Il est élu à l'Académie française le au fauteuil du cardinal Lustiger, dont il était très proche, et dont il prononce l'éloge lors de son discours de réception le . Il appartient également à la commission du Dictionnaire[6].
Le , Jean-Luc Marion a été nommé membre du Conseil pontifical pour la culture (dicastère de la Curie romaine) par le pape Benoît XVI. Il est également doctor honoris causa de nombreuses universités étrangères.
En 2014 puis en 2023, il est invité à prononcer les Gifford Lectures à l'université de Glasgow.
Il fut un ami proche du philosophe et phénoménologue Michel Henry, et aussi élève de Jacques Derrida à l'ENS, avec lequel il a eu un long débat sur le statut phénoménologique du don[7].
Il est catholique[8],[9] et fut un proche collaborateur de l'archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger.
Son œuvre peut se diviser en quatre champs de recherche principaux :
l'histoire de la métaphysique, abordée à partir de son moment cartésien (la place et le rôle de René Descartes dans le système et l'histoire de la métaphysique[10]) ;
la phénoménologie contemporaine, qu'il radicalise pour la penser à partir de la donation pure et de la saturation ;
la théologie chrétienne, où Dieu est conçu au-delà de l'être, à l'opposé de son identification métaphysique à un étant premier ou à une cause première ;
une philosophie de l'amour, qui se fonde sur la pensée de l'éthique par Lévinas pour faire de l'amour la modalité essentielle du rapport à autrui.
Sa pensée se situe dans la postérité d'Edmund Husserl et de Martin Heidegger[11]. Elle est également influencée par l'historien de la philosophie Ferdinand Alquié - dont il a été l'assistant[12] - et le théologien Hans Urs von Balthasar[13]. Mais c'est véritablement comme commentateur de Descartes que Jean-Luc Marion a commencé sa carrière et que son travail a intéressé ses pairs[14].
Dans le prolongement d'Emmanuel Levinas, il entend ainsi montrer que la question de l'être, qui définit de part en part la métaphysique, n'est pas fondamentale, et qu'elle doit être dépassée à la fois par une question éthique redéfinie comme amour, et par la transcendance théologique (cf. Dieu sans l'être). C'est sur ces bases qu'il développe une phénoménologie de l'amour, dans Prolégomènes à la charité (1986) et Le Phénomène érotique (2003). Dans ce dernier ouvrage, il souhaite penser à nouveaux frais la question de l'émergence de la subjectivité: contrairement à Descartes, il affirme que ce n'est pas dans le repli de la conscience qu'elle peut se poser comme existante. Ainsi c'est autrui, par son amour et l'intentionnalité de son acte d'amour, qui est seul capable d'armer la certitude de soi face à l'assaut de la vanité contre laquelle, selon Marion, l'ego certain de lui-même ne tient pas.
Marion approche la phénoménologie à partir du thème de la donation et du don (Réduction et donation, Étant donné, De surcroît) et en redéfinissant la phénoménalité à partir du concept de « phénomène saturé ». Alors que Husserl n'avait envisagé le phénomène que dans les cas d'une pénurie d'intuition incapable de valider l'intention de sens et de l'adéquation entre intention et signification permettant de produire l'évidence[réf. nécessaire], Marion envisage le cas d'un surcroît irréductible d'intuition sur la signification, c'est-à-dire de la saturation du concept, qui lui permet d'inverser le sens même de la phénoménologie par le concept d'anamorphose, où la subjectivité constituante se laisse dicter les conditions d'apparition du phénomène[pas clair].
Dominique Janicaud reproche à ce titre à Jean-Luc Marion, à l'instar d'autres philosophes de la phénoménologie française des années 90, de mettre son travail philosophique au service de sa foi, participant ainsi à un « tournant théologique de la phénoménologie française ». C'est en la personne de Jean-Luc Marion que Janicaud trouve un interlocuteur pour alimenter le débat[15]. En 1999, Janicaud publie La Phénoménologie éclatée, dans lequel il poursuit son enquête, en insistant particulièrement sur Marion. En avril 2009, Gallimard, avec l’accord des éditions de l’Éclat, publie ensemble Le Tournant théologique de la phénoménologie française et La Phénoménologie éclatée sous le titre de La Phénoménologie dans tous ses états.
Plus généralement, le philosophe Jacques Bouveresse note en 2009 qu'« il y a dans la philosophie française un lien extrêmement étroit qui s’est maintenu entre théologie et philosophie et qui subsiste à travers des gens comme Jean-Luc Marion, par exemple, vraiment typique, le grand philosophe catholique qui est devenu académicien. »[16]
Marion développe également une philosophie de l'art à partir du concept de phénomène saturé, en s'intéressant plus particulièrement à la peinture de Mark Rothko et de Gustave Courbet, mais aussi à Hergé auquel il a consacré un petit livre Hergé. Tintin le terrible ou l'alphabet des richesses.
Jean-Luc Marion est passionné par la figure et la pensée du général de Gaulle. En 2017, il soutient la candidature de François Fillon à la Présidence de la République. Dans Brève apologie pour un moment catholique, il souligne l'importance politique de la religion et affirme que seule la communion des croyants peut fonder la communauté civique[17].
Selon Emmanuel Falque, son livre le plus important est le traité de phénoménologie Étant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation paru en 1997, qu'il compare « sinon à une nouvelle Critique de la raison pure, au moins à une Critique de la raison pure inversée »[18].
Son style a été jugé d'un abord difficile par plusieurs commentateurs[19],[20].
Au lieu de soi, l'approche de saint Augustin, Paris, PUF,
Ouvrage issu d'un cycle de conférences données en 2004 sur la lecture et l'interprétation des Confessions sur un mode non métaphysique, au moyen des principaux concepts élaborés dans une logique phénoménologique. L'enjeu est double : tester la validité herméneutique des concepts de donation, de phénomène saturé, retrouver dans l'œuvre l'itinéraire d'une approche au lieu de soi.
Philosophie de Jean-Luc Marion, Phénoménologie, théologie, métaphysique, sous la direction de Philippe Capelle-Dumont, coll. Rue de la Sorbonne, Ed. Hermann, .
Dan Arbib, « Philosophie et histoire de la philosophie : J.-L. Marion interprète de Descartes », in Ph. Capelle-Dumont (éd.), Philosophie de Jean-Luc Marion, Paris, Hermann, 2015, p. 107-123.
Dan Arbib, « L’infini et la chair, ou l’unique percée cartésienne », in C. Ciocan & A. Vasiliu, éd., Lectures de Jean-Luc Marion, Paris, Cerf, 2016, p. 135-150.
Dans le film Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996), le personnage principal offre à son amante Prolégomènes à la charité, en disant de l'ouvrage et de son auteur : « Je m'intéresse beaucoup à la théologie. J'ai lu tous ses livres. Je sais pas… Celui-là, j'ai dû l'offrir cinq fois ! ». Mais quand il demande à l'amante en question si elle a aimé le livre, elle s'exclame : « Tu aurais pu m'offrir des bijoux quand même ! Et tu m'offres un livre de l'autre emmerdeur, là… »
↑Marc Boss, « Jean-Luc Marion, Étant donné. Essai d'une phénoménologie de la donation », Autres Temps, vol. 61, no 1, , p. 115–117 (lire en ligne, consulté le )
↑"Sur le don – débat entre J.-L. Marion et J. Derrida", in Figures de phénoménologie, Paris, Vrin, , 220 p. (ISBN978-2-7116-2422-5), pp. 189-214
↑Jean-Luc Marion, interviewé par Jean Sévillia, « Jean-Luc Marion : "De quel droit refuser aux citoyens catholiques de défendre leurs options ? », Le Figaro Magazine, semaine du 26 mai 2017, pages 34-38.
↑Sur le rapport entre philosophie et histoire de la métaphysique, cf. D. Arbib, « Philosophie et histoire de la philosophie : J.-L. Marion interprète de Descartes », in Ph. Capelle-Dumont (éd.), Philosophie de Jean-Luc Marion, Paris, Hermann, 2015, p. 107-123.
↑(en) Risto Saarinen, God and the Gift : An Ecumenical Theology of Giving, Liturgical Press, , 149 p. (ISBN978-0-8146-3013-6, lire en ligne), p. 26
↑Cf. D. Arbib, « L’infini et la chair, ou l’unique percée cartésienne », in C. Ciocan & A. Vasiliu, éd., Lectures de Jean-Luc Marion, Paris, Cerf, 2016, p. 135-150.
↑Denis Fisette, « Phénoménologie et métaphysique : remarques à propos d'un débat récent », dans Luc Langlois et al., (dir.), La métaphysique : son histoire, sa critique, ses enjeux, Paris/Montréal, Vrin/Presses de l'Université de Laval, (lire en ligne), p. 91-116
↑Cf. Emmanuel Falque, « Phénoménologie de l'extraordinaire », numéro spécial de la revue Philosophie, no 78, 2003, Éditions de Minuit, p. 52.
↑Dans sa réponse au discours de réception de Marion à l'Académie française, Mgr Dagens déclare : « Il m’arrive, Monsieur, de partager les tourments de vos lecteurs non initiés à la phénoménologie lorsqu’ils essaient de vous comprendre. [...] on pourrait avoir l’impression que vous jouez avec les mots, en les faisant cliqueter à plaisir ».Fichier pdf de la réponse sur le site du Monde.
↑Recension de Certitudes négatives sur le site Actu philosophia : [2], où l'on souligne également le cadre théologique de ses démonstrations philosophiques.