La National Endowment for Democracy (NED) (en français, Fondation nationale pour la démocratie) est une fondation privée à but non lucratif des États-Unis, fondée en 1983 sous le gouvernement de Ronald Reagan[1], dont l'objectif déclaré par les autorités américaines est le renforcement et le progrès des institutions démocratiques à travers le monde[2].
La quasi-totalité de son budget de fonctionnement provient du budget fédéral des États-Unis par le biais d’organisations gouvernementales.
Depuis sa création conjointement par les républicains et les démocrates, la NED est restée bipartite. Elle est dirigée par un conseil équilibré entre les deux partis et est soutenue par l'ensemble des formations politiques du Congrès[2].
L'ancien directeur de la CIA, William Colby, déclare en 1982, dans le Washington Post, à propos du programme de la NED : « Il n'est pas nécessaire de faire appel à des méthodes clandestines. Nombre des programmes qui [...] étaient menés en sous main, peuvent désormais l'être au grand jour, et par voie de conséquence, sans controverse »[3].
En 1991, un des fondateurs de la NED, Allen Weinstein, explique au Washington Post que « bien des choses qu'ils [à la NED] faisaient maintenant étaient faites clandestinement par la CIA 25 ans auparavant »[4].
Selon Ralph Morris Goldman, certains au Congrès soupçonnent tout effort de collaboration entre les grands partis comme une forme douteuse de connivence pour se partager les fonds publics et le parrainage. D'autres voient dans le programme de démocratie de la NED soit le prolongement des opérations politiques secrètes de la Central Intelligence Agency (CIA) soit l'instrument des préjugés idéologiques du Président Ronald Reagan. Du fait que dans les années passées la CIA a été impliquée, quelque peu maladroitement, dans la diffusion d'assistance politique, un nouveau et officiel programme d'assistance sera sans aucun doute perçu au début comme la continuation des activités de la CIA[5]. Ainsi William Blum écrit que cet organisme a été créé spécialement pour servir de substitut à la CIA[6].
De 1984 à 1990, la NED bénéficie d'un financement annuel de 15 à 18 millions de dollars, porté à 25-30 millions de 1991 à 1993, ce financement se faisant par l'intermédiaire de l'Agence d'information des États-Unis. En 1993, la NED faillit perdre la manne du Congrès, la chambre basse ayant voté son annulation, mais une vigoureuse campagne menée par les soutiens de la NED permettent à celle-ci de retrouver son financement, porté désormais à 30-35 millions de dollars[7]. En 2004, sur un budget de 80,1 millions de dollars, 79,5 viennent d'agences gouvernementales et 600 000 d'autres contributeurs. En 2009, la NED a un budget de 135 millions de dollars, dont la quasi-totalité proviennent d'agences gouvernementales américaines[8].
Les subventions reçues par le NED sont réparties directement auprès des projets du NED, ou auprès de quatre autres fondations, nées pour la plupart en même temps qu'elle :
Des fonds de la NED vont à plusieurs centaines d'ONG réparties dans le monde[13]. La NED a financé ou finance des groupes politiques luttant officiellement pour la démocratie en Europe occidentale dans les années 1980 ainsi que dans les années 2000 dans les pays de l'ex-Union soviétique comme en Ukraine, ou encore dans les pays d'Asie centrale comme le Kirghizistan ou l'Ouzbékistan[14].
La NED dépense des millions de dollars pour faire barrage au régime d'Alexandre Loukachenko[15],[16], notamment lors de la révolution en jean en 2005. Robert Fielding, un représentant de l'AFL-CIO, travaillant pour le compte de la NED est « accusé de fomenter un coup d'État avec l'opposition en cas de réélection de M. Loukachenko »[17],[18], il est renvoyé aux États-Unis.
En Chine, la NED finance Fondation pour la recherche sur le laogaï, et plusieurs mouvements de défense des droits des Ouïghours, comme le Uyghur Human Rights and Refugee advocacy[19] et le Congrès mondial des Ouïghours à hauteur de quelques centaines de milliers de dollars par an (295 000 dollars en 2015) « pour[, selon ses termes,] améliorer la connaissance et la visibilité des problématiques des droits de l'Homme des Ouïghours » dans le Xinjiang[20].
La NED a financé à hauteur de 60 000 dollars Joven cubano, un magazine dissident destiné à la jeunesse de Cuba publié par un réfugié cubain installé à Miami[23]. Elle contribue aussi au financement de la Fondation nationale cubano-américaine[24].
Le centre de réflexion Cato Institute critique l'argent dépensé en France par la NED dans les années 1980 en disant que « la démocratie française dans les années 1980 ne semble pas être si fragile qu'elle ait besoin de l'aide financière des contribuables américains pour subvenir à ses propres besoins. Le gouvernement de François Mitterrand a été dûment élu dans un système démocratique presque aussi vieux que l'Amérique ». L'American Federation of Labour - Congress of Industrials Organisations (AFL-CIO) décide que le gouvernement socialiste français autorise une montée dangereuse de l'influence communiste, selon Irving Brown, à l'époque directeur des relations internationales de l'AFL-CIO à Paris et agent de la CIA : « la France est menacée par l'appareil communiste... Il s'agit d'un danger évident et présent si l'on considère le présent comme étant dans 10 ans ». Cette mentalité permet à l'AFL-CIO d'apporter son soutien à des groupes français d'extrême droite et xénophobes qui auraient eu des liens avec des terroristes[25]. Reporters sans frontières bénéficie d'un financement de la NED[24].
Entre 1991 à 2003, la NED subventionne à hauteur de 260 000 dollars des médias et des projets de publication liés à l'Irak et attribue 430 000 dollars à des projets qui portent sur des médias et des publications. Michael Baker déclare que la présence de « média de guerre » date de la première guerre du Golfe et, qu'à la veille de l'invasion américaine en 2003, 27 radios d'opposition émettent en Irak[26].
La NED finance à partir de 1987 des organisations opposées au gouvernement sandiniste, dont la Commission permanente des droits de l'homme (nicaraguayenne). En 1990, la candidate conservatrice Violeta Chamorro est élue présidente du Nicaragua avec le soutien financier de la NED[24].
Selon l'État russe, la NED aurait fourni un soutien financier de 5,2 millions de dollars à des associations russes commerciales ou à but non lucratif[28].
Pour l'État russe, l'activité de la NED est « indésirable » en Russie, car « elle influence l'opinion publique, cherchant à provoquer le changement de la politique de l'État »[37]. En 2015, la NED est expulsée de Russie, devenant la première association à être frappée par une loi permettant de bannir du pays les organisations non-gouvernementales jugées « indésirables »[38].
D'après l'ancien agent de la CIA Philip Agee, « c'est une opération silencieuse contre la révolution bolivarienne. Elle a commencé avec le président Clinton et s'est intensifiée avec Bush fils. Cela ressemble aux actions menées contre les sandinistes, mais sans terrorisme ni embargo économique pour le moment : « promouvoir la démocratie, résoudre les conflits, surveiller les élections et renforcer la vie civique ». » Entre 2001 et 2006, plus de 20 millions de dollars ont été remis par la NED et l'Usaid à des groupes d'opposition et à des médias privés vénézuéliens. Le , quelques jours après le coup d'État avorté contre le président Hugo Chávez, le New York Times révèle que le budget de la NED destiné au Venezuela a quadruplé quelques mois avant cette tentative de renversement, sur décision du Congrès américain[24]. Pour la période 2013-2014, la NED procure 14 millions de dollars à l'opposition vénézuélienne afin de financer ses campagnes électorales et les manifestations contre le gouvernement[50].
Au Venezuela, des documents rendus publics montrent que la NED a attribué plus d'un million de dollars à des projets liés au référendum anti-Chávez et à des groupes d'opposition[53],[54]. En 2002, un rapport du ministère des affaires étrangères américain déclare que la NED et le Pentagone ont apporté leur aide à des particuliers et des organismes ayant joué un rôle actif dans l'éviction avortée du gouvernement de Chavez en [55],[56].
Au Honduras, l'association Hagamos Democracia. Celle-ci annonce 47 % de participation aux élections présidentielles de 2009 contre les 25 % donnés par les partisans du président déposé lors du coup d'État, Manuel Zelaya[57].
En Europe orientale (dont la Pologne), dans les années 1990, la NED investit au moins 9 millions de dollars[60], afin de soutenir le développement de l'économie libérale.
Le syndicat étudiant de droite conservatrice Uni en France[59]
En 1985, l'organisation est critiquée pour un manque de transparence dans son utilisation des financements qui lui ont été versés avec de l'argent public[66].
En 2004, un article de Slate dit de la NED : « Selon la personne que vous interrogez, la NED est soit un champion désintéressé de la liberté, soit un instrument, idéologiquement motivé, d'interférence dans les affaires mondiales »[67].
Le gouvernement Maduro, au Venezuela, accuse la NED d'être une façade dissimulant des opérations secrètes du gouvernement des États-Unis au Venezuela[68].
↑(en) William I. Robinson, Promoting Polyarchy: Globalization, US Intervention, and Hegemony, Cambridge University Press, 1996, 466 pages, pp. 87-88 : « This new entity would not only play the role of skillful political surgeon, but it would overcome the taint associated with the covert political operations that the CIA had been carrying out abroad. Specifically, NED would take over much of the funding and political guidance for political parties, trade unions, business groups, news media, and civic organizations that the CIA had traditionally supplied. [...] the NED's work "resembles the aid given by the Central Intelligence Agency in the 1950s, 60s and 70s to bolster pro-American political groups." 33 Former CIA director Willima Colby commented in regard to the NED program: "It is not necessary to turn to the covert approach. Many of the programs which [...] were conducted as covert operations [can now be] conducted quite openly, and consequentially, without controversy » — 34. (note p. 398 : 34 William E. Colby, « Political Action - In the Open », The Washington Post, 14 mars 1982.
↑(en) Ralph Morris Goldman, The Future Catches Up: Transnational parties and democracy iUniverse, 2002, (ISBN0595228887 et 9780595228881), p. 140 : « There are those in Congress who suspect any cooperative effort between the major parties as an unsavory form of collusion to divide up public funds and patronage. Others see the Democracy Program as either an extension of the Central Intelligence Agency's covert political operations or an instrument of President Reagan's ideological bias. » p. 142 : « Because the Central Intelligence Agency has in prior years been involved, somewhat awkwardly, in the dissemination of political aid, a new and overt aid program will undoubtedly be initially perceived as a continuation of CIA activities. »
↑(en) William Blum, Killing Hope: US Military and CIA Interventions Since World War II, Zed Books, 2003, 469 pages, p. 315 : « the National Endowment for Democracy, Washington's specially created stand-in for the CIA ».
↑(en) Wolfgang S. Heinz, « Positive Measures in Development Cooperation », dans P. R. Baehr, Human Rights in Developing Countries : Yearbook 1994, Martinus Nijhoff Publishers, , 452 p. (ISBN978-9-0654-4845-3, lire en ligne), p. 36
↑(en) Afshin Rattansi, « Bush admin. disconnected from reality », Press TV, (version archivée). Affirmation de Paul Craig Roberts, ancien responsable du Trésor aux États-Unis : « le but de la Dotation nationale pour la démocratie est d'acheter et de manipuler les élections dans les anciennes parties constitutives de l'ancien empire soviétique » (« its purpose is to buy and rig elections in the former constituent parts of the Soviet empire »).
↑Julien Zarifian, Les États-Unis en Eurasie : De Bill Clinton à Barack Obama, le leadership américain à l'épreuve, L'Harmattan, 2012 (ISBN978-2-2965-0927-6), 184 pages, p. 133.
↑(en) « China (Xinjiang/East Turkistan) 2015 », Site officiel (consulté le ) : « To raise awareness and to enhance the prominence of Uyghur human rights issues. »
↑ abc et d« Quand une respectable fondation prend le relais de la CIA », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
↑(en) Loose Cannon: The National Endowment for Democracy - Barbara Conry, Cato Institute, 8 novembre 1993 : « In the mid-1980s, [...] the AFL CIO's FTUI approved a grant of $1.5 million to defend democracy in France, which was astonishing for several reasons. First of all, French democracy in the 1980s did not appear to be so fragile that it required financial assistance from American taxpayers to sustain itself. The government of François Mitterrand was duly elected within a democratic system nearly as old as America's. The AFL-CIO, however, determined that France's socialist government was permitting a dangerous rise of communist influence. According to the late Irving Brown, Paris-based director of international relations for the AFL-CIO at the time of the incident: "France ... is threatened by the Communist apparatus... . It is a clear and present danger if the present is thought of as 10 years from now." »
↑(en) Robert M. Gates, From the Shadows: The Ultimate Insider's Story of Five Presidents and How They Won the Cold War (New York: Simon & Schuster, 1996), pp. 358-359, cité in Benjamin B. Fischer, "The Vilification and Vindication of Colonel Kuklinski. Entangled in History", site de la CIA, juin 2007 [lire en ligne]
↑(en) Aleksandr Gorbachev, « Russia outlaws the National Endowment for Democracy », Newsweek, (lire en ligne)
↑(en) Stephen Lendman, [Putin Wins], International, March 6th, 2012 : « [lawyer Alexei] Navalny has NED ties. His LiveJournal blog admits receiving funding. »
↑Maurice Lemoine, Les enfants cachés du Général Pinochet : Précis de Coups d'État Modernes et autres tentatives de déstabilisation, Éditions Don Quichotte, p. 603
↑(en) Hugo Chavez Accuses U.S. of Spending Over $1 Million To Help Oust Him, DEMOCRACYNOW!, 4 mars 2004 : « Newly publicized documents show how the National Endowment for Democracy has given over $1 million in projects related to an anti-Chavez referendum and opposition groups. »
↑(en) William Blum, Rogue State: A Guide to the World's Only Superpower, Zed Books, 2006, 393 pages, p. 217 : « Washington also financed the plotters. The Endowment for democarcy (NED) was on the scene, [...] giving in excess of a million dollars in the two years preceding the coup to organizations opposed to Chávez. These organizations initiated work stoppages and protest demonstrations which galvanized opposition to the Venezuelan leader. Following the aborted coup, the opposition tried to unseat Chávez through a recall referendum, a drive that was funded in part, if not in full, by NED. This too failed. »
↑(en) Hugo Chavez Accuses U.S. of Spending Over $1 Million To Help Oust Him, op. cit. : « In the summer of 2002, the State Department's Inspector General's office also released a report that... did state the NED, the Pentagon and other US assistance programs "provided training, institution building and other support to individuals and organizations understood to be actively involved in the brief ouster of the Chavez government." »
↑Anne Vigna, Au Honduras, comment blanchir un coup d'État, Le Monde diplomatique, janvier 2010 : « Financée par Washington à travers la Fondation nationale pour la démocratie (NED en anglais), Hagamos Democracia réalise pour sa part un décompte rapide et annonce 47 % de participation. Dix jours après l'élection, le tribunal devra s'aligner et reconnaître qu'elle n'a été que de 49 %. Quant aux partisans de M. Zelaya, ils l'estiment, sur la base de leurs pointages à la sortie de mille quatre cents bureaux de vote, à 25 %. « On ne saura jamais la vérité car les bulletins sont aux mains des autorités, qui ont déjà manipulé les résultats, estime Mme Laura Carlsen, directrice du programme Americas Policy Program du Center for International Policy (3) ».