La Nouvelle-Calédonie a été pour la première fois divisée en plusieurs subdivisions administratives internes par le statut Fabius-Pisani mis en place par la loi du : ce sont les régions Sud, Centre, Nord et Îles. Elles sont remplacées, sous le statut Pons II mis en place en janvier1988, par quatre nouvelles régions : Sud, Ouest, Est et Îles.
Mais les provinces actuelles (la Province des Îles Loyauté, la Province Nord et la Province Sud) ne sont créées qu'à la suite des Accords de Matignon de 1988, par la loi no 88-1028 du portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 (Art. 6)[1], et sont maintenues, après l'Accord de Nouméa, par la loi no 99-209 organique relative à la Nouvelle-Calédonie (Titre IV). Elles ont le statut de « Collectivités territoriales de la République »[2].
L'article 20 de la loi organique de 1999 précise que : « Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ». Elles sont au centre du dispositif institutionnel à la suite de la signature des Accords de Matignon en 1988, l'article 2 du texte déclarant clairement : « l’administration et le développement du Territoire fédéral de la Nouvelle –Calédonie sont organisés dans le cadre des trois provinces », tandis que l'accord complémentaire d'Oudinot assure que « les provinces reçoivent une compétence de droit commun afin de les mettre en mesure d’être l’élément moteur de la nouvelle organisation du Territoire ». La création d'un réel échelon intermédiaire entre elles et l'État à la suite de l'Accord de Nouméa de 1998 et la loi organique de 1999, la Nouvelle-Calédonie, limite toutefois leur importance même si elles disposent toujours d'un champ d'action particulièrement vaste et conséquent[5].
Les compétences provinciales incluent, par domaines d'action :
aides financières ou, pour le développement rural, aides en nature (fourniture de plants ou d'animaux) pour les projets de création et d'investissement des entreprises,
capital-investissement par participation financière dans certains projets de développement économique afin d'aider la société considérée à se constituer des capitaux propres ainsi que dans le but d'assurer des retombées financières pour la collectivité des grands projets industriels (usine du Sud, usine du Nord),
permis de recherche (et donc d'exploitation) sur les massifs miniers,
politique de développement touristique,
mise en valeur (touristique, agricole ou autre) du domaine provincial.
adaptation des programmes aux « réalités culturelles et linguistiques » (pour l'histoire, la géographie, l'éducation civique, les arts plastiques, l'éducation musicale et l'enseignement des langues kanak, notamment),
attribution d'allocations scolaires, bourses et aides aux études primaires, secondaires, techniques et supérieures.
aide, initiation et promotion de l'enseignement artistique,
identification, protection, conservation et promotion du patrimoine historique et culturel, et gestion et entretien des bâtiments historiques appartenant à la province,
aides financières et subventions aux organismes publics, associations, artistes et propriétaires de monuments classés.
jeunesse, sports et loisirs :
construction, entretien et gestion administrative du personnel des installations sportives développées sur le domaine provincial (stades, pistes cyclables, bases nautiques et autres infrastructures sportives),
aides et subventions aux associations sportives, clubs, ligues et associations jeunesse organisatrices de centres de vacances et de loisirs,
organisation d'animations récréatives de proximité pendant les périodes de vacances scolaires.
santé et action sociale :
logement social : établit le programme de construction, les conditions et règles d'accès à l'habitat social, participe à son financement, à la décision de la délégation de service public pour la construction et la gestion des logements avec les communes, lutte contre l'habitat précaire, insalubre et les « squats »,
aides sociales : aux personnes âgées, handicapées, aux familles (allocations pré et post-natales, allocations aux parents d'enfants handicapés, aide sociale à l'enfance), au logement, à l'emploi et à la formation,
insertion : création et gestion des chantiers d'insertion, programmes d'insertion des jeunes en difficultés ou sans emploi,
santé : installation et gestion de centres médico-sociaux, prise en charge des personnes en difficulté (aide médicale qui leur permet d'accéder aux soutiens, adaptation des infrastructures aux personnes âgées et handicapées) et des difficultés internes aux familles (relations parents-enfants, violences conjugales),
soutien technique et financier, aides et subventions aux structures et associations pour la petite enfance, les personnes âgées, les personnes handicapées, l'hébergement et la réinsertion sociale.
environnement :
création, mise en valeur (notamment par des sentiers de randonnées), gestion et entretien de parcs et réserves terrestres et maritimes sur son domaine,
domaine public maritime : propriétaire, gestionnaire et chargé de la préservation et de la valorisation du :
littoral : zone des cinquante pas géométriques (bande littorale de 80 m) et espaces gagnés sur la mer, sauf « emprises affectées » avant la publication de la loi organique de 1999 à l'État et les propriétés privées ou coutumières,
sol et sous-sol des eaux intérieures et territoriales, à l'exception de ceux du plan d'eau du port autonome qui appartient au domaine maritime de la Nouvelle-Calédonie au même titre que les îles non incluses dans le domaine terrestre provincial.
infrastructures :
urbanisme : octroi de permis de construire et d'autorisations de lotissement et de division, établissement des règles de construction notamment pour les établissements recevant du public,
transports : gestion, construction et entretien du réseau routier provincial, gestion des réseaux de transports en commun intercommunaux (réseau interurbain CarSud dans l'agglomération du Grand Nouméa, essentiellement du transport scolaire dans les autres provinces, jusqu'en 2019). Pour ce qui est de la Province Sud, depuis 2010, la compétence des transports en commun urbains est gérée conjointement avec les quatre communes du Grand Nouméa à l'intérieur du Syndicat mixte des transports urbains (SMTU), le réseau commun ainsi constitué prenant le nom, à partir du , de Tanéo.
Chaque province est dirigée par une Assemblée dont les membres (14 pour les Îles Loyauté, 22 pour la province Nord et 40 pour la province Sud) sont élus pour cinq ans à la proportionnelle de liste à un seul tour de scrutin et selon la règle de la plus forte moyenne, chaque formation devant rassembler au minimum 5 % des inscrits de la province pour pouvoir obtenir au moins un siège. Une proportion de chacune des trois assemblées est également choisie pour constituer le Congrès de la Nouvelle-Calédonie (7 des Îles Loyauté, 15 du Nord et 32 du Sud). La fonction de conseiller provincial est incompatible avec celles de membre du Gouvernement, du Sénat coutumier, du Conseil économique et social et en règle générale d'une assemblée délibérante d'une autre collectivité territoriale de la République (élu d'une autre assemblée de Province, d'une assemblée territoriale d'une collectivité d'outre-mer, d'un conseil général, d'un conseil régional ou du conseil de Paris).
L'Assemblée de Province élit en son sein un président et trois vice-présidents pour la totalité de la mandature, le vendredi suivant le scrutin de l'élection provinciale le jour de la séance d'installation de l'institution présidée par son doyen d'âge assisté des deux benjamins, sauf si le quorum de 3/5e de ses membres n'est pas réuni à cette occasion. Si la majorité absolue est nécessaire pour obtenir un vainqueur aux deux premiers tours, la majorité simple suffit au troisième tour. En cas d'égalité des voix au troisième tour, le plus âgé des candidats l'emporte.
Ses membres se répartissent ensuite entre huit (aux Îles Loyauté[10] et au Nord[11]) et quatorze (au Sud[12]) commissions spécialisées dans ses différents domaines de compétence.
Elle se réunit au moins 1 fois tous les deux mois (art 162 de la loi organique) sur convocation de son président, et chaque fois que celui-ci le juge utile, sauf si en même temps a lieu une séance du Congrès. Le Haut-commissaire, son Commissaire délégué dans la Province ou le tiers des conseillers provinciaux peuvent demander une convocation extraordinaire de l'Assemblée, forçant le président à la réunir dans un délai de quinze jours sauf si le Haut-commissaire ou le Commissaire délégué décide de raccourcir ce délai pour raison d'urgences. Et si le président ne s'est pas exécuté dans ce laps de temps, le représentant de l'État convoque lui-même l'assemblée. Le quorum nécessaire à l'ouverture d'une séance est fixé à la moitié au moins des membres de l'assemblée provinciale. Les séances sont publiques, sauf décision contraire des membres de l'assemblée à la majorité absolue des votants, se font en présence du Haut-commissaire ou de son représentant qui y ont un droit de parole et ont lieu à l'Hôtel de Province situé au chef-lieu de la collectivité.
L'assemblée légifère dans les champs de compétence de la Province en votant le budget et les projets de délibérations préparés par son président, l'approbation des comptes et son règlement intérieur. Elle peut déléguer une partie de ses prérogatives (sauf le vote du budget, des comptes et du règlement intérieur) à son bureau. En contrepartie, elle contrôle les activités de ce dernier et de l'administration provinciale par le biais de rapports réguliers que le président doit leur rendre notamment le projet annuel d'arrêté des comptes de l'exercice budgétaire de l'année écoulée chaque 1er septembre, sur les activités des services administratifs et des participations financières aux capitaux de certaines sociétés ou sur les activités des entreprises déléguées de l'exercice d'un service public.
Étant l'exécutif de la Province, le président dispose de compétences particulières :
président du bureau (qui, outre lui-même, comprend les trois vice-présidents) et des séances de l'Assemblée qu'il convoque et dont il fixe l'ordre du jour, il y joue aussi un rôle de police en y faisant assurer l'ordre,
législateur : prépare les projets de délibération, participe aux débats et aux votes de l'assemblée dont il reste un membre à part entière et, en cas d'égalité lors d'un scrutin, sa voix est prépondérante et tranche en faveur ou contre le texte,
exécutant : exécute les délibérations une fois votées et assure la publication au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie des actes de la Province,
trésorier de la collectivité : il est l'ordonnateur des dépenses, prescrit l'exécution des recettes et prépare le budget (et participe donc à son vote),
chef de l'administration provinciale : il nomme ainsi à tous les emplois dépendant de la collectivité, tout en pouvant déléguer sa signature à un certain nombre d'agents de la Province (le secrétaire général, les chefs de service concernés, personnels de grade équivalent mis à sa disposition),
représentant de la collectivité et de l'institution : il gère son domaine public (et négocie ainsi les contrats de vente ou d'achat, délivre les permis et les délégations de service public liés à sa mise en valeur), la représente en justice, auprès des autres institutions, du grand public et à l'étranger,
contrôle du Congrès : chaque président de province peut, dans un délai de 15 jours après qu'une loi de pays a été votée par le Congrès, demander qu'elle soit réexaminée par l'assemblée territoriale. Si le deuxième choix de cette dernière ne lui paraît toujours pas satisfaisant, il peut saisir le Conseil constitutionnel dans les 10 jours suivants.
Il peut déléguer tout ou partie de ses prérogatives à ses vice-présidents. Ceux-ci, en cas d'absence, le remplacent (dans l'ordre de préséance établi au moment de l'élection du bureau) pour présider aux débats de l'assemblée. En cas de démission, de décès ou d'incapacité, l'assemblée doit lui élire un successeur dans un délai d'un mois au cours duquel les vice-présidents, ou à défaut le doyen d'âge, assurent l'intérim.
Les présidents successifs des assemblées de Province depuis 1989 ont été :
La provincialisation s'est faite en 1989 dans l'optique d'une partition politique de la Nouvelle-Calédonie :
la Province des îles Loyauté est très largement dominée par les indépendantistes du FLNKS, avec une opposition traditionnelle entre l'Union calédonienne, généralement majoritaire, et le Palika, qui bien qu'adversaire de l'UC lors des élections s'allie à elle généralement à l'assemblée. L'UC a pratiquement toujours détenu la présidence de province, sauf de 1995 à 1999, ainsi que la mairie de Lifou depuis 1983, à l'exception d'une courte période de 1993 à 1995. Ce parti détient également la mairie d'Ouvéa de 1989 à 2001, de 2008 à 2014 et depuis 2020, en alternance avec le Palika qui contrôle pour sa part la commune de 2001 à 2008 et de 2014 à 2020. Il s'agit également de la terre d'implantation du petit parti indépendantiste non-FLNKSLibération kanak socialiste (LKS) de Nidoïsh Naisseline, défunt grand-chef de Guahma sur l'île de Maré, dont il détient la mairie pratiquement sans discontinuer jusqu'en 2014, entrecoupé par trois magistratures de l'UC (de 1995 à 2001 et depuis 2014). Depuis sa création en 2007, le Parti travailliste de Louis Kotra Uregei, syndicaliste et indépendantiste radical originaire de Tiga, réalise de bons scores électoraux, quoique légèrement en baisse en 2014 et 2019. Les anti-indépendantistes, qui se maintenaient généralement à deux élus sur quatorze à l'Assemblée de province grâce notamment à une certaine implantation sur l'île d'Ouvéa (terre natale de l'ancien sénateur RPR puis UMPSimon Loueckhote) ou à Lifou (île d'origine d'un autre ancien sénateur RPR, Dick Ukeiwé, ou de l'ancien maire de 1971 à 1983 Robert Paouta Naxué), n'ont plus depuis les élections provinciales de 2009 aucun conseiller provincial. Le camp loyaliste ne conserve d'ailleurs que deux élus municipaux aux Îles : un du LMD (parti de Simon Loueckhote fondé en 2008) puis des Républicains calédoniens à Ouvéa depuis 2008 (Simon Loueckhote, déjà conseiller municipal de 1983 à 2008, a retrouvé son siège en 2014), un de Calédonie ensemble à Lifou depuis 2014 (Jean-Éric Naxué, fils de Robert Paouta Naxué).