Une imposture est l'action délibérée de se faire passer pour ce qu'on n'est pas (quand on est un imposteur), ou de faire passer une chose pour ce qu'elle n'est pas (supercherie, mystification, escroquerie, voire canular). La nature d'une chose ou l'identité d'une personne se révèle en définitive différente de ce qu'elle laissait paraître ou croire. C'est une forme de tromperie.
Ce mot provient du latin imponere : « abuser quelqu'un »[1], et ne donne pas naissance, en français, tout comme le mot « supercherie », à un verbe : on dit en revanche, « abuser », « mystifier », « tromper », « escroquer », etc., suivant les contextes.
Il existe de nombreuses formes d'impostures. Ce mot a une connotation négative, voire insultante, surtout en sa forme adjectivale, « imposteur ». Dans l'ordre du discours, on « dénonce » une imposture (et/ou l'imposteur, auteur de la tromperie), ce qui revient à en démonter les mécanismes, à lever le voile.
Son utilisation en tant que mode de manipulation peut être anodine et limitée, mais obéit aussi dans certains cas à des desseins d'escroquerie ou de propagande.
L'imposture soulève de nombreuses problématiques : sociologique (la « comédie humaine »), psychologique (crise identitaire, sentiment d'imposture), philosophique, politique, etc.
Elle caractérise de façon quasi anthropologique la plupart des faits ou actions humaines : les simulacres mis en place (masques, phénomènes illusifs, discours invérifiables, etc.) participent d'un jeu continuel, celui de la représentation, un jeu organisé et parfois inconscient, qui oppose ou confond vérité et mensonge, profane et sacré (voir les analyses de René Girard[Où ?] et Jean Baudrillard (Simulacres et Simulation)[2]). Ainsi, dans les années 1980, les nouveaux romanciers ont publié des autobiographies qui, tout en autorisant une lecture référentielle de leurs œuvres, constituent des « impostures de la conscience et des dissimulations de l'inconscient »[3].
D'autres penseurs comme Guy Debord, constatant que puisque « tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans la représentation », à l'heure de la « société du spectacle généralisé », il convient désormais de rassembler les « conditions du vrai »[4]. La vision « postmoderne » du monde actuel renverrait donc notre système à une vaste imposture, vision en définitive assez proche de celle des gnostiques aux premiers siècles de notre ère, par exemple.
Mais l'imposture, en tant que discours construit ou scénario prémédité, peut aussi être vue comme un mensonge parfois nécessaire, voire indispensable, lorsqu'elle permet de maintenir la cohésion sociale d'un groupe, ou simplement la survie d'un individu en tant qu'acteur social.
Certains psychologues (par exemple, Donald Winnicott[Où ?]) suggèrent la nécessité de « l'invention de soi » : se constituer en tant qu'individu relève d'une conviction progressive à géométrie variable, d'une fictionalisation du Moi, tant que le regard des autres valide ou accrédite nos actes. L'imposteur n'existe que parce que les autres ferment les yeux, se taisent ou en jouent.
Le cas des « prétendants » : au cours des époques passées, de nombreux individus sont apparus sur la scène publique, prétendant être une personnalité connue et que l'on pensait décédée. Il y eut ainsi de nombreux Louis XVII à l'issue de la Révolution française, mais aussi de faux Dimitri à la mort du tsar Ivan IV dit le Terrible, sans parler des nombreuses prétendues « princesses Anastasia ».
Le cas des « substitutions » : de nombreuses personnalités ayant marqué l'Histoire sont entourées d'un halo de mystères quant à leur parcours biographique, plus précisément au moment où leur notoriété s'affirme ou à l'instant de leur mort. Citons l'homme au « Masque de fer » (un héritier de Louis XIII, écarté par Mazarin ?), ou plus près de nous, Paul McCartney[Quoi ?]. Cette ambiguïté repose sur des lacunes documentaires, des rumeurs ou légendes, des coïncidences, des faits troublants ou des témoignages contradictoires, et bien souvent le résultat d'imposture (récits fabriqués). La question de l'identité de Jeanne d'Arc, dont bien des détails de la vie restent nécessairement obscurs (par exemple, son entretien avec Charles VII de France), pose un problème pour certains historiens. Les conditions particulières de son exécution (visage voilé, corps placé en hauteur et à distance de la foule) suggèrent entre autres qu'elle ne serait pas montée sur le bûcher mais remplacée par une autre victime[5].
On appelle parfois « imposture historique », tel événement ou période enseignés par l'Histoire (récit officiel) et qui s'avère après un temps donné, de recherche ou de témoignage validé, ou suivant les circonstances, totalement ou en partie fausse. Les exemples de manipulations de faits et documents historiques sont nombreux et parfois contemporains (situation politique de type dictatorial ou simplement autoritaire).
Des écrivains comme Maurras ou Bernanos[6] ont fait remarquer que l'imposture est souvent utilisée pour masquer ce qui apparaîtrait sinon comme une illégitimité, surtout dans un cadre politique. L'exemple qu'ils donnaient était celui du sacre de Napoléon, dont la pompe était censée faire oublier les origines modestes de l'Empereur. Au XXe siècle, le Shah d'Iran organisera les prestigieuses fêtes de Persépolis célébrant « 2 500 ans de monarchie ininterrompue » alors que sa propre dynastie se limite à deux générations. Le conte de Perrault, Le Chat botté, enseigne aux enfants qu'un titre imaginaire (ici, celui de marquis de Carabas) peut s'avérer utile même quand rien ne le fonde. La pièce de Jules Romains, Knock, reprendra cette idée, tandis que celle de Molière, Le Tartuffe, démontrait déjà que « l'habit ne fait pas le moine ».
Dans tous les systèmes juridiques et depuis l'Antiquité, certaines formes d'impostures, commerciales ou d'identité notamment sont interdites. En France, un amendement introduit dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte adoptée en 2015 fait juridiquement considérer l'obsolescence programmée des produits comme une tromperie (application non-rétroactive)[7].
L'imposture est parfois liée à l'utilisation biaisée de certaines méthodes de communication. Le développement rapide d'Internet, des réseaux sociaux et des techniques actuelles de télécommunication mobiles (smartphones, tablettes tactiles) en ce domaine est ambivalent, comme l'était déjà la langue d'Ésope, il multiplie les possibilités de créer et diffuser des impostures, (internet, anonymat, pseudonyme et identité supposée), mais aussi celles de les détecter et de les dénoncer. Ainsi, Internet permet de créer le hoax ou canular informatique qui possède une valeur véridictoire parfois supérieure au canular strictement oral (« c'est écrit, c'est donc que c'est vrai »).
L'apparition de la télévision, et d'une manière générale à chaque fois qu'une technologie de communication surgit, a produit une série de mises en garde (voir 1984 de G. Orwell) et un sentiment de défiance tant du côté du pouvoir que du public, la télévision pouvant devenir le lieu d'imposture relevant de la manipulation.
Les techniques publicitaires : bien qu'ils souscrivent à une forme de déontologie, les publicitaires accordent à leurs discours un statut véridictoire dans la forme, la question du fond (ce produit fait-il des miracles ou non ? rend-il heureux ou non ?) tend, elle, à relever parfois de l'imposture, voire du mensonge assumé.
Plus généralement, le théâtre, et plus précisément la scène, est le lieu d'une représentation parfaitement codée pour un public : ce dernier se laisse mystifier par les artifices (comme le maquillage, les costumes, les décors tournants, les éclairages, etc.) et la dramaturgie (situations, mort simulée, scène d'amour ou de colère, etc.). Pirandello fut l'un des premiers à repenser la scène théâtrale par delà les frontières scène/publics, créant ainsi une illusion de confusion entre « le jeu » et « la vie réelle », faisant même croire à une forme d'improvisation.
En revanche, des compagnies professionnelles d'improvisation théâtrale[8] se sont spécialisées dans la mise en scène d'impostures. Lors d'un repas dans un restaurant, vous pouvez très bien être servi par de faux-serveurs. « L'impro-sture » permet alors de surprendre et de tester les réactions des convives dans des situations souvent rocambolesques.
L'imposture a donc ici à voir avec le canular ou la blague, dûment préparé : si la fameuse Caméra invisible inventée à la fin des années 1950 considère la rue en tant que scène comique destinée à la télévision comme plus tard les impostures de Jean-Yves Lafesse (qui se sert aussi du téléphone, de l'annuaire et de la radiophonie), c'est pour produire un résultat comique : la confusion de la personne dupée, les mécanismes pour la tromper (scénario et improvisation).
Ces mécanismes étaient déjà largement connus et utilisés aux temps des foires et des marchés, et ce depuis le Moyen Âge où se formaient de multiples scènes occupées, outre par les comédiens, par les bonimenteurs, les charlatans, les montreurs d'ombres chinoises, les dompteurs, les illusionnistes, et plus tard dans le cadre des fantasmagories et des autres artifices illusionnistes : une partie du public savait distinguer le faux du vrai, une autre servait de « gogo », une autre enfin était complice avec le producteur du spectacle.
Dans le milieu de la recherche scientifique, il existe différentes pratiques :
Il existe en cas de conflit ou de risque de conflit, et ce dans la plupart des secteurs de la recherche scientifiques, des comités d'éthique indépendants composés d'experts qui garantissent la probité des résultats.
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Ces impostures sont variées :
L'imposture sert de thème à de nombreux films et séries. Citons par exemple :
Il existe aussi de faux films ou metteurs en scène. Il s'agit là de supercheries. Il ne faut pas confondre avec le « mockumentary » (parodie de documentaire) par exemple Borat. Pour citer un cas français de metteur en scène qui n'a jamais existé : Maurice Burnan dont une filmographie est publiée par la revue Positif en 1960 à la suite d'une remarque d'André Bazin en 1947 (in La Revue du cinéma), laquelle publiera même des photogrammes présentés comme tirés de ses prétendus films, créant ainsi un mythe[14].
Dans le domaine de la production de textes (sous différentes formes) principalement la fiction et l'essai[15].
Il faut distinguer :
Supercherie et imposture se dénoncent. La première tient plus du jeu littéraire, de la blague ; la deuxième prend une dimension souvent scandaleuse et péjorative, comme le font Le Talmud démasqué, une fausse enquête lituanienne de 1892, fréquemment diffusée au long du XXe siècle[17],[18], ou visant le même sujet d'opprobre, Les Protocoles des Sages de Sion, inventés par la police secrète russe en 1903 et devenus un best-seller à l'échelle internationale, ouvrages demeurant populaires à ce jour dans les milieux antisémites et également dans ceux qui ne veulent pas l'être ou le paraître[19],[20].
Une supercherie qui ne saurait cesser de l'être peut se voir qualifier a fortiori d'imposture : la supercherie est le processus, la construction littéraire et intellectuelle qui mène au résultat, un texte, bien souvent une œuvre de création à part entière. L'imposture, sans nier la part créative qui la sous-tend, met en jeu la tromperie à des fins pécuniaires et/ou idéologico-politiques aux conséquences parfois dramatiques d'un point de vue social et économique, qui déborde largement le domaine littéraire. Parmi les impostures et supercheries littéraires célèbres, on peut citer Vie et mort d'Émile Ajar, alias Romain Gary, La vie sexuelle de Kant de Botul, l’œuvre de Judith Forest, auteure supposée (en réalité William Henne, Xavier Löwenthal et Thomas Boivin) ou encore Frantico.
Enfin, il faut distinguer l'imposture (l'acte vicié, le fait constaté), du sentiment d'imposture : très ténu, ce sentiment affecte toute personne en proie au doute quant à ses fonctions (son statut), son rôle, son humanité même. De très nombreux personnages de fictions se caractérisent par un « sentiment d'imposture », comme le scribe Bartleby d'Herman Melville, Joseph K. dans Le Procès de Kafka ou l'avocat dans La Chute d'Albert Camus, par exemple[21]. Ce sentiment s'apparente au syndrome de l'imposteur.