Henri-Jacques-Guillaume Clarke | ||
Portrait du 1er Duc de Feltre par François-Xavier Fabre en 1810 exposé au Musée des beaux-arts de Nantes. | ||
Fonctions | ||
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Ministre de la Guerre | ||
– (1 an, 11 mois et 17 jours) |
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Monarque | Louis XVIII | |
Président du Conseil | Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu | |
Gouvernement | Ministère Richelieu (1) | |
Prédécesseur | Laurent de Gouvion-Saint-Cyr | |
Successeur | Laurent de Gouvion-Saint-Cyr | |
– (9 jours) |
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Monarque | Louis XVIII | |
Gouvernement | Gouvernement de la Première Restauration | |
Prédécesseur | Nicolas Jean-de-Dieu Soult | |
Successeur | Louis Nicolas Davout | |
– (6 ans, 7 mois et 13 jours) |
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Monarque | Napoléon Ier | |
Gouvernement | Ministres de Napoléon Ier | |
Prédécesseur | Louis-Alexandre Berthier | |
Successeur | Pierre Dupont de l'Étang | |
Ministre plénipotentiaire à Parme | ||
– (1 an, 10 mois et 6 jours) |
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Prédécesseur | Charles-Jean-Marie Alquier | |
Successeur | Pierre Raymond Hector d'Aubusson | |
Membre de la Chambre des Pairs | ||
– (3 ans, 3 mois et 20 jours) Pairie héréditaire |
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Prédécesseur | Pairie créée | |
Successeur | Edgar Clarke | |
– (9 mois et 16 jours) Pairie à vie |
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Conseiller d'État | ||
Biographie | ||
Titre complet | Duc de Feltre, Comte d'Hunebourg et de l'Empire | |
Surnom | Le Maréchal d'Encre | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Landrecies, Flandre française | |
Date de décès | (à 53 ans) | |
Lieu de décès | Neuwiller-lès-Saverne, Bas-Rhin | |
Nationalité | française | |
Père | Thomas Clarke | |
Mère | Marie-Louise Shée | |
Conjoints | Elisabeth Alexander (1) Marie-Françoise Zaepffel (2) |
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Enfants | 5 enfants dont : Edgar, Alphonse | |
Famille | Famille Clarke | |
Diplômé de | École militaire de Paris | |
Profession | homme politique, militaire | |
Distinctions | Grand-croix de l'Ordre de la Légion d'honneur Ordre royal et militaire de Saint-Louis |
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Religion | Catholicisme | |
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Blason | ||
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Henri-Jacques-Guillaume Clarke, né le à Landrecies et mort le à Neuwiller-lès-Saverne, est un général français de la Révolution et de l’Empire, ministre de la Guerre de Napoléon Ier, fait comte d'Hunebourg et comte de l'Empire, puis duc de Feltre et maréchal de France en 1816.
Il est issu d'une famille noble d'origine irlandaise, établie en France depuis l'émigration des Stuarts[1]. En 1765, son père est garde magasin des subsistances de la ville de Landrecies. Le jeune Clarke[2] se trouve orphelin très tôt et est élevé par son oncle, Henri Shée de Lignières, colonel de cavalerie et secrétaire des commandements du duc d'Orléans[3], qui le fait recevoir cadet gentilhomme à l'École militaire de Paris le [1]. Il est nommé sous-lieutenant au régiment de Berwick le [1], puis cornette blanche[3] de hussards avec rang de capitaine, dans le régiment Colonel-Général le .
Il est promu capitaine de dragons le . Il quitte ensuite l'armée pour la diplomatie, et il devient gentilhomme d'ambassade à Londres. Revenu en France au commencement de 1791, il reprend son grade, est réformé, puis replacé le comme capitaine de 1re classe au 14e de dragons (ancien « Orléans-Dragons[4] »). Il passe de ce grade à celui de chef d'escadron au 2e régiment de cavalerie légère le , où il devint bientôt lieutenant-colonel.
Il est alors affecté à l'armée du Rhin, et se signale à la prise de Spire, où il fait rendre les armes à une partie des troupes chargées de la défense de cette place. Le , il se distingue lors du combat de Stromberg et le 27, jour de la déroute de Bingen, il défend avec valeur le passage de la Nahe[1], et est nommé, par les représentants en mission[5], général de brigade provisoire à l'affaire d'Horcheim (« Erchein » ou « Ercheim »), près de Landau, le suivant. Il obtient peu de temps après le commandement des trois régiments de dragons qui combattent à l'avant-garde[6], puis est nommé chef de l'état-major général de l'armée du Rhin.
Les commissaires de la Convention le destituent comme noble le [1], la veille de la prise des lignes de Wissembourg par les Autrichiens. Il est arrêté et incarcéré comme suspect[6], puis libéré ; mais désespérant de faire révoquer la décision qui l'éloigne du service, Clarke se rend en Allemagne, y fait un séjour de peu de durée, et revient à Paris. Le 13 ventôse an III, il écrit au banquier Perregaux, qu'éloigné injustement de l'armée, il est oblige de chercher un emploi.
« Je parle et j'écris correctement, dit-il, l'anglais, l'allemand et le français ; j'ai une légère idée de la tenue de livres en partie double... Je désire être employé à Paris, soit par un banquier, soit par une maison de commerce, avec un traitement honnête. J'aime le travail et l'on me trouvera toujours exact, probe et discret[5]. »
Après la chute de Robespierre, il est rappelé au service le , et confirmé le , dans le grade de général de brigade[1]. Il est chargé, par commission du-même jour, obtenue grâce à la protection de Carnot, de la direction historique et topographique du ministère de la Guerre, et concourt à la rédaction des plans dont l'exécution répand alors « un si grand éclat sur les armées françaises[1] » Les services importants qu'il rend dans cette direction, où il rétablit l'ordre, lui valent le grade de général de division le [6]. C'est à cette époque que le Directoire le charge d'une mission secrète auprès du cabinet de Vienne (Autriche)[6].
À peine de retour à Paris, il reçoit l'ordre de partir pour l'Italie, surtout pour surveiller le général Bonaparte, dont les victoires et l'ambition inquiètent le gouvernement. Le but apparent de cette mission est d'aller à Milan pour obtenir la mise en liberté de La Fayette, Latour-Maubourg et Bureau de Pusy, internés à Olmütz[2],[5]. Bonaparte a deviné les intentions du Directoire, mais il feint de se méprendre sur le véritable but de la mission de Clarke, et lui fait l'accueil le plus favorable. Celui-ci se met au service du général en chef, qui en obtient des révélations sur la nature des instructions du conseil du Luxembourg. Lorsque Venise tombe au pouvoir des Français le , le général Clarke est chargé d'assister à l'ouverture du portefeuille du comte d'Antraigues, que l'on a arrêté dans cette ville.
Cependant, le gouvernement directorial, instruit du rapprochement entre le chef de l'armée d'Italie et son agent secret, rappelle ce dernier à Paris. Clarke élude les ordres qu'il venait de recevoir, en se prévalant de ses instructions patentes, reste à Udine avec Bonaparte, et coopère avec lui à la conclusion du traité de paix signé à Campo-Formio le . Après la signature du traité, une dépêche plus impérative et plus pressante que la première lui enjoint de quitter sur-le-champ l'Italie. Dès son arrivée en France, il reçoit de vifs reproches du Directoire. Non seulement, il cesse d'être employé activement comme général, mais il perd la direction du bureau topographique. Cependant, vers la fin de l'an VI (été 1798), le Directoire le charge de la négociation du traité d'alliance entre la République française et le roi de Sardaigne, traité d'alliance avantageux pour l'armée d'Italie[1].
Clarke se montre un des plus zélés partisans du coup d'État de Bonaparte. Aussi le premier Consul le rétablit-il très rapidement dans ses fonctions de chef du bureau topographique. Lors du congrès de Lunéville, le , le général Clarke y entame les négociations qui sont suivies par Joseph Bonaparte, frère du Premier consul. Le , le gouvernement consulaire lui confie le commandement extraordinaire de Lunéville et du département de la Meurthe[1]. Il est chargé de diriger vers leur patrie, au mois d', les soldats russes prisonniers des Français. Le général Clarke se comporte avec tant de bienveillance envers les prisonniers, que l'empereur de Russie témoigne sa reconnaissance par le don d'une épée magnifique, enrichie de diamants.
Le , le premier Consul l'envoie avec le titre de ministre plénipotentiaire auprès du prince de Parme, nouvellement créé roi d'Étrurie. Il reste en Toscane jusqu'en 1804, puis revient en France comme conseiller d'État, puis secrétaire du cabinet de l'Empereur pour la guerre et pour la marine.
Clarke rentre dans l'armée active lorsque Napoléon lance la campagne d'Allemagne en 1805. Il participe à la prise d'Ulm, et est nommé gouverneur de Vienne, de la Basse-Autriche, de la Styrie et de la Carinthie (). Après avoir présidé à la délimitation des frontières de la Brisgau, qui touchait au Wurtemberg et au grand-duché de Bade, il revient à Paris. Le , il conclut avec Peter von Oubril (de), ambassadeur de Russie, un traité de paix que l'influence anglaise fait rejeter par la cour de Russie. Le , l'Empereur le charge de s'occuper, avec lord Yarmouth (en), des préliminaires d'un traité de paix entre la France et le gouvernement britannique. Mais la mort de Fox (), en changeant la face des affaires, fait échouer ces négociations.
Le suivant, commence la campagne de Prusse, achevée par la victoire d'Iéna. Clarke prend part à cette bataille, où il fait capituler les grenadiers saxons de Hundt, qui lui remettent leur drapeau et une batterie de plusieurs pièces de canon attelées et approvisionnées[3]. Il est chargé des fonctions de gouverneur d'Erfurt, encombrée de nombreux prisonniers prussiens. Dès , il est nommé gouverneur de Berlin. Il réussit à obtenir l'estime des habitants par sa fermeté, sa modération, et surtout par sa probité. On lit dans le Recueil des pièces officielles fait par un conseiller prussien, que le général Vandamme ayant voulu enlever les meubles du palais de Potsdam où il a été logé, le général Clarke l'oblige de les restituer. En 1807, il est chargé de l'échange des ratifications du traité de paix conclu entre la France et le royaume de Saxe ; à cette occasion, il obtient la grand-croix de l'Ordre militaire de Saint-Henri[1].
Le , il est nommé ministre de la Guerre en remplacement du maréchal Berthier.
Le , il écrit à Napoléon :
« Sire, Votre Majesté m'a ordonné de former le 1er et le 2e corps d'observation de la Gironde. Le premier de ces corps, que commande le général Junot, a conquis le Portugal. La tête du deuxième est déjà à portée de suivre le premier, si les circonstances l'exigent. Votre Majesté, dont la prévoyance n'est jamais en défaut, a voulu que le corps d'observation de l'Océan, qu'elle a confié à M. le maréchal Moncey, fût en troisième ligne. La nécessité de fermer les ports du continent à notre irréconciliable ennemi, et d'avoir sur tous les points d'attaque des moyens considérables, afin de profiter des circonstances heureuses qui se présenteraient pour porter la guerre au sein de l'Angleterre, de l'Irlande et des Indes, peut rendre nécessaire la levée de la conscription de 1809.
Le parti qui domine à Londres a proclamé le principe de la guerre perpétuelle, et l'expédition de Copenhague a révélé ses intentions criminelles. Quoique l'indignation de toute l'Europe se soit soulevée contre l'Angleterre, quoiqu'à aucune époque la France n'ait eu des armées aussi nombreuses, ce n'est point encore assez : il faut que l'influence anglaise puisse être attaquée partout où elle existe, jusqu'au moment où l'aspect de tant de dangers portera l'Angleterre à éloigner de ses conseils les oligarques qui les dirigent, et à confier l'administration à des hommes sages et capables de concilier l'amour et l'intérêt de la patrie avec l'intérêt et l'amour du genre humain, une politique vulgaire aurait pu déterminer Votre Majesté à désarmer ; mais cette politique serait un fléau pour la France, elle rendrait imparfaits les grands résultats que vous avez préparés. Oui, Sire, Votre Majesté, loin de diminuer ses armées doit les accroître jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu l'indépendance de toutes les puissances et rendu aux mers cette tranquillité que Votre Majesté a assurée au continent. Sans doute, Votre Majesté doit souffrir d'exiger de ses peuples de nouveaux sacrifices, de leur imposer de nouvelles obligations ; mais elle doit aussi se rendre à ce cri de tous les Français : « Point de repos jusqu'à ce que les mers soient affranchies, et qu'une paix équitable ait rétabli la France dans le plus juste, le plus utile et le plus nécessaire de ses droits. » Je suis, etc. »
L'énergie de Clarke est attestée au mois d', lorsque Lord Chatam débarque dans l'île de Walcheren avec « 55 000 hommes[réf. à confirmer][6]. Dans la première semaine, le ministre de la Guerre opposa plus de 20 000[réf. à confirmer][6] (ou 30 000[réf. à confirmer][3]) hommes aux Anglais : quinze jours ne s'étaient pas écoulés que 40 000 autres combattants se pressaient autour d'Anvers.[réf. à confirmer][6] ». En moins de cinq semaines, il forme une armée de plus de 100 000 hommes[réf. à confirmer][3],[1], qu'il porte sur les bords de l'Escaut.
Ce rapide déploiement de forces, qui rend infructueuse la tentative de lord Chatam, vaut à Clarke, précédemment nommé comte d'Hunebourg, avec une dotation de 20 000 francs sur les domaines de Rheten et Ahlden (Aller)[6], le titre de duc de Feltre () et le grand aigle de la Légion d'honneur ([8]. Il est membre depuis 1803, commandant depuis 1804, grand officier depuis 1806).
Clarke continue d'administrer, pendant les campagnes d'Espagne et de Russie, avec une « constance digne des plus grands éloges. Il est encore actif, laborieux, vigilant ; son habileté se trouve rarement en défaut, mais ce qui lui mérite surtout l'estime générale, c'est l'intégrité scrupuleuse qui préside à tous les actes de son administration, dans un temps où grand nombre d'administrateurs semblent n'avoir reçu d'autre mission que celle de travailler à leur fortune personnelle[6]. »
On peut rappeler l'attitude honorable du duc de Feltre envers Carnot[6] qui depuis la suppression du Tribunat en 1807, n'a plus que son traitement de membre de l'Institut. À l'époque des préparatifs de la campagne de Russie (1812), au cours d'une séance de travail avec l'Empereur, le ministre le sollicite en faveur de Carnot :
« — Sire, je désirerais appeler la bienveillance de Votre Majesté sur le général Carnot ; il est dans la situation de fortune la plus fâcheuse, et cependant je ne puis lui faire accepter le moindre secours, même à titre de prêt. Votre Majesté ne saurait être étonnée de l'intérêt, ou plutôt de la reconnaissance que je porte au général Carnot ; c'est lui qui m'a placé, en 1794, à la tête du bureau topographique (établi auprès du Comité de salut public), et si mes services ont pu être agréables à Votre Majesté, c'est donc à lui que j'en suis redevable. »
« — Eh bien ! répondit Napoléon après quelques moments de réflexion, dites à Carnot que je l'attends demain à deux heures. »
À la suite de cette entrevue, un décret accorde au général Carnot une pension de 6 000 francs, avec rappel depuis le jour de la suppression du Tribunat.
Cependant cet homme, « dont le courage et la présence d'esprit ne s'étaient jamais démentis, ne montra que de la mollesse, de l'irrésolution[6] », à l'époque où la conjuration des généraux Malet et Lahorie éclata à Paris dans la journée du . Il ne retrouva son énergie que lorsque les conjurés eurent été arrêtés par un concours de circonstances indépendantes de sa volonté.
« Son indécision, dans cette circonstance, fit naître de mauvaises pensées qui se reproduisirent plus tard sous des formes différentes[6]. »
Le ministre fut néanmoins maintenu à son poste. La formation des gardes d'honneur (en 1813) souleva, contre l'Empereur, les anciens nobles, toutes les personnes riches qui avaient dépensé des sommes considérables pour le remplacement de leurs fils. « Cette mesure était si injuste et si impolitique, » dit Mme veuve du général Durand, dans ses Mémoires[9], « que bien des gens soupçonnèrent le duc de Feltre, qui la proposa, d'avoir eu des intentions perfides. En un mot, on crut que ce ministre avait été gagné par quelque puissance étrangère[9]. » On a dit qu'il était entré en relation avec un agent des Bourbons, le marquis de Chabannes[5], et qu'il laissa, à l'approche des alliés, Paris sans défense[5]. On peut lui reprocher[6] aussi de n'avoir pas déployé, pour la défense du territoire, ce luxe de moyens qu'il avait tant de fois présentés à l'invasion. Ce fut lui qui présenta à Marie-Louise, le , les drapeaux enlevés à l'ennemi aux combats de Champ-Aubert et de Montmirail.
La veuve Durand, déjà citée, formule une seconde accusation qui donne de la gravité à la précédente : « La générale, a-t-elle écrit p. 181, avait été battue pendant une partie de la nuit du 29 au 30 mars ; toute la garde nationale était sur pied, je ne dirai pas sous les armes, car une grande portion des hommes qui la composaient n'avaient que des piques. Les chefs en firent demander au duc de Feltre, qui répondit qu'il n'en avait pas à sa disposition. Cependant quand les troupes alliées furent entrées dans la capitale, elles en trouvèrent encore des magasins considérables[9]. »
Après l'échec final de Napoléon, le duc de Feltre fut un de ceux qui engagèrent le plus vivement l'Impératrice à quitter Paris. Il suivit cette princesse à Blois. Mme Durand nous apprend, p. 223 que « le général autrichien comte de Schowaloff s'était rendu à Blois aussitôt après la publication de l'acte de la déchéance prononcée par le Sénat. Tous ces fonctionnaires furent forcés de prendre à la mairie de Blois des passeports pour leur retour et de les faire viser par le comte Schowaloff, qui eut des égards gradués selon ce qu'il connaissait de la conduite de chacun d'eux. On remarqua qu'il se prêtait à tout ce qui pouvait convenir au duc de Feltre[9]. »
Le , il envoya son adhésion en ces termes au gouvernement provisoire :
« Les actes du gouvernement qui vient de finir, m'ayant dégagé de tout ce que j'avais considéré comme devoir envers lui, j'use de la liberté qu'un si grand événement vient de me rendre, pour remettre entre vos mains la promesse d'être fidèle au Roi et à son auguste famille. »
Ce qui contribua certainement à propager les bruits de trahison qui coururent à l'époque des deux Restaurations, ce furent son empressement à adhérer à la déchéance de l'Empereur, son élévation à la pairie dès le , et la promptitude qu'il mit à répondre, dans le Moniteur de Gand du , au reproche de la Gazette d'Augsbourg, reproduit dans le Journal de l'Empire du , relativement au général comte d'Erlon : il se justifia, par le défaut de juges et par la fuite de cet officier général, de ne pas l'avoir fait passer devant un conseil de guerre au mois de mars. « Était-il donc si nécessaire de prouver qu'il lui avait été impossible de faire verser le sang d'un de ses frères d'armes[6] ? »
Louis XVIII, le nomma pair de France le , et chevalier de Saint-Louis le suivant. Devenu l'un des sujets les plus dévoués du nouveau gouvernement, il ne montra pas moins de zèle à défendre les intérêts de la monarchie qu'il n'en avait déployé dans sa double carrière de républicain et de serviteur de l'Empire. Ce fut lui qui, à l'occasion du projet de censure tenté pour la première fois par l'abbé duc de Montesquiou, osa faire entendre à la tribune cette maxime d'un pouvoir suranné : « Si veut le roi, si veut la loi[2]. »
En 1815, le lendemain de l'entrée triomphante de l'Empereur à Lyon (), le duc de Feltre fut nommé ministre de la Guerre en remplacement du maréchal Soult (). Il se rendit à la Chambre des députés, où, forcé par sa position de parler de lui-même, il prononça le discours suivant :
« Sa Majesté m'a proposé le portefeuille de la guerre ; il eût été lâche de refuser dans une circonstance aussi pénible. Je n'ai pas craint de répondre à cette honorable confiance, parce que j'ai la certitude d'être fidèle à mes devoirs, comme toute ma vie j'ai été fidèle à tous les engagements que j'ai pris. Parvenu à ma cinquantième année, je n'ai jamais trahi personne ; et, si lorsque j'étais en Toscane, la ville de Paris[10] a bien voulu me donner un témoignage signalé de son estime, c'est qu'elle savait que j'étais honnête homme et incapable de manquer à mes devoirs. Je dis cela, parce que je me suis trouvé sous un gouvernement autre que celui qui a été si heureusement rétabli en France par le retour de Sa Majesté. »
D'après cette déclaration de principes, le duc de Feltre publia un ordre du jour pour faire un appel à l'honneur de l'armée.
« On ne capitule point sans infamie, et tôt ou tard sans châtiment, avec des serments libres et solennels ; nous avons tous juré fidélité au roi, qui nous fait jouir de la paix au dehors, et au dedans des bienfaits d'un gouvernement paternel. Nous avons juré de maintenir cette charte constitutionnelle qui consacre les droits et les devoirs de tous. Voilà cependant les biens qu'on voudrait nous ravir en un instant et sans retour, etc. »
Napoléon, qui ne pouvait croire à cette trahison, lui laissa son portefeuille[5]. Il eut lieu de s'en repentir[5] : tout ce qui tenait au département de la guerre alla de telle façon, que l'Empereur, sur la route de Fontainebleau, s'écriait :
« Clarke est un vilain homme ; on me l'avait dit; mais je n'aurais pas voulu le croire[11]. »
« Plus d'une fois, en 1813 et 1814, on essaya de m'inspirer des doutes sur sa fidélité ; je ne m'y arrêtai jamais : je l'ai toujours cru probe et honnête. »
— Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène.
« Il n'est point authentique que le duc de Feltre, au moment où il s'agissait de défendre Paris, en 1814, ait empêché de distribuer des fusils aux braves Parisiens qui voulaient disputer leurs foyers à l'invasion, étrangère ; il serait aussi difficile de prouver que ce ministre ait fait remplir de cendre les cartouches distribuées à la troupe. Mais il paraît assuré que le duc se faisait secrètement certains reproches ; on en peut juger par le fait suivant. Passant à Lille pour se rendre à Gand, en 1815, il visite le général Grundler et lui dit : « Vous êtes bien heureux ; vous servez Napoléon : moi il me ferait pendre ; il faut que je sorte de France. » Chassez le naturel, il revient au galop[12]. »
— Georges Touchard-Lafosse, La Révolution, l'Empire et la Restauration.
Lorsque les Bourbons furent obligés de quitter la France, le duc de Feltre se rendit à Gand auprès de Louis XVIII. Il y fut toujours chargé du portefeuille de la guerre[3], et reçut de son souverain une mission auprès du prince régent d'Angleterre.
Henri-Jacques-Guillaume Clarke | ||
Henri Jacques Guillaume Clarke, comte d'Hunebourg, Duc de Feltre, Maréchal de France, Guillaume Descamps (Lille, 1779 ; Paris, 1858), 1817. | ||
Surnom | le Maréchal d'Encre[13] | |
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Naissance | Landrecies Flandre française |
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Décès | (à 53 ans) Neuwiller-lès-Saverne Bas-Rhin |
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Origine | Royaume de France | |
Allégeance | Royaume de France Royaume de France République française Empire français Royaume de France Royaume de France |
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Arme | Cavalerie | |
Dignité d'État | Maréchal de France | |
Années de service | 1782 – 1817 | |
Commandement | 2e régiment de cavalerie (1792) Chef d'état-major de l'armée du Rhin (1793) Chef du bureau topographique de la guerre (1793) Commandant de Lunéville et de la Meurthe (1800) Gouverneur de Vienne (1805) Gouverneur d'Erfurt (1806) Gouverneur de Berlin (1806-1807) Gouverneur de la 9e division militaire (1815) Gouverneur de la 14e division militaire (1816) |
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Conflits | Guerres révolutionnaires Guerres napoléoniennes |
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Faits d'armes | Prise de Spire Bataille d'Ulm |
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Distinctions | Grand-croix de la Légion d'honneur Chevalier de Saint-Louis |
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Hommages | Nom gravé sous l'arc de triomphe de l'Étoile, 11e colonne. | |
Autres fonctions | Ministre de la Guerre Membre de la Chambre des pairs |
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Famille | Clarke | |
modifier |
Ramené à Paris par le « désastre de Waterloo », il fut nommé suivant, gouverneur de la 9e division militaire, et membre du conseil privé le 19 du même mois. Rappelé au ministère de la Guerre, dont le maréchal Gouvion Saint-Cyr venait d'être éloigné (), il se signala, pendant le cours de sa nouvelle administration, par des mesures d'une excessive sévérité. Ce fut lui qui licencia l'armée. Il soumit l'armée à une classification par catégories, il attacha son nom au rétablissement des cours prévôtales, il ordonna l'instruction du procès du général Travot, condamné à mort malgré la loi d'amnistie. Il joignit à ses fonctions ministérielles celles de gouverneur de la 14e division militaire à partir du .
Devenu maréchal de France (), le mauvais état de la santé du duc de Feltre le détermina à donner, en , sa démission du ministère de la Guerre. Il se retira dans sa terre de Neuwiller, près de Saverne, et y mourut le . Son épouse fit ériger quelques années plus tard un monument funéraire encore visible aujourd'hui dans le cimetière communal de Neuwiller-lès-Saverne. Napoléon l'a jugé assez sévèrement comme militaire. Il ne lui reconnaissait « aucun talent pour le commandement[11] ». Le duc de Feltre a été diversement jugé par ses contemporains ; mais on a dit de lui, avec vérité, qu'il était l'homme d'épée qui devait le plus au travail de sa plume[2].
Le duc de Feltre était Grand-croix de l'ordre de la Fidélité de Bade[8]. Il possédait plusieurs langues et cultivait les lettres. « Le grand nombre de mémoires qu'il a rédigés sur la diplomatie, la guerre et l'administration, sont tous remarquables par la clarté et la correction du style »[14]. Son nom est gravé sur l’arc de triomphe de Paris.
Figure | Blasonnement |
Famille Clarke (d'origine irlandaise) sous l'Ancien Régime
D'or, à la bande engrelée d'azur, chargée d'une étoile d'argent, accompagnée de deux besants d'or.[18],[19] | |
Armes du comte de Hunebourg et de l'Empire
De gueules aux trois épées d'argent à poignées d'or posées en pal, la pointe vers le chef ; au franc-quartier de comte-ministre.[20]
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Armes du duc de Feltre et de l'Empire
De gueules, à trois épées hautes en pal d'argent, montées d'or et rangées en fasce ; au chef des ducs de l'Empire brochant.[18],[21],[19],[22]
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Henri Clarke avait épousé en premières noces, le à Londres Elisabeth Christiane Alexander (1778-1840).
Le duc de Feltre contracta une seconde union, le [25] à Bouxwiller (Bas-Rhin), avec Marie-Françoise Zaepffel (17/09/1768[26] - 20/07/1840), nièce de Jean-Évangéliste Zaepffel (1735-1808), futur évêque de Liège.
Le couple eut quatre fils, lesquels furent sans union, ni postérité : l'aîné, Edgar Clarke (1799-1852), duc de Feltre, comte d'Hunebourg, d'abord garde-du-corps du roi puis officier de carabiniers, succéda aux titres héréditaires de son père[1]. Il s'est retiré de la chambre en 1832. Le second Arthur Clarke (1802-1829), trouva la mort en 1829 à la suite d'une maladie contractée lors de l'expédition de Morée. Le troisième, Alphonse Clarke (1806-1850), s'illustra dans la composition musicale. Quant au dernier, Elphride (1808-1813), il mourut assez jeune.
À noter qu'à travers ce second mariage, il fut le beau-frère de trois autres officiers et barons : Étienne d'Hastrel de Rivedoux, Eugène Charles Auguste de Mandeville et Guillaume O'Meara.
À Paris, il était propriétaire de l'Hôtel d'Estrées au 79 rue de Grenelle[27].
Les papiers personnels de Henri-Jacques-Guillaume Clarke sont conservés aux Archives nationales sous la cote 182AP[28]
« D'abord « Roche-Tanguy », puis « château Le Denays », le château a pris le nom de Roche-Goyon au XIXe siècle. Il est construit en 1728 avec des réemplois d'une bâtisse du XVIe siècle. Quatre membres de la famille de Goyon, propriétaire du château, se distinguent au XIXe siècle :
- Michel-Augustin de Goyon, est préfet des Côtes-du-Nord pendant la première Restauration.
- Charles, son fils, est nommé aide de camp de Napoléon III en 1853, puis président du conseil général en 1861 et sénateur en 1862. Il devient duc de Feltre par décret impérial en 1866, et est élu député des Côtes-du-Nord de 1876 à 1889. En 1892, il achète le fort La Latte.
- Suit Auguste, élu président de la chambre d'agriculture des Côtes-du-Nord en 1924. »
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.