Officiant comme rabbin de la couronne(en) à Gorodnia puis à Chernigov, il est vite attiré par les idées de la Haskala, entamant une carrière dans les affaires et dans la politique, siégeant comme membre du conseil municipal et maire adjoint de Riazan dans la région occidentale de la Russie[7]. Membre du parti Kadet (constitutionnel démocrate)[8], il s’implique particulièrement dans l'éducation de la communauté juive russe, s’attachant à les faire franchir les quotas pour l’accès à l’enseignement supérieur en usant de ses contacts avec le Tsar et d'autres personnalités.
À la suite de l’accession au pouvoir des bolchéviques, Isaac Schneersohn immigre en France en 1920[4],[7].
Ayant acquis la citoyenneté française durant l'entre-deux-guerres[5], il délaisse le rabbinat bien qu’il continue à observer les préceptes du judaïsme par égard pour sa femme. Devenu administrateur délégué de la Société anonyme de Travaux métalliques (SATM, sise 10 rue Marbeuf à Paris)[9],[10] et menant la vie d’un « grand seigneur hassidique », il tient un salon où se rencontrent de nombreux dirigeants juifs parmi les plus connus, dont Chaim Weizmann et Vladimir Jabotinsky, Isaac Schneersohn adhérant lui-même au sionisme révisionniste de ce dernier[7].
En 1938 il participe aux côtés du sculpteur Jacques Lifshitz et du peintre Marc Chagall à la transformation de « l'Arbeiter Orden » en Union des Sociétés Juives de France.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, les fils d'Isaac Schneersohn sont mobilisés comme officiers de réserve de l'armée française. Arnold et Boris, sont faits prisonniers. Isaac Schneersohn se voit dépossédé de son poste en vertu des lois d'aryanisation. Interné dans un Oflag, Arnold y organise un noyau de résistance, ce qui lui vaudra d’être transféré dans un camp disciplinaire de Lübeck. Quant à Boris, libéré en , il participera aux combats dans les maquis de Dordogne son fils Michel, quelques jours avant la prise d'un collaborateur avec l'Allemagne nazie avait préparé avec Édouard Valéry une opération de libération des détenus de la prison de Bergerac. Il captura Charles Platon, dans sa maison de Pujols. La cour martiale est présidée par Michel Schneersohn la défense est assurée par André Urbanovitch (alias « double-mètre » par rapport à sa taille puis l'accusation par Yves Péron la peine de mort prononcée. Il est fusillé le 28 août 1944 dans les allées du domaine de la Querrerie à Valojoulx à 22 h 40[9],[11], Mussidan qu'Isaac Schneersohn s'installe avec sa famille en 1941, après avoir quitté Paris pour Bordeaux. Il se réfugie ensuite à Grenoble, dans la zone d'occupation italienne.
À Grenoble, il conçoit le projet de créer un centre de documentation juive[9] en vue d’« amasser des preuves et des archives, constituer des dossiers aisément accessibles, préparer le travail des historiens ». Une réunion se tient à son domicile ; y participent son secrétaire Léon Poliakov et une quarantaine de délégués d'organisations juives[12] dont le philosophe Jacob Gordin[13],[14]. Le comité de direction est composé, outre Isaac Schneersohn lui-même, de deux représentants du Consistoire central israélite de France, deux représentants de la Fédération des Sociétés juives de France, deux représentants de l'Union des Sociétés Juives de France, un représentant de l'Organisation Reconstruction Travail et un représentant du rabbinat.
Les travaux du comité sont interrompus par l'invasion allemande de la zone italienne en . Isaac Schneersohn et Léon Poliakov rejoignent Paris lors de l'insurrection d'août 1944, réussissant à prendre possession des archives du Commissariat général aux questions juives, de l'ambassade d'Allemagne à Paris, de l'état-major et, surtout, du service antijuif de la Gestapo[15]. Le Centre de Documentation Juive Contemporaine est officiellement fondé peu après dans le Pletzl, centre de la vie juive avant la guerre ; il publie dès 1945 trois ouvrages et une quinzaine d’autres au cours des six années suivantes, permettant aux historiens de la Seconde Guerre mondiale de découvrir ce que fut la condition des Juifs de France au cours de la Shoah..
En 1946, Isaac Schneersohn est nommé président du CDJC tandis que son fils Arnold en devient le trésorier à titre honorifique. Le 25 mars de cette année, il s'adresse au ministre de l'Information pour que son Bulletin, qui deviendra Le Monde juif, soit autorisé à paraître légalement. Il en sera le directeur jusqu'en 1969[9].
« Bien des procès auraient été perdus, […] bien des livres n’auraient pas été écrits ou l’auraient été bien plus tard […], à une époque extrêmement difficile où le silence, la gêne étaient le lot des déportés survivants[16]. »
L’« archiviste de l'esprit contre la bureaucratie de la barbarie » meurt à Paris le , à l'âge de 88 ans[17],[18].
Activités des organisations juives en France sous l'occupation - (1947) Paris : Ed. du Centre. (OCLC313311271)
L'étoile jaune, avec Léon Poliakov, J. Godart - (1949) Paris : Éditions du Centre de documentation juive contemporaine (Impr. des Éditions polyglottes). (OCLC459556534)
Les juifs sous l'occupation italienne, avec Léon Poliakov, P. Hosiasson, J. Godart - (1955). CDJC; Paris : Ed́itions du Centre. (OCLC490535438)
Dix ans après la chute de Hitler (1945-1955), avec René Cassin; J M Machover - (1957) Paris : Éditions du Centre de documentation juive contemporaine (Impr. des Éditions polyglottes), (OCLC461240459)
Le Seder des 32 otages : l'histoire des otages en Russie pendant la première guerre mondiale et la lutte pour leur libération - (1966) Paris : Centre de Documentation Juive Contemporaine. (OCLC13909240)
↑Sur son séjour à Mussidan, voir Patrice Rolli, « Isaac Schneersohn ou l'archiviste de l'esprit contre la bureaucratie de la barbarie » : aux origines de la création du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC)", Le Périgord dans la Seconde Guerre mondiale, Chronique des années noires du Mussidanais et de l'Ouest de la Dordogne, Éditions l'Histoire en Partage, 2012
↑(en) « French Bury Isaac Schneersohn; Founded Memorial to Unknown Jewish Martyr in Paris », sur jta.org, JTA, (consulté le ) : « Isaac Schneersohn, who founded the Memorial to the Unknown Jewish Martyr and a memorial museum of the Nazi Holocaust here, was buried Friday at services attended by Government officials and others. Mr. Schneersohn died last Wednesday at the age of 90. »
Diane Afoumado, « Soixante ans dans l'histoire d'une Revue », Revue d'histoire de la Shoah Le Monde juif, Paris, Mémorial de la Shoah, (ISSN1281-1505, lire en ligne) [PDF]
Florent Brayard, Le génocide des juifs : entre procès et histoire, 1943-2000, Centre Marc Bloch (Berlin), Éditions Complexe, 2000. (ISBN2-87027-857-8). p. 116.
Schlomo Brodowicz. L'âme d'Israël. Les origines, la vie et l'œuvre de Menahem M. Schneerson, Rabbi de Loubavitch. Préface d'Élie Wiesel. Éditions du Rocher, 2011. (ISBN978-2-268-07198-5) (La première édition est de 1998)
Jean-Yves Boursier, Musées de guerre et mémoriaux : politiques de la mémoire, Éditions MSH, 2005. (ISBN2-7351-1079-6). p. 53.
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Patrice Rolli, « Isaac Schneersohn ou l'archiviste de l'esprit contre la bureaucratie de la barbarie » : aux origines de la création du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC)" (sur sa présence à Mussidan).Le Périgord dans la Seconde Guerre mondiale, Chronique des années noires du Mussidanais et de l'Ouest de la Dordogne, Éditions l'Histoire en Partage, 2012
(en) Alvin Hirsch Rosenfeld, Thinking about the Holocaust after half a century, Indiana University Press, 1997. (ISBN0-253-33331-8). p. 281.
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