pour emménager 4, passage Tourlaque. Il est incarcéré à la prison Mazas où il apprendra l'anglais. Il fait partie des accusés lors du procès des Trente en août 1894. De nombreux artistes et écrivains, notamment Stéphane Mallarmé et Octave Mirbeau, prennent sa défense. Mallarmé et Charles Henry viendront témoigner en sa faveur, tandis que Fénéon se paie le luxe de ridiculiser les magistrats par ses réparties piquantes et spirituelles (« Je ne lance de bombes, que littéraires… »)[9],[10]. En particulier, il explique que le mercure pouvait servir à confectionner des baromètres. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Camille Platteel (1854-1943).
Très persuasif, il est finalement acquitté le . Embauché par les frères Natanson, directeurs de La Revue blanche, il en devient secrétaire de rédaction[11], puis le rédacteur en chef. Il est partie prenante dans le soutien apporté au capitaine Dreyfus par les intellectuels regroupés autour de La Revue blanche et d'Émile Zola[12]. Il est un des signataires du Manifeste des intellectuels publié par L'Aurore le . Le , à la mairie du 18e arrondissement de Paris, il épouse Stéphanie Adèle Goubaux (1868-1946) dite Fanny, une amie de la famille, divorcée[5]. Il poursuit tout de même sa relation avec sa maîtresse de longue date Camille Platteel. Cette dernière, amie de la famille van Rysselberghe, s'installe à Montmartre auprès de Théo van Rysselberghe et retrouve son amant. Il se partage entre les deux femmes qui connaissaient chacune l'existence de l'autre. En 1902 le couple Fénéon habite rue Damrémont.
Il continue sa carrière journalistique au Figaro, puis au Matin, où il rédige ses célèbres « Nouvelles en trois lignes ». Il abandonne le journalisme à la fin de 1906 et devient employé, puis directeur artistique, de la galerie Bernheim-Jeune, située rue Richepanse à Paris. En 1912 il fait la connaissance de la danseuse Suzanne Louise des Meules, veuve Alazet, qui devient sa maîtresse.
Plus tard, de retour de vacances à Cagnes, il dirige de décembre 1919 à décembre 1926, pour la galerie Bernheim-Jeune, le Bulletin de la vie artistique, remarqué pour des articles très documentés sur des artistes et des collectionneurs. Dans le même temps, de 1920 à 1922, Fénéon est un des directeurs littéraires des Éditions de La Sirène, qui publient sous sa responsabilité James Joyce, Jules Laforgue, Jerome K. Jerome, Joseph Jolinon, Lucie Cousturier, Claude Anet, une réédition de Duranty, Stevenson[13]…
Après la Première Guerre mondiale, et devant la révolution russe de 1917, il s'éloigne de l'anarchisme pour se rapprocher, dans l'amitié de Paul Signac, d'une sensibilité communiste. En 1929 le couple Fénéon s'installe au 132, place Clichy, dans un appartement plus vaste que celui de la rue Eugène-Carrière encombré de tableaux. En 1931 il s'installe au 10, avenue de l'Opéra. Après que Félix a été opéré d'un cancer, en 1938, le couple part vivre de 1938 à 1940 à Valescure dans un appartement en location. Ils passent dans la villa Ubu en septembre 1939, et en mars 1940 il entre à la clinique Sainte-Anne à Marseille, puis le couple sera accueilli par Suzanne Audibert des Meules dans sa maison La Bicoque, au bord de la mer. En juillet 1940 il effectue un nouveau séjour à Royan, puis retourne à Paris à la clinique Saint-Hilaire. Il rencontre Jean Paulhan, avec lequel il noue une amitié. En juin 1941 il est contraint de vendre une partie de sa collection pour payer les frais de la clinique, et en 1942 les Fénéon s'installent chez le docteur Henri Le Savoureux, dans sa maison de repos de la Vallée-aux-Loups à Châtenay-Malabry. En avril 1943 il est élu malgré lui à l'académie Mallarmé. Il meurt le , quelques mois après Camille Platteel. Il est incinéré et repose à Paris au cimetière du Père-Lachaise (columbarium, case no 1597[14]). Parmi les huit personnes qui assistent à l'incinération figurent Jean Paulhan et Bernard Groethuysen[14].
Fénéon est de son vivant surtout connu comme critique d'art et découvreur de talents. On lui doit un texte de première importance, le manifeste du néo-impressionnisme, « Les impressionnistes en 1886 », publié par la revue La Vogue. Cette mince plaquette, éditée à 227 exemplaires, est la seule de ses œuvres, si l'on excepte ses contributions aux volumes Petit Bottin des arts et des lettres, Portraits du prochain siècle et sa contribution aux Rassemblements ou Badauderies parisiennes, qui furent publiées de son vivant[15].
Il fit découvrir et/ou publier des auteurs tels que Jules Laforgue, Alfred Jarry, Stéphane Mallarmé, Apollinaire, Rimbaud. En peinture, il contribua à faire connaître tout d'abord Georges Seurat, puis Camille Pissarro déjà bien installé, Pierre Bonnard, Paul Signac, Kees van Dongen, Henri Matisse, Maurice Denis, Émile Compard, et d'autres encore.
« Malgré son aspect volontairement froid, sa politique un peu roide, le dandysme spécial de ses manières, réservées et hautaines », écrit Octave Mirbeau, « il a un cœur chaud et fidèle. Mais il ne le donne pas à tout le monde, car personne n'est moins banal que lui. Sa confiance une fois gagnée, on peut se reposer en lui comme sous un toit hospitalier. On sait qu'on y sera choyé et défendu, au besoin[7]. » « Tout était étrange en lui », note Jean Ajalbert, « de sa longue tête anguleuse, de sa face à barbiche, de yankee de café-concert, à son flegme jamais démonté. À travers les conversations échauffées, il n'intervenait que par apophtegmes doux, d'une voix caressante, imprévue de ce grand corps comme en bois, sous le mac-farlane rigide, le crâne surmonté du haut de forme à bords plats[7]. »
Fénéon, selon la formule d'Apollinaire, « n'a jamais été très prodigue de sa prose ». Si ses articles sont innombrables, ils tiennent parfois en une demi-ligne, comme cette critique d'un roman : « Dédié à Madame Edmond Adam et certainement approuvé d'elle », ou ce commentaire dédaigneux d'un pastel médiocre : « G. Dubufe. – De M. Guillaume Dubufe. »
Il n'est pourtant pas avare d'ironie lorsqu'il s'agit de critique théâtrale. Lorsqu'Adolphe Tabarant adapte en 5 actes le roman Le Père Goriot, représenté plusieurs fois au Théâtre-Libre, il l'attaque dans Le Chat noir du .
« Au mépris des droits de la tombe, contraindre Balzac à une collaboration, comme fait M. Adolphe Tabarant, c’est peu révérencieux. Mais, du moins, pouvait-on penser qu’un tel escaladeur de cimetières littéraires garderait cette belle hardiesse et ne voudrait voir, dans l’épisode de roman dont il s’emparait, que matière première à repétrir à sa guise en vue d’une œuvre dramatique ayant sa beauté propre et donnât, par d’autres artifices, l’équivalent de l’original. Point. »
Le à l'hôtel Drouot à Paris, une première partie de sa riche collection d'arts graphiques fut mise en vente publique par le commissaire-priseur Alphonse Bellier : 48 tableaux (Pierre Bonnard, Georges Braque, Émile Compard, Lucie Cousturier, Henri Edmond Cross, Edgar Degas, Maurice Denis, André Derain, René Durey, Max Ernst, Édouard Goerg, Marcel Gromaire, Marie Laurencin, Maurice Loutreuil, Maximilien Luce, André Masson, Henri Matisse, Amedeo Modigliani, Auguste Renoir, Ker-Xavier Roussel, Paul Signac, Félix Vallotton et Édouard Vuillard), 15 dessins et neuf peintures de Georges Seurat, et plus tard, en juin 1947, une vente d'objets d'art africain.
La collection fit l'objet de trois autres vacations à l'hôtel Drouot, avril, mai, et juillet 1947. L'État se porta acquéreur, avant la deuxième vente, le , de trois études pour Poseuses et de quatre dessins de Seurat (Paris, musée d'Orsay). Ces œuvres « figureront aux expositions à titre documentaire » souligne le papillon imprimé à cette occasion.
Il s'est beaucoup engagé dans la promotion de l'œuvre de Seurat ; ainsi, à la demande de sa famille, il établit l'inventaire pictural du peintre après son décès, aux côtés de Maximilien Luce et Paul Signac, qui signe l'inventaire mais est absent. Il a acquis tout au long de sa vie des œuvres importantes de l'artiste, qui sont aujourd'hui exposées dans les musées. À partir des années 1930, il a entrepris le catalogue raisonné de l’œuvre du peintre, en collaboration avec César M. de Hauke[16], auquel Fénéon avait donné sa documentation et les autographes qu'il possédait de Seurat[17].
En 1939 il acquiert à Saint-Palais-sur-Mer une petite maison qu'il nomma Ubu, peut-être en souvenir du chien de Pierre Bonnard.
Son ami Paul Signac peignit de lui en 1890-1891 un « savoureux portrait [qui] marque dans son œuvre le point culminant du décoratif, du japonisme et de l'abstraction[18] » ; ce tableau appartenant au Museum of Modern Art de New York figura à l'exposition « Paul Signac 1863-1935 », au Grand Palais, à Paris, du 1er mars au [19].
La première exposition monographique lui étant dédiée, « Félix Fénéon (1861-1944) les arts lointains », s'est tenue à Paris au musée du quai Branly - Jacques Chirac du 28 mai au .