Sorti de l'École polytechnique en 1923[8], Honoré d'Estienne d'Orves s'engage dans la Marine nationale, élève officier à l'École navale. Il participe à la campagne d'application à bord du croiseur école Jeanne d'Arc.
En 1929, il épouse Éliane de Lorgeril, descendante de Louis de Lorgeril, maire de Rennes, avec qui il aura cinq enfants[9] : Marguerite, Monique, Rose, Marc (1937-2016), comte d'Estienne d'Orves, capitaine de corvette honoraire, Philippe, comte d'Estienne d'Orves.
Il est promu Lieutenant de vaisseau en 1930. En il est embarqué à bord du croiseur lourd Duquesne, comme aide de camp de l'amiral Godfroy[8], commandant la Force X. Cette escadre se trouvant internée à Alexandrie lors de l'opération Catapult le 3 juillet 1940, d'Estienne d'Orves ne se satisfait pas de l'inaction à laquelle il est contraint.
En , avec plusieurs de ses camarades, il tente de rejoindre le général Legentilhomme, commandant supérieur des troupes de la Côte française des Somalis, qui a annoncé son intention de refuser l'armistice[8]. La colonie s'étant finalement ralliée au gouvernement de Vichy en évinçant le général Legentilhomme, d'Estienne d'Orves décide, en , de rejoindre l'Angleterre[8].
Il parvient à Londres à la fin de septembre après un long périple autour de l'Afrique, il prend le nom de « Chateauvieux »[10] et se présente au quartier-général du général de Gaulle. Il est affecté au 2e bureau des Forces navales françaises libres[8].
Le , il est envoyé en mission en France : il traverse la Manche à bord d'un petit chalutier, accompagné du quartier-maîtreradiotélégraphiste « Georges Marty » (un Alsacien dont le vrai nom est Alfred Gaessler[8]). Ils débarquent à Plogoff (Pors Loubous). Installé à Nantes dans le quartier de Chantenay[8], il organise un réseau de renseignement en France, le réseau Nemrod[8]. Il établit la première liaison radio entre la France occupée et Londres. Du 6 au , il est à Paris, où il séjourne entre autres chez Max André, une connaissance d'avant-guerre, qui accepte, à sa demande, de monter un réseau de renseignement dans la capitale.
À son retour à Nantes, il est trahi par Alfred Gaessler[8] qui est en réalité un agent du contre-espionnage allemand[11]. Il est arrêté le [8], ainsi que les époux Clément, chez qui il se trouvait, et, par la suite, les vingt-trois autres membres du réseau. Les accusés sont transférés à Berlin puis à Paris où, le , la cour martiale allemande condamne Estienne d'Orves à mort ainsi que huit de ses camarades[8] qui sont transférés à Fresnes.
Les condamnés ne sont pas immédiatement exécutés. Ce sursis peut s'expliquer par la volonté du général von Stülpnagel, commandant des forces d'occupation en France, de garder des otages pour une occasion spectaculaire[8]. Il est aussi possible qu'il ait été tenu compte de la forte émotion provoquée par la condamnation d'un officier de marine, au point de susciter l'intervention du gouvernement de Vichy auprès des autorités allemandes[8]. L'amiral Darlan, vice-président du Conseil, intervient, le , dans le cadre de ses tractations avec les Allemands concernant les Protocoles de Paris[12], pour demander la grâce d'Estienne d'Orves à l'amiral Canaris, en proposant en échange la fourniture de renseignements provenant du centre d'écoutes secret des Oudaïas (Rabat), afin que les Allemands soient informés sur les mouvements de la Marine britannique[12] et le des militaires français, proches de la Résistance, sont arrêtés, dont André Beaufre, semble-t-il (selon Loustaunau-Lacau[12]) sur instructions de Darlan[12].
Le , c'est l'entrée en guerre de l'URSS et, le , le résistant communiste Pierre Georges — le futur colonel Fabien — abat de deux balles dans le dos l'aspirant d'intendance de la Kriegsmarine, Alfons Moser au métro Barbès[13],[8]. Le lendemain, les Allemands promulguent une ordonnance transformant les prisonniers français en otages[8] et le général von Stülpnagel profite de l'occasion pour faire un exemple[8]. En représailles, cent otages sont exécutés dont d'Estienne d’Orves le au Mont-Valérien, en compagnie de Maurice Barlier, sous-lieutenantFFL, et de Jan Doornik, officier hollandais[8].
D'Estienne d’Orves a laissé un journal où il exalte sa foi catholique et patriotique, ainsi que des lettres émouvantes à sa famille.
la station de métro parisien correspondante porte aussi son nom : Trinité - d'Estienne d'Orves, ainsi qu'au parking pour voitures avoisinant, où une plaque de marbre commémorative lui est dédiée ;
la cour d'honneur de l'hôtel de la Marine, ancien siège de l'état-major de la Marine, est dénommée cour Honoré d'Estienne d'Orves
le canot de deuxième classe de 8,50 m D'Estienne d'Orves, en service de 1948 à 1980, devenu ensuite jusqu'en 1990 canot de réserve ;
la vedette de deuxième classe de 10,50 m SNS 242 Capitaine de Frégate Honoré d'Estienne d'Orves, succédant au canot ci-dessus, mise en service en 1991, devenue vedette de réserve et de formation depuis 2013 à Saint-Nazaire.
Louis Aragon lui a dédié, ainsi qu'à trois autres résistants (Gabriel Péri, Gilbert Dru et Guy Môquet, soit deux chrétiens — d'Estienne d'Orves et Dru — et deux communistes — Péri et Môquet), son poème La Rose et le Réséda, qui contient les célèbres vers : « Celui qui croyait au Ciel/Celui qui n'y croyait pas ».
L'écrivain Ernst Jünger note dans son Journal : « Lu cet après midi les lettres d'adieu du comte d'Estienne d'Orves, fusillé après jugement du tribunal militaire, qui m'ont été communiquées par son défenseur. Elles constituent une lecture de haute valeur ; j'avais le sentiment de tenir entre mes mains un document qui demeurera. » (Premier journal parisien, ).
Le parc d'Estienne-d'Orves est un parc départemental de quinze hectares à Nice dans les Alpes-Maritimes[18]. Ce parc est situé sur une ancienne propriété de la famille d'Estienne-d'Orves.
Cependant, à Toulon (Pont du Las), rue Félix-Mayol, un collège portant son nom a été débaptisé dans les années 1980 (il se nomme désormais Pierre-Puget).
Les auditeurs de la 186e session en région de l'Institut des hautes études de Défense nationale (Nantes-Brest-Rennes de septembre à ) ont choisi de donner le nom « Honoré d'Estienne d'Orves » à leur promotion.
La Région des Pays de la Loire a choisi de donner son nom au lycée de Carquefou, ouvert à la rentrée 2017, mais l’opposition de gauche, ainsi que des enseignants et des parents d’élèves, ont protesté et réclamé le nom d’un scientifique[23]. Ils n'ont pas obtenu gain de cause.
↑Christian Bougeard, Histoire de la Résistance en Bretagne, Jean-paul Gisserot, coll. « Les Universels Gisserot », , 118 p. (ISBN978-2-87747-091-9, lire en ligne), p. 29.
↑Honoré d'Estienne d'Orves, pionnier de la Résistance : papiers, carnets et lettres, France-Empire, 1985, 284 p., p. 18.
↑Honoré d'Estienne d'Orves, pionnier de la Résistance : papiers, carnets et lettres, op. cit., p. 39.
↑ a et bOlivier Forcade, « Les milieux militaires et l'Action française de 1898 à 1940 », dans Michel Leymarie, Jacques Prévotat (éd.), L'Action française : culture, société, politique, Presses universitaires du Septentrion, 2008, 434 p. (ISBN9782757400432), p. 125.
↑Michèle et Jean-Paul Cointet, Dictionnaire historique de la France sous l'occupation, Paris, Tallandier, 2000, p. 286.
↑Jean-Marc Tanguy, « Des noms de héros et héroïnes de la Seconde Guerre mondiale pour les futurs patrouilleurs hauturiers », Le Marin, (lire en ligne, consulté le )
↑Centre de documentation pédagogique (CDDP) de l'Essonne, Lieux de mémoire en Essonne, CRDP de Versailles et conseil général de l'Essonne, 2005, travail d'élèves, d'un professeur et d'un parent d'élève du lycée de Vilgénis à Massy, primé au Concours national de la Résistance et de la Déportation.
↑Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis un nom une rue, une histoire, AMNR 93 et Paris, éditions de l'Atelier, 2004.
↑L'inventaire pour la région parisienne a été réalisé à partir du Répertoire de 300 communes autour de Paris, Paris, éditions l'Indispensable, 1986.
Présenté par Pierre de Bénouville, La Vie exemplaire de d'Estienne d'Orves, coll. « Histoire de la Résistance », Genève, éditions de Crémille, 1970, 334 p.
Rose Honoré-d’Estienne d’Orves et Philippe Honoré-d’Estienne d’Orves, Honoré d'Estienne d'Orves : pionnier de la Résistance, Paris, France-Empire, , 287 p. (ISBN978-2-7048-0879-3).
« Honoré d'Estienne d'Orves », dans Vladimir Trouplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, , 1230 p. (ISBN978-2-35639-033-2).
Honoré d'Estienne d'Orves, des monarchistes dans la résistance, collection Les Cahiers d'Histoire du nationalisme n°18, Synthèse éditions, Didier Lecerf, 2020, 200 p. (ISBN978-2-36798-064-5)