Alain Emmanuel de Coëtlogon Marquis de Coëtlogon | ||
Gravure du maréchal de Coëtlogon issue de la collection de portraits du roi Louis-Philippe Musée de l'Histoire de France, Versailles | ||
Naissance | à Rennes (Royaume de France |
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Décès | (à 83 ans) à Paris (Royaume de France) |
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Origine | Français | |
Allégeance | Royaume de France Royaume d'Espagne |
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Arme | Marine royale française | |
Grade | Vice-amiral de la Flotte du Levant Maréchal de France Capitaine général du roi d'Espagne dans les Indes en l'absence du comte de Châteaurenault |
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Années de service | 1668 – 1730 | |
Faits d'armes | ||
Distinctions | Grand'croix de l'ordre militaire de Saint-Louis Ordre du Saint-Esprit Ordre de Saint-Michel |
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Hommages | Rue Coëtlogon (6e arr. de Paris) Une avenue et une école à Rennes Deux navires de la Marine nationale |
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Autres fonctions | Conseiller au Conseil de marine Commandant de la Marine au Port de Brest |
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Famille | Maison de Coëtlogon | |
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Alain Emmanuel de Coëtlogon de Méjusseaume, né le à Rennes et mort le à Paris, est un officier de marine et gentilhomme français des XVIIe et XVIIIe siècles. Issu d'une ancienne famille de la noblesse bretonne, Alain-Emmanuel de Coëtlogon s'engage jeune au service du Roi, d'abord dans l'armée de terre, puis dans la Marine royale. Sous les ordres du maréchal de Tourville, il participe aux guerres menées par Louis XIV contre ses voisins européens.
Il s'illustre pour la première fois pendant la guerre de Hollande au combat de Solebay puis pendant la campagne de Sicile (1675-1678). Après avoir envisagé un temps de se faire prêtre, il mène plusieurs campagnes en mer Baltique et contre les corsaires barbaresques en Méditerranée. La guerre de Succession d'Espagne (1701-1714) lui donne à nouveau l'occasion de s'illustrer au Cap de la Roque puis à Vélez-Málaga. Commandant la Marine au Port de Brest de 1705 à 1714, il est — une fois la paix revenue — comblé d'honneurs. Élevé à la dignité de vice-amiral du Levant à la mort du marquis de Châteaurenault, il est fait la même année Grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. Membre du Conseil de marine, du Conseil d'État, il est fait chevalier des Ordres du Roi en 1724, avant de se retirer chez les jésuites. Il est nommé maréchal de France, six jours avant sa mort, le .
Alain Emmanuel de Coëtlogon est issu de la maison de Coëtlogon, une très ancienne famille noble de Bretagne, descendant d'Eudes de Coëtlogon, chevalier qui vivait en 1180. Remontant au XIIe siècle, elle a fourni un grand nombre de serviteurs et de militaires au royaume de France.
Son père, Louis de Coëtlogon, vicomte de Méjusseaume[1], conseiller du roi au parlement de Bretagne, décède en 1657. Sa mère, Louise Le Meneust de Bréquigny[Note 1], est la fille de René de Brétigny, conseiller du Roi et Président à mortier du Parlement de Bretagne, et de Denise Marcel dont l'hôtel se trouve rue Saint-Georges à Rennes.
Le couple se marie à Rennes le , en présence de Monseigneur Larchiver, évêque de Rennes en l'église Saint-Germain de Rennes. De cette union naissent sept fils :
Ainsi que deux filles :
Alain Emmanuel de Coëtlogon de Méjusseaume naît à Rennes dans l'hôtel familial de la rue Saint Georges. Il est baptisé en l'église Saint-Germain de Rennes le , tenu sur les fonts baptismaux par son parrain Alain de Coëtlogon, seigneur de Kerviguen, et sa marraine Emmanuelle de Coëtlogon.
Membre d'une illustre famille[Note 2],[Note 3], il reçoit à Rennes une excellente éducation. Son père décède en 1657 alors qu'il n'a que onze ans et son frère René devient gouverneur de Rennes. Il entre dans une Académie militaire, dont il sort en 1668 avec le grade d'enseigne. La même année, son frère François est nommé évêque de Quimper, après en avoir été pendant deux ans coadjuteur. À 22 ans, il sert deux années dans le régiment du Dauphin-Infanterie[2] avant d'entrer dans la Marine royale en 1670[3].
La plus grande partie de la carrière maritime d'Alain Emmanuel de Coëtlogon va se dérouler sous les ordres de Tourville, son aîné de quatre ans[Note 4]. Enseigne de vaisseau le , il embarque en 1671 sur le vaisseau L'Excellent[Note 5], 56 canons, commandé par Tourville, basé à Rochefort et qui s'échoue en gagnant la haute mer ; le renflouement sera long et difficile.
En , il combat à Solebay sur Le Sage, 50 canons, commandé par Tourville dans l'escadre du vice-amiral d'Estrées. En , il se distingue sur L'Invincible, 70 canons, aux combats de Schooneveld puis à nouveau au Texel en . Malgré cela, ces trois batailles navales sont remportées par l'amiral de Ruyter contre la flotte combinée franco-britannique commandée par le duc d'York, dans la lutte qui oppose Louis XIV et Charles II Stuart à Guillaume d'Orange, Stadhouder des Provinces-Unies.
En 1674, son frère ainé, le marquis de Coëtlogon, Lieutenant du roi en Haute-Bretagne, avec deux cents gentilshommes et six cents fantassins, repousse victorieusement les troupes du Luitenant-admiraal Cornelis Tromp débarquées en juillet à Belle-Isle sous les ordres du comte de Horne[Note 6].
Le , Alain-Emmanuel de Coëtlogon reçoit une commission de capitaine de vaisseau[2]. Il est alors âgé de vingt-neuf ans seulement. Quelques jours plus tard, il embarque à Toulon comme second de Tourville sur La Syrène de cinq cents tonneaux, envoyée en renfort à Messine, qui s'est révoltée contre le roi d'Espagne et demande secours à Louis XIV. Le , la petite escadre française combat une flotte espagnole deux fois plus importante, commandée par l'amiral Melchior de La Cueva, la met en fuite et entre triomphalement dans Messine. Les Espagnols font venir en renfort des mercenaires allemands par l'Adriatique. Tourville avec La Syrène, Le Téméraire et La Gracieuse, s'empare des navires qui les ont débarqués à Barletta à quarante kilomètres au nord-ouest de Bari sur la côte orientale de la Pouille[Note 7],[4].
Tourville, dans une lettre du , rend compte de cette affaire au secrétaire d'État à la Marine Seignelay :
« Une barque qui va en France me donne occasion de vous assurer, Monsieur, de mes très humbles respects et de vous rendre compte de ce qui s'est passé dans un détachement de deux vaisseaux qui m'a été donné par M. de Vivonne pour aller dans le golfe de Venise empêcher que quelques troupes allemandes ne passent du port de Trieste dans la Pouille. En entrant dans ce golfe j'appris qu'elles étaient déjà débarquées à Pessara et qu'une partie des navires qui les avaient portés étaient devant la ville de Barlette appartenant aux Espagnols. Nous crûmes Lhéry et moi, qu'il était du service du Roi de les aller y insulter ; en chemin faisant nous trouvâmes un navire qui se retira sous Brindisi, nous l'envoyâmes prendre par des chaloupes à la faveur de notre canon : ensuite faisant route du côté de Barlette, on aperçut à l'entrée de la nuit trois vaisseaux sous les forteresses de cette ville. Nous fumes mouillés le lendemain matin à une portée de mousquet de ces murailles, à cinq brasses d'eau, nous canonnâmes Lhéry et moi cette place pendant deux heures. Dans ce temps je détachai quatre chaloupes commandées par le chevalier de Cologon (sic) pour aller enlever ces vaisseaux amarrés sous les forteresses qui faisaient un feu continuel de leur artillerie et de leur mousqueton ce qui ne l'empêcha pas d'aborder le plus gros vaisseau qui se trouva être de cinquante pièces de canon et vénitien, il ne fit aucune résistance : on sut du capitaine que les deux autres étaient espagnols ce qui fit résoudre Cologon d'aller à bord d'un de ces vaisseaux essuyant le feu de la ville et d'une galiotte armée dans le port. Après s'en être rendu maître il en coupa les amarres et nous vint rejoindre avec le vaisseau, il retourna ensuite au vénitien pour le faire mettre à la voile ; ce second voyage ne fut pas moins périlleux que le premier par la quantité de monde qui s'étaient jetés dans l'autre navire espagnol qui incommoda extrêmement nos chaloupes.
- Il ne fut pas longtemps à s'en venger puisque nous convînmes qu'il retournerait la nuit le brûler quoiqu'il fût défendu de tous côtés de la ville et par seize pièces de canon et vingt pierriers qu'il avait, son équipage s'étonna de la résolution avec laquelle on y allait et sauta à la mer lorsqu'il vit qu'on l'abordait… »
Dans une autre lettre du 19 août, Tourville, relatant la prise d'Agosta, décrit l'action fougueuse de Coëtlogon qui « avec quelques mousquetaires coupe la première barrière à coups de hache malgré une grêle de boulets de canon et de pierres et quelques coups de mousquet[6] » et se porte en chaloupe à son secours avec tous les soldats disponibles.
« Je le trouvais à la seconde barrière. Ils [les ennemis] mirent pavillon blanc et comme nous étions à la porte pour parler ils tirèrent à nouveau à coups de mousquet et à coups de pierre sur nous ; ils nous firent une seconde bandière blanche et nous manquèrent une seconde fois de parole ; ils ne se rendirent que lorsque j'allais faire brûler la porte ; le gouverneur vint en bas et demanda à capituler, ce que je fis dans les formes…
Je prends la liberté de vous dire au vrai ce qu'il en est parce que je suis persuadé que vous en ferez ma cour au Roi et que vous n'oublierez pas de faire celle de Coëtlogon qui a bonne part à tout et à qui je donne quelquefois de rudes corvées…[7]. »
Ce n'est qu'au prix de multiples blessures que Coëtlogon enlève la Tour d'Avalos, ce qui entraîne la capitulation de la ville.
C'est au cours de cette bataille navale que l'amiral en chef de la flotte hollandaise, Michiel de Ruyter, allié des Espagnols est grièvement blessé. Il décède quelques jours plus tard à Syracuse. Coëtlogon, capitaine de pavillon du chef d'escadre Gabaret commandant sur le Sans Pareil l'arrière-garde de l'amiral Duquesne, est à nouveau blessé, le [4]. Commandant L’Éclatant[8], dans l'avant garde de la flotte placée sous les ordres du maréchal de Vivonne, il attaque en premier l'escadre hispano-hollandaise au mouillage de Palerme le 31 mai[3],[9].
En 1677, toujours sous les ordres de Duquesne, il escorte un convoi de troupes vers Messine et en participe à l'évacuation de Messine, quatre mois avant la paix de Nimègue, qui met fin à la guerre menée par Louis XIV contre les Provinces-Unies et l'Espagne et apporte au royaume de France la Franche-Comté et des places fortes allant de Dunkerque à la Meuse.
Pendant la campagne de Sicile, son frère Louis achète le château de Loyat près de Ploërmel, construit au début du XVIe siècle par Béatrice de Rostrenen épouse de Jean d'Acigné.
Commandant L'Arc en Ciel, Coëtlogon fait partie de la division, que Tourville, chef d'escadre depuis 1675, à bord du Sans-Pareil, ramène de Toulon à Brest en 1679. Après avoir fait escale à Cagliari, Tripoli et Lisbonne, le Sans Pareil et Le Conquérant sont gravement endommagés et sombrent au cours d'une violente tempête sous Belle-Isle, le [Note 8].
Tourville décide d'évacuer le Sans Pareil et de faire passer 70 de ses hommes sur L'Arc en Ciel à l'aide de la grande chaloupe, mais une fois à l'abri, les marins qui montent la chaloupe refusent de retourner sur le vaisseau amiral à l'agonie pour sauver le reste de l'équipage ; c'est finalement le canot de L'Arc en Ciel qui se porte au secours des hommes restés à bord du bâtiment de Tourville, mais l'état de la mer l'empêche d'aborder ; l'amiral ordonne le sauve qui peut. Les marins sautent à l'eau, mais comme peu d'entre eux savent nager, beaucoup se noient et disparaissent avec Le Sans Pareil ; on dénombre seulement 78 survivants sur un total de 400 hommes[10]. L'Arc-en-Ciel, plus neuf, plus solide que les autres, peut regagner Brest où il s'abrite.
Tourville et une partie de son équipage sont sauvés par Coëtlogon, le chef d'escadre rend compte du naufrage et de l'action de Coëtlogon dans une lettre adressée à Seignelay quelques jours plus tard.
La nouvelle de ce malheur parvient à Versailles où elle jette la consternation[Note 9]. Près de 800 hommes avaient péri et, parmi eux, beaucoup d'officiers appartenant à des familles importantes. En Provence, d'où les équipages étaient originaires, un deuil général est décrété. On fait payer aux familles des morts ce qui leur revenait de leur solde, seule consolation qu'on peut leur donner. Une enquête est commandée à Brest et à Toulon ; Arnoul, qu'on accusait d'avoir mal veillé aux radoubs, est remplacé à Toulon, par Girardin de Vauvré.
En 1680, Alain Emmanuel de Coëtlogon est toujours célibataire à 34 ans. Il a deux sœurs religieuses, un frère évêque, un autre recteur de Crozon et son neveu Louis, fils de son frère René (veuf depuis 1677) vient d'être nommé évêque de Saint-Brieuc. Aussi, il se met à étudier la théologie et envisage d'entrer dans les ordres avec l'accord de l'évêque de Rennes, Jean-Baptiste de Beaumanoir de Lavardin, qui l'autorise dans un document rédigé en latin « à recevoir la tonsure de n'importe quelque illustrissime et révendissime évêque régulièrement et canoniquement institué, non frappé de suspens[11] ». Coëtlogon abandonne son projet religieux pour reprendre la mer, mais profondément marqué par cette crise spirituelle va mener une vie austère dans un célibat quasi-monastique.
En 1683, Alain-Emmanuel de Coëtlogon prend le commandement du Bon dans l'escadre du marquis Preuilly d'Humières, lieutenant général des armées navales, envoyée au Danemark[12]. Partie de Brest en , la flotte de treize vaisseaux arrive au mois de juillet dans la rade de Copenhague. Elle avait pour ordre de porter secours au roi de Danemark, et d'empêcher la jonction des vaisseaux hollandais avec ceux de Suède et pour empêcher que les Suédois ne fassent passer des troupes en Allemagne.
Le , il perd son frère René, gouverneur de Rennes, qui est remplacé par son fils René Hyacinthe, troisième marquis de Coëtlogon[12]. En 1685, capitaine de vaisseau, Coëtlogon commande Le Vermandois, quarante-quatre canons, à Tanger et à Cadix.
L'année suivante, il livre combat devant Malaga à deux vaisseaux espagnols de cinquante-six et quarante-quatre canons, qui refusent de saluer le pavillon du roi de France et les oblige à se réfugier à la nuit sous les batteries de Málaga[3],[4]. En 1687, il prend à l'abordage un navire corsaire barbaresque et participe en dans l'escadre d'Estrées à un nouveau bombardement d'Alger[1],[4].
Pendant la guerre de la Ligue d'Augsbourg, il soutient au sein de l’escadre de Châteaurenault, son neveu par alliance, le débarquement des troupes de Jacques II à Kinsale en Irlande le pour reconquérir son royaume avec le concours des Irlandais catholiques et de ses partisans écossais.
Le 10 mai, Coëtlogon commandant Le Diamant[3] débarque des soldats et du matériel à Bantry. Le lendemain, 11 mai, au large du cap Clear, la flotte française combat dans la baie de Bantry l'escadre de l'amiral anglais Herbert. Durant la canonnade, qui dure six heures, un incendie se déclare dans les gargousses du Diamant[3]. Une explosion arrache la dunette, tuant trente gardes de la Marine[4]. Bien qu'une partie de son équipage ait sauté à la mer, Coëtlogon continue à combattre en luttant contre l'incendie[3], qu'il arrive à circonscrire. Les vaisseaux anglais ont beaucoup souffert et la moitié d'entre eux ne sont plus en état de combattre, mais Châteaurenault laisse échapper son adversaire sans obtenir une victoire décisive.
Nommé chef d'escadre le [1], Coëtlogon continue à servir sous les ordres de Tourville, lieutenant général des armées navales depuis le et qui vient d'être promu vice-amiral du Levant lors de la même promotion.
Le suivant, la flotte française quitte Brest. Le , il est au large du cap Lizard. Pendant que la flotte anglaise quitte l'île de Wight où, les dix derniers jours, elle a reçu des renforts d'autres navires anglais, et d'une escadre hollandaise commandée par Cornelis Evertsen. Mais une grande partie de la marine royale a été détournée pour protéger le commerce maritime des corsaires, la flotte alliée ne compte finalement que 57 navires de ligne, totalisant 4 153 canons, tandis que la flotte de Tourville en compte 4 600. Durant la bataille du cap Béveziers, qui oppose le , le marquis de Châteaurenault à l'avant-garde à l'amiral hollandais Evertzen, Tourville au centre au comte de Torrington et à John Ashby, et le comte d'Estrées à l'arrière garde à Ralph Delaval, Coëtlogon commande une division de l'avant-garde sur Le Saint-Philippe, 78 canons. Il participe avec vaillance à la destruction de l'escadre hollandaise encerclée par Villette-Mursay et Tourville, pendant que les Britanniques font remorquer leurs vaisseaux par des chaloupes hors de portée des canons français. À la renverse du courant à 16 h 30, les Anglo-hollandais mouillent, les Français les imitent trop tard et dérivent loin de l'adversaire.
Avant la « campagne du Large » de 1691, Coëtlogon écrit de Brest à Tourville le , pour lui faire part de ses inquiétudes au sujet d'un convoi envoyé au secours de Limerick sur le Shannon assiégée par Guillaume III :
« Après, monsieur, vous avoir assuré de la joye que j'ay que vous donniez une partie de vos soins à nostre marine qui assurément en recevra un avantage considérable et que nous puissions espérer de vous voir souvent dans nos ports, je vous diray que nous n'avons rien plus à soueter que le prond deppart et le prompt retour des bâtiments destinés pour l'Irlande ; nos brûlots en estant et plus de trois mille officiers mariniers et matelots des meilleurs qui en font l'armement, c'est un grand préjudice au service du roy et à l'armement général que ce convoy ait été retardé par les vents contraires qui ont soufflé depuis si longtemps car je n'en regarde le retour que dans les derniers jours de juin que notr'armée devrait estre en mer.
Il me semble qu'il conviendrait d'envoyer les bâtiments à mesure qu'ils seront chargés sous l'escorte d'un bon vesseau de guerre qui en escorteroit sinc ou six à la fois et qui s'en reviendroit des qu'il les auroit mis à l'entrée du port de limeric et sous les soins de quelque bon commissaire de terre ou de mer qui les feroit décharger en diligence et avec ordre. Cette manière est la plus prompte et je ne crois pas qu'il y eut de risque dans cette saison qui est encore trop rude pour croire que les ennemis ayent des vesseaux à croiser sur cette coste qui peut-être dans un mois n'en seroit pas exempte ; dans ce temps il seroit à propos de prendre d'autres précautions ; ce seroit un grand bien si vous pouviez vous passer de nos brûlots et nous les renvoyer de la rivière de Nantes ou je les crois arrivés.
C'est un bonheur que cette affaire soit entre vos mains : nous devons tout espérer de vostre vigilence et de vostre bon esprit, quant à moy monsieur je soueterais fort avoir quelque part a l'amitié et a l'estime d'une personne de vostre mérite et qui a un'approbation aussi générale je rechercheray avec empressement les occasions de vous marquer combien je vous honore et combien je suis véritablement monsieur vostre très humble et très obéissant serviteur. »
Coëtlogon prend part à la brillante campagne du Large conduite par Tourville contre l'amiral Russell du 25 juin au dans la Manche puis dans l'Atlantique. Chef-d’œuvre d'habileté manœuvrière et de tactique navale, Tourville parvient pendant cinquante jours à attirer au large, sans la combattre, une flotte anglaise plus nombreuse et à la détourner ainsi des côtes de France.
En , Louis XIV décide sur le conseil du marquis de Bonrepaus de s'emparer de Londres en débarquant sur l'île de Portland 13 000 fantassins et 3 000 cavaliers rassemblés à Saint-Vaast-la-Hougue sous les ordres de Jacques II Stuart et du maréchal de Bellefonds, après la destruction de la flotte anglo-hollandaise par Tourville, qui estime manquer de moyens mais obéit.
Le , Coëtlogon commande une division sur Le Magnifique[Note 10],[Note 11], 86 canons et 600 hommes d'équipage dans l'arrière garde de Gabaret opposée à l'escadre bleue de l'amiral anglais Ashby secondé par les amiraux Carter, Rooke et Shovell. Le combat commence vers 11 heures ; le vent faible et incertain vient du nord-ouest ; les deux lignes adverses font route au sud. Le marquis d'Amfreville à l'avant garde, soutenu par les cinq vaisseaux détachés du marquis de Nesmond, s’oppose à la tentative de débordement de l'avant garde hollandaise de l'amiral Almonde ; au centre Tourville et Russell se livrent à un combat acharné ; à l'arrière Gabaret et Coëtlogon couvrent les vaisseaux de Tourville pour qu'il ne soit pas pris entre deux feux par Ashby, qui se lance à la poursuite de la division de Panetié.
Coëtlogon combat pendant deux heures la division de Shovell. Vers 16 heures, les vaisseaux d'Ashby reviennent encercler Tourville, les Français se battent à un contre deux. Coëtlogon se porte au secours du Soleil Royal de Tourville entouré par huit vaisseaux et plusieurs brûlots. Le vent tombe le flot commence à porter à l'est, Tourville fait mouiller ses navires, le centre anglais est entraîné hors de portée de canon par le courant de marée ; la brume tombe et ne se dissipe qu'à vingt heures. L'escadre d'Ashby lance ses brûlots sur le Soleil Royal, qui réussit à les éviter et se laisse dériver à travers le centre français pour s'échapper. Durant cette action le contre amiral Carter et le commodore Hastings sont tués. Tourville a remporté la victoire avec 44 vaisseaux contre les 99 de Russell. La nuit tombe et la lune se lève, Russell rassemble ses forces et fait route vers le nord. L'ennemi perd deux vaisseaux et les Français ont 1 700 hommes hors de combat. Tout ce que fait ce jour-là, le comte de Tourville écrit Villette-Mursay, qui commandait une division du centre « est si grand et si beau, qu'il n'y a rien à excuser ou à défendre[13] ». Il ajoute dans ses Mémoires :
« Le chevalier de Coëtlogon se distingua par un endroit que l'événement a autorisé. Au lieu de suivre Mr Gabaret, son amiral, il s'attacha au comte de Tourville et fit merveilles avec lui. Tout bien regardé, Coëtlogon n'a pas montré à cette occasion moins de bonne conduite que de fermeté et il est digne de beaucoup de louanges[14]. »
Le père Hoste, aumônier de Tourville, qui a assisté à la bataille écrit, en la relatant, dans son Traité des Évolutions Navales, publiée en 1691 :
« Une juste reconnaissance m'oblige de ne pas oublier le chevalier de Coëtlogon, chef d'escadre, qui, par une valeur incomparable, vint partager la gloire de cette action. Il était contre amiral bleu et son poste naturel l'avait mis hors de la portée des ennemis ; mais voyant l'Amiral de France au milieu des Anglais où on le croyait perdu, il obtint la permission de quitter son poste, et s'étant fait jour à travers les ennemis qui entouraient son général, il vint mouiller près de lui, pour le sauver (disait-il à ses officiers), ou pour périr avec lui[15]. »
Coëtlogon demandera à passer en conseil de guerre pour ce glorieux acte d'indiscipline et sera acquitté[16].
Le , Gabaret et Nesmond rejoignent Brest avec cinq vaisseaux, deux rallient Le Havre et deux Saint-Vaast-la-Hougue. Tourville essaie de gagner Saint-Malo par le Raz Blanchard. En fin d'après-midi, il doit abandonner trois vaisseaux dont le Soleil Royal, qui s'échouent en rade de Cherbourg et seront incendiés par les brûlots de l'amiral Delaval le 1er juin. Vingt-deux navires franchissent le Raz Blanchard dans la nuit du 30 au et se réfugient à Saint-Malo sous les ordres de Panetié. Les dix derniers dont L'Ambitieux de Villette-Mursay, sur lequel Tourville a transféré son pavillon et Le Magnifique de Coëtlogon, entrent trop tard dans le chenal, chassent sur leurs ancres et se mettent à l'abri sous Saint-Vaast-la-Hougue, sans câbles pour mouiller ; ils s'échouent sous les forts de La Hougue et de Tatihou et seront incendiés par l'ennemi, sans que les troupes à terre cherchent à s'y opposer : quinze vaisseaux sont ainsi perdus.
Chaque année, à la fin du printemps, un gros convoi de navires marchands quittait l'Angleterre, à destination, entre autres, de Smyrne, d'où son appellation de « Convoi de Smyrne ». Le , Tourville, élevé en mars à la dignité de Maréchal de France, appareille de Brest sur le nouveau Soleil Royal avec soixante-et-onze vaisseaux, dont celui de Coëtlogon, et quinze frégates, avec l'intention de se saisir de ce convoi[Note 12].
Le 2 juin la flotte mouille à Lagos pour se mettre à l'abri du mauvais temps. Le 26 juin le convoi de Smyrne est signalé, il compte cent quarante-huit navires marchands, escortés par vingt-sept vaisseaux commandés par l'amiral britannique Rooke et l'amiral hollandais Van Der Goes. Tourville appareille aussitôt, l'escorte mal engagée par Gabaret s'échappe, une centaine de bâtiments marchands sont pris entre Lagos, Cadix, Gibraltar et Malaga. La valeur des prises s'élève à plus de trente millions de livres. Le 8 juillet, Coëtlogon détaché avec huit vaisseaux et huit galiotes s'empare sous les canons des forts de Gibraltar de deux vaisseaux et de trois navires marchands hollandais. Il brûle et coule cinq bâtiments anglais, de 36 à 50 canons, qui faisaient partie de la flotte de Smyrne[17]. Le chiffre exact des prises effectuées ce jour-là diffère selon les historiens[Note 13].
En , le Trésor royal étant vide, Tourville désarme sa flotte à Toulon. Le chevalier de Coëtlogon rentre à Rennes. Le 26 novembre, l'amiral anglais John Benbow mouille au large de Saint-Malo avec une escadre de dix vaisseaux et six galiotes pour détruire ce refuge de corsaires avec une machine infernale constituée par un navire de grande taille rempli de poudre. Les galiotes mouillées dans la fosse aux Normands sous le Grand Bé, bombardent la ville. Le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, accompagné de Châteaurenault, Coëtlogon, Bienassis et Sainte-Maure, arrivent à Saint-Malo le 28 pour prendre les dispositions de défense. Les femmes et les enfants sont évacués. Par chance la machine infernale, lancée sur la ville à la pleine mer, s'échoue sur un rocher avant de l'atteindre.
Le , le chevalier de Coëtlogon est nommé chevalier de l'Ordre militaire de Saint-Louis[1], institué par le roi en « en considération des services qu'il rend depuis dix-neuf ans tant en qualité de capitaine de vaisseaux que de chef d'escadre ». En 1694 il adresse au Secrétaire d'État à la Marine un rapport sur la situation de la Marine et son emploi :
« Les ennemis envoyant à présent quarante vaisseaux dans la Méditerranée, dont apparemment trente se joindront à ceux d'Espagne, il est difficile qu'on puisse faire passer dans cette mer par la difficulté de faire la jonction, les ennemis gardant le détroit ou se tenant aux îles d'Hyères d'où ils pourraient avoir connaissance par des bâtiments de garde de tout ce qui voudrait entrer ou sortir de la rade de Toulon […] il me paraît être aussi nécessaire que les ennemis soient longtemps persuadés que Sa Majesté veut faire un grand armement dans cette mer afin de les obliger à faire les frais d'une grande armée et de leur ôter la penser de faire la dépense et les préparatifs d'une descente considérable à laquelle ils travailleraient indubitablement s'ils ne croyaient pas avoir rien à craindre d'une armée du roy.
Lorsque les ennemis auront appris que nous n'aurons point d'armée, s'ils ne s'attachent point à quelque lieu, il y a apparence qu'ils partageront la leur en escadres qu'ils envoieront dans les rades de La Rochelle, à l'entrée de la rivière de Nantes, à celle de Bordeaux et sur Belle-Isle, pour donner de l'inquiétude à une plus grande étendue de côtes, interrompre le commerce et ôter aux escadres et aux corsaires l'entrée de nos rades et des ports…
Si cependant le roy jugeait à propos d'en mettre à la mer (une armée), il me parait qu'il pourrait en envoyer une assez forte sur les escadres composées des vaisseaux qui usent le moins d'eau et commandée par Bart qui connaît cette mer et les ports de Norvège et de Danemark ; elle pourrait porter beaucoup de dommage au grand commerce que les ennemis font dans le Nord et prendre quelques bâtiments de ceux qui viennent des Indes orientales. Les ambassadeurs de Sa Majesté dans les cours de Danemark et de Suède pourraient faire faire du biscuit et des vivres et faire fournir de la bière et des rafraîchissements en étant avertis de bonne heure ; il serait à propos de consulter sur ce dessein M. Bart lorsqu'il sera de retour de la mer.
On pourrait aussi tenir une escadre nord et sud du cap Saint Vincent assez au large de la côte pour qu'elle n'en eut connaissance que les vaisseaux du roy auraient absolument besoin des secours de la rivière de Lisbonne ou de la ville de Lagos ; elle pourrait aussi, étant pourvue d'eau et de rafraîchissements, faire quelque course vers les Açores dans l'espérance de rencontrer quelque flotte de celles qui viennent de l'Amérique…
Quant à la Méditerranée, je ne vois guère que le port de Gênes qui puisse être une retraite pour une escadre ; encore n'est-elle pas trop sûre contre les mauvais temps ; tous les autres ports sont aux ennemis jusqu'à l'entrée de l'Archipel et au fond du Levant où il y en a qui appartiennent aux Vénitiens et au Grand Seigneur. Il faudrait cependant que les commandants de l'escadre et des vaisseaux eussent la précaution, lorsqu'ils auront besoin de se retirer dans quelque port, de choisir les plus assurés par eux et par leur situation, sans compter beaucoup sur les batteries qui défendent les ports ni sur la protection des gouverneurs qui n'empêcheraient pas les ennemis, se trouvant les plus forts, d'y attaquer les vaisseaux du roy…
Je ne vois rien de plus sûr, de plus préjudiciable aux ennemis et de plus avantageux au roy, que de donner des navires à tous ceux qui voudront armer pour leur compte, pourvu que ce soient des personnes dont on puisse répondre de la capacité et de la sagesse.
Outre le mal qu'ils feraient à l'ennemi, ils occuperaient et nourriraient plusieurs matelots qui, faute de subsistance chez eux, en pourraient aller chercher chez les ennemis. Il serait à propos de donner ordre aux petits corsaires, qui voudraient revenir en France, avant le mois d'octobre, de tâcher de savoir des nouvelles des ennemis et d'aller à Bordeaux ou à La Rochelle plutôt qu'à Brest ni dans la Manche, y ayant apparence que les escadres ennemies se tiendront plus longtemps aux environs de Brest que des ports du royaume plus éloignés de la…
Rien ne manque plus à la grandeur du roy et au bon état de ses affaires que de mettre en mer tous ses vaisseaux. Un grand armement met toutes les côtes du royaume au repos, sur lesquelles les ennemis feraient des entreprises si nous n'avions point d'armées, ayant depuis longtemps les bâtiments nécessaires pour embarquer des troupes et les débarquer où elles ne seraient peut-être pas attendues après avoir fait marcher d'un autre côté celles du roy.
Ce n'est pas qu'ayant une armée plus forte que celle de Sa Majesté ils ne puissent entreprendre de descendre en Normandie ou en Picardie avec leurs bâtiments de charge escortés de quelques vaisseaux de guerre pendant que leur armée, étant hors de la Manche, observerait celle du roy et la combattrait si elle jugeait qu'il lui fut avantageux.
Mais je suis persuadé que Sa Majesté ayant quatre-vingt-dix navires ensembles ils n'oseraient rien entreprendre partout ailleurs à cause des accidents qui pourraient arriver à leurs bâtiments de charge dans un long trajet et dans une grande mer par les vents et par notre armée ; lorsque les ennemis n'auront que dix ou douze vaisseaux (de) plus que nous ; nous pourrons tenir la mer hors de la Manche et les combattre lorsque l'occasion sera avantageuse et favorable au jugement du général, l'intérêt du roy n'étant plus de les combattre seulement de les vaincre et de garantir ses côtes.
Quant au succès il dépendra de la volonté du Seigneur, rien n'étant si incertain que le gain d'un combat de mer, les ennemis n'ayant pas moins de courage que nous ni de moins bons vaisseaux que les nôtres. Lorsqu'ils n'auront que leur armée navale, il n'y aura rien à craindre pour les provinces, les descentes qu'ils feraient ne pouvant être considérables.
Si les forces ennemies étaient si fort au-dessus des nôtres que l'armée du roy ne put tenir la mer dans l'Océan, il croirait qu'il serait à propos de faire passer de bonne heure dans la Méditerranée un corps de gros vaisseaux qui, joints à ceux qui vont à Toulon, fissent le nombre de cinquante navires lesquels pourraient servir utilement en Catalogne si le roy jugeait à propos d'y faire des conquêtes le printemps prochain auparavant que les Anglais et les Hollandais y eussent envoyé assez de vaisseaux pour nous obliger à retirer les troupes de la marine qui seraient dans l'armée de terre, je doute qu'ils envoient dans cette mer plus de trente ou trente-cinq vaisseaux qui, étant joints aux espagnols, ne seraient pas plus forts que nous, à moins qu'ils ne sachent de certitude que le roy ne doit pas armer dans l'Océan. En ce cas ils pourraient faire passer dans la Méditerranée de plus grandes forces…
L'inapplication de la plupart des officiers subalternes, leur peu de discipline et de subordination viennent de ce qu'ayant pour la plupart des parents ou des patrons par lesquels ils avancent, ne croyant pas avoir besoin de s'attacher à leur métier et les capitaines qui ne trouvent dans plusieurs aucun secours, se reposent très peu sur leurs soins et ne s'en donnent guère à leur faire faire le service, aimant mieux s'en rapporter aux maîtres et aux pilotes, au lieu que s'ils ne parvenaient que sur les bonnes relations des commandants et des capitaines avec qui ils auraient servi, il arriverait sûrement qu'ils s'appliqueraient, que la subordination et la discipline serait aussi bien établie et observée qu'elle l'est par terre et afin que les capitaines ne parlassent point sans de bonnes raisons à l'avantage de leurs officiers il serait à propos de leur faire savoir qu'on leur redonnerait les campagnes suivantes ; la plupart ne portent à la mer ni cartes ni compas…
Il y a plusieurs aides-majors qui ne servant pendant les campagnes que dans cette fonction n'apprennent point la manœuvre ni le pilotage ni ce qui peut former un bon officier de mer et parviennent à être capitaines sans savoir le métier ; je crois qu'il serait à propos lorsque les vaisseaux sont à la voile où ils sont presque toujours sans fonction, qu'ils fissent le service comme lieutenants selon leur ancienneté et qu'ils fissent le quart…
Nous éprouvons, toutes les campagnes, que la poudre qui est dans les soutes des vaisseaux devient humide et perd beaucoup de sa force…
Les capitaines, à l'exemple les uns des autres, tiennent à la mer des ordinaires trop forts et ils y emploient plus qu'ils ont besoin et sont obligés d'embarquer une si grande quantité de moutons, bœufs et volailles, que les entre-ponts sont échauffés et embarrassés ; il serait de l'avantage de l'équipage et des capitaines qu'il leur fut défendu de donner du rôti à dîner et de la viande à déjeuner, cette défense ne doit pas être pour les généraux qui ont des appointements plus considérables et de plus grands vaisseaux…
Permettez-moi aussi de vous représenter, Monseigneur, que l'impunité de quelques mauvaises actions qui ont été faites à la mer, a causé beaucoup de relâchement dans plusieurs qui feraient toujours leur devoir s'ils n'avaient pas eu de mauvais exemples lesquels, n'ayant pas été châtiés, ont fait manquer des occasions qui auraient été très utiles au roy et auraient porté aux ennemis un coup mortel ; il est très assuré que lorsque les lâchetés seront punies sévèrement et les bonnes actions récompensées avec quelque considération pour ceux qui en font toujours, que les moins braves tiendront leur poste et que l'ardeur et le zèle des autres continueront à les porter à faire encore mieux qu'ils n'ont fait.
Si on observe ces deux choses, on peut s'assurer que le corps de la marine ne peut être vaincu ».
Dans ce long rapport, Coëtlogon préconise de tenir la mer au lieu de laisser les forces navales dans les ports à la merci du blocus ennemi, il encourage la guerre de course, qui fera du tort au commerce adverse, jette un regard lucide sur le manque de connaissances de certains officiers, qui comptent plus sur leurs appuis à la Cour, que sur leurs mérites pour avancer et demande l'application stricte de la discipline.
Il semble que le chevalier de Coëtlogon se soit livré à la guerre de course, de 1694 à la paix de Ryswick, qui met fin à la guerre de la Ligue d'Augsbourg, mais rien ne permet de le prouver. En 1697, son neveu le capitaine de vaisseau Jacques de Coëtlogon, fils de son frère Sébastien meurt à trente-cinq ans des suites des blessures reçues durant le siège de Carthagène des Indes conduit par le gouverneur de Saint-Domingue Jean-Baptiste du Casse et le baron de Pointis.
En 1698, Louis XIV en conflit avec le Maroc envoie Coëtlogon, à la tête de sept frégates légères, croiser au large des côtes du pays[18].
Le , le roi d'Espagne Charles II meurt sans laisser d'héritier et désigne comme successeur le duc d'Anjou petit-fils de Louis XIV ou à défaut l'archiduc Charles fils de l'empereur Léopold. Le duc d'Anjou est proclamé roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, tout en conservant ses droits sur le trône de France. Jacques II Stuart meurt à son tour et Louis XIV reconnait son fils Jacques III comme roi d'Angleterre, ce qui irrite Guillaume III. Le , le Saint-Empire, les Provinces-Unies et la Grande-Bretagne se coalisent à nouveau contre la France.
En la mort de Tourville affecte profondément le comte de Coëtlogon. Il est remplacé comme vice-amiral du Levant par le marquis de Châteaurenault et Coëtlogon est nommé lieutenant général des armées navales le 29 mai[1],[16] « pour servir en Levant et en Pônant », avec le titre de marquis, qu'il n'utilisera jamais, le marquisat de sa famille étant réservé à la descendance de son frère ainé René.
Jérôme Phélypeaux de Pontchartrain, qui a succédé à son père en 1697 au Secrétariat d'État à la Marine, ne dispose que de cent-dix vaisseaux à opposer aux deux-cent-vingt-sept vaisseaux anglais et hollandais de la coalition et tout en poursuivant la guerre de course, tente de maintenir la liberté de communications, d'une part entre la France et l'Espagne, d'autre part entre l'Espagne et l'Amérique[16].
Le vice-amiral Châteaurenault est nommé « capitaine général des mers de l'Océan »[19] par Philippe V. Le chevalier de Coëtlogon lui est adjoint avec pouvoir de « capitaine général du roi d'Espagne dans les Indes en l'absence du comte de Chateaurenault ».
Il est envoyé en compagnie de Châteaurenault, à la tête de dix-huit vaisseaux protéger les colonies françaises et espagnoles d'Amérique, Buenos Aires, La Havane, Vera Cruz, Porto-Bello et Carthagène des Indes, que les Anglais étaient désireux de prendre[20].
En 1702, Coëtlogon au service de l'Espagne à la tête d'une escadre de cinq vaisseaux : Le Monarque, L'Orgueilleux, Le Vainqueur, L'Éole et La Couronne, est chargé de protéger le ravitaillement des colonies espagnoles. Il séjourne à Vera Cruz au Mexique et demeure à la suite d'ordres et contre-ordres dans une longue inaction, dont il s'indigne dans une lettre du , écrite de La Havane.
Parti de Brest le , le chevalier de Coëtlogon monté sur Le Vainqueur revient sur les côtes portugaises, à la tête d'une escadre de cinq vaisseaux. Le , il livre bataille au large du Cap de la Roque[Note 14] avec sa petite escadre à cinq bâtiments hollandais[Note 15] moins puissants que le sien escortant la flotte de navires marchands entre Lisbonne et Saint Wal[1]. Il remporte la victoire sur les navires néerlandais, coule une partie de la flotte et prend quatre vaisseaux, mais laisse échapper une partie du convoi marchand, selon la relation officielle, qui en est faite[21]. À cette occasion il fait prisonnier le comte de Wallenstein, ambassadeur du Saint-Empire romain germanique auprès du Portugal[Note 16].
Des officiers de l'escadre, sous les ordres de Coëtlogon, sont accusés d'avoir détourné trois millions de livres sur les prises faites à cette occasion, et Louis XIV ordonne qu'un enquête soit effectuée[22].
En 1704, le comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et de Madame de Montespan, Amiral de France à cinq ans, Gouverneur de Bretagne en 1695 et Lieutenant Général en 1702, arme une escadre à Brest le 15 mai[16], rallie Toulon et appareille le 22 juillet avec cinquante vaisseaux, dont Le Monarque, 90 canons, commandé par Coëtlogon[16]. L'escadre anglo-hollandaise de l'amiral, forte de cinquante-trois vaisseaux s'empare de Gibraltar le .
Le 24 août les deux escadres sont à la vue devant Vélez-Málaga : l'avant-garde de Villette Mursay, dans laquelle Du Casse commande une division, s'oppose aux amiraux anglais Shovell et Leake ; au centre le comte de Toulouse avec à ses côtés le Maréchal Victor d'Estrées et secondé sur Le Tonnant par le Lieutenant Général de Coëtlogon remplissant les fonctions de vice-amiral du corps de bataille, fait face à l'amiral Brooke[23]. Le marquis de Langeron commande l'arrière garde et se mesure avec l'amiral hollandais Callenburgh. Pendant deux heures, les deux lignes se canonnent vigoureusement. Malgré les objurgations du Lieutenant général de Relingues, qui, commandant une division sur Le Terrible, a une jambe emportée par un boulet et meurt le lendemain, le comte de Toulouse ne poursuit pas son avantage sur les ennemis, qui manquent de munitions.
La bataille de Vélez-Málaga est le dernier combat de Coëtlogon à la mer. Il prend d' à le commandement de la Marine au port de Brest. Le , il est élevé au grade de Commandeur de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis avec une pension de 3 000 livres[24] « à la place de feu le comte de Relingues, en considération des preuves qu'il a données de sa valeur et de son expérience consommée dans la Marine pendant trente-huit ans de services avec faculté de porter le ruban rouge couleur de feu[Note 17] en écharpe[23]. »
En 1705, son neveu Louis, fils du marquis René de Coëtlogon, et évêque de Saint-Brieuc devient évêque de Tournai. Son frère François, évêque de Quimper meurt en 1706, pendant qu'il arme à Brest et Lorient une escadre de dix-huit vaisseaux pour effectuer une diversion dans l'océan, afin d'empêcher l'adversaire de concentrer ses forces en Méditerranée ; le lieutenant général ne pourra sortir de Brest bloqué par l'ennemi. En 1707, son neveu évêque de Tournai meurt à son tour. Le chevalier de Coëtlogon assure à nouveau le commandement de la Marine à Brest de à .
En 1709, le quatrième marquis de Coëtlogon son neveu Philippe Guy, mousquetaire, guidon de la compagnie des gendarmes écossais, procureur général et syndic des États de Bretagne puis conseiller au Parlement de Bretagne est terrassé par une attaque d'apoplexie à quarante ans et est probablement inhumé à La Trinité-Porhoët. son fils ainé César Magdeleine, époux de Claude Leborgne d'Avaugour devient cinquième marquis de Coëtlogon et réside fréquemment au château de Coëtlogon.
En 1712, le Traité d'Utrecht met fin à la guerre de Succession d'Espagne, après les victoires de Villaviciosa remportée par le duc de Vendôme en 1710 et de Denain gagnée par Villars en 1712, Louis XIV garde ses conquêtes territoriales, mais cède aux anglais Terre-Neuve, l'Acadie et la Baie d'Hudson. La même année Coëtlogon perd son frère Guy, âgé de soixante-dix-sept ans, chef de la branche des Coëtlogon-Méjusseaume. Il séjourne épisodiquement à Brest en , et .
Le , Louis XIV accorde au chevalier de Coëtlogon une pension de 4 000 livres sur l'Ordre de Saint-Louis « vacante par le décès du Sieur Ducasse[25]. » En septembre, le roi Louis XIV décède. Le , il est admis au Conseil de marine avec voix délibérative[16]. À la mort du marquis de Châteaurenault, Coëtlogon est élevé le , à la dignité de vice-amiral du Levant[4] qu'il a refusé de racheter[Note 18] au comte de Noailles[Note 19],[Note 20], fils de Châteaurenault, et est nommé Grand'croix de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis[24] avec une pension annuelle de 6 000 livres[26]. Le , le Régent, le duc d'Orléans, le fait désigner pour siéger au Conseil d'État, dès qu'une place sera disponible.
« Le Roi étant à Paris — porte le brevet — ayant égard aux services du Sieur Marquis de Coëtlogon, vice-amiral de ses armées navales et conseiller au Conseil de la Marine, Sa Majesté a résolu de l'admettre en ses Conseils en qualité de Conseiller d'État, mais comme toutes les places se trouvent remplies aux termes du Règlement de 1673, elle a voulu lui assurer dès à présent, une place au dit Conseil. »
Début 1724, le nouveau Premier ministre, le duc de Bourbon, fait une promotion de maréchaux de France et de chevaliers de l'Ordre.
« Il donna l'Ordre à Coëtlogon - écrit Saint-Simon - tout aussi mal à propos qu'il ne le fit pas Maréchal de France… Coëtlogon en fut vivement touché, mais consolé par le cri public, il n'en fit aucune plainte et s'enveloppa dans sa vertu et sa modestie[27]. »
Le , les titres produits (cent trente-trois pièces) par César Magdeleine, chevalier, marquis de Coëtlogon, chef du nom et armes, petit-neveu de l'amiral, prouvant que l'origine de la famille remontait à l'an 1100, en ligne masculine aux ducs de Bretagne et en ligne féminine à la maison de Porhoët, branche cadette de celle de Bretagne, le vice-amiral de Coëtlogon est admis dans les Ordres du Roi : l'Ordre du Saint-Esprit, institué par Henri III en 1578 et l'Ordre de Saint-Michel, fondé par Louis XI en 1469, la plus haute récompense à laquelle un gentilhomme pût prétendre. En 1725, son petit neveu Jean de Coëtlogon, frère de César Magdeleine, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, meurt noyé.
Comme son frère ainé René, le vice-amiral fait partie de la Grande Députation des États de Bretagne à la Cour de France[4], dont il n'apprécie pas les mœurs. Il décide de se retirer en 1726 à l'âge de quatre-vingt ans au Noviciat des Jésuites de Paris et tant que sa santé le lui permet, séjourne chez les religieux à Rennes, dont il est Lieutenant du Roi, au château de Loyat, dont il suit toujours les travaux qui se poursuivront jusqu'en 1737 et à partir de 1728 à Coëtlogon au nord de La Trinité-Porhoët, où il participe financièrement à la reconstruction du château de Coëtlogon, entreprise par son petit neveu César Magdeleine, qui a brûlé en 1795. La première pierre du château actuel porte l'inscription suivante « les flammes IHS ayant consommé l'ancien château, celui-ci fut fondé sous la protection de Dieu le par Messeigneurs César, Sire et Marquis de Coëtlogon et Alain Emmanuel de Coëtlogon, chevalier des Ordres du Roi, vice amiral de France[28]. »
Saint-Simon raconte comment le chevalier de Coëtlogon refusa de vendre sa charge de vice-amiral du Levant pour accéder à la dignité suprême de Maréchal de France :
« Quelques années après, étant fort vieux, il se retira dans une des maisons de retraite du noviciat des Jésuites, où il ne pensa plus qu'à son salut par toutes sortes de bonnes œuvres. Alors Dantin et le comte de Toulouse, qui avait épousé la veuve de son fils, sœur du duc de Noailles, laquelle en avait eu deux fils, songèrent à faire donner au cadet de ces deux petits-fils de Dantin, tout jeune, la vice-amirauté de Coëtlogon, pour avoir l'appui du comte de Toulouse son beau-père, amiral, et voler de là rapidement au bâton de Maréchal de France. Ils le proposèrent à Coëtlogon, ils lui offrirent tout l'argent qu'il en voudrait tirer, enfin ils lui montrèrent le bâton de maréchal de France qu'il avait si bien mérité.
Coëtlogon demeura inflexible, dit qu'il ne voudrait pas vendre ce qu'il n'avait point voulu acheter, protesta qu'il ne ferait point ce tort aux officiers de la Marine, de priver de leur fortune ceux que leur service et leur ancienneté devaient faire arriver après lui. On sut cette généreuse réponse moins par lui que par les gens qui lui avaient été détachés et par les plaintes du peu de succès ; le public y applaudit et la marine en fut comblée[29]. »
Âgé de 84 ans, le vice-amiral de Coëtlogon se retire définitivement chez les Jésuites de Paris pour se préparer à la mort. Ses neveux René Charles Elizabeth, vicomte de Loyat, et Charles Elizabeth de Coëtlogon deuxième fils de son frère Guy, qui relevé de ses vœux de diacre, a épousé en 1722 Marie de Vétéris du Revest et est châtelain de Romilly-sur-Seine depuis 1719, sollicitent à son insu le bâton de Maréchal pour leur oncle. Le comte de Toulouse, qui a eu le lieutenant général de Coëtlogon sous ses ordres à la Bataille navale de Vélez-Málaga, intervient en sa faveur auprès du cardinal de Fleury qui écrit au bas de la requête présentée par ses neveux : « les longs services de M. de Coëtlogon et son grand âge paraissent mériter que le Roi ait la bonté de l'honorer du bâton de Maréchal de France, le ». Le Roi écrivit de sa main « Bon » suivi de sa signature « Louis ». Le brevet des « Provisions de Maréchal de France pour M. le Marquis de Coëtlogon, vice amiral de France » est signé le jour même[30], le vice-amiral était mourant. Il accueille cette marque tardive de reconnaissance en disant : « Non nobis, Domine, sed nomini tuo da gloriam »[16],[31].
« Son confesseur lui annonça cet honneur ; il répondit qu'autrefois il y aurait été fort sensible, mais qu'il lui était indifférent en ces moments où il voyait plus que jamais le néant du monde qu'il fallait quitter, et le pria de ne plus lui parler que de Dieu, dont il ne fit plus que s'occuper uniquement. »
Le Maréchal de Coëtlogon s'éteignit six jours plus tard ; dans son testament daté du , veille de sa mort, il déclare :
« avoir choisi sa sépulture dans l'église du noviciat des Jésuites, à Paris, sans que son corps soit transporté s'il se peut à l'église paroissiale au moyen de ce que l'on conviendra avec Monsieur le Curé de Saint-Sulpice de donner pour la paroisse. Veut et ordonne que son enterrement soit simple sans écussons ny marques de distinction, sans y convier personne. Il ne sera point fait de service ny dire de messes autres que celles qu'il ordonnera cy après…[33]. »
Dans ce testament, il donne un tiers de sa fortune aux œuvres et pour faire célébrer des messes à sa mémoire, un tiers à ses serviteurs et le troisième tiers à ses neveux et petits neveux, dont 50 000 livres à son petit neveu César de Coëtlogon, cinquième marquis, maître de camp et chef de la famille.
Malgré son désir, le maréchal est inhumé dans l'Église Saint-Sulpice[24], rue Garancière en présence le 9 juin de ses neveux René Charles Elizabeth de Coëtlogon, vicomte de Loyat et Charles Elizabeth de Coëtlogon, seigneur de Romilly. L'inscription suivante aujourd'hui disparue, est gravée sur sa tombe :
« Ci-git, Alain Emmanuel Marquis de Coëtlogon, Maréchal et Vice Amiral de France, Chevalier des Ordres du Roi, Grand Croix de l'Ordre royal et militaire de Saint Louis, Conseiller d'État au Conseil Royal de Marine, Capitaine Général pour le Roi d'Espagne dans les mers occidentales d'Amérique, décédé le . »
Il ne reste plus trace de l'endroit où il repose depuis plus de deux cent-soixante ans ; dans l'enfeu familial de l'église de la Trinité-Porhoët, les marques des dignités de vice amiral et de maréchal de France ont été sculptées, à côté des décorations épiscopales de son frère François, évêque de Quimper et de son neveu Louis, évêque de Saint-Brieuc puis de Tournai. On prétend que son cœur aurait été enterré dans le cimetière de Loyat et aurait été retrouvé dans un vase de plomb lors de l'inhumation du comte de Champagny, député de Ploërmel[34].
Dans ses Mémoires, Saint-Simon dit de lui : « C'était, aussi bien que Châteaurenaud, un des plus braves hommes et des meilleurs hommes de mer qu'il y eût. Sa douceur, sa justice, sa probité et sa vertu ne furent pas moindres. Il avait acquis l'affection et l'estime de toute la marine, et plusieurs actions brillantes lui avaient fait beaucoup de réputation chez les étrangers. Il avait du sens avec un esprit médiocre mais fort suivi et appliqué[34]. »
Dans le brevet le nommant Maréchal de France, qui relate les hauts faits de sa vie maritime, nous pouvons lire sous la signature du Roi Louis XV : « Il a donné dans toutes les occasions des preuves distinguées de son zèle infatigable pour le service de notre État et d'un courage intrépide ; il s'est trouvé à onze combats… c'est pourquoi nous avons résolu de l'élever à la dignité de Maréchal de France, pour honorer en sa personne la vertu la plus pure et le plus parfait désintéressement ».
D'une simplicité exemplaire et d'une modestie incomparable, ce célibataire austère est peu tenté par les plaisirs de la Cour. Le chevalier de Coëtlogon, vice-amiral et Maréchal de France, compagnon de Tourville qu'il vénérait et de Châteaurenault, son parent, est un grand marin de Louis XIV, qui fit honneur à son blason et à la devise de sa très ancienne maison « De tout temps Coëtlogon[35] »
Dans le 6e arrondissement de Paris entre la rue d'Assas et la rue de Rennes, la rue Coëtlogon a été nommée en son honneur.
À Rennes, l'avenue qui conduit de la route de Saint-Malo au château de la Lande Coëtlogon en Pacé, acheté par le département pour en faire une école de laiterie, porte le nom de Coëtlogon, vice-amiral et Maréchal de France.
Au XIXe siècle, deux bâtiments de la Marine nationale française ont porté le nom de Coëtlogon :
Figure | Nom du prince et blasonnement |
De gueules, à trois écussons d'hermines[36],[37]. |