Le Vicomte de Bragelonne | ||||||||
« Héritiers de noms évocateurs pour le lecteur des Trois Mousquetaires », le duc de Buckingham et le comte de Wardes se battent en duel à Calais, sur la grève crépusculaire à marée montante. La scène symbolise la « mélancolie de l'Histoire » aux yeux d'Alexandre Dumas[1]. Estampe annonçant une réédition du roman-feuilleton dans le journal illustré Les Bons romans, 1861. | ||||||||
Auteur | Alexandre Dumas avec la collaboration d'Auguste Maquet |
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Pays | France | |||||||
Genre | Roman historique | |||||||
Éditeur | Le Siècle | |||||||
Date de parution | 1847-1850 | |||||||
Chronologie | ||||||||
Série | Trilogie des Mousquetaires | |||||||
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Le Vicomte de Bragelonne est un roman français, faisant suite aux Trois Mousquetaires et Vingt Ans après et constituant le dernier volet de la trilogie des Mousquetaires. Il fut publié de 1847 à 1850 par Alexandre Dumas et la collaboration d'Auguste Maquet, d'abord dans le journal Le Siècle, sous le titre Les Mousquetaires, trilogie, indiquant que « Le Siècle a commencé le 20 octobre[2] la publication de la troisième et dernière partie, Le Vicomte de Bragelonne ».
Le roman dépeint la cour du jeune Louis XIV et propose une solution très romanesque au mystère de l'homme au masque de fer. Bien que n'occupant qu'une partie du roman, ce dernier épisode en est le plus connu, et a donné lieu à la plupart des adaptations tirées du livre. Le personnage qui donne son titre au roman est Raoul de Bragelonne, fils naturel du mousquetaire Athos.
La parution du roman en feuilleton fut plusieurs fois interrompue, du fait de la révolution de 1848, de la ruine de Dumas ainsi que de sa candidature malheureuse aux élections législatives.
Une suite à ce roman était initialement prévue. Elle portait le nom d'un fils de Louis XIV et de Louise de La Vallière, Le Comte de Vermandois ; elle ne verra jamais le jour[3],[4].
L'action se déroule entre et alors que d'Artagnan et Athos participent chacun à sa façon à la restauration de Charles II au trône d'Angleterre. L'année suivante commence en France le règne personnel de Louis XIV, qui engage d'Artagnan dans sa lutte contre le surintendant Fouquet
Tandis qu'à Paris, le cardinal Mazarin est sur sa fin, le prétendant au trône de Grande-Bretagne Charles II, accompagné par le valet Parry, est venu en France pour demander à son cousin Louis XIV de l'argent ou cent gentilshommes pour lui permettre de reprendre son trône. Louis répond qu'il n'est pas roi mais qu'il fera pour lui ce qu'il n'a jamais fait pour lui même, demander. Néanmoins, son ministre Mazarin le contraint à refuser l'aide promise. Le lendemain, Louis laisse Marie Mancini quitter la France. D'Artagnan, toujours lieutenant et témoin de la scène, présente sa démission au roi, qu'il trouve trop faible face au ministre. L'ex-mousquetaire, après avoir cherché vainement ses anciens compagnons, se rend ensuite chez Planchet, devenu épicier important de la rue des Lombards, et lui propose de financer la restauration de Charles, en l'envoyant lui et quelques hommes enlever le seul homme placé sur la route du prétendant, le général Monck.
Pendant ce temps, Charles, ayant rencontré par hasard, grâce à Parry, Grimaud, rend visite au comte de La Fère. Celui-ci lui apporte son soutien et son aide : il sait, par le secret que Charles Ier lui a confié sur l'échafaud, qu'une fortune appartenant aux Stuarts est cachée justement là où Monck, alors en guerre contre Lambert, se trouve. Il propose au prince d'aller à Newcastle lui chercher ce trésor. Athos et d'Artagnan partent donc tous les deux en Angleterre, et convergent vers le même endroit en ignorant tout des intentions l'un de l'autre. Au camp de Monck, celui-ci rencontre Athos, qui ne lui cache aucune de ses intentions. Monck l'autorise tout de même à emporter l'argent, car il pense que celui-ci ne suffira pas à Charles pour reconquérir son trône. D'Artagnan, déguisé en pêcheur, alors qu'Athos attend le retour de Monck pour s'en aller, enlève le général et le conduit aux Pays-Bas, là où Charles s'est établi. Le prince, magnanime, décide de laisser Monck retourner en Angleterre accompagné par D'Artagnan. Ramenés à Newcastle, Monck et d'Artagnan arrivent à temps pour sauver la vie d'Athos, alors assiégé dans une auberge par l'armée du général disparu qui l'accuse de son enlèvement.
Après la désertion jour après jour de l'armée de Lambert, Monck rentre à Londres et annonce sa volonté de marcher au devant de Charles, après lui avoir renvoyé Athos et avoir pacifié l'Angleterre. Le roi restauré, Monck, Athos et d'Artagnan récompensés (Monck devient Duc D'Albermarle, Athos reçoit la Toison d'Or et D'Artagnan reçoit 300 000 livres), les Français s'apprêtent à repartir en France.
Charles II, avant que d'Artagnan ne parte, lui fait présenter le duc de Buckingham (fils du précédent duc, que d'Artagnan a tenté de sauver), et surtout la sœur du roi, Henriette, dont Buckingham est amoureux. Le roi de Grande-Bretagne envoie également Athos proposer au roi de France la main de sa sœur pour Monsieur, le frère du roi.
Alors que d'Artagnan va chez Planchet pour lui expliquer comment il a ramené le quintuple de ce que son ancien valet lui avait confié, Athos va donc à la cour pour proposer l'alliance franco-britannique, alliance rapidement acceptée par la famille royale.
Mazarin meurt peu après, mais avant de mourir fait une donation refusée par le roi de 42 millions de livres. Puisque le roi refuse cet héritage, il fait alors deux présents à Louis XIV : un conseil et un homme. Le conseil est de ne jamais avoir de premier ministre ; l'homme, c'est Colbert, son secrétaire. Colbert est rapidement nommé intendant des finances, dans la forme subordonné au surintendant Nicolas Fouquet, mais dans les faits prenant lui-même ses décisions, et informant le roi de toutes les coupables malversations de son supérieur et annonce au roi l'existence de 13 millions de livres que Mazarin n'a pas porté sur son testament et qui lui revienne.
Louis XIV accueille à nouveau d'Artagnan, après avoir été informé de son rôle dans la restauration de Charles II. Il ordonne à ce dernier de revenir à son service, en tant que capitaine des mousquetaires ; néanmoins il n'obtiendra ce poste qu'après avoir effectué une mission en Bretagne : aller inspecter les fortifications de Belle-Île-en-mer, appartenant au surintendant, et l'état des préparatifs des vassaux de celui-ci. À Belle-Île, en pleine réfection des fortifications, il s'aperçoit avec surprise que l'architecte n'est autre que Porthos, qui suit en fait les directives d'Aramis. Celui-ci, évêque de Vannes, reçoit avec plaisir d'Artagnan, mais il a tôt fait de comprendre pour quelle raison d'Artagnan est venu. Il envoie rapidement Porthos à Paris, puis le rejoint dans la nuit chez Fouquet. Au matin, d'Artagnan part également pour rendre compte de sa mission, mais Fouquet l'a devancé chez le roi, et celui-ci lui apprend que le surintendant a offert au roi la place de Belle-Île, dont il vient de refaire les fortifications.
Toutefois, Colbert commence à préparer la chute du surintendant. Celui-ci étant, de par sa charge, intouchable, il conseille au roi de ruiner le surintendant, en lui demandant tout d'abord de l'argent pour le mariage du duc d'Orléans avec Henriette d'Angleterre.
La Cour se déplace pour accueillir la fiancée de Monsieur au Havre. Durant ce temps, sa maison est constituée. De nombreuses jeunes filles sont choisies pour devenir ses dames de compagnie, et parmi elles, Louise de La Vallière, fiancée de Raoul de Bragelonne grâce à l'intermédiaire de Malicorne, amant d'Aure de Montalais, l'ami de Louise. Celui-ci souhaite se marier, par amour et pour protéger l'honneur et la réputation de Louise à la cour, et, bien qu'il ne soit pas convaincu de la constance des sentiments de La Vallière et espérant un plus grand nom pour son fils et pupille, Athos consent à demander au roi l'autorisation du mariage. Louis, mis au courant des réticences d'Athos et de leurs raisons, préfère repousser le moment de sa décision.
La future Madame, grande coquette, a déjà séduit le duc de Buckingham, puis le comte de Guiche. Raoul, apprécié par l'un, et ami de l'autre, peine à les maintenir pacifiques, jusqu'à ce que le rembarquement de Buckingham pour l'Angleterre n'arrange la suite. Monsieur, qui était jaloux du compagnon anglais de sa femme, sera bientôt jaloux de de Guiche, jalousie attisée avec art par le chevalier de Lorraine, son compagnon. La jalousie de son frère pousse Louis XIV à jouer les médiateurs, et celui-ci exile de Guiche. Mais Madame fait également tomber dans ses filets son beau-frère. Cette dernière inclination suscite encore plus de jalousie : la reine et Monsieur vont se plaindre à Anne d'Autriche. Pendant ce temps, Louis et Henriette, conscients de la surveillance dont ils sont l'objet, trouvent un stratagème pour continuer à se voir sans murmures : le roi doit paraître favoriser une des dames de compagnie de Madame. C'est La Vallière qui est choisie pour ce rôle, mais, bien qu'elle ne soit pas au courant de la duplicité de Louis, elle en est déjà tombée amoureuse lorsqu'elle l'a aperçu à Blois.
Le roi surprend alors le secret de La Vallière qu'elle confie à Aure de Montalais et à Athénais de Tonnay-Charente près du Chêne royal à Fontainebleau. Sans savoir qui a déclaré son amour pour lui d'une manière aussi pure, Louis est charmé par cette déclaration.
Lorsqu'il découvre qui est dernière cette déclaration, son affection affectée devient de plus en plus réelle ; aidé par son favori Saint-Aignan, il met à bas rapidement le peu de défenses de Louise.
De Wardes, fils de l'ancien amant de Milady, est lui aussi un semeur de troubles. Insultant d'Artagnan, il est rapidement mis au pas par ce dernier, mais de Wardes ne s'est pas fait de Bragelonne, de de Guiche et de Buckingham des amis. Blessé dans un duel avec Buckingham, il revient en France et croise à Boulogne Raoul, qui est envoyé en mission par le roi afin de l'éloigner. De Wardes, peu au courant des nouvelles, cherche querelle à Raoul en le brocardant sur la fidélité de sa fiancée. Raoul en mission ne peut s'engager dans un duel, et demande à de Guiche de prendre en charge son honneur. De Guiche, toujours amoureux de Madame, et qui revient d'exil, peut défendre l'honneur de La Vallière officiellement (officieusement il défend l'honneur de Madame), avec l'assentiment du reste des gentilshommes, peu soucieux de faire un affront au roi. De Wardes et de Guiche se battent donc en duel, et de Guiche est blessé : blessure qui lui permet d'atteindre le cœur de Madame.
Les nombreuses fêtes que donne le roi ruinent peu à peu Fouquet, obligé d'emprunter de plus en plus. Il a pour lui de nombreux amis, notamment la marquise de Bellière, qui s'offre à lui, ainsi que sa fortune. Aramis, appui de Fouquet, accède alors au titre de général des Jésuites, grâce à un secret qu'il a découvert il y a longtemps : Louis XIV a un frère jumeau, enfermé à la Bastille. Par son ordre, l'évêque de Vannes peut également contrôler Baisemeaux, le gouverneur de la Bastille.
D'Artagnan, toujours inquiet des manœuvres d'Aramis, fait présenter à la cour Porthos, comme maître d'œuvre de Belle-Île, tandis que Fouquet présente Aramis en tant qu'architecte. La rencontre des trois amis fait comprendre à Aramis que d'Artagnan est acquis à la cause du roi, et qu'il flaire un danger : il faut hâter l'action qu'il a en tête.
Alerté par un courrier qu'il reçoit de de Guiche, Raoul rentre précipitamment en France, mais La Vallière a déjà cédé au roi, et celui-ci est déjà passé outre les objurgations de sa femme, de sa mère et de sa belle-sœur. Louise de La Vallière est désormais la favorite royale, même si sa probité est parfois un obstacle aux volontés de son amant. Athos, prévenu, rappelle au roi sa parole de prendre une décision sur l'avenir de Raoul et de Louise. Le roi, estimant que le comte de La Fère l'insulte, le fait arrêter par d'Artagnan. Après l'avoir conduit à la Bastille, et y avoir rencontré à nouveau Aramis, le capitaine des mousquetaires revient faire la leçon au roi, et obtient la grâce de son ami. Sur le chemin du retour, leur carrosse est attaqué par Porthos et Raoul, qui croient délivrer Athos ; celui-ci décide de rentrer sur ses terres, Raoul l'accompagne.
Les nobles se préparent à une réception resplendissante, à Vaux-le-Vicomte, au château de Fouquet. Celui-ci n'a pu refuser au roi que la Cour s'invite chez lui, au grand désespoir de ses finances, mais à la grande satisfaction d'Aramis. À Vaux, d'Artagnan le prend à part pour qu'il lui avoue son projet ; Aramis, bien qu'il sache que d'Artagnan ne sera pas dupe, nie toute intention cachée, et d'Artagnan déplore ce manque de confiance d'un si vieil ami. Aramis lui jure alors de ne pas toucher « au fils d'Anne d'Autriche », ce qui finit par convaincre le mousquetaire.
En réalité, Aramis a amené à Vaux Philippe, le frère jumeau de Louis. Il l'a éduqué petit à petit dans sa cellule de la Bastille, et prépare la substitution en faisant observer le roi par son sosie. Chez Fouquet, Louis XIV, reçu magnifiquement, tend à pardonner à son surintendant, mais Colbert veille, et lui fait remettre une lettre de Mazarin dans laquelle celui-ci s'étonne de la disparition de treize millions dans les comptes de l'État. L'intendant insiste sur la différence entre les fêtes de Fontainebleau, superbes, données dans la résidence royale, et celles de Vaux, bien plus somptueuses, données par Fouquet. Louis semble céder, mais Louise de La Vallière, qu'il informe de son projet d'arrestation, s'y oppose farouchement : pour elle, Fouquet doit être sacré pour le roi, puisqu'il est son hôte. Colbert utilise sa dernière carte : un billet qu'autrefois Fouquet avait fait passer à La Vallière, mais qui a été intercepté par son ennemi. Louis se reprend, puis cède à nouveau devant d'Artagnan, qui reprend les mêmes arguments que sa favorite, sans pour autant refuser l'ordre. Le roi lui dit alors de garder Fouquet sous surveillance jusqu'au matin, où il prendra sa décision.
C'est alors qu'Aramis opère la substitution. Grâce à l'aide herculéenne de Porthos, qui croit avoir affaire à un imposteur, il fait prisonnier Louis dans la nuit, puis le transfère à la Bastille et place dans son lit Philippe. Le lendemain, celui-ci fait passer à d'Artagnan l'ordre de relâcher Fouquet, Mais Aramis avait compté sur l'appui du surintendant, qui est horrifié lorsqu'il apprend le crime. Il se rue aussitôt à la Bastille, libère le royal prisonnier et rassemble des troupes pour mater la rébellion. Pendant ce temps, Aramis et Porthos se ruent vers Belle-Île, s'attendant à un siège en bonne et due forme. À Vaux, lorsque Louis surgit dans le salon où se trouve Philippe, d'Artagnan arrête l'imposteur. Le roi lui ordonne ensuite de couvrir son visage d'un masque de fer, et de le conduire à la prison de Sainte-Marguerite.
Raoul et Athos sont sur la route vers Antibes. Le vicomte souhaite s'éloigner de France et de Louise, et a accepté d'accompagner le duc de Beaufort dans une expédition vers Alger. À Blois, ils ont reçu Aramis et Porthos ; l'évêque leur explique leur fuite, tandis que Porthos croit être en mission, avec pour récompense un duché. À Antibes, ils entendent parler de d'Artagnan, et se dirigent vers l'île Sainte-Marguerite pour avoir de ses nouvelles.
Sur l'île, le prisonnier au masque de fer leur envoie un plat d'argent, avec son histoire gravée : il s'en faut de peu pour que le gouverneur Saint-Mars ne les fasse fusiller sur place. Mais d'Artagnan les a reconnus et les fait passer pour deux Espagnols ne sachant pas lire le français. Puis le mousquetaire est rappelé par le roi ; Athos accompagne Raoul à son embarquement, puis rentre après lui avoir laissé Grimaud pour l'accompagner.
Au retour de d'Artagnan, le roi lui demande de s'apprêter à partir pour Nantes ; il doit également préparer l'arrestation là-bas de Fouquet et de ses amis. L'arrestation effectuée, et Fouquet envoyé à la Bastille, Louis fait de Colbert son ministre des finances, poste qu'il briguait depuis longtemps et qui doit lui permettre de donner son plein potentiel au service du royaume. Quant à d'Artagnan, il est chargé de prendre la place de Belle-Île par la force.
Dans la forteresse, alors que la flotte royale est en vue, Aramis finit par avouer à Porthos l'échec de ses projets concernant le roi, et la vérité sur leur situation de proscrits, coupables de crime de lèse-majesté. Porthos lui pardonne bien volontiers. Pendant ce temps, d'Artagnan tente d'établir une communication avec ses amis, et de les sortir de leur mauvais pas. Mais bien qu'il ait pu les revoir une dernière fois, des ordres prédéfinis du roi le contraignent à présenter sa démission de la tête de l'armée, et à se constituer prisonnier. Lorsqu'il part pour Nantes, le feu est ouvert sur Belle-Île.
À Nantes, le mousquetaire s'efforce d'obtenir le pardon royal, tandis qu'Aramis et Porthos cherchent à sortir de leur impasse. Ils se cachent dans la grotte de Locmaria, après avoir demandé à leurs troupes de se rendre. Découverts, ils tentent de se défendre, avant de fuir grâce à une barque. Mais au moment de partir, Porthos, qui doit faire ébouler la caverne derrière eux, a une faiblesse dans les jambes. La grotte s'effondre sur lui, le tuant.
La barque d'Aramis est arraisonnée par une galère, que grâce à son grade de général des Jésuites il parvient à détourner en direction de l'Espagne. D'Artagnan a obtenu le pardon royal, mais bien trop tard pour sauver Porthos, ce que prévoyait de toute façon le roi. Celui-ci considère que l'affront est lavé, et ne poursuivra plus Aramis. D'Artagnan reconnaît qu'il a trouvé son maître, et s'incline devant le monarque. Louis lui donne congé pour qu'il mette en ordre les affaires de Porthos. À Pierrefonds, Mousqueton rend son dernier souffle sur les habits de son maître, devant d'Artagnan. Au même moment, Athos reçoit d'Aramis une lettre l'informant de la mort de leur ami ; Athos n'est pas surpris car Raoul la lui a annoncée en rêve. Peu après, un autre rêve lui montre la mort de son fils ; à son réveil Grimaud la lui apprend. Athos trépasse dans la minute, peu avant l'arrivée de d'Artagnan à son chevet. Grimaud lui raconte comment Raoul, bien que grièvement blessé et interdit de tout mouvement, avait trouvé le moyen de tomber de son lit, et ainsi en était mort.
D'Artagnan suit l'enterrement de Raoul (revenu embaumé) et d'Athos, tout comme le fait Louise de La Vallière, qui a appris il y a peu la mort de son ancien fiancé. Elle prédit à d'Artagnan que sous peu elle devra subir les mêmes tourments que ceux qu'elle a infligés en écoutant son cœur.
Quatre ans après, d'Artagnan, devenu comte, est de retour de Pignerol, où est enfermé Fouquet ; il revient à la Cour un mois après la mort de la reine-mère. Il voit que dans la chasse que Louis a organisée à Blois, l'attention du roi est retenue par une nouvelle favorite, mademoiselle de Tonnay-Charente, devenue Madame de Montespan, alors que son ancienne conquête mademoiselle de La Vallière est reléguée dans un second carrosse. Aramis fait alors irruption ; devenu duc espagnol et ambassadeur, il dîne tout comme d'Artagnan à la table du roi. Le hasard de la chasse les amène sur la tombe d'Athos et de Raoul, où Louis reçoit en présent de Madame de Montespan, un bouquet de violettes qu'elle a cueillies sur la tombe de Raoul.
Louis prépare une alliance avec Charles II contre les Provinces-Unies. Pour ce faire, il lui enverra sa sœur Henriette et une « séductrice plénipotentiaire ». En échange de son aide, Madame doit voir Guiche revenir d'exil, tandis que le chevalier de Lorraine prendra le chemin inverse. Aramis assure Colbert de la neutralité espagnole dans l'entreprise ; d'Artagnan considère que cette neutralité ne durera que tant que le roi de France sera le plus fort, et qu'il faut une puissante armée de terre, afin de combler les lacunes de la marine, point faible des Français. Colbert promet la relève de la marine, qu'il prépare depuis des mois pour la mettre en œuvre le printemps suivant. Il promet également de faire d'Artagnan maréchal de France, dès lors que celui-ci aura commandé en chef contre les Hollandais.
À la tête d'une armée de douze mille hommes, d'Artagnan part combattre en Hollande. Il prend douze places ; le roi lui fait envoyer son bâton de maréchal durant le siège de la treizième. Mais un boulet le blesse grièvement ; il a juste le temps de saisir le bâton, puis de prononcer un dernier au revoir à ses compagnons :
Athos, Porthos, au revoir ! – Aramis, à jamais adieu !
Dans Le Vicomte de Bragelonne, les héros des deux premiers livres ont beaucoup vieilli. D'Artagnan, devenu capitaine des mousquetaires, le plus jeune des quatre, a désormais cinquante ans. Porthos, lui, est baron depuis le précédent volume. Aramis est de plus en plus puissant : il est évêque de Vannes, puis général des jésuites.
Le ton de ce troisième roman est mélancolique : on sent venir la fin. Trahisons, désillusions et intrigues font partie intégrante d'une société dont la valeur fondamentale n'est plus l'honneur et qui n'est plus que l'ombre de celle qui l'a précédée.
Raoul, le vicomte de Bragelonne, le fils d'Athos, meurt à la guerre en se portant à la charge lors d'un combat. Il s'agit presque d'un suicide dû à la peine qu'aurait causée la trahison de sa fiancée, Louise de La Vallière, devenue la maîtresse du roi. La nouvelle de sa mort entraîne son père Athos dans la tombe. Porthos, le géant, faisant confiance à Aramis, rejoint la rébellion contre le roi et meurt écrasé sous d'énormes blocs de roc lors de l'assaut des forces du roi à Belle-Île-en-Mer. D'Artagnan meurt au combat en Hollande, au moment de recevoir son bâton de maréchal de France quelques années après eux. Aramis reste seul : le plus ambigu des mousquetaires est le seul à savoir s'adapter au monde d'intrigues dans lequel il est passé maître. En effet, le roman dépeint le déclin de la noblesse d'épée, représentée par les mousquetaires, et l'avènement d'une noblesse de cour que le jeune Louis XIV entend contrôler. On ne gagnera plus désormais l'attention du souverain par des exploits armés, mais par l'intrigue et la flatterie. Les dernières paroles de D'Artagnan sont : « Athos, Porthos, au revoir. - Aramis, à jamais adieu ! » Aramis étant le seul survivant du quatuor, Dumas conclut par cette phrase : « Des quatre vaillants hommes dont nous avons raconté l'histoire, il ne restait plus qu'un seul corps : Dieu avait repris les âmes. »
Dans un essai intitulé Art of Writing, Robert Louis Stevenson cite le roman de Dumas comme une des lectures qui l'ont profondément marqué : « Mon plus cher et meilleur ami en dehors de Shakespeare est sans doute d'Artagnan, le d'Artagnan vieillissant du Vicomte de Bragelonne. Je n'ai jamais rencontré d’âme plus humaine, et même, à sa façon, plus admirable ; je plaindrai sincèrement l'homme trop imbu de ses principes pour ne pas être capable d’apprendre du capitaine des mousquetaires »[7]. Il a par ailleurs consacré un essai à ce roman : A Gossip on a Novel of Dumas's[8].
Alexandre Dumas lui-même a adapté son roman en 1861, dans une pièce intitulée Le Prisonnier de la Bastille, fin des mousquetaires, qui ne traite que de l'épisode du frère jumeau de Louis XIV. Raoul de Bragelonne est mentionné, mais n'apparaît pas sur scène[9].
L'histoire de Raoul de Bragelonne a peu inspiré les metteurs en scène. En revanche l'épisode du masque de fer a donné lieu à de nombreuses adaptations, souvent très libres :
Alexandre Dumas étant une figure emblématique des auteurs de fiction francophone, le héros éponyme du roman prête son nom aux éditions Bragelonne qui se consacrent à la littérature de l'imaginaire[10].