On sait peu de choses sur les premières années de sa vie et de sa carrière. Il reçut sans doute une éducation aux Pays-Bas, comme la plupart des compositeurs de sa génération. Certains biographes l’identifient avec un certain Ioannes Martinus, mentionné par un écrivain du XVIe siècle, Jacques de Meyere, comme ayant deux frères du nom de Thomas et Petrus, tous cantores (chantres) originaires d'Armentières. Un document précise le lieu d'origine du compositeur comme Luce ; si cela fait référence à Leuze-en-Hainaut, près de Tournai, ou à Leuze près de Namur est incertain.
Dans une lettre du , écrite par Hercule Ier d'Este de Ferrare à l'évêque de Constance, le duc nouvellement installé annonce son intention de créer une chapelle musicale à sa cour et d'embaucher un D. Martinus de Alemania, qui, quoique séjournant à Ferrare, était en service à Constance. On ignore si ce chanteur était le Johannes Martini, cantor capelle (chantre de la chapelle) qui demeurera plus tard à Ferrare. D'autre part, un document du nous apprend qu'un Giovanni d'Alemagna avait été installé à la chapelle ducale à Ferrare ; cela fait sans doute référence au compositeur. La longue association de Martini à la chapelle ducale commença sans doute au plus tard en janvier 1473 et dura, selon toute vraisemblance et à l'exception d'une brève interruption en 1474, jusqu'à sa mort. Il aurait donc trouvé, peu avant 1473, un emploi à la chapelle ducale de Ferrare, où Hercule Ier d'Este aspirait à atteindre, pour sa cour, un niveau de culture musicale comparable à celui de quelques autres centres aristocratiques de l’Italie.
Par un permis de voyage, délivré le par Galéas Marie Sforza, on est informé du bref passage du compositeur par la chapelle - rivalisant avec celle des Este - du duc Galéas à Milan, et de sa visite à Mantoue. Sur la liste des chanteurs de la chapelle des Sforza, établie le , figurent Martini, Compère et Josquin ; tous trois ils reçurent l'allocation relativement modeste de cinq ducats par mois. Une précédente liste des chanteurs de la cour milanaise, compilée quelque part entre 1472 et 1474, ne comprend pas son nom, et les dossiers judiciaires montrent qu'il revint à Ferrare en novembre 1474. En juillet 1474, Martini devint membre de la chapelle, réputée, de la famille Sforza à Milan, comme le firent aussi Loyset Compère, Gaspar van Weerbeke et quelques autres compositeurs, originaires des Pays-Bas bourguignons, qui représentent la première vague de polyphonistesfranco-flamands en Italie (cela, toutefois, sans tenir compte de la période située vers 1400 ni de la présence d'une personnalité comme Johannes Ciconia et de plusieurs autres compositeurs natifs des Pays-Bas et actifs en Italie à cette époque). En novembre, Martini revint à Ferrare. La cause de son départ, suivi de son retour, n’est pas connue. Mais comme la chapelle à Milan était la plus renommée de l’Europe, il est envisageable qu’il fît une prospection sur l'ordre de son employeur à Ferrare, afin de se perfectionner dans l'art du chant et dans la maîtrise de la composition[2]. Quoi qu’il en soit, encore le , il est répertorié comme ayant droit à un sauf-conduit, tout comme Japart, de Lannoy et Compère, pour quitter Milan après l’assassinat du duc Galéas en 1476[3]
Pour 1479, il existe une preuve de paiement pour un Libro da canto da vespero per la capella … composto per Giovan Martin componitore (livre de chant des vêpres pour la chapelle, … composés par Johannes Martini, compositeur) ; ce qui correspond sans doute avec le grand manuscrit en deux volumes I-MOe ?.M.1.11-12. Ces deux volumes contiennent des psaumes de vêpres, des hymnes et des mises en musique du Magnificat attribuées à Johannes Martini et Giovanni Brebis, un autre membre de la chapelle de Ferrare. C'est l'un des plus anciens manuscrits connus contenant de la musique sacrée, en particulier des psaumes pour double chœur, et il reflète la répartition de la chapelle de la cour en un double chœur depuis les premières années du règne d'Hercule jusqu’en 1482, comme l’a souligné l'écrivain contemporain Giovanni Sabadino degli Arienti.
Les livres de comptes de l'établissement ducal de musique à Ferrare le mentionnent, dans ces années-là, comme Zohane Martini de Barbante[2] ou de Brabantia et de Fiandra (donc de Brabant ou de Flandre, ce qui rend probable une origine néerlandophone) [4] et aussi comme Zohane Martino todescho cantadore compositore (donc un chanteur et compositeur d’origine allemande), le reconnaissant comme un compositeur occupant une position dirigeante dans la chapelle.
Martini fut bien récompensé par son employeur : non seulement reçut-il un salaire supérieur à la moyenne, mais aussi lui donna-t-on une maison à Ferrare et bénéficiait-il de revenus provenant de bénéfices obtenus pour lui avec l'aide du duc.
C'est la correspondance entre le duc Hercule et ses ambassadeurs à Rome qui a démontré que Martini se rendit à Rome, en février 1487 et de nouveau en novembre 1488, afin de négocier ses prétentions à certains bénéfices.
En 1491 et en 1492, Martini correspondait avec la fille d'Hercule, Isabelle d'Este ; il se peut que le compositeur ait été son professeur de musique avant qu’elle ait épousé François II Gonzague à Mantoue, le . Martini prend aussi une place prépondérante dans une importante collection de chansons, portant les armes des deux familles Este et Gonzague et rassemblée à l’occasion et en l'honneur du mariage (I-Rc 2856).
Un portrait dont on a souvent cru qu’il représentait Martini se trouverait dans une initialeenluminée du folio 2v de I-Fn BR229 (imprimée dans Reese, pl.III), mais Brown a jeté un doute sur cette question dans son édition du manuscrit[5].
Martini a composé aussi bien de la musique sacrée que de la musique profane. La prééminence des messes sur les motets est plus caractéristique de la génération d’un Dufay tardif ou d'un Ockeghem que de celle de Josquin. Comparé à Josquin, Martini donne l'impression d'être un musicien plus conservateur qui attache plus d’importance aux dispositifs structuraux qu’à l'expression du texte[5].
Caractéristiques de sa musique sont d’habiles dispositifs imitatives et un style contrapuntique élaboré où cela convient au genre (comme dans ses messes et motets) ; Martini a intensivement recours à la répétition à petite échelle de motifs et de l'écriture séquentielle, qui se rapproche parfois fort de celle d’Obrecht. D'autre part, ses psaumes pour les vêpres sont écrits, avec Brebis, dans un style homophonique simple approprié à leurs fonctions liturgiques[6].
Martini composa des messes, des motets, des psaumes, des hymnes et des œuvres profanes, y compris des chansons. Le style conservateur de sa musique se rapproche de celui de l'École bourguignonne, plus ancienne, ce qui est surtout audible dans ses messes. Quelques ressemblances stylistiques avec l'œuvre d’Obrecht pourraient indiquer que les deux compositeurs se sont connus. On ne peut exclure que Martini ait vu des partitions d’Obrecht. En 1487, Obrecht demeura à Ferrare et ses compositions circulèrent déjà en Italie au début des années 1480.
Certains des exemples précoces du genre de la messe paraphrase furent écrits par Martini. Ses messesdominicalis et ferialis, hypothétiquement datées dans les années 1470 au plus tôt, emploient des techniques de paraphrase dans la voix du ténor, qui est généralement la partie qui porte le cantus firmus. La messe contient le même matériau mélodique dans les autres voix, à l’endroit où commence l'imitation. Au début du XVIe siècle, la technique de la paraphrase s’apprêta à devenir la formule la plus courante pour composer un cycle de messe[7].
Bien que Martini fût un compositeur prolifique de messes relativement conservatrices, il était également le premier compositeur à composer des psaumes pour double chœur antiphonique. Ce style, qui ne devint en vogue que soixante-dix ans plus tard, en particulier à Venise sous Adrien Willaert, ne semble pas avoir eu beaucoup d’adeptes en son temps, même si ce fut une innovation remarquable.
Ses œuvres profanes comprennent des mises en musique de chansons sur des paroles françaises et Italiennes[6]. Une curiosité particulière dans l’œuvre est Fuge la morie, composition conservée dans trois sources différentes, cependant sans notation des paroles, c'est-à-dire dans la mesure où, à la différence des deux manuscritsitaliens, celui de Ségovie - quelque peu plus récent - est doté d’un incipit en moyen néerlandais, Scoen Kint, les autres paroles de la chanson étant manquantes[8].
Édition : Johannes Martini, The Masses, éd. E. Moohan & M. Steib, RRMMA, xxxiv-xxxv (1999), 34-5 [toutes les messes et information complète sur les sources]
Missa ‘Au chant de l´alowete’, à quatre voix, anonyme dans I-Rvat S Pietro B80, attribuée à Martini dans Reynolds, 1995 ;
Missa de Beata Virgine, à quatre voix, anonyme dans Rvat C.S.35, VEcap DCCLXI, attribuée à Martini in Llorens, 1960 (seulement Kyrie, Gloria) ;
Missa ‘La mort de St Gotharda’, à quatre voix, anonyme in MOe ?.M.1.13, attribuée à Martini in Nitschke ;
Missa ‘Nos amis’, à quatre voix, anonyme in MOe ?.M.1.13, attribuée à Martini in Nitschke ;
Missa ‘O rosa bella’ III, à quatre voix, 2 versions, éd. in DTÖ, xxii, Jg.xi/1 (1904/R), anonyme in MOe et full source information ?.M.1.13, anonyme in CZ-Ps D.G.IV.47, I-TRbc 1376 [89], attribuée à Martini dans Strohm, 1985 ; disputée par Steib, 1996
Missa ‘Regina celi’, Gloria, Credo, à quatre voix, anonyme in TRbc 1378 [91], attribuée à Martini et éd. dans Leverett, 1990 ;
Perfunde celi rore, à quatre voix, anonyme in TRbc 1378 [91], attribué à Martini et éd. dans D (sans doute écrit en 1473 en l’honneur du mariage d’Hercule Ier d'Este et Éléonore de Naples) ;
Cayphas, à trois voix, éd. in RRMMA, i (1975), composition attribuée à Martini et Compère in E-SE s.s. ;
Je bandone, à trois voix, anonyme in I-Rc 2856, chanson attribuée à Martini dans Wolff, 1970 ;
Malheur me bat, à trois voix, B, éd. in RRMMA, i (1975), chanson attribuée à Martini in Fn B.R.229, Rvat C.G. XIII.27, attribuée à Ockeghem dans –15011, chanson attribuée à Malcort in I-Rc 2856, anonyme dans quatre autres sources et deux tablatures.