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Julius Mordecai Pincas dit Jules Pascin (prononcé [pas.kin][1],[2],[3] ou incorrectement [pas.kɛ̃]), né le à Vidin (Bulgarie) et mort le à Paris (18e)[4], est un peintre, dessinateur et graveur américain d'origine bulgare.
Issu d'une famille aisée de négociants et de financiers établis à Bucarest en 1892, fils de Marcus lui-même fils d'un juif espagnol, et de Sophie, une juive italienne également séfarade, sa famille désapprouve ses activités artistiques. C'est à Bucarest qu'il entretint en 1901, une liaison avec une courtisane, tenancière d'une maison close, ce qui ne manquera pas d'influencer son œuvre.
Il vécut et reçut sa formation à Vienne, Budapest (1902), Berlin, et Munich (1903), avant de venir s'installer à Paris, où il cède à sa famille scandalisée par son mode de vie. Conseillé par Guillaume Apollinaire, il prend le nom de Pascin, anagramme de Pincas. Celui qui fut appelé le « prince de Montparnasse » et le « prince des trois monts »[5], fait partie des peintres de l'école de Paris.
Vivant chichement à Munich en dépit de sa collaboration comme illustrateur au journal satirique allemand Simplicissimus, il arrive à Paris le , année où les « Fauves » triomphent au Salon d'automne. Il s'installe au Grand Hôtel des Écoles, rue Delambre. La colonie artistique allemande du Dôme et de la Rotonde accueillent à bras ouverts « l'inquiétant Pascin[6] ».
Influencé d'abord par le fauvisme, puis par le cubisme dont il se détourne très vite, il s'affirme comme le dessinateur insatiable des nuits parisiennes dont les mensualités toujours versées par la revue Simplicissimus lui permettent d'être un animateur sans compter. Son ami et compagnon de débauche, le dessinateur Henri Bing le décrit comme « un anarchiste déguisé en dandy ». Il affirme n'être que l'admirateur de Boucher et de Fragonard.
« Pourquoi une femme est-elle considérée comme moins obscène de dos que de face, pourquoi une paire de seins, un nombril, un pubis sont-ils de nos jours encore considérés comme impudiques, d’où vient cette censure, cette hypocrisie ? De la religion[7]? »
Au cours de l'automne 1907, il se lie avec Hermine-Lionette Cartan dite Hermine David, femme peintre de talent, et s'installe no 1, rue Lepic, à l'Hôtel Beauséjour jusqu'au courant de 1909, ou il va au no 49, rue Gabrielle. Il occupe un atelier à Montmartre près de celui occupé par Kees van Dongen. De 1908 à 1912, il participe au Salon d'automne avec des dessins ou des aquarelles. En 1909, il rencontre Cécile Vidil (1891-1977) dite « Lucy », modèle de Marquet et de l'atelier Matisse, qui devient sa seconde maîtresse.
De 1913 à 1914, il habite au no 3, rue Joseph-Bara.
Avant la guerre de 1914-1918, il doit quitter la France en raison de sa nationalité, la Bulgarie étant une nation hostile à la France, et se rend début octobre 1914 aux États-Unis où il bénéficie d'une certaine notoriété depuis l'exposition internationale d'art moderne de New York (1912). En compagnie du graveur américain George Overbury Hart dit « Pop Hart » (1868-1933), il part, début , pour le carnaval de La Nouvelle-Orléans.
Le , il épouse Hermine David qui l'a rejoint au printemps 1915. Il obtient la nationalité américaine le . Fixé à New York, se liant d'amitié avec Alfred Stieglitz, il voyage beaucoup, rapportant des dessins et des aquarelles de Cuba, du Texas, de la Floride et de Caroline du Sud.
En octobre 1920, Pascin revient à Paris et s'initie à la gravure avec Jean-Gabriel Daragnès.Il côtoie sur la butte Montmartre d'autres artistes comme Marcel Leprin, il expose chez Berthe Weill, au Salon des indépendants et, retrouve Lucy dans son ancien logement, rue Joseph-Bara, qu'elle habite avec son mari le peintre norvégien Per Krohg, filleul d'Edvard Munch. Parmi ses autres modèles figure Henriette Gomès qui deviendra une galeriste internationale. Il loue un atelier au no 15, rue Hégésippe-Moreau.
En , il se rend en Algérie et en Tunisie où il reviendra en 1924 et en 1926. En 1922, il reprend l'atelier du peintre Jean Marchand (1883-1940) au no 73, de la rue de Caulaincourt[8]. À partir de 1922, Pascin envoie régulièrement des œuvres au Salon de l'araignée, fondé en 1920 par Gus Bofa[9], et effectue des séjours dans le Midi (Cassis, Marseille…). En 1923, il s'installe au no 36, boulevard de Clichy à Paris et, cette même année, il vend plusieurs de ses œuvres à Albert Barnes. Il livre une aquarelle Famille tunisienne pour illustrer le no 8 du Crapouillot ; jusqu'en 1930, il fournira huit autres livraisons à cette revue où écrit son ami le critique et romancier Pierre Mac Orlan et qui édite également des œuvres d'Hermine David. En 1924, il perfectionne sa technique de gravure chez Jean-Gabriel Daragnès (1886-1950), avec André Warnod.
En 1925, il va en Italie. Pour ne pas perdre la nationalité américaine, il retourne, en , aux États-Unis. Il réside un an à New York où Lucy le rejoint en .
En 1929, il part pour l'Espagne et le Portugal avec Lucy qui loue cette même année un atelier Villa des Camélias à Vanves pour l'éloigner de Montmartre.
Il est l'ami de critiques artistiques : André Warnod (auquel il fera découvrir les ateliers « les plus désespérément russes »), André Salmon, Georges Charensol, Florent Fels…
Il prend pour modèle, entre autres, sa femme Hermine David et sa maîtresse Lucy Krogh, Aïcha Goblet, ainsi que les pensionnaires des maisons closes et des lieux mal famés de la faune montmartroise, et couvre ses carnets de dessins voluptueux et nostalgiques, parfois érotiques et toujours nimbés d'une indicible tristesse.
Rongé par l'alcool, doutant de son art resté figuratif, partagé dans ses affections, il en vient à perdre son équilibre et, le , le jour même du vernissage de son exposition à la galerie Georges Petit, qui devait lui amener de nouveaux succès, il se suicide à 45 ans à Paris dans son atelier du no 36, boulevard de Clichy en s'ouvrant les veines des deux bras, puis il écrit avec son sang « Adieu Lucy » sur les murs de l'atelier et, comme la mort ne vient pas, il se pend avec une ficelle et se brise la nuque. Lucy Krogh découvre le corps trois jours plus tard. Le Paris des arts est consterné et, le jour de ses funérailles, un grand nombre de galeries ferment.
Pascin est inhumé au cimetière du Montparnasse, division 28, à Paris le . Sur la tombe est gravé un poème d’André Salmon :
« Homme libre héros du songe et du désir de ses mains qui saignaient poussant les portes d’or esprit et chair Pascin dédaigna de choisir et maître de la vie il ordonna la mort[10]. »
Son expérience de dessinateur satirique, sa connaissance de l'expressionnisme allemand sont évidentes dans ses premières œuvres où certains portraits rappellent Otto Dix ou George Grosz avec un trait moins incisif et moins cruel. Il évoluera rapidement vers des couleurs pastellisées, presque irréelles qu'il accorde avec justesse au thème du corps féminin, centre de sa production.
Parmi les peintres de l'École de Paris, Pascin occupe une place à part ; son art s'impose par sa vérité expressive et sa douceur mélancolique ; il décrit avec indulgence le monde interlope « des filles », à l'aide d'une touche nacrée, légère aux couleurs irisées, dans les tons de gris, de rose, d'ocre, de bleu-violacé, les corps alanguis aux formes estompées qui dégagent un lourd parfum d'érotisme. Ces femmes saisies dans leur intimité sont en fait le miroir du mal de vivre de Pascin.
Son graphisme vibrant, le trait ne dessinant que vaguement les contours du corps, lui permet de rendre ses modèles baignés dans une lumière qui reflète plus un état d'âme que la réalité d'un corps. À ce titre, il peut apparaître comme un continuateur sans complaisance des maîtres du XVIIIe siècle et de leur goût de la liberté et du libertinage.
Pascin a illustré également de nombreux livres, de Pierre Mac Orlan ou de Paul Morand entre autres.
Dans son roman A Moveable Feast[13], Ernest Hemingway écrit un chapitre intitulé « Avec Pascin au Dôme », racontant sa rencontre, au printemps 1924, avec le « prince de Montparnasse » accompagné de deux modèles. La description de cet épisode par Hemingway est considérée comme l'une des images typiques du Montparnasse de l'époque. On le voit partout, dans les cabarets de Montmartre et de Montparnasse, il est de tous les bals, déguisements, fêtes et banquets. Hemingway sait reconnaître son talent mais aussi ses défauts et écrit, dans ledit chapitre :
« Pascin était un très bon peintre et il était ivre, constamment, délibérément ivre, et à bon escient. […] Il ressemblait à un personnage de Broadway, vers la fin de siècle, bien plus qu'au peintre charmant qu'il était, et plus tard, quand il se fut pendu, j'aimais me le rappeler tel qu'il était ce soir-là, au Dôme. »
« Pascin le dandy des trois monts (Vénus, Montparnasse et Montmartre), enfant prodigue et clochard, vivant son art à corps perdu, aimé de tous et pourtant peintre maudit… Fervent admirateur de Toulouse-Lautrec, il se voulait et il se voulut toute sa vie grand calife des Mille et Une Nuits qui avaient hanté sa jeunesse et caïd des bordels et de la bohême… À Paris comme à Tokyo, Pascin connut la gloire de son vivant ; son œuvre est éparpillée dans tous les grands musées du monde. Couvert de femmes mais n'en aimant qu'une, il mit fin à ses jours, entraînant avec lui la fin d'une époque qu'il avait incarnée plus que quiconque. »
« Un peintre étranger à toute influence, auteur d'une imagerie lucide, vénéneuse et tendre. Le pinceau nerveux, les tons gris et roses, le crayon d'une extraordinaire rapidité de ce "Montparno", se vouent essentiellement à décrire avec une souveraine impudeur les fêtes et les désespoirs de l'amour vénal. »