Le nom de famille Quoyzeveau se trouve écrit d'une quantité de façons aussi différentes que Coëzevau, Coiseveau, etc.. Antoine Coysevox a inauguré la graphie Coysevox et l'a adoptée définitivement à partir de 1679[3].
L'éloge funèbre d'Antoine Coysevox attribue la qualité particulière de son talent à une origine espagnole. Il s'agit d'une équivoque : Antoine Coysevaux est né à Lyon où son père Pierre, maître-menuisier, s'était fixé environ cinq ans avant sa naissance, venant de Franche-Comté, possession espagnole jusqu'à 1678[4].
Il vint à Paris à dix-sept ans travailler dans l'atelier de Louis Lerambert (1620-1670), dont il épousa en 1666 la nièce, fille du peintre Noël Quillerier, Marguerite, d'un an plus âgée que lui, et qui mourut un an après leur mariage. Il se remaria en 1680 à Claude Bourdict, lyonnaise comme lui[5] ; il eut de nombreux enfants[6].
L’Académie royale de peinture et de sculpture l'admit comme professeur adjoint, « en considération du dessein qu'il avait d'établir à Lyon une école académique et d'aller y faire sa demeure »[7] le , avec comme pièces de réception un buste du peintre Charles Le Brun (1619-1690), premier directeur de l'Académie, et un de Colbert (remis en 1679). Restant à Paris, il fut cependant nommé professeur l'année suivante, recteur en 1694, chancelier en 1716, il fut directeur de l'Académie de 1703 à 1705. Guillaume et Nicolas Coustou, fils de sa sœur aînée Claudine[8], furent les élèves de Coysevox, comme François Coudray, Jean-Baptiste Lemoyne et Jean Thierry[a].
Auteur de nombreux portraits sculptés en buste, spécialité nouvellement en vogue au XVIIe siècle[10] pour laquelle il fut très demandé[11], il sculpta aussi des portraits en pied, dont un du roi Louis XIV pour l'hôtel de ville de Paris, aujourd'hui au musée Carnavalet, et des portraits équestres, pour lesquels il étudia particulièrement les chevaux, leur anatomie, leurs mouvements. En 1689, le Parlement de Bretagne lui demanda une statue équestre du monarque, qui fut fondue pendant la Révolution.
Il fut le décorateur du navire de guerre le Foudroyant construit à Brest en 1690, qui devint le Soleil royal en 1692 après la destruction du premier vaisseau de ce nom. Une maquette au 1/40 se trouve au musée de la Marine à Paris.
Coysevox reçut en 1705 la commande royale des sculptures du château de Marly, travail qui allait l'occuper pendant plusieurs années. Parmi ses sculptures, la série des Quatre Fontaines et le groupe formé par Flore, Hamadryade et Le Berger flûteur, tous commandés en 1707 et datés de 1709, placés initialement dans le parc de Marly, au fer à cheval, en bas de la rivière, passèrent au jardin des Tuileries à Paris dès 1716, et sont désormais conservés au musée du Louvre. Depuis 2010, des moulages à la poudre de marbre occupent à Marly l'emplacement d'origine. Il en est de même des moulages des chevaux de Marly de son neveu Guillaume Coustou, dont les emplacements sont ceux occupés jusqu'en 1719 par ses deux chefs-d'œuvre : La Renommée et Mercure chevauchant Pégase.
Contrairement à de nombreux sculpteurs de son époque qui modelaient la terre ou le plâtre, laissant des praticiens[b] tailler le marbre, Coysevox travaille lui-même la pierre, et ne répugne pas à revenir sur une œuvre dans le lieu où le commanditaire l'a fait installer. Ce comportement contrarie l'ambition de l'Académie de détacher les beaux-arts des métiers manuels.
Travaillant dans une période de transition, entre le style classique défendu par Poussin et, à l'époque de la formation et de l'activité de Coysevox, par l'Académie royale de peinture et de sculpture que dirige Le Brun et celui, plus libre et aimable, de la Régence et du règne de Louis XV, Coysevox produit des ouvrages difficiles à caractériser[12], mais aisément identifiables, même sans la signature[13]. Sa carrière ne prit véritablement son essor qu'après la disgrâce de Le Brun en 1683[14].
Coysevox est d'abord apprécié, de son temps, comme portraitiste. Ce genre, classé en second dans la hiérarchie des genres de l'Académie, est relativement peu affecté par l'évolution du style, et la capacité rare de Coysevox de transmettre un caractère avec la physionomie relègue l'analyse au second plan.
Le portrait de Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, en Diane (1710), au Louvre, participe du classicisme par le thème ; mais le sourire, la volonté de rendre le mouvement, l'imbrication des lignes du chien et de la femme, la composition qui ne privilégie pas la frontalité, ressortent du Baroque tel que le définit Wölfflin[15]. On peut en dire autant de sa Vierge à l'enfant de l'église Saint-Nizier de Lyon (1676).
Vierge à l'Enfant, destinée dans un premier temps au coin de son immeuble d'habitation, puis acquise par la confrérie de Notre-Dame-de-Grâce et placée depuis 1771 dans le croisillon sud du transept de l'Église Saint-Nizier[43].
Monument à Louis XIV, statue équestre destinée à la ville de Nantes, mais qui fut finalement installée à Rennes au centre de la place royale du Parlement de Bretagne. Les autorités firent fondre la statue pendant la Révolution pour réutiliser le bronze à la fabrication de canons. Seuls les bas-reliefs du socle restent conservés au musée des Beaux-Arts de Rennes ; ils retracent l'histoire de la sculpture (La Bretagne offrant à Louis XIV le projet de sa statue équestre)[45] et célèbrent le Triomphe de la France sur les mers[46],[47].
Il existe également un modèle réduit de la statue, en bronze, d'une hauteur de 94 cm, datant des années 1690, propriété d'un aristocrate britannique[48]. La statue était jusqu'alors connue qu'à travers les gravures et dessins de « l'ingénieur du Roy » Jean-François Huguet. Un appel au mécénat d'entreprise[49] a été lancé le par le Ministère de la Culture afin de financer l'acquisition de la statue à hauteur de 2 370 000 euros pour enrichir les collections du Musée des Beaux-Arts de Rennes[50]. La statue a pu être acquise par la ville de Rennes, grâce au mécénat d'entreprise du groupe agroalimentaire breton Norac et va rejoindre en septembre 2022 les collections du musée[51].
Bellier et Auvray, Dictionnaire général des artistes de l'École française « Coysevox », p. 317–319. Gallica.
Henry Jouin, Antoine Coyzevox : sa vie, son œuvre et ses contemporains, Paris, Didier, (lire en ligne)
Georges Keller Dorian et Paul Vitry (Introduction), Antoine Coysevox (1640-1720) Catalogue raisonné de son œuvre, Paris, L'auteur, (lire en ligne)
Luc Benoist, Coysevox, Paris, Plon, coll. « Les Maîtres de l'art »,
M. Fermel'huis, « Éloge funèbre de M. Coysevox, sculpteur du Roi », dans Dezallier d'Argenville, Vies des fameux sculpteurs depuis la renaissance des arts : avec la description de leurs ouvrages, Paris, Debure l'aîné, (lire en ligne), p. 234 sq.
↑Jean Thierry, né à Lyon en 1669, reçu à l'académie en 1717, employé par Philippe V d'Espagne de 1721 à 1728, mort à Lyon en 1739[9].
↑Les praticiens sont des artisans spécialisés taillant la pierre, éventuellement en agrandissant ou en réduisant, suivant un modèle « mis aux points », c'est-à-dire où l'on a enfoncé des clous aux points caractéristiques, de sorte qu'on puisse vérifier l'exactitude de la reproduction quant à leur espacement.
↑Natalis Rondot et Henri Stein, « Pierre et Antoine Coyzevox », Revue de l'art français ancien et moderne, , p. 301 (lire en ligne).
↑Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire : errata et supplément pour tous les dictionnaires historiques, Paris, Plon, (lire en ligne), p. 443 « Coustou ».
↑Émile Bellier de La Chavignerie, Dictionnaire général des artistes de l'École française : ouvrage commencé par Émile Bellier de La Chavignerie ; continué par Louis Auvray, t. 2, 1882-1885, p. 563.
↑René Schneider, L'art français, XVIIe siècle (1610-1690), Paris, H. Laurens, (lire en ligne), p. 33.
↑« […] & on peut dire que dans ce genre, personne ne l'a surpassé. », Fremel'huis, Éloge funèbre, 1721, p. 240 ; « Avec Coysevox commence la véritable série des portraitistes en sculpture », Histoire du portrait en France, Paris, Rouquette, (lire en ligne), p. 400.
↑Valérie Carpentier-Vanhaverbeke, La physionomie d'un bœuf et l'esprit le plus délicat - Le duc de Chaulnes par Antoine Coysevox, in Grande Galerie - Le Journal du Louvre, juin/juillet/août 2017, no 40, p. 18.
↑Catalogue des tableaux, dessins, bas-reliefs et statues exposés dans les galeries du musée de la ville de Rennes, Rennes, , 5e éd. (lire en ligne), p. 98 ; Simon Thomassin (1655-1733), « Statue équestre en bronze de Louis XIV érigée sur la Place Royale de Rennes, commandée le 9 juin 1686 par les États de Bretagne, exécutée par Antoine Coysevox en 1686-1693, estampe, planche 57 », in Recueil de cinquante des plus belles figures antiques et modernes… de Versailles…, 1699.