Robert Grugeau naît le à la poste de Payroux, dans la Vienne, où son père était receveur. Après avoir étudié au collège de Civray, il mène de front une carrière dans l'administration des postes et une activité journalistique[1].
Sous un premier pseudonyme, emprunté à un village de son département, Saint-Saviol, il publie entre 1942 et 1946 huit ouvrages de fiction[2], qualifiés de « romans alimentaires »[1].
Il est ensuite auteur de scénarios, notamment de science-fiction, pour la bande dessinée, activité aboutissant en 1948 à la création du personnage futuriste d'Atomas, dont il scénarise les aventures[3].
Son départ des PTT en 1943 est précédé par la publication, en 1942, de sa première nouvelle sous le nom de plume d'une ville du département, Charroux, qui devient son pseudonyme de prédilection à partir de 1962[4].
Affectation aux Musées nationaux sous l'Occupation
Pendant l'Occupation, affecté au dépôt de Lavoûte (Haute-Loire) par les musées nationaux, il a pour mission de préparer l'évacuation des collections publiques. En , la direction des musées nationaux le nomme chef du dépôt au château de Verteuil (Charente), où il assure cette charge durant une année jusqu'au retour des collections dans leur lieu d'origine[5].
Après la guerre, il s'oriente vers le journalisme. Il travaille à Paris comme journaliste indépendant et collabore à Destin[réf. souhaitée], Ici Paris, Tout savoir, Noir et Blanc ou encore Miroir de l'Histoire. À partir de 1947, il devient photo-reporter. L'année suivante, il parvient à sauver de la destruction les halles de Charroux[5], construites au XVIe siècle[6], qui seront classées monument historique. Il est également à l'origine de la création de l'office du tourisme de Charroux dans les années 1950[5].
Fondateur du Club international des chercheurs de trésors
Il refuse la routine et prend part à diverses activités : secondé par son épouse Yvette[N 1], qui fut pour lui une collaboratrice de première importance[7], il fonde en 1956[5],[8] le Club international des chercheurs de trésors, dont il assure la présidence pendant plus de dix ans[5]. Fort de cette initiative, il publie en 1962, chez Fayard, son premier succès de librairie, Trésors du monde enterrés, emmurés, engloutis[1], qui recense plus de 250[9].
Passionné par la Préhistoire, il est l'inventeur d'une grotte aux alentours de Charroux en 1961[10]. Afin de valoriser les découvertes préhistoriques de sa région, le Poitou, il inaugure en le premier tronçon de la « route préhistorique », une route touristique consacrée aux sites préhistoriques entre Le Grand-Pressigny et Les Eyzies[11] et fonde un club archéologique pour les jeunes[5].
Le , il lance dans La Nouvelle République du Centre-Ouest un manifeste à l'adresse de l'Unesco, du président de la République française et du ministre des Beaux-Arts afin de dénoncer le manque d'intérêt de la communauté scientifique pour cet héritage[12]. Parmi les affaires qu'il suit dans ce domaine, celle de Glozel — où apparurent en 1924 de prétendus vestiges d'une civilisation préhistorique, dont la datation fut réfutée par la communauté scientifique — est pour lui exemplaire : il y voit la non-reconnaissance par les archéologues d'une découverte qu'ils n'ont pas faite eux-mêmes[5].
Dans les années 1960 et 1970, il se présente tout à la fois comme champion d'athlétisme[13] (il a pratiqué le 400 m dans sa jeunesse[5]), plongeur sous-marin dès 1930, chercheur de trésors, globe-trotter, journaliste, archéologue, producteur à la RTF du Club de l'Insolite[13]. Ses voyages « dans les pays des plus anciennes civilisations » lui inspirent de nouveaux scénarios : des documents et messages millénaires, découverts par lui seul, révèlent, selon lui, une « vérité historique fantastique, cachée à l'humanité par la science officielle »[14][source insuffisante].
De 1963 à 1977, il publie, jusqu'à sa mort, une série d'essais littéraires aux éditions Robert Laffont, hors collection, développant la théorie des anciens astronautes. Le premier, Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans (1963), est un épais pavé exploitant l'esprit du Matin des Magiciens (1960) de Louis Pauwels et Jacques Bergier, ouvrage précurseur marquant le début du phénomène littéraire appelé « réalisme fantastique ». Suivent Le Livre des secrets trahis (1965), Le Livre des maîtres du monde (1967), Le Livre du mystérieux inconnu (1969), Le livre des mondes oubliés (1971), Le livre du passé mystérieux (1973), L'Énigme des Andes (1974) et Archives des autres mondes (1977)[15]. Traduits de son vivant en anglais, en espagnol et en italien, ces ouvrages d'archéologie « fantastique » le font connaître auprès des « archéologues autodidactes ».
Selon l'historien Philippe Chassaigne, le succès et la crédibilité de Robert Charroux, dans la France encore fortement rurale des années 1960, viendraient de son côté terrien et de sa revendication d'une certaine ruralité[15].
Il meurt de fatigue le à Charroux, au retour d'un de ses voyages de recherche, qu'il finançait lui-même[16]. Quelques jours auparavant, il s'était fait livrer un menhir sous lequel il voulait être enterré. La pierre se dresse dans le cimetière communal[1].
Son dernier ouvrage, Le Livre de ses Livres, recueil de ses essais littéraires, sera publié à titre posthume.
Tout au long de son œuvre relative à la théorie des anciens astronautes, soit les seize dernières années de sa vie, Robert Charroux s'est attaché à établir une nomenclature de l'insolite terrestre. Son objectif a été d'apporter à ses lecteurs des éléments de réflexion en vue de la révision de notre Histoire. Cette révision s'attache à nier la chronologie historique communément établie par les scientifiques. Chacun de ses ouvrages se divise en plusieurs thèmes récurrents rédigés sous une forme originale d'écriture constituée de très courts chapitres indépendants les uns des autres. Ce « style Charroux » fut un atout supplémentaire dans le succès de l'auteur[17].
La « Primhistoire » : mot inventé par Robert Charroux[18] en 1962. Période de la vie de l'humanité, antérieure à la Protohistoire et parallèle à la Préhistoire, mais différente dans le sens qu'elle suppose l'existence de civilisations avancées, ce qui n'a jamais été prouvé.
Le « Mystérieux Inconnu » : phénomène, fait insolite contre lequel butte le raisonnement. Les principaux « mystères » sont ceux de l'Univers, de l'eau, des fantômes…
L'« Initiation » : action de celui qui, par ses recherches et son travail, commence à connaître la vérité. Des « Clubs Robert Charroux » ont été fondés en France et à l'étranger. Ces clubs recevaient périodiquement des sujets à étudier, à contester, à penser[19][source insuffisante].
L'Apocalypse : les découvertes des savants apportent des contreparties non désirées. D'expériences en inventions, l'Homme a abouti à une situation de troubles sociaux et psychiques. Nous vivons en plein déséquilibre avec la Nature[20][source insuffisante].
Cette méthode d'explication de phénomènes à travers l'approche protochronique ou anachronique interprète traces, témoignages et artefacts du passé comme des preuves de techniques avancées, à l'image des « vingt-quatre paratonnerres installés sur le Temple de Salomon » ou de la carte maritime de Piri Reis, présentée comme étant une compilation de cartes grecques vieilles de treize siècles sur laquelle sont figurés les contours des côtes d'Amérique[21].[source insuffisante]
Les thèmes récurrents de l'œuvre de Robert Charroux reposent sur ce que l'on appelle le néo-évhémérisme, néologisme désignant la théorie pseudo-scientifique des anciens astronautes : selon celle-ci, la civilisation aurait jadis été apportée à l'humanité par des extraterrestres, ce dont témoigneraient les nombreux récits religieux mettant en scène des êtres célestes à travers le monde[22]. Du vivant de Robert Charroux, ses théories ne suscitent toutefois guère l'intérêt de la critique littéraire comme de la communauté scientifique[13] (qui la rejette encore au XXIe siècle[22]), ne s'attirant que les commentaires virulents de certains spécialistes (au premier rang desquels l'archéologue Jean-Pierre Adam[13], qui accuse Charroux d'imposture[23]).
Robert Charroux évoque dès son premier essai littéraire, Histoire inconnue des hommes depuis cent mille ans (1963), la prétendue découverte archéologique de Glozel. Il en soutient l'authenticité dans le chapitre Les Ancêtres supérieurs[24]. Il suggère sans preuves que les autochtones primitifs de Glozel, qu'il présente comme avancés, auraient pu être les contemporains de la civilisation andine de Tiahuanaco, qu'il fait erronément remonter à au moins 10 000 ans (le site date en réalité des IIe – Ier siècles av. J.-C.)[25].
Dans Le Livre des secrets trahis (1965), Robert Charroux se fait le véhicule de certains mythes ufologiques - comme les planètes Baavi (dite aussi Baal) et Ummo. En 1964, il rapporte avoir reçu de Baavi, planète présentée comme étant en orbite autour de Proxima Centauri, diverses lettres qui en décrivent la civilisation, la langue, les systèmes de mesure, et contiennent même divers concepts d'astronomie, de physique et de chimie[26]. L'écriture « baavienne » serait en fait une sorte de manuscription spéculaire (écriture en miroir) ou aléatoire d'origine humaine[réf. souhaitée].
En , Robert Charroux visite la « bibliothèque primhistorique » d'Ica au Pérou et soutient l'authenticité des pierres d'Ica[27]. Les « livres » de pierre révèlent des dessins parfaitement gravés d'hommes examinant des objets avec une « loupe » ou le ciel avec une « longue-vue ». Une autre est une mappemonde sur laquelle sont figurées le continent de Mu et l'Atlantide. Sur une autre encore deux hommes attaquent un dinosaure. La greffe du cœur est représentée en quatorze « images »[28].
Selon Henri Broch, les pierres d'Ica relèvent en fait d'une mystification. Leurs créateurs sont des indiens d'Ocucaje (région d'Ica) et d'anciens élèves de l'école des Beaux-Arts de Lima, qui travaillaient sur des galets de rivière et s'inspiraient des décors de pierres authentiques d'une nécropole de la culture Paracas (début de notre ère). Ces galets sont écoulés auprès de touristes et d'archéomanes[29].
L'archéologue Jean-Loïc Le Quellec souligne que la croyance de Robert Charroux en la théorie des anciens astronautes se double d'une position suprémaciste blanche. Selon Charroux, seuls les Blancs (les « Aryens »), qu'il considère comme étant originaires d'un territoire septentrional appelé « Hyperborée », auraient fait l'objet de métissages avec les anciens extraterrestres, ce qui leur aurait conféré un patrimoine génétique supérieur. Leur devoir est dès lors de « garder le sang pur » en ne commettant pas d'« unions dégradantes » avec des « races bestiales » : il cite en contre-exemple les Juifs, dont il affirme qu'ils étaient autrefois de « purs Aryens », mais qu'ils auraient causé leur propre déchéance en se mélangeant à d'autres peuples (ce qu'il caractérise comme un « péché »). Ceci conduit Charroux à écrire que « le péché est de n'être pas raciste » et à tenir Alfred Rosenberg, idéologue du nazisme, pour un « homme de talent »[30].
L'opinion de l'éventuelle origine extraterrestre des civilisations disparues inspire en 1968 l'écrivain suisse Erich von Däniken qui publie en langue allemande cette théorie[31]. Le catalogue des prétendues « preuves » du passage des extraterrestres sur Terre dans les temps anciens est à peu près le même que celui mis en avant par Robert Charroux : merveilles architecturales échappant aux moyens techniques des civilisations auxquelles elles sont attribuées, gravures ou sculptures d'objets volants ou de cosmonautes en scaphandre, textes anciens relus à la lumière de l'ère spatiale[32],[33].
Hergé, qui a lu Le Livre des secrets trahis, s'inspire de l'idée que les civilisations disparues puissent être d'origine extraterrestre pour concevoir Vol 714 pour Sydney (1968) au sein des Aventures de Tintin[34].
Les Extra-terrestres dans l'archéologie et la préhistoire. Réalisation Harald Reinl. 197?, courte apparition relative aux Pierres d'Ica.
Le Film du Mystérieux Écrivain-Aventurier. Images de Robert Charroux sur ses textes, 2009, 1 h 06.
Robert Charroux apparaît (59′12″) dans le film Botschaft der Götter d'Erich von Däniken (1976), au sujet des Pierres d'Ica.
Vidéo (visible sur Youtube) composée de trois extraits de films provenant des archives de l'INA : Le Poitou mystérieux : Charroux () ; Robert Charroux et le trésor des Templiers () ; Charroux, un trésor caché dedans ().
↑Désirée Lorenz, « Super-héros et science-fiction française dans l'immédiat après-guerre », Res Futurae, revue d'études sur la science-fiction, no 14, (DOI10.4000/resf.3651)
↑Trésors du monde enterrés, emmurés, engloutis, éditions « J'ai lu », quatrième de couverture.
↑Gérard Cordier, « La route préhistorique et la protection du patrimoine archéologique », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 59, nos 9-10, , p. 583 (lire en ligne).
↑« Musées, collections, expositions, tourisme », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 58, nos 3-4, , p. 133-134 (lire en ligne).
↑« Fantaisies - Le Grand-Pressigny », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 59, nos 9-10, , p. 583 (lire en ligne).
↑ abc et dPierre Lagrange, « Renaissance d’un ésotérisme occidental (1945-1960) », dans L’ésotérisme contemporain et ses lecteurs : Entre savoirs, croyances et fictions, Éditions de la Bibliothèque publique d’information, coll. « Études et recherche », , 45–96 p. (ISBN978-2-84246-161-4, lire en ligne), § 67-76
↑Histoire inconnue des Hommes depuis cent mille ans, 1963, deuxième de couverture.
↑ a et bPhilippe Chassaigne, Les Années 1970 : Une Décennie révolutionnaire, Armand Colin, , 434 p. (DOI10.3917/arco.chass.2018.01.0335), chap. 10 (« Nouvelles attitudes, nouvelles croyances »), p. 354.
↑Francis Mazière, préface de Le Livre de ses livres.
↑ a et bStéphane François, « Le conspirationnisme à une heure de grande écoute : Alien Theory », Raison présente, vol. 211, no 3, , p. 89-97 (DOI10.3917/rpre.211.0089)
↑Jean-Pierre Adam, L'Archéologie devant l'imposture, Robert Laffont, .
↑Gabriel Gohau, « L'Archéologie devant l'imposture, par Jean-Pierre Adam », Raison présente, no 38 « Mythologies et politique », avril-mai-juin 1976, p. 123-126 (lire en ligne) : « M. Charroux, pourtant, ne craint pas d'écrire que « Glozel est incontestablement authentique, reconnu comme tel par l'immense majorité des préhistoriens du monde entier ». Si cette assertion est absurde, il faut cependant dire que des gens illustres se laissèrent duper par la trouvaille de Glozel. »
↑Damien Karbovnik, « Des Martiens dans la montagne bourbonnaise », dans Julien d'Huy, Frédérique Duquesnoy et Patrice Lajoye (dir.), Le Gai Sçavoir : Mélanges en hommage à Jean-Loïc Le Quellec, Archaeopress, (lire en ligne), p. 519-520
↑(es) Luis R. González Manso, « Ummo, el planeta de los corresponsales anónimos : 27 años de eEncuentros cercanos del tipo postal », Magonia, no 47, (lire en ligne) : « en 1964, el escritor francés Robert Charroux recibe varias cartas (de un corresponsal sólo identificado como MNY) supuestamente procedentes del planeta Baavi, en órbita alrededor de Próxima Centauri. En las mismas describen su civilización, gramática, sistemas de medida, y llegan incluso a incluir varios conceptos de astronomía, física y química. »
↑Imaginaires archéologiques, sous la direction de Claudie Voisenat, éditions de la Maison des sciences de l'homme, 2008.
↑Erich von Däniken, Erinnerungen an die Zukunft, 1968, trad. fr. : Présence des extra-terrestres, 1969. Concernant le plagiat, cf. W. Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres - Ethnologie d'une croyance moderne, Paris, Flammarion, 1999.
↑Philippe Chassaigne, Les années 1970 : Fin d'un monde et origine de notre modernité (Livre numérique Google), Armand Colin, 2012, 400 pages.
La Dépêche du Midi du , "Lorsque le Club des chercheurs de trésors et la RTF s'interressent à Rennes-le-château".
Nouvelle République du , "...
Bulletin de la Société préhistorique de France, année 1962, volume 59, "Le Grand-Pressigny".
Journal de Civray du , "...
Critiques littéraires
L'Express, 1971, « Charroux, le diseur de merveilles ».
La Nouvelle Republique.fr, 2013, « Robert Charroux voyait des trésors partout » (voir [1])
Études sur Robert Charroux
Jean-Pierre Adam, L'archéologie devant l'imposture, Éditions Robert Laffont, 1975.
Jacques Bergier, Le livre des anciens astronautes, chapitre 14 : Un moteur tiré d'un bas-relief maya, Friedrich Egger, Éditions Albin Michel, Les chemins de l'impossible, 1977.
Wiktor Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres : Ethnologie d'une croyance moderne, Flammarion, (ISBN2-08-067211-8).
Claudie Voisenat et Pierre Lagrange, L'ésotérisme contemporain et ses lecteurs, Bibliothèque Centre Pompidou, 2005.
Richard D. Nolane, chap. 5 « Robert Charroux et la Primhistoire », dans Geneviève Beduneau, Des Sociétés secrètes au paranormal : Les Grandes Énigmes, J'ai lu, coll. « L'Aventure mystérieuse », .