Marcel Trudel est né à Saint-Narcisse-de-Champlain, au nord-est de Trois-Rivières, neuvième des onze enfants d'Hermyle Trudel (menuisier) et d'Antoinette Cossette, et il est adopté par Théodore Baril et Mary Trépanier lorsqu'il devient orphelin, à l'âge de 5 ans. (Il créera, en 1999, une bourse d'études à leur nom : la « bourse Théodore-Baril-Mary-Trépanier », dite « Bourse Baril-Trépanier », pour aider chaque année un jeune originaire de son village natal à poursuivre des études supérieures.) Ses parents adoptifs voudraient le voir prêtre, mais après cinq mois passés au Grand séminaire de Trois-Rivières, il ne peut se résigner à cette idée.
Il aimerait faire carrière dans l'enseignement des langues ou en littérature. En 1941, il obtient une licence ès lettres de l'Université Laval. De 1941 à 1945, il enseigne le français, le latin et le grec ancien au Collège Bourget à Rigaud. Il y retrouve un ami d'enfance, du même âge (né exactement 2 jours avant lui à Saint-Narcisse), Léonce Jacob, musicien qui s'est fait prêtre et membre de la communauté dirigeant ce collège (des « clercs de Saint-Viateur »).
« Il veut devenir romancier, il devient historien » : il publie Vézine : roman, en 1946, qui tout de suite reçoit le prestigieux « prix David », alors que son doctorat ès lettres, obtenu en 1945, intitulé L'influence de Voltaire au Canada et aussitôt publié, fait l'objet de controverses durant plus de 60 ans. Il va consacrer sa vie entière à « réécrire » l'histoire de la Nouvelle-France : il veut expurger les livres et manuels d'histoire, de vision empirique, patriotique et pieuse.
Marcel Trudel épouse en 1942 Anne Chrétien, avec qui il aura trois enfants, six petits-enfants et six arrière-petits-enfants. Ils divorcent vingt-six ans plus tard[1]. Trudel se remarie en 1970 avec l'historienne Micheline D'Allaire, spécialiste des communautés religieuses féminines de la Nouvelle-France[2], qui restera sa plus proche collaboratrice après leur divorce. Micheline D'Allaire épousera ensuite en 1993 l'homme politique et diplomate Michel Dupuy[3],[4].
Sa méthode de recherche est influencée par le père Georges-Henri Lévesque (1903-2000), doyen de la Faculté, à l'Université Laval, qui y fonde en 1938 l'École des sciences sociales. Chez les historiens québécois, Trudel est à la tête de l'École de Laval, qui attribue le retard des Canadiens français au nationalisme et au cléricalisme, au lieu de mettre l'accent, comme le fait l'École historique de Montréal, sur la domination britannique à la suite de la conquête du territoire canadien. De 1945 à 1947, Marcel Trudel fait un stage postdoctoral d'étude et de recherche à l'Université Harvard, et il revient à l'Université Laval comme professeur d'histoire au nouvel Institut d'histoire et de géographie, qui vient d'y être fondé et qu'il est chargé d'organiser. Il en est secrétaire jusqu'en 1954, puis directeur jusqu'en 1964. Il assume aussi, de 1952 à 1958, la charge de secrétaire de la Faculté des lettres.
Ses recherches sur l'esclavage en Nouvelle-France font de lui une figure de pionnier en la matière. Ses positions laïques lui attirent les foudres des autorités religieuses, ce qui l'amène à quitter l'Université Laval.
Un incendie survenu le 8 septembre 1965, durant son déménagement vers la capitale fédérale, a détruit une bonne partie de sa bibliothèque, ses archives personnelles, de la documentation, des cartes anciennes et des documents historiques accumulés depuis vingt-cinq ans.
À partir des années 1960, Marcel Trudel prend publiquement position contre le nationalisme québécois et l'indépendance du Québec, y voyant une rupture sociohistorique avec les autres communautés francophones du Canada, un morcellement des francophones sur le continent nord-américain et un déni de la dualité historique entre francophones et anglophones qui a façonné le Canada. Il maintiendra ces positions tout au long de sa vie[5].
En 1965, il enseigne à l'Université Carleton, où il réorganise « l'Institute of Canadian Studies ». Dès 1966, il est professeur et jusqu'en 1968 directeur du département d'histoire à l'Université d'Ottawa. Il y contribue, sans entrave, à faire de l'histoire une véritable science et toute une génération d'historiens lui doivent à la fois leur vocation et leur formation.
D'Ottawa, il continue à participer activement à diverses entreprises de publication : il est directeur-fondateur de la revue « Histoire sociale », directeur des collections « Fleur-de-Lys » et « Histoire de la Nouvelle France » aux Éditions Fides, de la collection « Documents d'histoire » aux Éditions Hurtubise, et il met sur pied la section française du « Dictionnaire biographique du Canada », comme directeur général adjoint du premier volume[6], qui paraît en 1966.
Marcel Trudel occupe sa retraite en écrivant et publiant plusieurs autres ouvrages, dont (en 1999) le dixième et ultime tome de son Histoire de la Nouvelle-France (commencée en 1955), Le régime militaire et la disparition de la Nouvelle-France, 1759-1764, et sa série de 5 tomes (2001-2010) de Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, et en présentant des conférences à l'Université des aînés, à partir de 1993. En 1987, il publie ses mémoires sous le titre de Mémoires d'un autre siècle.
En 2004, avec la collaboration de Micheline D'Allaire, Marcel Trudel réédite son livre L'esclavage au Canada français ; histoire et conditions de l'esclavage sous le titre de Deux siècles d'esclavage au Québec. Dans cette deuxième édition, Trudel expurge les termes péjoratifs qu'il utilisait parfois pour parler des esclaves dans la première édition de 1960. Ces mots sont toutefois conservés tels quels quand les documents historiques les emploient de manière volontairement négative[7].
Marcel Trudel, devenu « doyen des historiens canadiens »[8], meurt le à l'âge de 93 ans[9], à Longueuil, d'un cancer généralisé.
Chiniquy, Trois-Rivières Éditions du Bien public, 1955
Chiniquy : prêtre catholique, ministre presbytérien, Montréal, Lidec, 2001
Collection de cartes anciennes et modernes pour servir à l'étude de l’histoire de l’Amérique et du Canada, Québec, Institut d'histoire et de géographie de l'Université Laval, 1948
Connaître pour le plaisir de connaître : entretien avec l'historien Marcel Trudel sur la science historique et le métier d'historien au Québec, Québec, Presses de l'Université Laval, 2005[10]
Deux siècles d'esclavage au Québec, Montréal, Hurtubise HMH, 2004, 408 p. (ISBN978-2-8942-8742-2)
idem, mise à jour préparée par Micheline D'Allaire; avec, sur CD-Rom, le Dictionnaire des esclaves, Bibliothèque québécoise, 2009
Dictionnaire des esclaves et de leurs propriétaires au Canada français, LaSalle, Hurtubise HMH, collection Cahiers du Québec : Histoire, 1994, 520 p. (ISBN978-2-8904-5833-8); 2004
Volume III : La seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663 :
Tome I : Les événements, 1979
Tome II : La société, 1983 (Prix Macdonald, 1984)
Volume X : Le régime militaire et la disparition de la Nouvelle-France, 1759-1764, Montréal, Fides, 1999
Histoire du Canada par les textes, Montréal ; Paris, Fides, 1952
Histoire du Canada par les textes : tome 1 : (1534-1854), Montréal, Fides, 1965
Initiation à la Nouvelle-France : histoire et institutions, Montréal, Éditions HRW, 1971
Jacques Cartier, Montréal, Fides 1968
La carte de Champlain en 1632 : ses sources et son originalité, [s.l.s.n.], 1978
La Nouvelle-France par les textes : les cadres de vie, Montréal, Hurtubise HMH, collection Cahiers du Québec : Histoire, 2003, 440 p. (ISBN978-2-8942-8633-3)
La Population du Canada en 1663, Montréal, Fides, 1973
La Population du Canada en 1666 : recensement reconstitué, Sillery, Septentrion, 1995
La Présence des noirs dans la société québécoise d'hier et d’aujourd'hui, Montréal Ministère des affaires internationales, de l'immigration et des communautés culturelles, 1995
La révolution américaine : pourquoi la France refuse le Canada, 1775-1783, Sillery, Boréal Express, 1976, 292 p. (ISBN978-0-8850-3054-5)
La Seigneurie de la Compagnie des Indes occidentales, 1663-1674, Saint-Laurent, Fides, 1997
La Seigneurie des Cent-Associés, 1627-1663, Montréal, Fides, 1979-1983
The Jumonville Affair, Pennsylvania Historical and Museum Commission, 1954.
Le Canada et la révolution américaine 1774-1789, Québec, Presses Universitaires Laval, 1952
Le Québec de 1663, Québec, Société historique de Québec, 1972
Le régime militaire dans le gouvernement des Trois-Rivières, 1760-1764, Trois-Rivières, Éditions du bien public, 1952
Le régime seigneurial / The Seigneurial Regime, Ottawa, Société historique du Canada / The Canadian Historical Association, 1956, réédition en 1971 (éditions bilingues)
Le Séminaire de Québec sous le régime militaire, 1759-1764, Québec : [s.n.], 1954
Le Terrier du Saint-Laurent en 1663, Ottawa, Éditions de l'Université d'Ottawa, 1973
Le Terrier du Saint-Laurent en 1674, Montréal, Éditions du Méridien, 1998
L'Église canadienne sous le Régime militaire, 1759-1764, Montréal, Institut d'histoire de l'Amérique française, collection Les études, Volume I : Les problèmes, 1956; Volume II : Les institutions, 1957
Les communautés de femmes sous le régime militaire, 1759-1764, Montréal, Institut d'histoire de l'Amérique française, collection Les études, 1956
Les débuts du régime seigneurial au Canada, Montréal, Fides, 1974
Les écolières des Ursulines de Québec, 1639-1686 : Amérindiennes et Canadiennes, Montréal, Hurtubise-HMH, collection Cahiers du Québec : Histoire, 1999, 440 p. (ISBN978-2-8942-8355-4)
Les mythes et la réalité de notre histoire du Québec, Saint-Laurent, Éditions du Club Québec loisirs 2003, 2001
L'esclavage au Canada français ; histoire et conditions de l'esclavage, Québec, Presses universitaires Laval, 1960
L'esclavage au Canada français, Montréal, Éditions de l'Horizon, 1960 (édition abrégée)
Lettres du Bas-Canada, Montréal, L'Immaculée-Conception, 1950
L'histoire du Canada ; enquête sur les manuels, Ottawa, Imprimeur de la reine, 1969
L'influence de Voltaire au Canada, Montréal, Fides, 1945
Louis XVI, le Congrès américain et le Canada, 1774-1789, Québec, Éditions du Quartier latin, 1949
Mémoires d'un autre siècle, Montréal, Boréal, 1987, 320 p. (ISBN978-2-8905-2207-7) (Prix du Gouverneur général, 1987)
Montréal : la formation d'une société, 1642-1663, Montréal, Fides, 1976
Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, Montréal, Hurtubise HMH, collection Cahiers du Québec : Histoire :
1988 : Médaille de l'Union des éditeurs de langue française (pour Mémoires d'un autre siècle)
1988 : Bourse Marcel-Trudel, créée par l'Université d'Ottawa (pour étudiant ou étudiante du 1er cycle s'inscrivant au 2e cycle en histoire à cette université)
↑François-Olivier Dorais, L’École historique de Québec : Une histoire intellectuelle, Montréal, Éditions du Boréal, , 496 p. (ISBN9782764627365), p. 124-127
↑Danielle Pigeon, « Entretien avec Marcel Trudel, pionnier de l’histoire de l’esclavage au Québec », Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire du Québec, no 79, , p. 15–19 (ISSN0829-7983 et 1923-0923, lire en ligne, consulté le )
↑Marcel Trudel et Mathieu d'Avignon, Connaître pour le plaisir de connaître : Entretien avec l'historien Marcel Trudel sur la science historique et le métier d'historien au Québec XVIIe – XXe siècle : 1650-2005, Québec, Canada, Les Presses de l'Université Laval, . (ISBN2763782299 et 9782763782294).